Agnès Sorel

Agnès Sorel ou Soreau, d'une des plus illustres
maisons de la Touraine, vint au monde vers l'an 1409. Le nom de
demoiselle de Frômenteau, sous lequel elle fut d'abord connue, lui
vint de cette seigneurie que possédait son père. Les auteurs de
ses jours la laissèrent orpheline fort jeune. Nous ne ferons pas
son portrait, c'est-à-dire que, nous ne détaillerons pas ses traits
; mais nous dirons qu'on l'appelait la Belle des belles. Mme de
Mignelais, sa tante, donna les plus grands soins à son éducation.
Agnès avait environ dix-neuf ans quand elle parut à la cour
de Charles VII, roi de France. Elle en fut aussitôt la merveille.
À son éclatante beauté, se joignait beaucoup de grâce, un esprit
supérieur très-cultivé, des manières nobles et aimables. Ce qui
marquait surtout en elle, c'était de la force et de l'élévation
dans l'âme. Elle était ambitieuse et même un peu fière.
À Chinon,
où se trouvait alors le roi, la cour était considérable. On y voyait
des princes, des princesses, de grands seigneurs, d'illustres capitaines,
et de fort belles femmes. On s'y livrait aux plaisirs. Charles,
qui avait auparavant donné des preuves, était tombé depuis quelque
temps dans une sorte d'insouciance et d'inertie ; et cependant les
Anglais avaient envahi une grande partie de la France.
Le duc
de Bedfort, régent pour le jeune Henri d'Angleterre, se disant Roi
de France, avait Paris en sa possession. La ville d'Orléans, pressée
par un siège vigoureux, était aux abois. C'était dans ces circonstances
qu'Agnès Sorel était à Chinon. Charles ne l'eut pas plus tôt vue
qu'il se passionna pour elle, La jeune personne mit dans sa conduite
beaucoup de réserve et de dignité.
Son art de vivre et ses extravagances
rejettent la reine dans l’ombre. Les voiles et autres guimpes sont
abandonnés. Elle invente le décolleté épaules nues qualifié de «
ribaudise et dissolution » par quelques chroniqueurs religieux de
l’époque. De vertigineuses pyramides surmontent sa coiffure. Des
traînes allant jusqu’à huit mètres de long allongent ses robes bordées
de fourrures précieuses : martre ou zibeline. Elle met à la mode
chemises en toile fine, les colliers de perles, et autres bijoux
de grande valeur. Elle profita habilement de l'ascendant qu'elle
se sentait sur le cœur du roi, pour relever le courage de ce prince,
et le rappeler à ses devoirs de souverain.
La généreuse Agnès,
pour piquer d'honneur son royal ami, s'imagina de lui dire qu'étant
toute jeune fille, un astrologue lui avait prédit quelle serait
aimée de l'un des plus vaillants Rois de la chrétienté; que quand
le Roi lui fit l'honneur de l'aimer, elle pensait que ce fut un
Roi valeureux qui lui avait été prédit ; mais que le voyant si mol,
avec si peu de soin de ses affaires, elle voyait bien qu’elle s'était
trompée ; et que ce Roi si courageux n'était pas lui, mais le Roi
d'Angleterre qui faisait de si belles armes et lui prenait tant
de belles villes.

Je m'en vas le trouver, dit-elle au Roi,
car c'est celui duquel entendait l' astrologue .
Il est dit
que ces paroles firent tant d'impression sur le Roi qu'il se prit
à pleurer, et que laissant là tous les plaisirs, il retrouva son
courage, et se mit à la tête de ses troupes pour combattre les Anglais.
Le succès ne répondit pas à ses premiers efforts. Agnès ne se découragea
pas : elle continua à entretenir la valeur et les résolutions div
Roi qui furent utiles aux assiégés. L'immortelle Jeanne d'Arc fit
le reste. Agnès eut l'amitié pour l'héroïne. Elle fut bientôt dans
les bonnes grâces de la Reine, Marie d'Anjou, dont elle était fille
d'honneur.
La jeune favorite mit toujours beaucoup de circonspection
dans sa conduite. Elle voulait que ses rapports sensuels avec le
Roi fussent un mystère. Elle était sans ambition, et sans cupidité.
On peut dire même qu'elle était désintéressée, quoiqu'elle eût accepté
le présent que le Roi lui fit du comté de Penthièvre, à l'occasion
du de la naissance de leur premier enfant. Elle s'abstint de prendre,
suivant l'intention de son amant, le nom de sa nouvelle seigneurie.
Agnès eut le malheur, pendant une partie de sa vie, d'avoir un ennemi
capital dans la personne du dauphin Louis XI. Ce prince fut marié
en 1436. La favorite ne fut pas présente à ses noces. Il paraît
qu'à cette époque elle était à sa terre de Fromenteau, dans un état
de grossesse avancée. Etienne, le trésorier, s'y trouvait, par l'ordre
du Roi, qui l'avait chargé de constater la naissance du second enfant
de sa maîtresse, et de l'en informer aussitôt. Ce fut encore d'une
fille qu'Agnès accoucha. Elle fut appelée Marguerite de France,
Charles, instruit de l'accouchement, accourut à Fromenteau. On sait
que le Roi prenait un vif intérêt à sa belle maîtresse, et aux fruits
de leur amour. Il ne fit pas un long séjour auprès d'elle. Agnès
fut pendant plusieurs années absentes de la cour. Charles VII s'occupa
durant ce temps des affaires de son royaume. Il en visita les provinces
méridionales, et acheva, par de nombreux succès, d'abattre ses ennemis.
Son amant vint la trouver à Tours où elle l'attendait. Des fêtes
pompeuses furent célébrées à l'occasion des victoires du Roi; La
Belle des belles n'en fut pas un des ornements. Elle était alors
retirée à Fromenteau. C'était là qu'elle devait attendre le terme
de sa troisième grossesse.. Son amant .lui offrit une nouvelle résidence,
en lui donnant la maison royale de Beauté, à l'extrémité du parc
de Vincennes.

