La guerre de 30 ans

Dans un contexte de fortes tensions religieuses
et politiques, un simple incident en Bohême (1618) déclenche une
guerre intérieure à l'Empire appelée à devenir européenne par des
interventions successives. La Guerre de Trente Ans (1618-1648),
plus grande guerre du XVIIème siècle, influa sur l'évolution
politique de l'Empire, les poids religieux et l'équilibre des grandes
puissances. A son issue, l'Empire se trouva être un champ de ruines
et la France devint le plus puissant Etat européen.
Les origines
d'une guerre européenne Des tensions fortes entre catholiques et
protestants La diffusion du protestantisme sous sa version luthérienne
dans les Etats allemands au XVIe siècle avaient conduit à des affrontements
entre princes luthériens et princes restés catholiques sous la conduite
de l'empereur Charles Quint. En 1555, la Paix d'Augsbourg suspendit
les hostilités en imposant à chaque Etat la religion de son prince.
Le luthéranisme continua à progresser jusque vers 1570 tandis que
le calvinisme, nouvelle confession non reconnue par la Paix d'Augsbourg,
se diffusait. L'électeur Frédéric III du Palatinat en fit la religion
de ses Etats.
La reconquête catholique fit grimper les tensions
: dès 1552 les Jésuites avaient fondé à Rome le Collège germanique
destiné à regagner le terrain perdu en Allemagne. La Réforme tridentine
gagna les ducs de Bavière et les points de friction se multiplièrent.
En 1582, l'archevêque de Cologne passa du côté des réformés en souhaitant
garder son évêché mais fut chassé par les troupes espagnoles et
bavaroises. En 1608, la ville libre de Donauwerth, ayant refusé
aux catholiques de célébrer publiquement leur culte, fut mise au
ban de l'Empire.

Christian Ier, prince d'Anhalt-Bernbourg,
impulsa la formation de l'Union évangélique, ligue regroupant les
protestants sauf l'électeur de Saxe, dont Frédéric IV du Palatinat
prit la tête en 1608. Celle-ci négocia avec l'Angleterre, la France
et les Provinces-Unies.
En réaction, en 1609,Maximilien de Bavière
forma la Ligue catholique qui s'allia avec l'Espagne. Les successions
de Clèves et Juliers, principautés rhénanes, opposèrent les deux
ligues. Le roi de France Henri IV, inquiet du rapprochement des
deux maisons de Habsbourg, s'apprêtait à aider l'Union évangélique
lorsqu'il fut assassiné. La succession de Clèves et Juliers se solda
par un partage entre les deux candidats et la guerre fut évitée
pour un temps.
La révolte de la Bohême.
Depuis le XVème
siècle et le hussisme, la Bohème est divisée religieusement. La
Lettre de Majesté de l'empereur Rodolphe II de Habsbourg, en 1609,
installa la liberté religieuse dans le royaume. Son successeur Matthias
Ier, empereur du Saint-Empire et roi de Bohême de 1611
à 1617, ne parvint pas à faire appliquer la Lettre rigoureusement.
En 1617, Ferdinand II, catholique zélé éduqué chez les Jésuites,
succède à Matthias Ier et souhaite que le royaume retourne
dans le giron de l'Eglise catholique en faisant triompher la Réforme
tridentine.
Le 23 mai 1618, à Prague, en réaction, deux conseillers
du roi et leur secrétaire sont passés par les fenêtres du palais
de Hradschin par un groupe de nobles protestants

L'événement sert de déclencheur à la guerre.
Les Etats de Bohême proclament la déchéance de Ferdinand II et adoptent
pour roi Frédéric V, fils de Frédéric IV du Palatinat, alors à la
tête de l'Union évangélique. Ferdinand II est élu à la tête du Saint-Empire
en 1619 : l'affrontement est inévitable. Frédéric V est battu à
la bataille de la Montagne blanche, aux portes de Prague, en 1620.
Le vainqueur matte les rebelles, il exécute de 27 chefs et abolit
la Lettre de Majesté. En 1627, une nouvelle Constitution est donnée.
La Couronne doit revenir aux Habsbourg, l'initiative des lois revient
au seul roi, la chancellerie du royaume est transférée à Vienne,
la catholicisme devient religion d'Etat. La dignité électorale de
Frédéric V et le Haut-Palatinat sont transférés au duc de Bavière.
Le Bas-Palatinat est confié aux Habsbourg d'Espagne.
L'internationalisation
du conflit Les interventions danoises et suédoises La victoire de
Ferdinand II et la présence espagnole en Baltique inquiètent Christian
IV, roi luthérien du Danemark et prince d'Empire, qui déclare la
guerre à l'empereur (1624). Albrechet von Wallenstein, gentilhomme
de Bohême et entrepreneur de guerre, se met à disposition de l'empereur
avec son armée et remporte des victoires. Christian IV est battu
à Lutter et doit signer la paix à Lübeck (1629).
Ferdinand II,
au sommet de sa puissance, proclame un Edit de Restitution qui ordonne
autoritairement la restitution de toutes les principautés ecclésiastiques
sécularisées depuis 1552, en violation de la Paix d'Augsbourg.
Ferdinand II bouleverse trop les équilibres géopolitiques pour ne
pas inquiéter l'Allemagne et l'Europe.
En France, Richelieu,
débarrassé des obstacles intérieurs par la prise de La Rochelle
en 1629, et après sa victoire lors de la journée des Dupes en 1630,
regarde vers l'Empire ; il pousse le duc de Bavière à former un
parti catholique indépendant.
La rivalité entre la France et
les Habsbourg est ancienne, et tout ce qui peut affaiblir ces derniers
et profitable au roi de France. Au Nord, Gustave-Adolphe de Suède
vient de vaincre la Pologne et se pose en champion du monde protestant.
Par le traité de Barwäld signé en 1631, la France promet, contre
le respect du culte catholique, d'entretenir l'armée suédoise opérant
dans l'Empire. Gustave-Adolphe, à la tête d'une armée nationale
remarquable, débarque en Allemagne, s'allie à la Saxe et au Brandebourg,
écrase les Impériaux à Breitenfeld en 1631 et sillonne les terres
impériales sans rencontrer une grande résistance. A Lützen le 6
novembre 1632, il vainc Wallenstein mais trouve la mort dans la
bataille. Le chancelier de Suède, Axel Oxenstierna, qui mène la
Régence pendant la minorité de Christine, continue les combats mais
voit l'armée battue à Nördlingen les 5 et 6 septembre 1634. Ferdinand
II, se montrant plus modéré, signe la paix avec les princes allemands
alliés à la Suède à Prague en 1635.
L'intervention française
Les grandes difficultés de la Suède, qui reste néanmoins dans la
guerre, oblige la France, jusque-là en guerre « couverte », à intervenir
ouvertement. Louis XIII s'allie aux Provinces-Unies et à la Suède
en 1635 et déclare la guerre à l'Espagne. Les débuts de la guerre
sont difficiles pour la France et l'avant-garde espagnole s'avance
même jusqu'aux portes de Paris en prenant Corbie sur la Somme en
1636. L'empereur déclare la guerre à la France. Le conflit s'internationalise
avec des combats sur mer et dans les colonies où les Espagnols font
face aux Hollandais puis aux Portugais (après 1640). Pour la France
et la Suède, la situation se rétablit en 1638 ; les Hollandais battent
sur mer l'Espagne en 1639, les Français chassent les Espagnols de
Corbie et prennent Arras en 1640. En 1642, la Suède s'empare de
la Bohême, et l'année suivante, cinq jours après la mort de Louis
XIII (14 mai 1643), les Français écrasent les Espagnols à Rocroi.
La victoire française consacre symboliquement la France comme première
puissance européenne.

