Clément V et la papauté à Avignon


#
Couronnement de Bertrand de Got, pape Clément V ; miniature tirée de la chronique Villani

Le conclave, réuni à Pérouse, ne siégea pas moins de onze mois. En effet le parti français (conduit par Napoléon Orsini et les Colonna) s’opposait véhémentement aux bonifaciens (conduits par les Caetani). Il était minoritaire, mais les bonifaciens se déchiraient entre eux et Philippe le Bel avait « subventionné » Orsini. Celui-ci proposa de choisir le futur pontife en dehors du Sacré Collège, ce qui coupait court aux rivalités. On se mit d’accord sur le nom de Bertrand de Got, prélat diplomate et juriste éminent. Il fut élu le 5 juin 1305, à la quasi-unanimité. Orsini s’empressa d’écrire à Philippe le Bel : « J’ai abandonné ma Maison pour élire un pape français, car je désirais l’avantage du roi et du royaume… ». Bertrand de Got était gascon, né à Villandraut, dans une famille de petite noblesse. Après avoir étudié le droit à Orléans et à Bologne, il avait embrassé la carrière ecclésiastique. Ayant un oncle évêque d’Agen et un frère archevêque de Lyon, son ascension fut rapide : chanoine à Agen, vicaire général à Lyon, puis évêque de Comminges, il devint archevêque de Bordeaux en 1299, à vingt-neuf ans ! Conseiller juridique d’Édouard Ier pour l’Aquitaine, il réussit à servir loyalement son maître tout en gardant la faveur de Philippe le Bel. Il montra la même habileté dans le conflit de ce roi avec Boniface VIII. Ses talents de diplomate et ses connaissances juridiques confortèrent l’adhésion du Sacré Collège.
Il se trouvait en tournée pastorale à Lusignan, quand la nouvelle de son élévation au Pontificat lui parvint. Elle le réjouit modérément : il se sentait malade et la situation en Italie laissait craindre le pire. Il regagna Bordeaux sans se hâter et attendit d’avoir reçu le décret de son élection pour déclarer solennellement son acceptation et prendre le nom de Clément V.

#
Héthoum de Korikos remettant à Clément V un exemplaire de La Flor des Estoires d'Orient

Il choisit ensuite d’être couronné à Vienne, ville d’empire. Cependant, sous la pression de Philippe le Bel, le sacre se déroula à Lyon. Le roi de France Philippe le bel était présent à ce couronnement qui se déroula le Dimanche 1er Novembre dans l'église de Saint Just de Lyon.Ce fut Orsini, doyen du Sacré Collège, qui posa la tiare sur la tête du nouveau pape. Lors des fêtes du couronnement, un accident apparut comme un signe néfaste pour le règne du nouveaux pontife : pendant que le Pape descendait de Saint Just vers la cité de Lyon et était mené par des Princes, un mur qui dominait la route s'écroula sur la foule et tua beaucoup de nobles qui accompagnaient le Pape, le Duc de Bretagne fut tué sous le coup et le Seigneur Charles, frère du Roi de France qui tenait le cheval du Pape de l'autre côté fut blessé gravement ; beaucoup de chevaliers périrent ainsi que de nombreux spectateurs qui assistaient au passage du cortège accompagnant le nouveau Pape. Le Pape aussi fut en danger ; sa couronne lui tomba de la tête et son cheval fut assommé par des pierres et mourut. Un rubis qui était au sommet de la couronne fut alors perdu – il coûtait 6.000 florins mais il fut retrouvé lors des travaux de déblaiement. Clément V promut de nombreux cardinaux, s’assurant ainsi une large majorité pour conforter sa position. Il abreuva Philippe le Bel de grâces, espérant par là l’amadouer. La personnalité du Capétien le fascinait et le troublait, plus encore ses desiderata qui étaient des ordres. Il refusa pourtant d’ouvrir le procès posthume de Boniface et de prescrire une enquête sur les hérésies supposées de l’Ordre du Temple. Promit-il à Philippe le Bel de résider en France ? Quoi qu’il en soit, il retourna à Bordeaux, mais en passant par Bourges !

