Ce monastère, renommé par la beauté de ses sites pittoresques, par son ancienneté et par l'étendue de ses bâtiments est situé au fond d'une vallée sauvage donnée, en 1084, par saint Hugues, évêque de Grenoble à saint Bruno, qui y institua l'ordre des chartreux. Deux chemins conduisent à ce monastère l'un, scabreux et difficile, passe au Sapey, et n'est praticable que pour les personnes à cheval, il traverse une forêt continuelle de sapins, et offre de charmants points de vue sur la délicieuse vallée de Grésivaudan. L'autre chemin beaucoup plus long, est tracé dans une vallée très resserrée où coule l'Isère, en passant par les villages de la Buisserale, de St-Robert et de Voreppe ; au delà de cet endroit, il s'enfonce entre deux montagnes dont l'une, à gauche, est cultivée jusqu'au sommet, l'autre, à droite, presque partout inculte et couverte de forêts de sapins, est sillonnée de profonds ravins qui la rendent inaccessible. Ce chemin aboutit au bourg de St-Laurent-du-Pont, bâti au milieu de montagnes à pic d'une élévation prodigieuse. A peu de distance de ce bourg, on trouve le hameau de Fourvoirie, qui offre un point de vue extrêmement pittoresque. Bientôt la vallée se resserre tout à coup les deux montagnes se rapprochent et perdent dans les nues leurs cimes devenues presque verticales. En avançant encore, il faut nécessairement après avoir franchi le torrent sur un horrible pont jeté d'une montagne à l'autre, passer sous une voûte étroite fermée par une double porte, sous laquelle le chemin semble fuir ; c'est le seul passage qu'on aperçoive c'est la première entrée de ce désert. Au de là de cette double porte, le chemin se rétrécit davantage, les montagnes s'élèvent à une telle hauteur, qu'on peut à peine voir le ciel. La route est presque partout taillée dans le roc ; il a fallu établir creuser à une grande profondeur un mur très-épais pour soutenir le chemin dans les endroits les plus dangereux, des blocs de rochers, placés sur le bord du précipice servent de parapets, ailleurs le rocher a été taillé en voûte, de manière à s'opposer au passage de toute espèce de voiture. On marche pendant plus d'une heure en longeant à gauche et remontant le torrent du Guiers-Vif qui va former avec le Guiers-Mort la rivière des Echelles. On l'entend sans cesse lutter contre les rochers qui lui disputent le passage mais on ne l'aperçoit que par intervalles, à travers l'épaisseur de la forêt, et dans un effroyable abîme, dont un seul faux pas peut vous faire mesurer la profondeur.
On avance dans l'obscurité de la forêt, toujours
entre la montagne et le torrent, jusqu'au deuxième pont qui était l'ancienne
entrée des chartreux, et qui se trouve à 4 kilomètres du premier. Ce
dernier pont franchi, on côtoie la rive opposée et l'on n'a plus que
2 kilomètres de forêt avant d'arriver au couvent. Même horreur, même
ombrage impénétrable à l'astre du jour, même profondeur des précipices,
même hauteur des montagnes. La fraîcheur dont on jouit ajoute, dans
la saison des chaleurs, un charme de plus à toutes les sensations qu'on
éprouve. Enfin la vallée s'évase un peu, la forêt cesse entièrement
et l'on se trouve dans une vaste prairie au fond de laquelle l'œil mesure,
avec toute l'immensité des bâtiments, une partie du désert dont ils
occupent le centre.
Ces bâtiments de l'ancien chef d'ordre des chartreux
sont d'une architecture noble, simple et solide. Tels qu'on les voit
aujourd'hui, ils ont été élevés vers 1678, sous le généralat de dom
Innocent le Masson, après un incendie qui venait de détruire pour la
huitième fois la maison. Adossés contre la montagne qui borde la rive
gauche du torrent, ils n'ont d'autre aspect que la coupe très rapprochée
qui s'élève sur l'autre rive. La prairie dont ils sont entourés l'est
elle-même par la forêt qui couvre toute cette haute région.
La façade est embellie par des jardins en terrasse
on voit dans la cour, qui est assez grande, deux bassins d’eaux vives
avec des jets qui s'élèvent à plusieurs pieds. Le monastère se compose
de deux grands édifices en forme de parallélogramme dont l'un est dirigé
obliquement contre l'autre et forme avec lui un angle aigu. Le premier
a environ 300 mètres de longueur sur 17 mètre de largeur. Une longue
galerie conduit, d'un côté, aux maisons de chacun des grands officiers
de l'ordre; celle du général occupe l'extrémité de cette galerie. A
droite sont les cuisines et le réfectoire. L'église est placée au centre.
Au premier étage se trouvent la salle capitulaire, les chambres des
frères, et des logements pour les prieurs qui étaient appelés au chapitre
général. Le second corps de logis peut avoir 400 mètres de long sur
17mètres de large : cette partie des bâtiments forme le cloître, contre
lequel sont rangées les cellules des religieux au nombre de 54, et la
Correrie, où se trouvaient les écuries, les greniers, l'infirmerie,
des ateliers pour toute sorte d'industrie, et jusqu'à une imprimerie.
Le cloître est composé de trois cours parallèles le cimetière au centre
duquel s'élève une grande croix de pierre, occupe celle du milieu ;
une multitude de petites arcades à vitres plombées éclairent ces longs
corridors. Quatre fontaines, d'une eau aussi froide que la glace interrompent
seules le silence qui règne sous ces voûtes. Tous les bâtiments sont
entourés de jardins et de cours assez vastes et fermés par un mur. L'église
n'offre rien de remarquable. On visite dans l'intérieur la salle du
chapitre, longue de 15 à 16 mètres et large de 9 à 10 mètres, et dont
le fond est occupé par une chaire d'où les généraux haranguaient le
chapitre assemblé ; les cuisines, où se trouvent de longues tables en
marbre, les appartements des étrangers, les caves fraîche est spacieuses
et la fromagerie.
En remontant le torrent par un chemin ombragé large
et assez commode, on arrive en un quart d'heure à la cellule de saint
Bruno, aujourd'hui convertie en chapelle, au-dessous de laquelle est
une grotte qui renferme une fontaine. Non loin de la Grande-Chartreuse
on remarque la grotte du Trou-du-Glaz, ou de la Glace, parce qu'elle
en conserve souvent toute l'année. Sa longueur est de 240 mètres. Elle
renferme des stalactites d'une grosseur énorme et d'une assez belle
transparence.
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