Alphonse de Lamartine


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Épisode de la Révolution de 1848 : Lamartine repoussant le drapeau rouge à l’Hôtel de Ville, le 25 février 1848-Henri Félix Emmanuel Philippoteaux
Alphonse de Lamartine

Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine, né à Mâcon le 21 octobre 1790 et mort à Paris le 28 février 1869
Poète, écrivain, orateur et homme d'État Lamartine grandit en liberté dans les vignes de Milly. Envoyé en Italie (1811-1812) il découvre Florence, Rome et Naples, rencontre celle qui deviendra plus tard Graziella. Comme de nombreux aristocrates au début de la Restauration, il n'arrive pas à trouver sa voie: il devient garde du corps de Louis XVIII, puis s'exile en Suisse pendant les Cent-jours ; se croit malade, éprouve des douleurs amoureuses. Il rencontre en 1816, au cours d'une cure à Aix-les-Bains, Mme Julie Charles qui devient sa maîtresse et meurt une année plus tard, après que Lamartine ait composé pour elle Le Lac. Lamartine édite Les Méditations poétiques (1820) qui ont un immense succès. Ces poèmes oscillent entre la mélancolie et la consolation de la foi, entre l'obsession de la mort et l'appel de la Nature, confidente. En 1820 il se marie avec une jeune anglaise Elisabeth Birch, il est envoyé en Italie comme diplomate : sa vie est plus heureuse.

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Alphonse de Lamartine

Les Nouvelles Méditations (1823) révèlent ce nouveau bonheur. Les Harmonies poétiques et religieuses (1830) disent son admiration pour l'équilibre du monde et la beauté des paysages italiens. Cette même année il est reçu à l'Académie française. Lamartine se persuade que le poète doit s'engager: il écrit des poèmes Contre la peine de mort, Ode sur les révolutions. Il entreprend par ailleurs une « épopée de l'homme intérieur » (Jocelyn en 1836 et La Chute d'un ange en 1838). A la fin du règne de Louis-Philippe il passe à l'opposition qu'il soutient en composant La Marseillaise de la Paix et !'Histoire des Girondins (1847) - apologie des révolutionnaires modérés. Devenu ministre des affaires étrangères en 1848 il adresse aux nations d'Europe une déclaration de paix: le Manifeste aux puissances et signe l'acte d'abolition de l'esclavage dans les colonies. Mais sa popularité s'effondre: il refuse de laisser se transformer la république bourgeoise en une république sociale, il refuse la substitution du drapeau rouge au drapeau tricolore et s'oppose à l'émeute de juin 1848. Dès lors il se consacre à une abondante œuvre en prose : Raphaël, Graziella, Vie des grands hommes, Histoire de la Restauration etc.

Le Lac

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Le Lac du Bourget (73)

Le Lac


Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges,
Jeter l'ancre un seul jour ?

Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! Je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :

Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.

Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons !'

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! Passés pour jamais ! Quoi ! Tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?

Ô lac ! Rochers muets ! Grottes ! Forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.

Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend ,l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !

Alphonse de Lamartine






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