Jeanne d'Arc
Jeanne d'Arc
Personnage hors du commun et consacrée héroine
nationale, Jeanne est née le 6 janvier 1412 à Domremy, une petite
commune du département de Vosges, Fille de Jacques d'Arc et d'Isabelle
Romée, elle faisait partie d'une famille de cinq enfants : Jeanne,
Jacques, Catherine, Jean et Pierre. Jeanne ,ou « Jeannette », comme
on l'appelait à Domrémy où elle grandit, fut décrite par tous les
témoins comme très pieuse ; elle aimait notamment se rendre en groupe,
chaque dimanche, en pèlerinage à la chapelle de Bermont tenue par
des ermites garde-chapelle, près de Greux, pour y prier. Les témoignages
de ses voisins lors de ses futurs procès rapportent qu'à cette époque,
elle fait les travaux de la maison (ménage, cuisine), du filage
de la laine et du chanvre, aide aux moissons ou garde occasionnellement
des animaux quand c'est le tour de son père. Les réponses qu'elle
a faites à ses juges, conservées dans les minutes de son procès,
révèlent une jeune femme courageuse, dont le franc-parler et l'esprit
de répartie se tempèrent d'une grande sensibilité face à la souffrance
et aux horreurs de la guerre, comme devant les mystères de la religion.
Jeanne, fillette illettrée, pieuse et gaie, ne se distinguait pas
de ses compagnes de jeu, jusqu'a ce qu'en 1425 - l'année où l'on
apprit l'échec anglais devant le Mont-Saint-Michel - elle eut ses
premières apparitions de saint Michel sous l'apparence d'un chevalier,
de sainte Catherine et de sainte Marguerite.
Jeanne d'Arc
La mort de Jeanne d'Arc
Jeanne d'Arc
Le 9 juillet, Charles VII s'était emparé
de Troyes avec cette merveilleuse facilité qui partout accompagnait
l'étendard de Jeanne d'Arc. Le 15 du même mois il faisait son
entrée à Reims, et le dimanche 17, l'archevêque de Reims sacrait
solennellement le roi de France dans la cathédrale de Saint
Remi, l'antique baptistère de la royauté française. Toute la
noblesse restée fidèle à la destinée du fils de Charles VI assistait
à cette grande cérémonie, dans laquelle la France retrouvait
pour ainsi dire sa nationalité ; et le roi, sa force. Jeanne
d'Arc, qui depuis Bourges avait amené à Reims ce gentil dauphin,
comme elle l'appelait, pour poser sur son front la couronne
de France ; Jeanne, placée auprès de l'autel, tenant en main
son glorieux étendard, protégeait pour ainsi dire de sa présence
cette consécration de sa victoire. La solennité fut brillante,
ainsi qu'aux meilleurs jours de la royauté ; aucune des cérémonies
de ce grand acte ne fut omise. Après les saintes onctions, le
duc d'Alençon arma chevalier le jeune prince ; puis, conformément
aux vieilles traditions, comme pour rappeler que la religion
et l'épée étaient les véritables soutiens du trône de France,
Charles fut soulevé sur son siége par les pairs ecclésiastiques
et servi durant le sacre par les pairs laïques.
Enfin, au
moment où le roi fut sacré, Jeanne, se jetant à ses pieds, embrassa
ses genoux en versant des larmes abondantes : « 0 gentil
roi, lui dit-elle, maintenant est exécuté le plaisir de Dieu,
qui voulait que vous vinssiez à Reims recevoir votre digne sacre,
en montrant que vous êtes vrai roi et celui auquel le royaume
doit appartenir. Alors le peuple, laissant éclater ses transports,
fit retentir les voûtes des cris entremêlés de : « Vive le
roi de France Charles le septième ! Vive Jeanne d'Arc ! »
La mission de l'héroïne d'Orléans était terminée : les Anglais,
abattus par de successives défaites, cédaient à l'ascendant
victorieux des armes françaises ; Charles VII, le petit roi
de Bourges, comme ses ennemis le nommaient avec dérision, avait
ceint la couronne.
La Libération d'Orléans - Jules Eugène Lenepveu Boussaroque
de Lafont - 1819-1898
Jeanne voulut déposer son épée, retourner
aux champs qu'elle avait quittés pour sauver le pays ; mais
elle était trop nécessaire à la cause royale : on refusa de
la laisser partir. Il fallait que sa destinée s'accomplît tout
entière, il fallait que le martyre couronnât cette vie de triomphe.
