L'abbaye de Cîteaux (21)

L’histoire de Cîteaux commence le 21 mars
de l’année 1098, jour de la saint Benoît. Ayant quitté ce jour-là
l'abbaye de Molesme avec l’autorisation du légat Hugues de Die,
archevêque de Lyon, un petit groupe de vingt-et-un moines, conduit
par Robert, un ancien abbé bénédictin de Saint-Michel de Tonnerre,
apparenté à la grande famille des sires de Maligny, arrive dans
l’alleu de Cîteaux pour y vivre dans l’esprit de prière et de pauvreté
selon la règle écrite par Benoît de Nursie au VIème siècle.
Robert et ses disciples trouvent dans le bas-pays dijonnais, entre
la Côte et le Val de Saône, dans une contrée peu peuplée, boisée,
aux eaux dormantes, un lieu inculte, peu accueillant, hostile même,
mais permettant la construction de bâtiments. Les terres sont cultivables
et peuvent assurer la subsistance des moines, tout en leur offrant
l’isolement et le silence propices au recueillement et à la paix
monastique. Ce lieu que le Grand Exorde a qualifié du nom de « désert
» n'est pas un lieu inhabité. À cet emplacement, propriété du vicomte
Raynald de Beaune, un cousin de Robert, provenant du patrimoine
de sa femme Hodierne, existe un petit village de serfs doté d'une
église. Le duc de Bourgogne Eudes Ier, s’accommode avec Raynald
et fait don à Robert de Molesme, au lieu-dit de la Petite Forgeotte,
non loin du Puits Saint-Robert, du terrain nécessaire à la construction
d’un novum monasterium et de ses dépendances. Bien modeste est à
l’origine l’habitat des fondateurs de ce « Nouveau Monastère »,
fait de fragiles constructions de bois, qui ne sont entreprises
qu’après que Gauthier, évêque de Chalon-sur-Saône, accorde à Robert
toute juridiction sur les lieux.
En 1109, Étienne Harding, (1060-1134)
moine d’origine anglaise, homme intelligent, érudit, habile organisateur
et administrateur expérimenté, qui fut du groupe des fondateurs
de 1098, est élu troisième abbé du Nouveau Monastère à la mort de
l’abbé Aubry (26 janvier 110910). Aux problèmes de pauvreté auxquels
il doit faire face, s’ajoutent les trop rares vocations, découragées
par une réputation de trop grande austérité. La communauté voit
fondre ses effectifs : «... et touchaient aux portes du désespoir
parce qu’ils croyaient devoir rester sans successeurs. ... ». Harding
comprend qu’il doit accepter un quotidien moins extrême pour attirer
de nouveaux postulants.
Plan cavalier de l'abbaye de Cîteaux. Issu du Dictionnaire raisonné
de l'architecture française du XIème au xVIème
siècle, par Eugène Viollet-Le-Duc, 1856.
C’est en 1112 que Bernard de Clairvaux (1090-1153),
alors âgé de vingt-deux ans, de noble famille, né à Fontaine, près
de Dijon), décide d’aller à la rencontre de Dieu et de vivre dans
l’ascèse monastique la plus rude. Il choisit de prendre l’habit
de moine à Cîteaux. Trente compagnons, parents ou amis, le suivent
dans sa retraite. Dès son arrivée, la communauté connait un prodigieux
essor grâce à son extraordinaire rayonnement et à son action. La
personnalité charismatique de Bernard, le maître spirituel incontesté
de Cîteaux, marquera l'histoire de l'Ordre durant la première moitié
du XIIème siècle et attirera de nombreux convertis. La
communauté devient florissante et l’espace manque pour y loger les
religieux. Il faut essaimer..
Quatre colonies sont créées presque
en même temps aux extrémités de la Bourgogne. En 1113 c'est La Ferté-sur-Grosne
au diocèse de Chalon-sur-Saône. En 1114 c'est Pontigny au diocèse
d’Auxerre. En juin 1115, Bernard lui-même est envoyé avec douze
de ses compagnons pour fonder, au diocèse de Langres, sur les terres
d’un cousin châtillonnais, près de Laferté-sur-Aube, l’abbaye de
Clairvaux. En même temps part une autre colonie monastique pour
fonder l’abbaye de Morimond, également au diocèse de Langres.
