Le Coup de Jarnac

En cette année 1547, François de Vivonne
de La Châtaigneraie, fait courir le bruit que Guy Chabot de Montlieu
aurait quelque aventure avec sa belle-mère Madeleine de Puy-Guyon.
Chabot indigné exige réparation, mais devant le haut rang des deux
antagonistes, cela devient un règlement entre clans.
Avant l'aller
plus loin, nous allons situer les deux adversaires. La Châtaigneraie,
grand sénéchal de Poitou, filleul et enfant d'honneur de François
Ier est le favori du dauphin, le futur Henri II. Guy
Chabot est le fils du baron Charles de Jarnac, gouverneur capitaine
de La Rochelle, et le neveu de l'amiral Philippe Chabot de Brion.
Mais, il est surtout, par son mariage avec Louise de Pisseleu, le
beau-frère de la duchesse Anne d'Étampes, maîtresse de François
Ier.
Si François Ier avait interdit les
duels, Henri II, peu après son avènement, en mars 1547, autorise
le duel entre La Châtaigneraie et Chabot. Ayant malgré tout envie
de laver son honneur sans pour autant provoquer un drame, Chabot
demande à Diane de Poitiers de faire interdire ce duel. Cette dernière
refuse, voyant là l'occasion d'humilier la duchesse d'Étampes. La
Châtaigneraie sera son champion et Chabot celui de sa rivale.
En avril 1547, François de Guise, duc d'Aumale
est désigné parrain de La Châtaigneraie, le grand écuyer Claude
Gouffier de Boissy sera celui de Chabot. Le connétable Anne de Montmorency
est chargé d'arbitrer le combat. Le 10 juillet, dans la forêt de
Saint-Germain-en-Laye, il y foule pour assister à la rencontre :
depuis le règne de Saint Louis, c'est la première fois que le roi
autorise l'épreuve du jugement de Dieu et un duel judiciaire à mort.
Toute la Cour est là, impatiente de voir les combattants en
découdre. Dans la tribune royale, Henri II a pris place entre la
reine Catherine de Médicis et Diane de Poitiers. La Châtaigneraie
se présente sur la lice sous les vivats de la foule, fortement charpenté
et musclé, d'une adresse incomparable à l'exercice des armes, il
est considéré comme l'un des quatre meilleurs jouteurs du royaume.
Chabot, accompagné de quelques compagnons en habit noir, ne semble
avoir aucune chance de l'emporter. Monsieur de Boissy a le choix
des armes : malgré une réclamation du duc d'Aumale, et avec l'aval
du tribunal des armes, il opte pour de lourdes épées et un massif
bouclier. Dès que le roi donne le signal de l'affrontement, les
combattants se précipitent l'un vers l'autre, échangent de violents
coups d'estoc et de taille. plus léger et plus vif, Chabot esquive
et pare les attaques avec adresse. Soudain, alors qu'il semble tout
près d'être défait, il porte à son adversaire un coup au jarret,
puis un second au même endroit, qui tranche le muscle.
La Châtaigneraie tombe, Henri n'en crois pas ses yeux, Diane de Poitiers est folle de rage ; Catherine de Médicis dissimule mal sa satisfaction. Chabot s'avance vers la tribune royale et « donne » La Châtaigneraie au roi, refusant de le mettre à mort, comme le règlement du duel lui en laisse le droit.
Les partisans du vainqueur et du vaincu en viennent aux mains. Mais les juges déclarent la « botte de Jarnac » régulière : Chabot a loyalement battu son adversaire. Henri II le confirme en proclamant : « Vous avez fait votre devoir. Votre honneur doit vous être rendu. » La Châtaigneraie mourra peu après, victime d'une hémorragie et du dernier duel judiciaire autorisé par un souverain.
A la suite de cette pénible affaire, Henri Il ne réprimera pas pour autant cette pratique meurtrière, et, impuissant à empêcher la noblesse d'y recourir, continuera à la tolérer.

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