#
Le château de Bertrand de Bertrand de Got à Villandraut (33)

Il était convenu avec Philippe le Bel d’une entrevue qu’il repoussa à plusieurs reprises. Elle n’eut lieu qu’en 1307, à Poitiers. Il fut à nouveau question de Boniface VIII et des Templiers. Tant et si bien que le séjour en France du nouveau pape fut prolongé. Le différend avec le roi d’Angleterre au sujet de la Guyenne, le conflit avec les Flamands, les luttes sanglantes entre les Colonna et les Caetani étaient pour lui autant de prétextes pour différer son départ pour Rome.
Au cours des années suivantes, le développement tragique de l’affaire des Templiers, la destruction de fait de cet Ordre prestigieux rendirent sa présence indispensable. En 1309, il décida de s’installer à proximité de Vienne, où devait se réunir le concile chargé de régler définitivement le sort du Temple. Son choix se porta sur Avignon, cité appartenant au roi de Sicile, comte de Provence. Il demanda l’hospitalité à un couvent de dominicains. Cet hébergement avait donc un caractère provisoire, presque fortuit. Le 20 avril 1314, Clément V s’apprêtait à regagner Bordeaux, quand la mort le saisit.
Avignon devint cependant capitale de la chrétienté et le resta jusqu’en 1377. La ville ne devint la propriété du Saint-Siège qu’en 1348. Clement V, dont le château se trouve à Villandraut, à proximité de Bordeaux est enterré dans l'église d'Uzeste situé à quelques kilomêtre de Villandraut.


Avignon, cité Papale

Avignon, cité Papale


La légende du Taufbrunnen
Le Palais des papes

La ville d'Avignon a été choisie à cause de sa situation politique exceptionnellement favorable : la ville appartenait aux Comtes de Provence qui étaient en même temps Rois de Naples ; mais elle était enclavée dans le Comtat Venaissin qui appartenait au Pape. Les suzerains de la ville n'étaient pas à redouter, en tant que Rois de Naples ils étaient les vassaux du Saint Siège et surtout ils avaient bien assez à faire en Italie. D'autre part, la situation géographique d'Avignon permettait des communications rapides par terre et par eau avec l'Italie ; de plus, la ville était proche de Vienne qui devait être le siège du futur concile décidé à la deuxième entrevue de Poitiers. Le choix était donc excellent