La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond
seront les quatre « filles de Cîteaux » dont sortiront les rameaux
de l’Ordre cistercien. L'influence de Bernard dans l'expansion de
l'Ordre est décisive. Les quatre filles de Cîteaux ont leurs filiales,
mais de Clairvaux nait le plus grand rameau de l’Ordre. À la mort
de Bernard, trois cent quarante-et-une maisons, filiales de Clairvaux
sont établies. L’Ordre de Cîteaux gagne toute l'Europe : dans les
provinces françaises, en Angleterre, en Allemagne, en Bohême, franchissant
les Alpes et les Pyrénées. L'Ordre comptera jusqu'à sept cent soixante-deux
monastères.L'ordre cistercien comptera plus de mille abbayes en
Europe et en Palestine. En 1608, l'abbaye fonde le village de Saint-Nicolas
en faisant appel à des colons de Lorraine. En 1636, l'abbaye est
ravagée par Gallas. Au début du XVIIème siècle siècle,
pour pallier les difficultés résultant des guerres et des pillages
de l'époque, le 52e abbé de Cîteaux, dom Nicolas II de Boucherat,
fait venir sur son domaine 23 familles (36 hommes) originaires de
Lorraine. À chacune, il offre une parcelle de 100 journaux (34 hectares)
de terre située dans la forêt, à environ 4 km de l'abbaye. Les familles
s'engagent à les défricher et à les mettre en culture dans les 15
ans. Elles devront reverser une partie de la production à l'abbaye,
et s'acquitter de corvées, sous peine de sanctions1. Cette "installation"
est à l'origine du village actuel. Le 31 octobre 1608, la charte
de fondation est signée dans la salle capitulaire. Le village ainsi
créé prend le nom de l'abbé : Saint-Nicolas. À la Révolution, l'abbaye
de Cîteaux est supprimée et le village de Saint-Nicolas est temporairement
appelé Unité2. En 1841, la féministe belge Zoé de Gamond et Arthur
Young, un disciple de Fourier, établissent dans les bâtiments délaissés
un phalanstère. En 1846, l'abbé Rey y installe une colonie agricole
pénitentiaire qui est dissoute à la fin du XIXème siècle.
En 1898, le monastère est donné aux trappistes.
L'abbaye dans les tourmentes
Toute l’abbaye, hormis l’église, brûle en
1297. Les saccages se succèdent de siècle en siècle. En 1350 et
1360, sévissent les routiers, et cinq ans plus tard routiers ou
Grandes Compagnies réapparaissent. Chaque fois les moines trouvent
refuge à Dijon. Le rattachement du duché de Bourgogne à la couronne
de France coûte, en 1476, une nouvelle dévastation de l’abbaye par
les troupes du duc Maximilien, qui occupent Beaune. Les guerres
de religion font de l’abbaye la cible des colonnes de militaires
: à la fois un objectif religieux, mais aussi une source de richesses.
En 1574, l’abbaye connaît le pillage des huguenots avec, à leur
tête, le prince Henri de Condé et le duc de Bavière Jean Casimir.
Il en coûte 3 000 écus de rançon à l’abbé pour éviter une ruine
complète. En 1589, les soudards du duc de Charles de Mayenne, chef
des ligueurs et gouverneur de Dijon, passent par Cîteaux et s’en
prennent à l’abbaye. Ils sont suivis de près par ceux du comte de
Tavannes, le chef du parti huguenot. Ils emportent les cloches de
la basilique, pour être transformées en canons, ainsi que les chevaux,
les juments, les bœufs, les moutons, les meubles, le linge, la vaisselle,
le vin et autres denrées. En 1595 la guerre fait rage entre Henri
IV et le duc de Mayenne. Un détachement du maréchal Biron, duc et
pair, compagnon d’Henri IV, chargé de prendre aux ligueurs des places
fortes de Bourgogne, dont celle de Beaune, passe par Cîteaux, qui
est une nouvelle fois saccagée. La couverture de plomb qui recouvre
la basilique est arrachée. L’abbaye possède alors un haras de juments
comptant cent mères portantes. Après leur départ, il n’en reste
plus que cinq ou six. Pour relever les ruines, les moines vendent
quelques-unes de leurs propriétés : Pommard, Ouges, etc. Par lettres
patentes, Henri IV reconnait à 200 000 livres le montant des dégâts
subis par l’abbaye de 1590 à 1595. Un demi-siècle plus tard, en
1636, les troupes de Gallas font une intrusion dévastatrice dans
une Bourgogne laissée sans défense par le départ des troupes de
Condé, après le siège manqué de Dole. L’abbaye est pillée et les
archives détruites en partie. Richelieu pourtant « cardinal-protecteur
de l’Ordre » ne fait rien pour relever la Maison-mère de ses ruines.
L’abbé dom Vaussin fait lever des contributions sur les autres monastères
de l’ordre pour restaurer le monastère fondateur.
Saint Bernard de Clairvaux
Saint Bernard de Clairvaux
Bernard de Clairvaux naît à Fontaines
les Dijon en 1090. saint Bernard de Clairvaux est le
troisième fils de Tescelin le Roux et D'Aleth de Montbard.
