Le Train Imprérial de Napoléon III
Ce train fut construit par Camille
Polonceau, ingénieur ; décoré par Eugène Viollet-le-Duc,
architecte.
La Compagnie d'Orléans, outre les voitures
des trois classes habituelles de l'époque, possédait un
matériel de luxe qu'elle avait, pour une part, fait construire
elle-même, ou qui lui provenait des Compagnie d'Orléans
à Bordeaux et de Tour à Nantes, après qu'elles aient été
absorbées par le P.O. en mai 1852. Il servait surtout aux
déplacements de service des dirigeants de la Compagnie,
mais aussi à ceux des personnalités officielles sur le réseau.
C'était quelques voitures-salon et lits-salon, construites
pour la plupart aux alentours de 1851 et dont le confort
était encore relativement bon. Certaines comportaient un
cabinet de toilette et un W.C.
Mais ce matériel ne devait
probablement pas répondre à toutes les normes de prestige
et de sécurité, du moins en ce qui concerne les voyages
des têtes couronnées, car il fut décidé la construction
d'un train spécial pour les déplacement de l'Empereur et
de son entourage : Compte-rendu de la séance hebdomadaire
du Conseil d'Administration de 8 juin 1855 :
"...
Monsieur le Président invite aussi la direction à s'occuper
de la construction d'un train spécialement destiné aux voyages
de l'Empereur et de sa Maison. Il pense que les autres Compagnies
voudront bien contribuer à la dépense de l'établissement
de ce train. Dans tous les cas, puisque le désir à ce sujet
a été exprimé par le Chef de l'Etat, Monsieur le Président
pense que la Compagnie doit prendre l'initiative de l'exécution.
Monsieur le Directeur répond que Monsieur Polonceau fait
dresser des projets et que ces projets pourront bientôt
être soumis au Conseil ... "
La proposition de faire
participer les autres compagnies à la dépense relevait du
simple bon sens. Il paraissait logique que circulât sur
tout le territoire un seul et même train spécialement conçu
pour permettre les déplacements de la famille impériale
dans les meilleures conditions de confort et de sécurité.
Malheureusement, les autres compagnies, pour la plupart
rivales, ne se rallièrent pas à cette sage proposition.
Le NORD et l'EST construisirent leur propre Train Impérial,
mais aucun ne fut aussi réussit sur le plan esthétique que
celui de "l'Orléans" qui leur servit pourtant de modèle.
Il fut décidé que pour des raisons d'économie et de rapidité
de fabrication, les wagons seraient construits dans les
ateliers de la Compagnie. La construction de ce train fut
confiée à Camille Polonceau, régisseur de la traction à
la Compagnie, ancien élève de l'Ecole Centrale des Arts
et Manufactures, d'où il sortit diplômé "Hors Ligne", distinction
suprême, était l'un des plus grands ingénieurs de son temps.
Si tout ce qui relevait impérativement de la technologie
purement ferroviaire était de la compétence de Camille Polonceau,
celui-ci ne devait pas être très à l'aise pour aménager
lui-même cette maison roulante articulée qu'était ce convoi.
Son agencement intérieur, son aspect extérieur, étaient
d'un autre domaine que le sien. Il fit appel à un architecte
célèbre, Eugène Viollet-le -Duc, Inspecteur Général des
Monuments Historiques, donc très haut fonctionnaire au Ministère
de l'Instruction publique et des Cultes. Ses connaissances
en botanique et en zoologie lui permirent de créer d'admirables
motifs en décoration, ameublement, ferronnerie et orfèvrerie.
Tout juste ce qu'il fallait pour aménager les divers éléments
de ce train de prestige de façon harmonieuse et cohérente.
Dans sa version initiale, le train comprend 6 véhicules,
reliés entre eux par des passerelles, à la manière des wagons
américains, permettant de passer en marche d'un véhicule
à l'autre. Les 6 voitures, dans l'ordre de marche sont :
1 - Un fourgon à bagages, contenant un compartiment pour
les gens de service et un autre où sont déposés les nécessaires
au service et à l'entretien du train, ainsi que les pièces
de rechange.