Au milieu de l'enthousiasme du sacre, quand cependant elle songeait
déjà au retour, Jeanne eut comme un pressentiment de l'épreuve
que le ciel réservait à son courage et à sa résignation. Lorsqu'elle
entrait dans Reims avec le roi et que tout le peuple venait
au-devant d'eux en chantant des hymnes « 0 le bon et dévot
peuple ! dit-elle ; si je dois mourir, je serais bien heureuse
qu'on m'enterrât ici." Jeanne, lui répondit l'archevêque, qui
accompagnait le roi, où croyez-vous donc mourir ? Où il plaira
à Dieu, reprit la jeune fille ; j'ai fait du moins ce que Notre
Seigneur m'avait recommandé de faire. » Malgré ses secrètes
agitations, ses vagues inquiétudes, Jeanne obéit au roi, elle
resta ; mais, toujours pieuse, toujours dévouée, toujours intrépide,
elle n'eut plus en elle-même une semblable foi. Toutefois l'héroïne
d'Orléans continua de combattre : elle se présenta avec l'armée
royale sous les murs de Paris, et fut blessée en montant à l'assaut
; puis elle alla dégager Saint Pierre le Moustier sur la Loire,
et emporta la ville.
Enfin le duc de Bourgogne, allié aux
Anglais, étant venu assiéger Compiègne, principale place des
Français, Jeanne d'Arc, à cette nouvelle, se jette dans la place
; le jour même de son arrivée elle fait une sortie et surprend
presque les assiégeants ; mais ceux-ci, après un premier instant
de trouble, se rallient et repoussent les assiégés jusqu'au
pont. Jeanne, protégeait la retraite de ses soldats, reste la
dernière ; et, soit que dans la confusion on la crût à l'abri,
soit qu'une lâche trahison voulût, comme on l'a soupçonné, la
livrer à ses ennemis, on ferme la barrière avant que l'héroïque
jeune fille ait pu rentrer.
Jeanne d'Arc
Son costume la désignait ; bientôt elle
est entourée, tirée à bas de cheval, et saisie malgré ses efforts.
C'était un soldat picard qui l'avait prise ; il la vendit à
Jean de Luxembourg, qui, trafiquant pour lui-même et au nom
de son maître, le duc Philippe de Bourgogne, de sa noble prisonnière,
la livra à ses plus acharnés ennemis, aux Anglais. Après avoir
été, traînée durant six mois de prison, Jeanne fut enfin amenée
à Rouen et alors, sous la présidence d'un homme à jamais flétri
dans notre histoire, de l'évêque de Beauvais, Pierre Cauchon,
qui se fit le honteux instrument de la haine et de la terreur
de l'Angleterre, commença cet assassinat judiciaire que les
Anglais ont décoré du nom de procès.
Dans le cours de cette
longue procédure, Jeanne conserva presque constamment sa fermeté
devant ses juges : si on peut appeler ainsi les hommes qui siégeaient
au tribunal de Rouen. En leur présence cette jeune fille, enlevée
à ses campagnes pour aller au champ de bataille, cette enfant
qui ne savait ni lire ni écrire, si simple, disent les chroniqueurs,
que tout au plus connaissait elle son Pater et son Ave, trouva
de sublimes réponses aux demandes les plus captieuses, aux insidieuses
interrogations de ces docteurs. Ainsi, l'évêque lui demanda
si elle se croyait en la grâce de Dieu ; question subtile, qui
présentait un piège à son orgueil ou à sa pureté « Si je
n'y suis, Dieu veuille m'y mettre ; si j'y suis, Dieu veuille
m'y tenir ! » répond l'innocente accusée. Une autre fois
on lui dit : « Pourquoi portiez-vous votre étendard près
de l'autel au sacre de Charles ? Il avait été à la peine, c'était
bien raison qu'il fût à l'honneur !, reprit elle. » Dans
cette assemblée, où pas un regard bienveillant ne s'arrêtait
sur elle, jamais sa foi en son pays n'hésita, jamais sa haine
de l'oppression étrangère n'essaya de se voiler. Un jour on
lui dit : «Dieu hait il les Anglais ? De l'amour ou de la
haine que Dieu a pour les Anglais, et ce qu'il fait de leurs
âmes, je n'en sais rien ; mais je sais bien qu'ils seront mis
hors de France, sauf ceux qui y périront » réplique fièrement
l'héroïque fille. Le temps cependant s'écoulait, et l'âpre ressentiment
des Anglais ne laissait ni trêve ni repos aux juges de Jeanne
d'Arc ; il fallait à tout prix une victime à leur vengeance.
