La bataille d'Auberoche


Bête du Gévaudan

Le site d'Auberoche en Périgord est bien connu de tous les historiens de la guerre de Cent Ans pour le combat décisif qui s'y déroula en octobre 1345. La bataille d'Auberoche est le terme victorieux de la première campagne en Guyenne du corps expéditionnaire anglo-gascon, placé sous le commandement d'Henry de Grosmont dit Henri de Lancaster, comte de Derby, qui avait débuté par la prise de Bergerac, dans la vallée de la Dordogne en août de la même année.
Maintes fois cité à la suite de Jean Froissart par les chroniqueurs puis par les historiens contemporains, ce haut lieu de la lutte armée franco-anglaise, dans le Sud-Ouest du pays, vit se dérouler sous ses murs la première bataille importante et terrestre de la guerre de Cent Ans.
La prise de Bergerac obligea les troupes françaises commandées par le comte Bertrand de L’Isle Jourdain à se replier vers La Réole. Le corps expéditionnaire anglais poursuivit son avancée vers le Périgord et s’empara sans trop de difficultés des quelques places fortes où Bertrand de l’Isle Jourdain n’avait laissé que quelques soldats.La résistance d’Auberoche fut vaine, tant le combat fut inégal, et les Anglais s’emparèrent de la place. Avant de repartir vers Bordeaux, le comte de Derby y laissa une garnison commandée par messires Franque de Halle, Alain de Finefroide et Jean de Lindehalle.
C’est toujours replié à La Réole que le comte Bertrand de l’Isle Jourdain apprit le retour de l’armée anglaise à Bordeaux. Informé de la faiblesse de la garnison anglaise laissée à Auberoche, le comte y vit une opportunité de reprendre ce site fortifié, qui par sa position, servait de verrou à trois vallées : celles de l’Isle, de l’Auvézère et dans une moindre mesure celle du Manoire. Pour « bouter l’anglois » hors d’Auberoche, il appela à se joindre à lui, les comtes, vicomtes, barons et chevaliers de Gascogne. C’est ainsi que ceux de Carmaing, de Bruniquel, de Pierregord, de Comminges, le rejoignirent avec leurs gens et leurs hommes d’armes et vinrent mettre le siège devant le château d’Auberoche. L’ost qui se mit en place tout autour d’Auberoche était si nombreuse que la garnison anglaise comprit vite que nul ne pourrait plus sortir ou entrer. Les assiégeants firent venir de Toulouse quatre machines de guerre qui chaque jour envoyèrent des tonnes de pierres contre les murs du château.

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Anne, dont la Vertu nous assiste au besoin
Va ramener le calme après tant de tempête.
Et ces princes dont elle a tant de soin
De l'aurore au couchant borneront leurs conquêtes

La situation de la garnison d’Auberoche devint rapidement critique et ceux qui la commandaient comprirent que, sans secours, ils ne pourraient bientôt avoir comme seule solution que celle de se rendre. Néanmoins, ils tentèrent de prévenir le comte de Derby pour lui demander secours. Ils rédigèrent une lettre revêtue de leur sceaux pour l’informer de la situation à Auberoche. Cette lettre fut cousue dans les vêtements d’un valet qui, selon Froissart, s’était porté volontaire pour tenter de traverser les lignes françaises. Celui-ci fut descendu le long du mur d'enceinte mais fut vite arrêté à un poste de guet français et, s’exprimant en gascon, tenta d’expliquer qu’il était au service d’un des seigneurs assiégeant Auberoche. Il ne fut pas assez convaincant et la supercherie fut découverte ainsi que le message dont il était porteur. Les chevaliers prirent connaissance de ce message et plaçant ce valet dans la fronde d’une catapulte le renvoyèrent par-dessus les murs du château. Cet épisode est illustré par deux enluminures illustrant les Recueil des Croniques et Anchiennes Istories de la Grant Bretaigne, a present nommé Engleterre de Jean de Wavrin.
La nouvelle du siège d’Auberoche et la situation critique de sa garnison finirent cependant par arriver jusqu’au comte de Derby. Celui-ci et messire Gautier de Mauny furent d’accord pour tenter de desserrer l’étau français autour du château. Le comte de Derby se mit en route et fit demander à Richard de Stafford et Étienne de Tombey qui étaient à Libourne, ainsi qu’au comte de Pembroke qui était à Bergerac de le rejoindre pour marcher vers Auberoche. Le comte de Pembroke ne rejoignit pas le comte de Derby. Bien qu’inférieure en nombre, l’armée anglaise réussit à surprendre à l’heure du dîner les comtes et vicomtes, qui commandaient l’armée française, et à les faire prisonniers. Les soldats français cessèrent le combat. Cette bataille d’Auberoche eut lieu le 23 octobre 1345. Auberoche resta possession anglaise et le commandement de sa garnison fut confié à messire Alexandre de Caumont.

