Les Flagellants


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Les Flagellants et la Grande Peste de 1347

Le 1er Novembre 1347, douze galères génoises infectées, qui avaient déjà fait quelques milliers de morts à Messine lors de leur dernière escale et qui s’étaient vu repoussées, à coups de canons, à Livourne et à Gêne accostent à Marseille. Elles amènent avec elle la fameuse grande peste qui en quelques mois va décimé plus du tiers de la population de l'Europe En effet, lorsqu’elle débarqua à Marseille en Septembre 1347, le froid de l’hiver et l’humidité lui donne sa forme pneumonique. En décembre, elle touche Aix en Provence, en Janvier 1347, Avignon, au mois de Février elle atteint Montpellier, et Narbonne, en Mars Carcassonne et Perpignan. Et c’est en avril qu’elle prend sa forme bubonique, ayant infecté en sept mois la majeure partie du Sud de la France. En juin, elle trouve un port à Bordeaux est arrive sur les cotes Anglaises à la fin du mois. En Septembre elle débarque sur les rives du Lac Léman, et durant l’hiver 1348-1349 stoppe sa progression aux Sud des Vosges. L’Allemagne est touchée au printemps suivant et la peste s’étend au Nord de L’Europe. Ainsi à la fin de l’année 1349 c’est tout le Monde Oriental, Méditerranéen et d’Europe qui est touché par la Peste. Le caractère rapidement mortel de la maladie frappe les esprits.
Un climat de peur et de craintes, renforcé par l’état de guerre, s’installe. Craignant pour leur vie, les gens fuient les pestiférés. Dans le même temps les médecins, préconisent eux aussi la fuite, vers des régions où l’air y est sain. Si cela est facile pour les plus riches, en revanche les plus pauvres sont contraints de rester. Mais il n’en demeure pas moins que les populations essayent d’éviter les contacts avec les malades. Cette peur, posa notamment quelques problèmes aux villes qui devaient assurer l’inhumation des morts. A peine on pouvait on se confesser car il était presque impossible de trouver un prêtre qui le voulut faire ou quelqu’un pour oser habiller les malades ou toucher leurs draps.
Ce qui frappe encore plus les esprits est que la maladie touche toutes les catégories sociales sans distinction. L’universalité des fléaux envoyés par Dieux en est l’explication logique pour les populations. Delà, à penser qu'il s'agit d'une vengeance de Dieu contre les péchés du monde. il n'y a qu'un pas En 1349, la Faculté de médecine de Paris consultée par le roi répond que l'origine première de l’épidémie qui sévit est due aux constellations célestes. La Sorbonne écrivit alors dans son rapport « Aristote et Albert le grand sont d’avis que les conjonctions des astres errants peuvent engendrer un air malsain. C’est pour cela que l’année à été chaude et humide ce qui dispose à la putridité de l’air » L’explication est donnée. Dieu utilise la conjonction des planètes pour régler la salubrité ou la pestilence de l’air, et infliger un châtiment aux hommes. Ainsi à la fuite dans l’espace s’adjoint également une fuite morale, et la recherche d’une protection spirituelle. Un rachat par la pénitence et la dévotion Les populations cherchent expier leurs péchés et l’on voit surgir un mouvement où il arriva que certaine personnes commencèrent pénitence et différents signes de dévotion dont la flagellation ; ce qui donnera son nom au mouvement des «Flagellants».
Flagellants Ce phénomène est déjà étendu au début de l’année 1349 aux régions de haute Allemagne, en Suisse, en Suède, le long du Rhin, et en Italie. Les flagellants obéissent à des règles strictes, qui en font une véritable secte mystique. Recrutés par des pèlerins itinérants, ils s’engagent à appliquer ces règles pendant 33 jours et demi de la même manière que le Christ resta sur terre durant 33 ans et demi : « ils disaient qu’il convenait d’aller ainsi durant trente deux trois jours et demie en souvenir de Notre Seigneur qui passa trente deux ans et demi sur terre ». Un capuchon baissé sur les yeux, et une croix rouge sur la poitrine, les flagellants se déplacent, en procession de ville en ville. Ils portent des crucifix, des gonfanons et des grandes bannières de soie comme on le fait lors des processions. Ils avancent en rang deux par deux en chantant des cantiques entrecoupés de kyries, sorte d’exclamations ou supplications religieuses. A leur arrivée dans une nouvelle ville, ils se rendaient devant l’église ou la cathédrale, puis après quelques invocations à dieu pour demander pardon, ils se prosternaient au sol les bras étendus en croix. S’étant relevés, ils reprenaient ensuite par trois fois le solo chanté par leur chef. Le rituel devant l’église terminé, les flagellants se rendaient alors sur une place publique ou sur le marché. Sur place ils formaient un cercle au milieu duquel ils déposaient les vêtements qui leur couvraient le haut du corps. Ils se jetaient ensuite sur le sol, se relevaient et commençait à se frapper, tout en chantant des cantiques, avec un fouet à trois lanières de cuir au bout desquelles étaient fixées des pointes en métal. Ils se prosternaient ensuite toujours les bras en croix et prononçaient cinq Pater et cinq Ave, chantant à haute voix des cantiques à Dieu et à Notre Dame.