Tescelin, son père, est de petite origine nobiliaire
au service du duc de Bourgogne. Comme tous les chevaliers
de son rang, il cherche une alliance prestigieuse. Aleth
de Montbard, sa mère, appartient à une puissante famille
seigneuriale qui possède des biens en Bourgogne et en
Champagne. A sa mort, elle fut enterrée dans la crypte
Saint Bénigne à Dijon, honorée et accompagnée par de
hauts membres du clergé, évêques et abbés. Presque comme
une sainte et bien avant saint Bernard de Clairvaux.
Son fils fait ses études chez les chanoines de Saint
Vorles à Châtillon sur Seine. Son père y tient le château
pour le compte du duc Hugues II. Il s'exerce aux matières
de l'époque : le trivium et le quadrivium. Il semble
que saint Bernard de Clairvaux se destinait à des études
littéraires avant d'entendre l'appel monastique.
En 1112, Bernard de Clairvaux se présente à Cîteaux
pour y devenir moine avec deux de ses frères, un oncle
et des amis. Plus tard saint Bernard de Clairvaux convaincra
son père, des frères et sœurs, ainsi que d'autres amis
: la noblesse volontairement rentre dans les ordres.
En effet, une des caractéristiques de l’ordre de
Cîteaux, au début, réside dans l’origine des hommes
qui rentrent dans l’ordre : ce sont des nobles qui généralement
ont déjà eu une autre vie avant la vie monastique. Chevaliers,
seigneurs ayant déjà guerroyé. Ce ne sont plus comme
à Cluny des enfants confiés à un monastère par piété
familiale ou autre raison. En 1115, après un noviciat
fort court, Etienne Harding, l'abbé de Cîteaux, confie
à Bernard de Clairvaux la fondation d'une autre abbaye
pour approfondir la réforme spirituelle. Le lieu choisi
sera Clairvaux, anciennement nommé le Val d’Absinthe.
C'est une réussite : un juste équilibre entre travail
manuel et intellectuel, rythmé par le silence et les
prières communautaires en font le succès. Bernard de
Clairvaux est fait abbé par l'évêque de Châlons, Guillaume
de Champeaux, dont saint Bernard de Clairvaux devient
l'ami.
Apparition de la Vierge à Saint Bernard de Clairvaux
- Bartolomé Esteban Murillo (1618-1682)
En 1119, Fondation de l'abbaye
de Fontenay, seconde fille de Clairvaux. L'ordre s'organise
sous l'autorité et la personnalité de saint Bernard
de Clairvaux et la spiritualité particulière de l'école
cistercienne connaît un grand succès.
En 1128 a
lieu Le concile de Troyes , son but est de fixer la
règle du nouvel ordre crée en Palestine, les pauvres
chevaliers du Christ. Il deviendra l'ordre du Temple.
Parmi les neufs premiers chevaliers, on trouve un oncle
de saint Bernard de Clairvaux , André De Montbard. Participants
à ce concile les cisterciens sont bien représentés avec
Hugues de Mâcon l'abbé de Pontigny, saint Bernard de
Clairvaux lui-même mais aussi Etienne Harding l'abbé
de Cîteaux.
Le concile approuve la règle du nouvel
ordre : elle tente de concilier la règle de Saint Augustin
avec les nécessités de la vie militaire. En 1129, Hugues
de Payns, maître de l'ordre du Temple, sollicite saint
Bernard de Clairvaux pour qu'il appuie l'ordre et adresse
une exhortation aux frères templiers. Après trois demandes,
saint Bernard de Clairvaux rédige ''la louange de la
nouvelle milice''. A cette époque, saint Bernard de
Clairvaux travaille lui-même à la rédaction des ''sermons
sur le cantique des cantiques''.
En 1130, le roi
de France Louis VI réunit à Etampes un concile auquel
participe Bernard de Clairvaux pour conforter le pape
Innocent II face au schisme de l'antipape Anaclet. Cîteaux
et Cluny soutiennent le pape. Bernard de Clairvaux devient
pour les huit années qui suivent le principale avocat
d'Innocent II. Celui-ci rencontre saint Bernard de Clairvaux
à l'abbaye de Saint Benoît sur Loire et le charge de
défendre sa cause face aux partisans d'Anaclet. Alors
commence pour saint Bernard de Clairvaux une campagne
qui le mènera à travers la Flandre, la Normandie, l'Aquitaine,
l'Allemagne et l'Italie.