En 1346, Auberoche redevient possession française du roi Philippe VI de Valois. Celui-ci décidera de la vente de cette châtellenie au cardinal Talleyrand de la Maison de Talleyrand-Périgord. Cette vente sera effective en novembre 1346 pour la somme de 24 000 florins et ratifiée par Charles de Blois, duc de Bretagne et Jeanne de Penthièvre son épouse, comtesse de Penthièvre et vicomtesse de Limoges. Le cardinal Talleyrand-Périgord donnera à son frère Roger-Bernard, comte de Périgord, procuration pour recevoir en son nom tous les hommages qui lui étaient dus par les habitants de cette châtellenie.
En 1361, à la mort de Roger-Bernard, le comté de Périgord revient à son fils Archambaud V. En 1368, Archambaud V dispense pendant neuf ans la ville de Périgueux de lui verser un impôt mentionné dans le « Recueil des ordonnances des rois de France » et appelé « droit du commun de la paix ». Pour réelle qu’elle fut (les lettres patentes rédigées à Toulouse par Archambaud V en attestent), les motivations d’une telle décision n’ont jamais été bien définies par les chroniqueurs et historiens. Au bout de neuf années, Archambaud V exigea le retour au versement de cet impôt, ce que refusèrent les consuls de Périgueux prétextant que seul le roi, Charles VI en l’occurrence, pouvait lever cet impôt et ils demandèrent l’arbitrage du Parlement de Paris. Archambaud regroupa ses hommes d’armes dans sept châteaux autour de Périgueux, dont celui d’Auberoche. Entre autres villages, ses soldats pillèrent Le Change et brûlèrent son église en 1383. Il se rendit en 1394 et fut conduit à Paris. Jugé en 1395, il fut condamné au bannissement, puis un nouveau jugement le condamna en 1398 à être privé de son comté et exécuté. Le roi le gracia et Archambaud V passa en Angleterre où il mourut en 1399.
Archambaud VI, son fils, lui succéda. Dans un souci de clémence, le roi Charles VI lui rendit le comté de Périgord à l’exception de la ville de Périgueux. Cette décision entraina la reprise du conflit entre Archambaud, la ville de Périgueux et le roi de France. Condamné au bannissement et à la confiscation de ses biens, Archambaud VI s’enfuit en Angleterre et le comté de Périgord avec la châtellenie d’Auberoche revint à Louis (1392-1407), duc d'Orléans et frère du roi Charles VI. Il prit possession de la châtellenie d’Auberoche en 1400. À sa mort en 1407, le comté de Périgord revint à son fils Charles. Fait prisonnier à la bataille d'Azincourt, en 1415, Charles d’Orléans restera 25 ans en Angleterre et ne visita sans doute jamais ce comté.
Archambaud VI revint en France avec des troupes anglaises en 1412 et le conflit, avec ses exactions, reprit avec la ville de Périgueux. En 1415, le comte prend Auberoche et en fait son quartier général. C’est à Auberoche qu’il rédige, en 1425, un testament léguant tous ses biens à sa sœur Eléonor de Périgord. Quittant Auberoche, il se retirera à Montignac pour y mourir en 1430. Il laissera à Auberoche une garnison sous les ordres d’un soldat nommé Audry Jamard qu’il fit capitaine et son exécuteur testamentaire. En 1428, Jean de Blois, dit de Bretagne, met le siège devant Auberoche qui ne sera pris, suite à la trahison d’un soldat de la garnison, qu’en 1430. Jean de Blois souhaitait remettre ce château au roi de France mais les consuls de Périgueux souhaitèrent sa destruction totale afin de faire oublier le conflit avec Archambaud V puis Archambaud VI qui avait ruiné pendant presque 40 ans le Périgord. Ils votèrent un impôt (fouage) et pour la somme de seize écus demandèrent à Jean de Blois dit de Bretagne, seigneur de l’Aigle, de détruire Auberoche. Le démantèlement d’Auberoche fut achevé en 1431. Seule, la chapelle castrale trouva grâce devant la pioche des démolisseurs et resta fièrement campée, à l'extrémité de l'éperon de roche blanche qui dicta le nom du site.
En épousant en 1470 Françoise de Blois-Bretagne († 1481), comtesse de Périgord, et vicomtesse de Limoges, Alain d’Albret trouva le comté de Périgord et la vicomté de Limoges dans la dot de son épouse. Le 15 février 1512, la châtellenie d’Auberoche est vendue par Jean III, roi de Navarre à Alain, seigneur d’Albret, son père pour la somme de 2 000 écus d’or. Cet acte de vente fut enregistré à Nérac.
Le 3 juin 1600, Henri IV vend la châtellenie d’Auberoche à son chambellan et conseiller Jean Foucauld, seigneur de Lardimalie, pour la somme de 5 000 florins soit 15 000 livres. Jean Foucauld de Lardimalie était déjà gouverneur du Périgord et de la vicomté de Limoges et avait le titre de baron d’Auberoche.
Privée du château qui en constituait le cœur, la châtellenie d'Auberoche fut progressivement démembrée jusqu'au XVIIIème siècle. Les ruines de la forteresse s'estompèrent doucement au point de ne plus être lisibles, sans avoir recours à un examen détaillé du lieu. L'oubli du site est total. Au XIXème siècle, le journaliste bordelais Henry Ribadieu voudra situer Auberoche à Caudrot en Gironde. Cette hypothèse est rapportée dans le livre Etude sur les chroniques de Froissart de M. Bertrandy. Les documents conservés dans les archives nationales ou départementales, les fouilles archéologiques, et les nombreux ouvrages parlant d'Auberoche et de sa châtellenie l'ont toujours situé en Périgord à son emplacement initial.




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