Lorsqu'on se dirige de Lyon vers Loyasse, après
avoir traversé la partie du quartier Saint-Jean qui avoisine la cathédrale,
on s'engage dans de longues ruelles qui, par des pentes très rapides,
conduisent au sommet du coteau qui borde Lyon à l'ouest.
L‘ancienne
ville romaine s'élevait sur ce versant. Les fondations antiques, et
plus encore les dispositions du terrain façonné en terrasses artificielles,
ont déterminé l'établissement de couvents, de communautés religieuses,
d'hospices et de pensionnats, construits très probablement sur l'emplacement
des anciens palais des hauts fonctionnaires, préteurs ou généraux romains.
Sur le plateau de la montagne était un temple ; selon l'opinion la plus
répandue, il était dédié à Vénus. Près de ce temple, l'empereur Trajan
avait fail construire un forum entouré de portiques et décoré de statues,
d'où était venu, pour ce lieu, le nom de Forum Vetus ou Forum Veneris
dont la corruption du langage a fait Fourvière ; ces suppositions, quoique
dénuées de témoignages authentiques, sont très vraisemblables. On sait
que ce forum servait de marché et qu'il était fréquenté par.de nombreux
visiteurs accourant de contrées lointaines pour y échanger leurs produits
c'est là qu'aboutissaient les aqueducs construits à si grands frais
et amenant l'eau du mont Pilat dans le Forez ; l'importance de Fourvière,
sous la domination romaine, est donc incontestable.
Voici comment
s'explique la piété traditionnelle et toute spéciale qui s'attache à
la modeste chapelle remplaçant aujourd'hui les portiques du temple païen
on prétend que c'est devant les idoles de ce temple que furent traînés
saint Pothin et ses pieux compagnons, quand on les somma d'abjurer la
foi sainte, et que c'est du haut de cette colline que s'élança vers
le ciel l'héroïque témoignage des premiers martyrs l'amphithéâtre romain,
témoin du sacrifice, était resté, pour les chrétiens persécutés, un
lieu do vénération et le but de leurs secrets pèlerinages, lorsqu'en
389 un édit de Théodose autorisa le culte et la nouvelle religion. Les
chrétiens, nombreux déjà et libres enfin de manifester leurs croyances,
auraient renversé les anciennes idoles et remplacé la statue de Vénus
par une image de la vierge Marie.
Jusqu'en l'an 840, selon saint
Bénigne de Dijon, le forum, désormais sanctifié, aurait conservé sa
magnificence romaine; mais, à cette époque, un écroulement causé ou
par un tremblement de terre, ou par la vétusté de l'édifice, aurait
anéanti les bâtiments, les portiques, l'amphithéâtre et tout ce qui
décorait Fourvière.
Le zèle chrétien craignit-il ou dédaigna-t-il
de lutter contre le souvenir des magnificences païennes dans l'érection
d'un nouveau temple ? La rivalité des divers ordres dont les couvents
étaient groupés sur la sainte montagne et se disputaient la possession
du nouvel autel, fit-elle obstacle à la construction d'une église, digne
de répondre à la piété des fidèles ?
Les savantes recherches des historiens de Fourvière
nous donnent peu de lumières sur ce sujet ; nous savons qu'une simple
chapelle s'éleva sur les ruines du temple qui s'était écroulé. Mais
l'empressement des pèlerins n'en fut pas moins grand; dans les afflictions
privées, dans les calamités publiques, c'est à des prières toujours
adressées à Notre-Dame de Fourvière que les populations avaient recours
combien de volumes ne remplirait-on pas avec le récit des miracles que
la foi lyonnaise attribue à la protection de sa madone !
Le premier
agrandissement de l'humble chapelle se rattache à une des plus touchantes
légendes du catholicisme, laissons l'abbé Cabour raconter, d'après Colonia,
la pieuse histoire
Un jour Tomas Becket, Guichard son ami
et le chanoine Olivier de Chavannes, se promenaient ensemble sur la
petite place de saint Jean ;la conversation tomba sur les nouvelles
construction que l’on élevait à Fourvière. Les yeux de l'exilé se portent
sur la colline « Quel sera le deuxième patron du sanctuaire ? demanda-t-il
à ses hôtes. Le premier martyr qui versera son sang répond Guichard
ou Olivier· vous-même, ajoute l'un d'eux, si vos ennemis vous procurent
cet honneur. Le saint prélat dut voir dans ces paroles une nouvelle
révélation des glorieuses épreuves auxquelles il était réservé, car
lui-même plus d'une fois il avait prédit l'issue du combat qui devait
couronner sa lutte. On sait comment vingt-six jours après son retour
en Angleterre, Thomas, rappelé par son roi, fut assassiné au pied des
autels par quatre chevaliers.
Cette légende, ajoutée à tant
d'autres, ne devait qu'accroître encore la ferveur des fidèles de proche
en proche, le renom de la sainte madone s'étendait jusqu’au-delà des
frontières du royaume; Philippe de Savoie joignait son offrande aux
tributs de la vénération nationale et dotait la chapelle de Fourvière
d'un chapitre et de riches présents.
