Le site de la cathédrale fut utilisé par
plusieurs édifices religieux successifs, à partir de l'occupation
romaine. Un sanctuaire romain dédié au dieu Mars a été élevé sur
cette emplacement jusqu'à une date inconnue. On sait qu'une cathédrale
fut élevée par l'évêque de Strasbourg saint Arbogast, à la fin du
VIIème siècle, sur la base d'un temple dédié à la Sainte
Vierge, mais aucun vestige n'a été conservé jusqu'à aujourd'hui.
La cathédrale primitive fut remplacée durant le VIIIème
siècle par un édifice plus important, terminé sous le règne de Charlemagne.
Le testament de l'évêque Rémi, daté de 778, atteste de sa volonté
d'être inhumé dans la crypte. C'est certainement dans l'édifice
que sont prononcés les serments de Strasbourg. Les fouilles menées
récemment révèlent que cette cathédrale carolingienne possédait
trois nefs et trois absides. Un poème décrit cette cathédrale, ornée
d'or et de pierreries par l'évêque Ratald. La cathédrale est la
proie des flammes à de multiples reprises, en 873, 1002 et 1007.
En 1015, l'évêque de Strasbourg Werner de Habsbourg, et l'empereur
Henri II posent ensemble la première pierre d'une nouvelle cathédrale
sur les ruines de l'édifice carolingien. Werner construit une cathédrale
de style ottonien, mais celle-ci brûle en 1176, car les nefs sont,
à l'époque, couvertes d'une charpente en bois.
L'Humanisme et
la Réforme gagnent Strasbourg au XVIe siècle et vont largement marquer
la ville. Strasbourg est une des premières villes qui appelèrent
au changement. Les thèses de Luther sont affichées dès 1518 aux
portes de la cathédrale et les écrits luthériens se propagèrent
rapidement grâce aux imprimeurs. La ville adopte la Réforme La cathédrale
est soumise au culte protestant à partir de 1521 (sauf pendant la
décennie 1548-58). S'en suit une guerre entre les évêques protestants
et catholiques, qui précède la guerre de Trente ans. A cette occasion,
coupée du Saint Empire romain germanique, la ville de Strasbourg
s'offre à Louis XIV, en 1679. Deux ans plus tard, la cathédrale
est rendue au culte catholique. L'introduction de la Réforme mit
fin à la production artistique qui se trouva privée d'un de ses
principaux mécènes habituels : l'Église catholique. Une quarantaine
d'autels ont ainsi disparu de la cathédrale durant cette période.
Au siècle suivant, peu de temps après l'investissement de Strasbourg
par les troupes de Louis XIV, en septembre 1681, la ville restitua
la cathédrale Notre-Dame aux catholiques, ainsi que quarante autres
églises. Le jubé fut détruit en 1682 lors de la réintroduction du
culte catholique qui suivit le rattachement de Strasbourg au Royaume
de France. Il datait du XIIIème siècle.
Le puits à margelle de la cathédrale appelé
"Kindelsbrunnen" ou "Taufbrunnen" en alsacien, ce qui signifie "le
puits aux enfants" ne fut fermé avec une dalle qu'en 1766, car il
gênait les processions. Il est à l'origine de nombreuses légendes.
Les arcades ou galeries latérales destinées à cacher les boutiques
des marchands ont été construites de 1772 à 1779 par l'architecte
Jean-Laurent Goetz. Elles sont l'une des dernières manifestations
du style gothique en France. En 1792, à la suite de la Révolution
française, 235 statues sont détruites par les iconoclastes. Certaines
cloches sont descendues et fondues pour en faire des canons.
Jean Hermann, alors directeur du Jardin botanique, sauve de la destruction
une partie des statues de la Cathédrale de Strasbourg en les enterrant
dans le Jardin botanique (situé à la place occupée actuellement
par l'École des Arts Décoratifs). La cathédrale devient le temple
du Culte de la Raison et de l'Être suprême.
Jean Hermann (1738-1800) nous décrit ainsi dans ses "Mémoires" les dégâts révolutionnaires : «...Au grand portail, on démonta quinze grandes statues sur piédestaux; on abattit un grand nombre de figures représentant soixante et dix faits historiques de la Bible, taillées dans des cannelures en bosse ou bas-reliefs. On détruisit encore le grand bas-relief placé au-dessus de la porte et représentant un grand nombre de faits historiques ; vingt-quatre statues placées entre des colonnes de très petit module, très artistement travaillées ; de même douze statues appelées les musiciens. Aux deux portails latéraux, on démonta vingt-quatre statues sur piédestaux ; toutes les figures en bosse placées dans les cannelures des cintres des deux portails ; les deux bas-reliefs au-dessus des deux portails ; les trois grandes statues équestres représentant les rois Clovis et Dagobert et l'empereur Rodolphe d'Habsbourg; treize statues au-dessus de la rosace avec des figures en bas-relief, travaillées en bosse... Quatre pommes de pin, servant d'ornement aux tourelles, furent abattues ; les ignorants vandales les prenaient pour des fleurs de lis. Au portail connu sous le nom de Saint-Laurent furent abattues dix statues sur des piédestaux ; sous un baldaquin, saint Laurent couché sur un gril, au-dessus du portail ; trois autres statues dans l'intérieur du baldaquin. A la façade vis-à-vis du château royal, ci-devant palais épiscopal : quinze statues sur piédestaux ; deux bas-reliefs en bosse au-dessus des deux portes. A la prétendue croix, au sommet de la flèche, on a abattu les ornements arabesques et les extrémités regardées à tort comme des fleurs de lis. Dans la chapelle de la Croix ou de Sainte-Catherine, cinq statues...»