Voici un court extrait d'un prière que récitaient Les Flagellants. Ils se mettaient ensuite à genoux, reprenaient les flagellations, puis se mettaient enfin debout et se flagellaient à nouveau. Le rituel avait lieu deux fois dans la journée matin et soir ; et une fois dans la nuit. Le jour suivant ils reprenaient la route vers une autre ville.

Or, avant, entre nous tous frères,
Battons nos charognes bien fort,
Et remembrant la grant'misère
De Dieu et sa piteuse mort,
Qui fut prins en la gent amère,
Et vendu et trais à tort,
Et battu sa char vierge et dère,
Au nom de ce, battons plus fort.

Dérives et sanctions


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Les Flagellants - Pierre Grivolas

Le mouvement flagellant pris de l’ampleur et devint rapidement un phénomène généralisé. On voulait les voir, frappé d’étonnement, s’adonner à leur affliction ; en effet ces pratiques surprennent au départ, mais le coté pénitentiel, et l’espoir d’un retour à la normal impressionnent et attirent les foules. Ainsi par exemple lorsque les flagellants effectuèrent leur pénitence devant la cathédrale de Strasbourg, ils étaient deux cents. Lorsqu’ils quittèrent la ville pour reprendre leur procession, on en dénombrait 900 de plus. Dans le même temps, il arrivait que les processions de flagellants soient si grandes, généraient quelques troubles.
Ainsi par exemple lorsqu’en 1349, ils se rendent à Aix en Provence, ils furent si nombreux que l’empereur Charles IV du différer son couronnement. Si le mouvement connu un succès c’est en partie du au contexte générale, aux difficultés nées de la guerre et des épidémies ; mais aussi parce qu’il est était accompagné d’une justification divine. En effet, à la fin de chaque séance de flagellation, le chef des flagellant lisait une lettre, envoyé par la Vierge Marie, au moyen d’un Ange le 25 décembre 1348. Cette lettre, qui aurait été écrite à Jérusalem sur une plaque de marbre noir, expliquait que seul ceux qui faisaient pénitence échapperaient aux disettes et à la peste. Par la suite les flagellant prétendirent faire des miracles tel de saintes personnes. A Strasbourg, en leur présence, l’image de Notre-Dame de Strasbourg aurait sué, ainsi que le Christ Crucifié, d'Offenburg. Par ailleurs d’autres rendirent la parole à un muet à Erstein. Ces miracles s’étendirent également à l’exorcisme. Par la suite le phénomène que toutes les bonnes villes étaient remplies de ces gens qui s’appelaient flagelleurs et confrères. Se réunissant en confrérie, les flagellants prennent alors une forme structurée, et hiérarchisée, et font de Tournai leur centre. De plus, depuis l’arrivée de la Peste en Europe, le juif était tenu pour responsable, considéré par les populations comme un empoisonneur de source et de puits. De nombreuses violences leur furent faite. Ainsi par exemple dans la nuit du 13 au 14 avril 1348, à Toulon, 40 juifs sont massacrés et leurs maisons pillées et brûlées. A Strasbourg, d'après un contemporain, 16 000 juifs furent exécutés pendant ces temps troublés. Le 6 Juillet 1348 Clément VI lance une bulle en faveur des juifs qui ne résout rien devant les exactions de certains flagellants qui s’appellent eux même « Tueur de juifs ».


La condamnation de l’église


Ces dérives, ces accaparations de prérogatives ecclésiastiques par les laïcs, cette volonté d’unité et les exactions, pousse Avignon à réagir devant la montée croissante du phénomène. Ils commençaient déjà à perturber le service et les offices de la Sainte Eglise. Le 19 octobre 1349, Cléments VI réagit. Sans toutefois contester leur existence, il condamne leur excès, et le caractère secret de certains de leurs engagements, dans une lettre qu’il adresse à l’archevêque de Magdebourg où il écrit : « c’est une religion vaine et une invention superstitieuse qui méprise le pouvoir des clecs et la discipline ecclésiastique ». Dans le même temps, par une condamnation du 5 décembre 1349 le Pape demande aux rois de France et de Grande Bretagne d’agir. Ainsi écrit il : « déjà les flagellants sous prétexte de piété ont fait couler le sang des juifs que la charité chrétienne doit préserver et protéger... on peut craindre que par leur hardiesse et impudence, un grave degré de perversion ne soit atteint si des mesures sévères ne sont pas prises immédiatement pour les supprimer ». Les pouvoirs temporels réagissent et le mouvement perd de son intensité.




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