Georges Brassens
Note : est né dans
un quartier populaire du port de Cette (Un changement dans l'orthographe
da la ville interviendra en 1928 qui s'écrira alors Sète). Il est
mort à Saint-Gély-du-Fesc le 29 octobre 1981.
Le but de cette
page est de vous proposer un texte écrit par l'auteur « Des copains
d'Abord »
Supplique pour être enterré à la plage de Sète.
La Camargue
qui ne m’a jamais pardonné,
D’avoir semé des fleurs dans
les trous de son nez,
Me poursuit d’un zèle imbécile,
Alors cerné de près par les enterrements,
J’ai cru bon
de remettre à jour mon testament,
De me payer un codicille,
Trempe dans l’encre bleue du Golfe du Lion,
Trempe,
trempe ta plume, ô mon vieux tabellion,
Et de ta plus belle
écriture,
Note ce qu’il faudra qu’il advint de mon corps,
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d’accord,
Que
sur un seul point : la rupture.
Quand mon âme aura
pris son vol à l’horizon,
Vers celle de Gavroche et de Mimi
Pinson,
Celles des titis, des grisettes.
Que vers le
sol natal mon corps soit ramené,
Dans un sleeping du Paris-Méditerranée,
Terminus en gare de Sète.
Vulgairement parlant il
est plein comme un œuf,
Mon caveau de famille, hélas n’est
pas tout neuf
Et d’ici que quelqu’un n’en sorte,
Il
risque de se faire tard et je ne peux,
Dire à ces braves
gens :poussez-vous donc un peu,
Place aux jeunes en quelque
sorte.
Juste au bord de la mer à deux pas des flots
bleus
Creusez si c’est possible un petit trou moelleux,
Une bonne petite niche.
Auprès de mes amis d’enfance,
les dauphins,
Le long de cette grève où le sable est si
fin,
Sur la plage de la corniche.
C’est une plage
où même à ses moments furieux,
Neptune ne se prend jamais
trop au sérieux,
Où quand un bateau fait naufrage,
Le
capitaine crie: «Je suis le maître à bord !
Sauve qui peut,
le vin et le pastis d’abord,
Chacun sa bonbonne et courage.
»
Et c’est là que jadis à quinze ans révolus,
A l’âge
où s’amuser tout seul ne suffit plus,
Je connu la prime
amourette,
Auprès d’une sirène, une femme-poisson,
Je
reçu de l’amour la première leçon,
Avalai la première arête,
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Texte et image © Midi-Libre 1966
Déférence gardée envers Paul Valéry
Moi l’humble troubadour
sur lui je renchéris,
Le bon maître me le pardonne.
Et qu’au moins si ses vers valent mieux que les miens,
Mon cimetière soit plus marin que le sien,
Et n’en
déplaise aux autochtones.
Cette tombe en sandwich
entre le ciel et eau,
Ne donnera pas une ombre triste
au tableau,
Mais un charme indéfinissable. Les baigneuses
s’en serviront de paravent,
Pour changer de tenue et
les petits enfants,
Diront chouette, un château de sable
!
Est-ce trop demander sur mon petit lopin,
Planter,
je vous en prie une espèce de pin,
Pin parasol de préférence.
Qui saura prémunir contre l’‘insolation,
Les bons
amis venus faire sur ma concession,
D’affectueuses révérences.
Tantôt venant d’Espagne et tantôt d’Italie,
Tous
chargés de parfums, de musiques jolies,
Le Mistral et
la Tramontane,
Sur mon dernier sommeil verseront
les échos
De villanelle, un jour, un jour de fandango
De tarentelle, de sardane.
Et quand prenant ma butte
en guise d’oreiller,
Une ondine viendra gentiment sommeiller,
Avec rien que moins de costume,
J’en demande pardon
par avance à Jésus,
Si l’ombre de sa croix s’y couche
un peu dessus,
Pour un petit bonheur posthume.
Pauvres rois pharaons, pauvre Napoléon,
Pauvres
grands disparus gisant au Panthéon,
Pauvres cendres
de conséquence,
Vous envierez un peu l’éternel estivant,
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant,
Qui passe
sa mort en vacances.