Saint-Seine l'Abbaye, 27 kilomètres ait nord-ouest
de Dijon, est un bourg bien bâti, mais très resserré au milieu d'une
profonde vallée, dans une situation pittoresque, Il possède deux places
publiques, une belle promenade plantée de marronniers et des fontaines
magnifiques, alimentées par deux sources qui jaillissent à peu de distance.
Saint-Seine doit son origine à la célèbre abbaye qui fut fondée en cet
endroit, en 534, par le saint de ce nom. Fils du comte de Mémont, qui
avait, dit-ont épousé une princesse du nom de Sequana, saint Seine naquit
vers l'an 514. Dès son enfance, il manifesta un goût particulier pour
la retraite et pour les plus rudes austérités contrariées dans sa vocation
par sa famille, il se retira dans le bourg de Verrey, où il se livra
avec tant d'ardeur aux rigueurs de la pénitence, qu'il finit par vaincre
l'opposition de ses parents. A douze ans, il ne prenait aucune nourriture
avant d'avoir récité tout le psautier ; à quinze ans, quand il fut consacré
par le vieux prêtre Eustadius, sa maigreur était telle que le vieillard
lui ordonna, dit la légende, modicum vinum propters stomachum.
Après avoir étudié avec saint Jean de Réome, un de ses parents, nommé
Thiolaifus, le détermina dans le choix de sa solitude en faveur de ce
désert, alors rempli de diables et larrons. La sainteté du jeune abbé
et de ses moines chassa promptement les uns et convertit les autres,
qui devinrent l'édification du couvent, sur lequel les miracles de saint
Seine attirèrent bientôt les libéralités des princes et des seigneurs.
Les moines, à son exemple, défrichèrent autour de l'abbaye plusieurs
lieues de terrain, sur lequel dès lors des habitations, réunies plus
tard en villages, ne tardèrent pas à s'élever pour abriter le grand
nombre de pèlerins et de malades qui venaient en foule à l'abbaye chercher
remèdes à leurs maux et bons avis à leurs griefs. Saint Seine mourut
en 580. Ses reliques, conservées avec soin, furent portées à Saint-Bénigne
de Dijon, le 8 juin 162'0, pour obtenir la cessation d'une sécheresse
qui menaçait de famine la Bourgogne ; on y compta 3 060 jeunes filles,
vêtues de blanc, marchant pieds nus et suivies d'une foule immense ;
la ville leur donna un grand diner, au sortir duquel la procession reprit
le chemin de Saint-Seine avec les reliques, qui ont été dispersées en
1794. L'abbaye de Saint-Seine eut à partager, pendant sa longue existence,
les vicissitudes des temps qu'elle traversa pillée en 731 par les Sarrasins,
qui furent défaits l'année suivante par Charles- Martel, rétablie 46
ans après, elle comptait plus de cinq cents moines dès la fin du règne
de Charlemagne. Elle fut ruinée par les Hongrois sous Raoul, comme on
l'apprend par la chronique de Bèze, et reconstruite en 981 par le célèbre
abbé Guillaume, Au XIIème siècle, ses richesses étaient immenses
et ses bienfaits aussi ; elle possédait quarante villages, comme on
le voit dans une bulle d'Alexandre III, et avait établi sur ses terres
plusieurs hospices, des léproseries et des écoles. L'abbé de Saint-Seine
tenait à la cour des ducs le rang d'un prince ; il avait parmi ses officiers
un chambellan, un maréchal, un maître queux, un chapelain, un saucier
pour le poisson, un sartre ou tailleur, un barbier, un organiste, un
fontainier, etc.
Enrichi par les croisades et par la piété des ducs,
l'abbé assista Hugues IV dans ses guerres contre Thibaut, comte de Champagne,
et fit marcher à son aide en 1288 les milices de l’abbaye.
Plus tard,
le roi Jean permit à l'abbé de se fortifier, contre les Anglais, de
pont-levis, guérites et barbacanes; dont on voit encore quelques vestiges
près de l’église paroissiale, où l'on montre un passage sous une petite
tour appelée Porte au Lion.
Cependant les châteaux de la Margelle
et de Moloy, qui furent élevés vers le même temps, servaient le plus
souvent de retraite aux abbés de Saint-Seine durant les guerres intestines
qui désolaient la France à cette époque. L'église de l'abbaye renfermait
plusieurs tombeaux remarquables, entre autres ceux de Guillaume de Vienne,
archevêque de Rouen, et de Richard de Jaucourt. Le corps de Philippe
le Hardi y fut aussi déposé pendant un mois en attendant que son caveau,
aux Chartreux de Dijon, fût disposé pour le recevoir. On distingue parmi
ses abbés le cardinal de Roches, en 1361 Antoine de Vienne, en 1551
; Gilbert de Beaufort, en 1610; le prince de Conti, en 1657; le cardinal
Mazarin, en 1659; Louis de Simiane, en 1695; J.-F. de La Fayette, en
1720.
Plusieurs usages singuliers étaient observés dans ce monastère.
Certain droit seigneurial, malséant pour un abbé, avait été racheté
par la chandelle des épousées, faite en forme d'étrier, que chaque
nouvelle mariée devait offrir le soir de ses noces à l'abbé. Cette offrande
allégorique devint en 1497 la cause d'un procès entre les moines et
les habitants du bourg; le parlement de Dijon permit à ces derniers
de racheter ce droit par un demi-quarteronde cire neuve. Le même
arrêt confirma le privilège des moines de faire passer leurs ânes dans
les bois communaux sans payer le droit de foresterie ; cette exception
était fondée sur une tradition que l'on retrouve dans les annales de
plusieurs monastères ; on disait que le comte de Mémont avait jadis
concédé à saint Seine, son fils, pour l'établissement de son abbaye,
tout le terrain dont il pourrait faire le tour entre deux soleils en
chevauchant le même âne. On racontait la même chose touchant la fondation
de l'abbaye de Moutiers-Saint-Jeanne. Convient-il pas de voir dans tous
les cas analogues une réminiscence des fables de l'antiquité :
Taurino quantum possent circumdare tergo?
Un autre usage
digne de remarque était celui de conduire à la fontaine de la Douix,
au milieu des bois, les processions qui avaient lieu pour obtenir de
la pluie. Le peuple ne manquait jamais de s'y rendre avec ample provision
de seaux et de poêlons, afin d'arroser copieusement le curé et les chantres,
qui étaient tenus de faire bonne contenance à l'encontre de ce déluge,
tradition lointaine et défigurée du culte des eaux, fort répandu jadis
dans les Gaules.
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