2 - Un salon pour les aides de camp, servant
de salle à manger, comportant un office et un cabinet de
toilette. Les meubles sont en chêne sculpté, les tentures
sur les murs en cuir vert d'eau, repoussé et doré. Le plafond
est peint sur bois plaqué (décors de feuillages de lierre).
3 - Un wagon plate-forme entouré d'une balustrade en fonte
richement ornée (feuillages dorés). Le toit est supporté
par des colonnes en fer poli. Des rideaux en tapisserie
peuvent se développer à volonté et servent à abriter du
vent
4 - Un salon d'honneur avec antichambre à l'arrière.
Ce wagon est armorié aux armes de l'Empire et surmonté d'une
couronne dorée supportée par des aigles. Le mobilier est
en palissandre sculpté. Les murs sont tendus de damas de
soie "vert de mer". Le plafond repose repose sur une corniche
en chêne sculpté et doré. Il est supporté par des colonnettes
en bronze doré. Ce plafond est formé de caissons étoilés
à fond blanc dans lesquels on trouve les chiffres de l'Empereur,
entremêlés de branches de laurier en dorure. Dans l'intervalle
des caissons courent des branches de roses sur fond vert
d'eau.
5 - Le wagon des chambres à coucher, qui contient
: - Le salon des dames d'honneur. Dans ce salon les sièges
peuvent s'étendre et former un lit ; un meuble d'encoignure
forme cabinet de toilette. - La chambre à coucher de Leurs
Majestés, tendue en velours bleu de ciel et velours grenat,
avec plafond peint, supporté, comme dans le Salon, par une
corniche en chêne sculpté et des colonnettes en bronze doré.
Cette chambre contient deux lits en ébène sculpté. - le
cabinet de toilette de l'Empereur. - Le cabinet de toilette
de l'Impératrice. - Des waters closet. 6 - Un deuxième fourgon
à bagages, identique à celui de tête. Les wagons salle à
manger et plate-forme comportent chacun une large plate-forme
d'accès avec escaliers fixes et ornés de rampes en fer forgé
poli et décorées de feuillages dorés.. Particularités techniques
de construction :
•1 / Les wagons ont une double suspension
: Les essieux sont classiquement suspendus par des ressorts
à lames, mais en plus les caisses sont suspendues sur les
châssis par une autre série de ressorts, donnant une grande
douceur et une absence d'oscillations latérales.
•2 /
Les boîtes d'essieu à graisse peuvent lubrifier les essieux
simultanément à l'huile (lubrification normale) et à la
graisse dure (qui fond en cas d'échauffement anormal de
la fusée d'essieu). A une circulation maintenue de 70 km/h
les boîtes restaient froides sur de longs parcours, fait
remarquable à l'époque.
•3 / Les roues à rayons sont
recouvertes d'un voile plein boulonné et bordées de garde-boue,
le tout pour empêcher les nuages de poussière lors de circulation
sur des voies à ballast en sable, courant sur le réseau
du Midi. Les châssis sont en bois, comme cela se pratique
à l'époque, avec une structure en croix de Saint André.
Les caisses ont une charpente en bois. Les panneaux extérieurs
sont recouverts de feuilles de laiton peints en bleu outremer
pour la partie supérieure et grenat sous la ceinture de
caisse. La caisse est pourvue d'une corniche supérieure
en bois dorée et d'une ceinture de caisse également en bois
doré. Le tout est agrémenté de multiples colonnettes en
bronze dorée.
Le septième wagon Alors que le train était
en pleine construction, il fut décidé d'ajouter une voiture
pour le Prince Impérial. Ce wagon fut achevé en 1858 et
le Train était alors au complet. La construction et la décoration
étaient identiques aux autres véhicules. Encadrant la chambre
du Prince, il y avait d'un côté le cabinet de toilettes
et les W.C., de l'autre deux compartiments dans lesquels
était installé un lit à coulisse et un strapontin rabattable.
Sur le toit est monté un aigle imposant en bronze moulé
et doré, représenté ailes déployées. Pour faite symétrie,
un aigle identique est ajouté à l'autre extrémité du train,
sur la toiture du wagon Salle à manger.