Jeanne d'Arc au bûcher - Hermann Anton Stilke - 1803-1860
La mort de l'héroïne d'Orléans était
le salut du roi ; et quand une grave maladie faillit la soustraire
au supplice par la mort, lord Warwick disait hautement :
« Le roi va mal, la fille ne sera pas brûlée ; il faut qu'elle
meure par justice, qu'elle soit brûlée. » L'orgueil hautain
de ces vainqueurs de la France ne pouvait supporter la honte
de tant de revers que Jeanne leur avait fait éprouver ; il fallut
que Cauchon se résignât et qu'il fit taire les scrupules devant
lesquels il hésitait, qu'il condamnât au plus vite. L'heure
du sacrifice enfin arriva : le 30 mai 1431 un vaste bûcher se
dressait sur la place du Vieux Marche à Rouen ; c'est là que
Jeanne d'Arc devait payer de sa vie l'honneur d'avoir sauvé
la France. Bientôt elle parut, assistée de ses deux confesseurs,
et traversa, dans une misérable charrette, la foule tremblante
sous l'épée des soldats anglais. Le cardinal de Winchester et
toute la noblesse d'Angleterre assistaient à ce triste spectacle.
Que l'impression fut différente de celle qu'ils attendaient
! Quand tout ce peuple vit arriver Jeanne d'Arc revêtue d'une
longue robe blanche, triste, épuisée, mais saintement résignée
; quand on vit cette fille, hérétique, disaient les juges, demander
instamment une croix et la serrer pieusement sur son sein, les
larmes coulèrent de toutes parts : les juges, le peuple, le
bourreau, l'évêque de Beauvais lui-même, tous pleuraient.
Jeanne d'Arc au bûcher - Jules Eugène Lenepveu Boussaroque
de Lafont - 1819-1898
Elle parvint enfin au haut du bûcher,
qu'on avait singulièrement élevé afin de prolonger le supplice
; Jeanne alors, jetant un dernier regard sur cette ville silencieuse
et immobile à ses pieds, lui accorda une parole de pardon :
« Ah ! Rouen, Rouen, j'ai grand peur que tu n'ales à souffrir
de ma mort ! » A cet instant, le bourreau mit le feu ; la
nature se réveilla un moment dans cette âme absorbée par Dieu,
Jeanne poussa un grand cri ; puis les flammes, s'élançant vers
leur proie, la dérobèrent à tous les yeux ; elle laissa tomber
sa tête en s'écriant : Jésus !, et l'ange gardien de
la France monta au ciel. Dix mille hommes pleuraient, les soldats
anglais autant que les bourgeois de Rouen ; à peine quelques
uns songèrent-ils à leur haine. Un d'entre eux, qui s'approcha
pour attiser le feu, recula aussitôt et se trouva mal. «
J'ai vu, disait-il hors de lui-même, j'ai vu de sa bouche avec
le dernier soupir s'envoler une colombe. » Le bourreau épouvanté
alla se confesser, ne pouvant croire que Dieu lui pardonnerait
; et, le jour même de cette cruelle immolation, un secrétaire
du roi d'Angleterre disait tout haut : « Nous sommes perdus,
nous avons brûlé une sainte. »
Les Voix se firent plus pressantes lorsque
les malheurs du royaume s'aggravèrent. En 1428, un coup de main
bourguignon a contraint à la fuite les habitants de Domremy ; la
famille de Jeanne s'en fut à Neufchâteau ; alors, celle-ci alla dire
au capitaine de Vaucouleurs, Robert de Baudricourt, qu'elle avait
mission de par Dieu de mener le dauphin se faire sacrer à Reims.
Entrée de Jeanne d'Arc à Orléans - Jean-Jacques Scherrer
En temps troublés, les illuminés pullulent
et la crédulité est sans bornes; Baudricourt conseilla à Laxart
de ramener sa nièce à ses parents avec une bonne gifle. La nouvelle
de la journée des Harengs et la promesse de ses Voix qu'elle délivrerait
Orléans ramenèrent Jeanne devant Baudricourt. Sceptique, mais pensant
ne courir aucun risque, celui-ci, assuré par le curé de Vaucouleurs
que Jeanne n'avait rien de satanique, accepta de l'envoyer à Charles
VII, avec une petite escorte. En onze jours, par Auxerre, Gien et
Sainte-Catherine-de-Fierbois, un lieu de pèlerinage, elle atteignit
Chinon (23 février-6 mars 1429) Jeanne finit par obtenir une audience
du roi, qui craignait d'avoir affaire à une nouvelle illuminée.
La statue de Jeanne d'Arc devant l'Eglise de Marseille
Il fut ébranlé par la constance de Jeanne
et son assurance à le reconnaître comme « fils de roy et vray héritier
de France », alors qu'il était dissimulé, sous un déguisement, parmi
les courtisans.