Liste des papes d'Avignon

Les Papes d'Avigon Clément V : (1305 - 1314)
La violente querelle qui opposa, au début du siècle, le roi de France Philippe IV le Bel au Pape Boniface VIII entraîna en 1305 l'élection au trône de Saint Pierre d'un prélat français, Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, qui prit le nom de Clément V. Différentes raisons, dont l'affaire des Templiers, l'amenèrent en 1309 à Avignon, ville vassale du Saint-Siège et voisine du Comtat Venaissin, propriété effective de l'Eglise depuis 1274. Il ne séjourna à Avignon que par intermittence et logea au couvent des Dominicains.
Jean XXII : (1316 - 1334)
La nette prépondérance des cardinaux français, rapidement établie au sein du Sacré-Collège, assura ensuite l'élection d'un ancien évêque d'Avignon, Jacques Duèse, qui régna de 1316 à 1334 sous le nom de Jean XXII. L'agitation violente de l'Italie, la turbulence des grandes familles et du peuple romains engagèrent le nouveau Pape à s'installer à Avignon. Il fit alors adapter le palais épiscopal, situé au voisinage de la cathédrale, pour en faire un premier palais pontifical capable d’abriter le gouvernement de l’église.
Benoît XII : (1334 - 1342)
Porté par une carrière ecclésiastique brillante, Jaques Fournier accède au pontificat sous le nom de Benoit XII dans un climat relativement apaisé. Les débuts de la Guerre de Cent Ans conjugués au discours persuasif de ses cardinaux, l’incitent à demeurer à Avignon. Il poursuit la réorganisation de la cour pontificale engagée par Jean XXII et accroît les revenus de l’Eglise. Grâce à cette manne financière, il fait ériger, par Pierre Poisson, un palais pontifical richement décoré et plus adapté aux besoins du gouvernement centralisé de l’Eglise.
Clément VI : (1342 - 1352)
Pierre Roger homme d’exception, reconnu pour ses qualités intellectuelles, son éloquence, son sens de la diplomatie et sa culture théologique est élu à l’unanimité sous le nom de Clément VI. Grand seigneur, homme d’Etat, amateur d’art, ses largesses le distinguent de ses prédécesseurs dont il dit qu’ils « n’ont pas su être pape ». Après un couronnement fastueux, en présence des princes de sang, ce grand mécène fait d’Avignon un creuset culturel et un foyer d’échanges européens. Il embellit le palais de Benoit XII et l’agrandit par l’adjonction de l’opus novum (palais neuf). En 1348, afin d’être définitivement maître des lieux, il achète la ville à la Reine Jeanne de Naples, comtesse de Provence.
Innocent : (1352 - 1362)
Etienne Aubert, éminent juriste, va fortement affaiblir le trésor par ses activités de diplomate et de bâtisseur. Il affecte d’importantes sommes à des guerres infructueuses en Italie et à la construction de nouveaux remparts autour d’Avignon pour protéger la ville des routiers de la guerre de cent ans. Il renforce la défense et la solidité de son palais et facilite les circulations dans l’édifice. On lui doit enfin la Chartreuse de Villeneuve construite à l‘emplacement de son ancien palais cardinalice. Il y est inhumé dans un splendide tombeau.
Urbain V : (1362 - 1370)
Guillaume Grimoard se distingue par sa modestie qui l’incite à limiter les excès de la curie. Il consacre son temps à la prière et manifeste une certaine défiance à l’égard de ses cardinaux. C’est d’ailleurs contre leur avis qu’en avril 1367, il retourne à Rome. Il y demeure cependant menacé par les troubles politiques. En 1370, la reprise des hostilités entre la France et l’Angleterre, le convainc de regagner Avignon où il meurt peu après son retour. Dans les jardins du palais, subsistent les vestiges de la Roma, galerie d’apparat qu’il avait fait construire.
Grégoire XI : (1370 - 1378)
Pierre Roger de Beaufort est le neveu du pape Clément VI. Cultivé et habile diplomate, il redonne toute leur importance aux cardinaux en nommant de nombreux membres de sa famille. Il retourne à Rome au début de l’année 1377. Son règne y est complexe et de courte durée. A sa mort s’ouvre une grave crise de succession qui donne naissance au grand schisme d’occident.
Le grand schisme (1378-1417)
Durant 39 ans, l’Eglise est déchirée en deux obédiences, avec un pape régnant à Rome et un autre à Avignon. Malgré des tentatives de compromis et des menaces de déposition, sept papes se succèdent en Italie et deux à Avignon.
Clément VII (1378-1394)
Pour contrer l’élection de l’italien Urbain VI, une frange de cardinaux dissidents retirés à Fondi élit un nouveau pape, Robert de Genève, qui prend le nom de Clément VII. Ce dernier revient s’installer à Avignon où il renoue avec le faste et les arts et fonde le Couvent des Célestins.
Benoît XIII (1394-1429)
Pedro de Luna élu sous le nom de Benoit XIII se retrouve à la tête d’une Eglise déchirée. Déposé à deux reprises, il s’acharne cependant à conserver la tiare. Enfermé dans le Palais des Papes, il résiste à deux sièges. Il réussit à s’enfuir en mars 1403 et se réfugie, après des années d’errance, chez le roi d’Aragon, son dernier partisan.




Plan du site - Moteur de recherche | Page Aide | Contact © C. LOUP 2017