La fin de la guerre et la paix La conclusion
de la paix A partir de 1644, la lassitude s'installe et la paix
est en vue. Avec le soutien du pape Urbain VIII, un congrès de la
paix s'ouvre en Westphalie (1644), à Munster pour les Etats catholiques
et à Osnabrück pour les Etats protestants. Négociations et opérations
militaires vont de pair, chaque belligérant pensant qu'un succès
permettra d'obtenir l'avantage sur les autres. Suédois et Français
cherchent à occuper les Etats héréditaires des Habsbourg ; en 1648
à Zusmarshausen (en Bavière) les forces françaises et suédoises
combinées battent les Impériaux tandis qu'à Lens les Espagnols sont
de nouveau battus par les Français.
Le 31 janvier 1648, les Provinces-Unies
signent une paix séparée avec l'Espagne. Le 24 octobre 1648, épuisés
par la guerre, les Habsbourg signent le traité de Westphalie qui
ruine leurs ambitions. La Constitutio Westphalica définie lors des
négociations étend la Paix d'Augsbourg aux calvinistes et prévoit
que la Diète puisse se réunir en deux assemblées religieuses séparées.
Les princes alliés à la France et la Suède retrouvent leurs Etats
et les sécularisations opérées jusqu'en 1624 sont reconnues. La
Suisse et les Provinces-Unies sortent formellement de l'Empire.
Enfin, la Suède et la France obtiennent des concessions territoriales
: pour la Suède la Poméranie, pour la France les Trois-Evêchés (Metz,
Toul, Verdun), Brisach et Pignerol ainsi qu'une partie de l'Alsace.
La guerre se poursuit entre la France et l'Espagne qui espère profiter
des troubles engendrés par la Fronde. Les conséquences de la guerre
L'Allemagne, centre du conflit, est à la sortie de la guerre un
champ de ruines. Certaines régions sont dévastées : le Palatinat,
la marche de Brandebourg, la Poméranie et la Bohême perdent entre
le tiers et les deux tiers de leur population. Les soldats ont vécu
sur le terrain, réquisitionnant autoritairement leurs subsistances
et faisant le malheur des populations, contraints parfois à la fuite
et la misère. Les civils se vengent sur les soldats isolés des pillages,
incendies, assassinats et viols. La brutalité gagne les hommes,
l'ivrognerie fait des ravages, la fécondité baisse. La propriété
paysanne se réduit, surtout dans l'Est de l'Empire. Ces horreurs
marquèrent les gravures de Jacques Callot et le Simplicius Simplicissimus
de Christoffel von Grimmelshausen (1668). Certaines régions gagnent
cependant en population grâce à l'afflux de réfugiés, comme la Suisse
et la Prusse. Les ports de la Baltique deviennent florissants. Le
brassage des populations contribue à l'unité allemande. La langue
allemande recule au profit du français, grâce à l'installation de
paysans français sur les territoires limitrophes. Sur le plan militaire,
la Guerre de Trente Ans entraîne partout un accroissement des effectifs
militaires. Alors que l'armée française en temps de guerre ne semble
pas avoir excédé 70.000 hommes auparavant, Louis XIII parvient à
en réunir plus de 120.000 après l'entrée dans le conflit. Partout,
les sujets sont sollicités pour défendre leur ville, leur province
voire plus rarement leur Etat. Les armes à feu se répandent même
si les deux tiers des fantassins sont encore des piquiers. La stratégie
et la tactique restent néanmoins encore assez rudimentaires ; on
occupe les villes, les noeuds névralgiques (ravitaillement) mais
en matière de combat le choc frontal reste la règle.
Prise de Corbie par les Espagnols

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