12 juillet 1793, on installa le télégraphe optique à bras conçu par Claude Chappe sur la plate-forme de la toiture de la cathédrale. Il sera enlevé en 1852. En 1793, les révolutionnaires, par la bouche d'un aventurier originaire de Lyon, séminariste défroqué, Jacobin et membre de la Convention Nationale nommé Antoine Téterel, exigent qu’on démolisse la flèche de la Cathédrale de Strasbourg jusqu'à la hauteur de la plate-forme. La flèche de par sa hauteur exceptionnelle de 142 mètres qui est la plus haute de toute la chrétienté ferait injure au sentiment d'égalité. Antoine Téterel animé par un excès de zèle révolutionnaire, fit par ailleurs démolir de nombreuses statues de la façade. La flèche ne dut son salut qu’à un ferronnier plein de bon sen, le citoyen Jean-Michel Sultzer, ami d'Euloge Schneider, vicaire général et accusateur public du tribunal révolutionnaire de Strasbourg. Il proposa de coiffer la flèche de la cathédrale d’un immense bonnet phrygien, symbole des Jacobins. Il insista sur l’intérêt qu’il y avait à se servir de cet immense symbole pour manifester au delà du Rhin les vertus de la liberté et de la Révolution française. Il hissa sur la flèche cet énorme bonnet phrygien en tôle rouge qui y demeura jusqu’en 1802 et que les strasbourgeois appelèrent en dialecte alsacien, le «Kàffeewärmer» (la chaufferette à café). Ce bonnet phrygien fut réclamé après la Terreur par le bibliothécaire de la ville de Strasbourg Jean-Jacques Oberlin et conservé parmi les curiosités historiques de la cité.
Au numéro 24 place de la cathédrale, sur
le pignon saillant de la maison face à la cathédrale, il y a le
buste de Jean-Michel Sultzer regardant la flèche qu'il vient de
sauver. Il est placé au-dessus d'une enseigne en fer forgé représentant
la cathédrale dont la flèche est coiffée d'un bonnet phrygien rouge.
Le 4 octobre 1801 la cathédrale est rendue aux catholiques et à
partir de 1813 débutent les grands travaux de restauration. Les
façades et la statuaire sont restituées par les sculpteurs Jean
Vallastre (1765-1833), Étienne Malade et Philippe Grass (1801-1876).
En 1823, sous la Restauration on plaça une statue équestre de Louis
XIV sculptée par Jean Vallastre dans la niche vide du quatrième
contrefort de la façade. En 1835 on installa un paratonnerre sur
l'édifice (dès 1780, Barbier de Tinant, commissaire des guerres,
avait proposé dans un mémoire à l'Académie des sciences l'établissement
d'un paratonnerre sur la flèche de la cathédrale ; et Benjamin Franklin,
rapporteur lui-même du projet avait conclu favorablement) et l'on
abaissa le parvis d'environ un mètre pour mettre en valeur la façade
principale.
Pendant l'annexion de l'Alsace-Lorraine au Troisième
Reich, le culte catholique fut provisoirement interdit dans la cathédrale
par un décret de Hitler. Son secrétaire particulier Bormann aurait
confié que le Führer comptait « transformer la cathédrale de Strasbourg
en monument national puisqu'elle était revendiquée à la fois par
les catholiques et les protestants ». La cérémonie en l'honneur
de la victoire, mêlée à un semblant de religion est organisée par
la Wehrmacht au début de juillet 1940, corrobore ces projets.
En 1944 a lieu un violent bombardement américain qui endommage
la tour de croisée (la tour de l'architecte Gustave Klotz) et le
bas-côté Nord. Dans la ville de Strasbourg enfin libérée, le 23
novembre 1944, Maurice Lebrun, spahi du 1er RMSM de la
2ème division blindée du général Philippe Leclerc de
Hauteclocque, déploya le drapeau français au sommet de la cathédrale,
faisant suite au serment de Koufra (28 février 1941) où le futur
Maréchal Leclerc fait le serment avec ses soldats de ne pas déposer
les armes avant d'avoir vu le drapeau français flotter sur la cathédrale
de Strasbourg.
La tour de croisée (la tour de Gustave Klotz)
se voit recouverte d'une charpente provisoire et d'un carton bitumé
en 1945. Elle sera restaurée et rénovée de 1988 à 1992. En 1945
également a lieu la remise des vitraux par les Américains qui les
ont retrouvés dans une mine de sel à Heilbronn en Allemagne. Ils
avaient été volés par l'occupant.