La belle Paule

Paule de Viguier naquit en 1518 dans une
famille de notables d’origine anglo-normande. La grande pureté de
ses traits et sa blondeur la firent très tôt remarquer dans une
ville dont la plupart des enfants étaient bruns et de type méditerranéen.
En 1533, elle fut choisie pour accueillir François Ier
qui passait par Toulouse. Marchant à sa rencontre à la tête d’un
cortège de notabilités, elle passa sous les nombreux arcs de triomphe
dressés dans les rues et remit au roi les clefs de la ville. Coiffée
d’une couronne de roses, vêtue d’une robe blanche, elle fit une
forte impression sur le monarque, qui, comme chacun sait, était
amateur de jolies femmes. Il demanda à son entourage qui était cette
gracieuse apparition et laissa échapper cette phrase «Ah, la belle
Paule». L’expression fit fortune et elle resta ainsi désignée par
les Toulousains. Mais sa vertu ne le cédait en rien à sa beauté
et François Ier dut, dit-on, se contenter de cette appréciation
toute visuelle.
La “belle Paule” eut, bien sûr, une nuée de soupirants. Mais son
cœur battait pour un seul, nommé Philippe de Fontenille, un jeune
et séduisant chevalier. Las, son père avait décidé de l’unir à un
riche parlementaire, le sire de Baynaguet, et en ce temps-là, les
ordres paternels ne se discutaient pas. Elle devint donc Mme de
Baynaguet dans l’église du couvent des Grands Augustins, devant
l’élite de la société toulousaine. Ce mari imposé, au demeurant
parfait honnête homme, eut le bon goût de mourir après quelques
années, et sa veuve, désormais libre et riche, put retrouver ses
premières amours et devenir baronne de Fontenille. Elle eut un fils,
ce qui n’altéra en rien sa beauté et, férue d’art et de poésie,
accueillit dans sa maison les artistes et les poètes. Elle vécut
dès lors une existence paisible troublée seulement par la mort de
ce fils, qui lui inspira des lignes pathétiques. En 1563, Charles
IX et Catherine de Medicis lui rendirent visite et la reine mère
confia que «sa beauté était au-dessus de sa réputation». On dit
que, plus tard, les édiles toulousains lui demandèrent de paraître
à son balcon deux fois par semaine pour que le peuple puisse l’admirer
librement. Elle mourut en 1610, toujours aussi belle (ou presque)
de l’avis général.
Elle fut ensevelie auprès de sa mère, dans
le tombeau des Lancefoc situé au couvent des Augustins, dans la
chapelle des onze milles Vierges. Sa beauté ne s’altéra nullement
et seuls les hommes avaient le droit de voir sa dépouille. Les dames
toulousaines, jalouse qu’une femme morte suscite tant de visites
masculines, qu’elles aussi, voulurent admirer la beauté de cette
Paule et les moines, pour satisfaire à la demande remontèrent le
cadavre de la belle, mais dès que son corps fut exposé à la vue
de toutes, les chairs se transformèrent en cendre, et il ne resta
à contempler que le squelette.

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