Un texte en Vieux François relatif à Jeanne d'Arc
An lan dessusdict (1328) vint deuers le roy Charles de France
a Chinon ou il se tenoit une pucelle jeune fille aagee de vingt
ans ou environ nommee Iehanne — laquelle estoit vestue et habillee
en guise d'homme. Et estoit nee des parties entre Bourgongne
et Lorraine (1) d'une ville nommee Droymy (Domrémi) assez pres
de Vaucoulour—laquelle pucelle Iehanne fut grant espace de temps
chamberiere en une hostellerie. Et estoit hardie de che- vaulcher
chevaulx et les mener boyre — et aussi de faire appertises et
autres habiletez que jeunes filles nons point accoustume de
faire. Et fut mise avoye et envoyee devers le roy par ung cheualier
nomme messire Robert de Baudrencourt capitaine de par le Roy
de Vaucou- lour — lequel luy bailla cheuaulx et quatre ou six
compaignons. Si se disoit estre pucelle inspirée de la grâce
diuine — et quelle es- toit envoyee deuers icelluy roy pour
le remectre en la possession de son royaulme dont il estoit
enchasse et deboute a tort — si estoit en assez poure estat.
Si fut enuiron deux moys en lhostel du roy des- susdit leql
plusieurs fois elle admonestoit par ses paroles que il luy baillast
gens et ayde et elle rebouteroit ses ennemis et exaulseroit
sa seignerie. Durant lequel teps le roy et son conseil ne adjoustoiet
point grant foy à elle ne à chose que elle sceust dire. Et la
tenoient on comme une fole deuoyee de sa sante car a si grans
princes et autres nobles hommes telles ou pareilles paroles
sont moult douta- bles et perilleuses à croire tant pour lyre
nostre Seigneur princi- paiement comme pour le blasphémé quon
pourroit avoir des par- lers du monde. Neantmoins apres quelle
eut este en lestat que dit est une espace elle fut aydee —et
luy furet baillez gens et habillemes de guerre — et esleua ung
estandart ou elle fist paindre la repre- sentation de nostre
Créateur. Si estoient toutes ses paroles du nom de Dieu, pour
quoy grant partie de ceulx qui la veoiet et oyoient parler avoient
credence et variacion quelle fust inspirée de Dieu comme elle
se disoit estre. Et fut par plusieurs fois examinee de notables
clercs et autres sages hommes de grant autorité (I). Reconnue
enfin vraye et entière pucelle, en laquelle n'apparaissait aucune
marque de corruption, ni violence, Jeanne parut aux yeux de
la France ce qu'elle se disait, une envoyée de Dieu qui devait
la relever de son abaissement. Sa présence électrisa l'armée,
et bientôt le petit roi de Bourges, comme disaient les Anglois,
put en les chassant devant lui se faire sacrer à Reims, et devenir
le véritable roi de France. On sait les malheurs de Jeanne d'Arc
et sa mort tragique; depuis le sacre, elle n'avait plus foi
en elle-même ; sa mission était accomplie; nous avons raconté
dans l'Histoire de la Normandie le terrible supplice dont elle
expia la désobéissance à ses voix qui lui conseillaient de retourner
à Domrémy après avoir fait sacrer le gentil roi. Mais sa mort
fut le signal de la ruine des Anglais ; quelques années s'étaient
à peine écoulées qu'ils ne possédaient plus en France que Calais,
leur première conquête et la plus durable.
(1) Jeanne d'Arc
est souvent désignée comme venue des marches ou frontières de
Lorraine, dans les chants populaires et même dans quelques historiens.
Mais il est constant que si la paroisse de Vaucouleurs était,
quant au spirituel, soumise à l'évêché de Toul, elle avait été
achetée par Philippe de Valois à Jean de Joinville, en 1335,
un siècle avant la naissance de Jeanne, et, après une nouvelle
réunion, attachée au gouvernement de Champagne par Charles V,
en 1365.
Il eut la prudence de faire examiner la jeune
fille à Poitiers par des théologiens; la subtilité de leurs questions
n'eut pas raison du bon sens de Jeanne. En quelle langue parlent
vos Voix? demanda frère Seguin, avec l'accent du Limousin. - Meilleure
que la vôtre, répliqua-t-elle. - Croyez-vous en Dieu? - Mieux que
vous. La droiture et la pureté de Jeanne étant vérifiées, Charles
lui donna une armure, une garde de quelques hommes, et l'autorisa
à se joindre au dernier convoi destiné à secourir Orléans. Jeanne
fit faire un étendard timbré de la fleur de lis et des mots JhesusMaria.
Elle dicta une lettre à Bedford, le sommant d'évacuer le royaume.