Vers la même époque, l'héritier
de la couronne de France était atteint d'une maladie qui déjouait toutes
les ressources de l'art des plus habiles médecins; le roi son père,
Louis VII, implora le secours de Notre- Dame de Fourvière et, parmi
les ex-voto suspendus aux murailles de l'humble chapelle, on put voir
celui du monarque reconnaissant, remerciant la Vierge sainte d'avoir
conservé à son amour et à la gloire de la France son fils, qui régna
sous le nom de. Philippe-Auguste, et fut le vainqueur de Bouvines.
Rome enfin sanctionna le culte de Fourvière. En 1251, le pape Innocent
IX accorda quarante jours d'indulgence à ceux qui iraient visiter le
sanctuaire miraculeux. Un arrêté municipal, daté de 1336, assigna au
chapitre de Fourvière une place d'honneur dans les solennités publiques,
et lui confia, à titre honorifique, une des clefs de la ville de Lyon.
L'histoire nous a légué le souvenir de la dévotion
du roi Louis XI pour la Notre-Dame d'Embrun dont il portait l'image
à son chapeau. Ce culte, quelque peu superstitieux, ne put cependant
dominer la populaire influence des croyances à Notre-Dame de Fourvière;
après la lutte la plus sérieuse qu'il ait eu à soutenir, vainqueur enfin
de son puissant et chevaleresque adversaire, Charles le Téméraire, c'est
vers la sainte colline de Fourvière qu'il se dirigeait revêtu du costume
des pèlerins, c'est à sa Vierge miraculeuse qu'il adressait l'hommage
de sa reconnaissance, et, par une singulière confusion de la piété éternelle
avec les préjugés de son temps, il la créait « châtelaine de vingt-cinq
villages. »
La sauvage invasion du baron des Adrets n'épargna pas
plus l'oratoire de Fourvière que les autres édifices consacrés à la
religion. La chapelle fut rasée par les huguenots en 1551, et ne put
être relevée que dans les premières années du siècle suivant. A ces
désastres, une peste horrible vint joindre ses ravages en 1628 l'implacable
fléau décima pendant quinze ans la population lyonnaise. L'émigration
enlevait ceux que la mort avait épargnés. Lyon se trouvait menacée d'une
ruine complète, lorsque, le 8 septembre, ses magistrats prirent la résolution
de consacrer la ville à la Vierge protectrice, et vinrent solennellement,
suivis du peuple entier, renouveler leur vœu au pied de ses autels.
La tradition affirme qu'à dater de ce jour la contagion s'arrêta. Deux
siècles se sont écoulés depuis ce pacte de famille conclu entre Notre-Dame
de Fourvière et la ville de Lyon.
Des deux côtés l'alliance a été
religieusement observée. Tous les ans, à pareil jour, ce vœu est solennellement
renouvelé au sanctuaire de Fourvière en présence des délégués de toutes
les paroisses de Lyon. Les représentants de la ville, le prévôt des
marchands, les échevins, les maîtrises et corporations des métiers,
bannières en tête, y étaient autrefois conviés et y assistaient en grande
pompe. Aujourd'hui, la cérémonie n'a d'autres témoins que la foule empressée
des nombreux fidèles attirée par la consécration traditionnelle sur
la sainte colline, aux pieds du dôme qui couronne l'humble chapelle,
dont les murs, chargés d'ex-voto, recèlent le palladium de la cité.
Cette cérémonie, tout intime, se divise en deux parties le matin, à
sept heures, le renouvellement du vœu ; le soir, la bénédiction. A six
heures, le bourdon de la métropole de Saint-Jean' donne un signal auquel
répondent les cloches de toutes les paroisses. Une oriflamme est déployée
sur le clocher de Fourvière, aux pieds de la statue de la Vierge, les
trompettes se font entendre, le canon tonne l'archevêque de Lyon, entouré
de tout son clergé, apparaît en habits pontificaux sur la terrasse qui
regarde la Saône, et donne la bénédiction du saint sacrement à la ville.
Majestueux et émouvant spectacle ! Si, du haut de cette terrasse qui
émerge d'un océan de verdure, on jette les regards sur la longue et
étroite presqu'île qui s'étend entre les deux fleuves, on aperçoit de
toutes parts, depuis les dernières ondulations de la colline jusqu'aux
bords du Rhône, du palais de justice à Ainay, dans les rues, sur les
ponts, les quais et les places, une foule attentive et recueillie. A
la seconde détonation partie de Fourvière, tous les fronts se courbent,
tous les genoux fléchissent, toutes les têtes se découvrent, et du silence
universel s'élève une muette, mais fervente adoration pour Celui qui
tient entre ses mains les destinées des cités et des nations. On a essayé
de reproduire par la gravure et la photographie ce spectacle émouvant
; mais les effets obtenus sont nécessairement restés au-dessous de la
réalité. Autrefois, lorsque la Vierge n'avait en ce lieu qu'un étroit
et modeste sanctuaire, dont quelques gravures du temps ont conservé
les maigres proportions, il était d'usage que tous les samedis le prêtre
officiant bénît la ville de la tribune placée au fond de la nef.
En 1870, la ville de Lyon fit vœu d’élever un nouveau sanctuaire si
la ville était épargnée par l’invasion allemande après la défaite de
Sedan. Lyon n’ayant pas eu à subir l’occupation allemande, un élan de
générosité important permis la construction de l’actuelle basilique
qui domine la grande métropole lyonnaise.
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