L'Affaire des sonnets

Tout écolier devrait avoir entendu, même
sans les avoir lu les auteurs littéraires du XVIIème
siècle, Jean Racine, Nicolas Boileau, Madame de La Fayette, sont
des auteurs qui ont donnés à la langue française ses lettres de
noblesse.
Si certains sont aujourd’hui tombés en désuétude, il
n’en demeure pas moins que nombres de leurs œuvres ont été interprétées
au théâtre, et ont même fait l’objet de films cinématographiques,
voir de téléfilms pour la télévison. Ce que l’ont sait moins c’est
que certains de ces auteurs ont été aussi la victime de détracteurs
et ont fait l’objet de cabales. Pour les curieux citons l’affaire
des sonnets qui opposât les amis et les ennemis de Racine lors de
la présentation de Phèdre.
Le Duc de Nevers, Philippe Mancini
neveux du Cardinal Mazarin, s’amuse à rédiger un sonnet critiquant,
le choix d’Anne d'Ennebaut, une actrice blonde, petite et grosse
dans son rôle d’Aricie qu’elle interprète dans la pièce de théâtre
Phèdre de Jean Racine.
Dans un fauteuil doré, Phèdre, tremblante
et blême,
Dit des vers où d’abord personne n’entend rien.
Sa nourrice lui fait un sermon fort chrétien
Contre l’affreux
dessein d’attenter sur soi-même.
Hippolyte la hait presque autant
qu’elle l’aime;
Rien son cœur et son chaste maintien.
Sa
nourrice l’accuse, elle s’en punit bien.
Thésée est pour son
fils d’une rigueur extrême.
Une grosse Aricie, au teint rouge,
aux crins blonds,
N’est là que pour montrer deux énormes tétons,
Que, malgré sa froideur, Hippolyte idolâtre.
Il meurt enfin,
traîné par ses coursiers ingrats,
Et Phèdre, après avoir pris
de la mort-aux-rats,
Vient, en se confessant, mourir sur le théâtre.
Aussitôt le comte de Fiesque, le marquis d’Effiat, Guilleragues, de Manicamp des amis de Jean Racine et de Boileau rédigèrent, en réponse, un sonnets reprenant les même rimes et dirigé contre un certain Damon qui n’est autre que le duc de Nevers. On soupçonne le duc de Nevers d’avoir des relations homosexuelles avec Monsieur Frère du Roi
Dans un palais doré, Damon, jaloux et
blême,
Fait des vers où jamais personne n’entend rien :
Il
n’est ni courtisan, ni guerrier, ni chrétien,
Et souvent, pour
rimer, il s’enferme lui-même.
La muse, par malheur, le hait
autant qu’il l’aime.
II a d’un franc poète et l’air et le maintien
;
II veut juger de tout et n’en juge pas bien.
Il a pour
le phébus une tendresse extrême.
Une sœur vagabonde, aux crins
plus noirs que blonds,
Va, dans toutes les cours, promener ses
tétons.
Dont, malgré son pays, Damon est idolâtre.
Il se
tue à rimer pour des lecteurs ingrats.
L’Énéide, à son goût,
est de la mort-aux-rats,
Et, selon lui, Pradon est le roi du
théâtre.
La réponse du duc de Nerves fut cinglante et elle fut rédigé sous la même forme de sonnet.
Racine et Despréaux, l’air triste et le
teint blême,
Viennent demander grâce et ne confessent rien ;
II faut leur pardonner, parce qu’on est chrétien,
Mais on
sait ce qu’on doit au public, à soi-même.
Damon, dans l’intérêt
de cette sœur qu’il aime,
Doit de ces scélérats châtier le maintien
:
Car il serait blâmé de tous les gens de bien,
S’il ne
punissait pas leur insolence extrême.
Ce fut une furie, aux
crins plus noirs que blonds;
Qui leur pressa du pus de ses affreux
tétons,
Ce sonnet qu'en secret leur cabale idolâtre.
Vous
en serez punis, satiriques ingrats,
Non pas en trahison d’un
sou de mort-aux-rats,
Mais de coups de bâton donnés en plein
théâtre.
On dit que, des menaces, on passa aux faits,
et la mésaventure de l’ami de Racine fut racontée toujours sur les
mêmes rimes; par P. Louis Sanlecque pour faire sa cours au duc de
Nevers.:
Dans un coin de Paris, Boileau tremblant et blême,
Fut hier bien frotté, quoiqu’il n’en dise rien
Voilà ce qu'a
produit son style peu chrétien.
Disant du mal d'autrui, l'on
s'en fait à soi-même.
C'est l'intervention du Grand Condé,
qui mit fin à la querelle en menaçant les partisans de Racine de
mettre sous sa protection les protagonistes de cette affaire.

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