Le Col de Schlucht

Situé entre le Hohneck et le Tennech dans
les Vosges, le col de la Schlucht est traversé par la route de Gérardmer
à Munster et percé à 1146 mètres d'altitude par un petit tunnel.
Après un moment de repos à l'hôtel ou chalet Hartmann, à la Schlucht,
tous les promeneurs s'empressent d'aller visiter la galerie creusée
dans le rocher, sur le versant alsacien. Le Rocher a 90 mètres de
hauteur au-dessus de la route. Le tunnel à une longueur de 20 mètres,
6 mètres de largeur et autant de hauteur. Quand on s'avance au delà
du tunnel, jusqu'au point où la route commence son premier circuit,
le cœur se serre d'effroi en contemplant la profondeur du ravin
qu'on a sous les yeux. Protégé par une haute banquette de granit
contre les suites mortelles qu'occasionneraient le vertige et une
chute dans le précipice, on mesure d'un coup d'œil le travail de
géant entrepris et mené à bonne fin. D'un côté le précipice avec
ses éboulements, de l'autre des pics de granit perpendiculaires
d'où se détachent souvent des blocs énormes. On ne peut se lasser
d'admirer la hardiesse d'une pareille voie et le panorama qui se
déploie sous les yeux. En face, le Hohneck avec ses chaumes, ses
chalets, ses troupeaux, ses escarpements titanesques, où la neige
séjourne jusqu'en juillet, la belle vallée de la Fesch, ou le Val
Saint Grégoire. Plus loin, la petite ville de Munster avec ses vastes
bâtiments industriels, et au delà la riche et plantureuse plaine
du Rhin.
Plus loin encore, le fleuve se dessinant comme une ligne
blanche à l'horizon, au pied des montagnes de la Forêt-Noire. La
vue embrasse des villes et des villages, dont la blancheur contraste
avec le ton rembruni des champs. Au loin, la nature animée et tous
les caractères de la plus vivante civilisation; et tout près, le
désert, la stérilité, le silence. Mais à tous ces sujets de réflexion,
d'admiration, d'étonnement, s'ajoute maintenant un sentiment qui
domine tout, qui oppresse le cœur. Cette immense plaine, au milieu
de laquelle le Rhin se déroule si majestueusement, cette plaine
si riante, paraît à présent couverte d'un voile de deuil.... Ce
n'est plus la France !
Xavier Thiriat - Les Vosges