Ce fut là qu'elle mit au monde une troisième
fille, Jeanne de France. De ce moment, la favorite ne fut plus appelée
que la dame de Beauté. Etienne, le confident des amours du Roi,
avait été témoin de la naissance de Jeanne, qui depuis fut mariée
au comte de Sancerre. Agnès fut ainsi mère trois fois, dans l'intervalle
de 1436 à 1444.
En l'année 1446 Etienne fut obligé de s'éloigner
d'elle, pour aller à Londres , avec d'autres négociateurs, traiter
de la paix. Charles, pendant cette absence de son confident, se
rendit auprès d'elle. La Reine voulut l'accompagner. Cette princesse,
enchantée de l'accueil que lui fit la dame de Beauté, la combla
d'honneur. Agnès n'avait été que pendant cinq ans fille d'honneur
de la Reine. Elle en fut récompensée par de nouveaux présents, tels
que les seigneuries de Roquecezière , d'Issoudun et de Vernon sur
Seine, et le château de Bois-Trousseau à quelques lieues de Bourges.
Agnès se plaisait beaucoup dans ce château, sur les tours duquel
elle allumait des feux que le Roi pouvait voir de loin. A ce signal,
il prenait l'habit de chasseur et volait à Bois-Trousseau. Dans
ce temps, le dauphin était encore à la cour de son père, persécutant
de sa haine la belle favorite, et s'efforçant en vain d'irriter
la Reine contre elle. Le Roi, mécontent de la conduite haineuse
de son fils envers son amante, l'exila, en l'envoyant faire un séjour
de quelques mois en Dauphiné. Il était dans le caractère et la situation
d'Agnès d'être affligé de cet éloignement de l'héritier du trône.
Dans les premiers mois de 1448 le Roi, la Reine, Agnès Sorel, et
sa fille aînée entrèrent dans Paris. La Belle des belles était,
à ce qu'il paraît, tout éblouissante de diamants et de pierreries.
La dame de Beauté aimait les riches parures et la pompe des
ajustements. Elle ne passa que quinze jours à Paris. Elle dit quitter
la ville car dit-elle « Les Parisiens ne sont que vilains, et si
j'avais su qu'ils ne m'eussent pas fait plus d'honneurs je n'aurais
jamais mis le pied dans leur ville. »
Nous avons dit que la
Belle des belles était glorieuse et même un peu fière. Elle avait
d'ailleurs de bonnes qualités. Elle était compatissante, généreuse,
libérale, pieuse. Elle faisait beaucoup de bien aux indigents, et
aux pauvres églises. On assure que le souvenir des bienfaits d'Agnès,
à, Beaulieu, durant un rigoureux hiver, s'est conservé d'âge en
âge et que sa mémoire y est restée en bénédiction. Ce fut là qu'elle
se retira en quittant Paris. Ce séjour l'approchait du Roi qui venait
fréquemment au château de Loches. Ce fut de Beaulieu qu'Agnès partit
au commencement de 1450 pour se rendre auprès de Charles qui était
passé en Normandie, où il faisait alors le siège de la ville d’Honfleur,
tenue par les Anglais. Son quartier-général était à l'abbaye de
Jumièges. Le motif du voyage de la favorite fut de révéler au Roi
une conspiration fomentée contre lui par son propre fils. Agnès
était encore enceinte et assez près de son terme. Elle habita Mesnil
- la- Belle qui n'était éloigné que d'un quart de lieue de l'abbaye.
Ce fut là qu'elle mit au monde une quatrième fille qui lui coûta
la vie, et qui ne lui survécut que mois. À la suite de l'accouchement,
il survint une dysenterie qui, en peu d'heures, entraina la mort
d’Agnès.
Sont gisant se situe à Loches, dans le chœur de la Collégiale
Saint-Ours.

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