En 1131, il rencontre Henri
I Beauclerc, roi d'Angleterre et duc de Normandie qui
se rallie à la cause d'Innocent. En 1132 à Poitiers,
Bernard essaie de convaincre Guillaume X duc d'Aquitaine
d'abandonner la cause d'Anaclet. Il n'y parvient pas
et adresse un réquisitoire à tous les évêques d'Aquitaine
contre l'évêque d'Angoulême, principal responsable du
schisme dans la région. En 1133 en Italie, Il rallie
des princes italiens et assiste au couronnement du nouvel
empereur du saint Empire : Lothaire. Celui-ci devient
l'allié théorique d'Innocent. En 1134 à Parthenay, il
rencontre et réussit à rallier Guillaume X d'Aquitaine.
La légende raconte que c'est au cours d'une messe dite
en l'église du Couldre que l'épisode a lieu. Au moment
de l'élévation de l'hostie, Bernard a l'idée de se retourner
et majestueusement porte l'hostie devant Guillaume X
qui écoutait la messe sur le parvis car excommunié.
Vivement impressionné, celui-ci s'agenouille et Bernard
lui tient un sermon. Guillaume demande pardon. et le
voici réconcilié avec l'église, la levée d'excommunication
viendra plus tard, et il se rallie à Innocent II.
En 1135, après avoir traversé les pays rhénans et
la Suisse, Bernard de Clairvaux revient en Italie pour
tenter de régler les différents entre le pape et l'empereur
d'une part et Roger II roi de Sicile d'autre part, qui
reste un farouche opposant d'Innocent II. Anaclet meurt
le 25 janvier 1138 et avec lui le schisme disparaît;
Bernard de Clairvaux va pouvoir se consacrer à nouveau
à Clairvaux, à son ordre, aux sermons et prédications,
mais aussi à combattre les thèses d'Abélard.
Bernard
De Clairvaux est devenu l'arbitre auquel on fait appel.
Il est de tous les litiges et de tous les conciles.
saint Bernard de Clairvaux est même présent lors de
la signature de certaines chartes. Bernard de Clairvaux
rencontre Aliénor d'Aquitaine à Saint Denis en 1144.
On dit qu'il ne l'appréciait guère Auparavant saint
Bernard de Clairvaux aura converti à la vie monastique
de nombreux étudiants à Paris en 1140 mais aussi ailleurs.
Tout au long de ses voyages, inlassablement, saint Bernard
de Clairvaux harangue et convertit. En 1145 Bernard
de Clairvaux effectue un long périple à travers le sud
de la France pour lutter par la parole contre les hérésies
en général et plus particulièrement l'hérésie ''henricienne''.
saint Bernard de Clairvaux passera par Poitiers, Bordeaux,
Sarlat, Périgueux, Cahors, Toulouse et Albi. saint Bernard
de Clairvaux ne réussira pas et sera même hué dans certaines
villes. Mais Bernard de Clairvaux ne réussit pas à convaincre.
Il faut noter qu'en cette occasion saint Bernard de
Clairvaux ne se montrera nullement violent vis à vis
des hérétiques.
En 1146, la seconde croisade est
voulue par le pape Eugène III et le roi Louis VII. Elle
sera conduite par Louis VII et l'empereur du Saint Empire
Conrad. Elle se terminera par un échec. Suger, qui n'approuvait
pas cette croisade, opposait au roi l'intérêt de l'état.
Quand à Bernard de Clairvaux il n'était peut-être pas
présent à Vézelay lors de l'appel. Néanmoins, ou bien
le pape réussit à le convaincre ou bien il lui en donna
l'ordre : saint Bernard de Clairvaux mis sa fougue au
service de la popularité de la croisade. Bernard de
Clairvaux alla même participer à la Diète de Francfort
réunie pour l'organisation de la croisade. Lui-même
n'a jamais voulu la croisade et pourtant saint Bernard
de Clairvaux subira les critiques de l'échec et les
attaques de ses ennemis. Mais Bernard de Clairvaux sait
que les foules ferventes qu'il avait rassemblées ont
été mal conduites par des chefs médiocres : ''Malheur
aux chefs responsables ! Ils n'ont rien su faire de
bon'' écrit saint Bernard de Clairvaux à son oncle André
de Montbard devenu maître de l'ordre du Temple. D'ailleurs,
c'est peut-être dans cette lettre que saint Bernard
de Clairvaux montrera toute son amitié et son affinité
avec l'ordre. Cette lettre est un véritable ''ordre
du jour'' dans laquelle saint Bernard de Clairvaux met
tout son enthousiasme à remonter le moral des chevaliers
qui sont en droit de se poser bien des questions.
En 1147, Suger prévoit une nouvelle expédition.
A Chartres, saint Bernard de Clairvaux est nommé chef
de cette expédition et il accepte cette charge ! Mais
le départ n'eut jamais lieu. Il meurt le 20 août 1153
dans son abbaye de Clairvaux et Il est canonisé en 1174
et devient ainsi saint Bernard de Clairvaux. Il est
déclaré docteur de l'Église en 1830 par Pie VIII.
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