La bataille du Mans


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Groupe de Chouans

Le 10 décembre 1793 eut lieu sous les murs du Mans la fameuse bataille qui porta le dernier coup à la cause des Vendéens insurgés. Le commandement de l'armée de l'Ouest venait d'être donné au général Marceau, qui succédait à Rossignol. Les Vendéens s'étaient dirigés vers le Mans, lorsque la Rochejacquelin arriva dans cette ville le 10 décembre ; ce ne fut qu'après un combat très vif qu'il put y pénétrer. La tête du Pont-Lieu, et le pont même présentaient tranchées sur tranchées, canons , chausse-trapes et chevaux de frise. Les royalistes y passèrent tranquillement la journée du 11. Le rendez-vous général de l'armée républicaine était au village de Foultourte, où se réunirent toutes les divisions commandées par le général Marceau ; de là elles devaient marcher successivement sur le Mans. Westermann suivi de la division Muller, formait l'avant garde. La Rochejacquelin, informé le même jour que des corps ennemis s'avançaient par les routes de Tours et d'Angers, fit battre la générale et marche droit à eux. Westermann se replie sur la division Millier, et bientôt s'avance de nouveau. Arrivé sur une hauteur flanquée de bois de sapins, en avant du Pont-Lieu, il y trouve les royalistes avantageusement embusqués. Le général Marceau arrive ensuite et dirige lui-même les mouvements. Connu de l'armée entière par sa bravoure, sa présence inspire à tous une entière confiance. Il avait dit en sortant de Rennes : Je suis détermine à me battre, n'eusse-je fine trente hommes à commander. La même ardeur anime le reste de quatorze mille braves de la garnison de Mayence, qui marchait à la suite de la division de Cherbourg. Déjà la cavalerie de Westermann s'étant ralliée s'avançait de nouveau recommençait l'attaque et chargeait sans attendre le signal : elle fut soutenue par la division de Cherbourg. Les loyalistes ne purent résister à l'impétuosité de leur choc ; ils rentrèrent eu désordre au Mans , ne se croyant plus en sûreté que dans les retranchements de cette ville. La Rochejacquelin les ralliait à mesure pour les placer par échelons en avant de Pont-Lieu, dont l'accès devint formidable. Marceau, prévenu contre Westermann, lui remet un billet du conventionnel Bourbotte, qui lui faisait des reproches de ce que, par son audace imprudente, il avait compromis le salut de l'armée ; il lui était enjoint, sous peine de la vie, de ne plus engager d'action, et de se borner à éclairer les démarches de l'ennemi. Le jour commençait à baisser : Marceau donne l'ordre à Westermann de prendre position pour commencer, l'attaque le lendemain. « La meilleure position, répond Westermann, malgré les menaces de Bourbotte, est dans la ville même; profitons de la fortune. ».
«-Tu joues gros jeu, brave homme, lui dit Marceau en lui serrant la main. N'importe , marche , et je te soutiens. » Il était quatre heures et demie, et le soleil n'éclairait plus l'horizon. Westermann, à la tête des grenadiers d'Armagnac, se porte sur le Mans dans le plus grand silence. Le capitaine Roland, monté le premier sur le pont, écarte les chevaux de frise, et veut avec, sa compagnie pénétrer dans la ville. Malgré les représentations de son frère, commandant du même régiment, il se précipite en s'écriant : « Nous tenons donc enfin l'ennemi ! C'est ici qu'il faut l'exterminer ou mourir glorieusement. » Son frère marche aussitôt sur ses pas. On bat la charge ; le pont et les retranchements sont forcés au même instant, et les royalistes dissipés et mis en fuite : plusieurs sont atteints et massacrés aux portes de la ville. Une batterie masquée arrête bientôt les républicains, et quelques lâches, qui déjà voulaient prendre la fuite sont retenus par l'intrépide bravoure des grenadiers d'Armagnac. Westermann demeure ferme et inébranlable. La Rochejacquelin établit aussi des batteries sur toutes les avenues de la place du Mans, et place des tirailleurs dans les maisons voisines du lieu de l'action, Un feu continuel et meurtrier écarte les plus audacieux. Westermann, frémissant de rage, fond le sabré à la main sur ceux qui n'osent avancer; mais la position redoutable des Vendéens est un obstacle insurmontable. A neuf heures du soir, Marceau, sans cesser le feu, fait halte pour prendre position. Il veut qu'aucun ennemi ne lui échappe, et dans ce dessein il a l'intention de cerner la ville. Westermann suit son exemple, et fait arrêter sa troupe, considérablement affaiblie Marceau lui envoie du canon pour empêcher les royalistes d'avancer, et fait occuper la route de Paris par une colonne qui file à sa droite, En même temps Westermann garnissait toutes les rues adjacentes de la grande place, qui était devenue le quartier général et le dernier retranchement des Vendéens, Une fusillade terrible, entremêlée de coups de canon, s'engage malgré les ténèbres. Un hussard républicain est tué par Talmont, qu'il avait défié au combat ; Herbault est blessé à mort; La Rochejacquelin a deux chevaux tués sous lui ; il quitte un instant le champ de bataille pour aller donner quelques ordres dans l'intérieur de la ville ; son absence alarme ses soldats,, et au moment où il reparaît au milieu d'eux sa voix ne peut se faire entendre; elle est étouffée par le tumulte et les gémissements d'un grand nombre de femmes éplorées.
Dès ce moment il ne put ni rien prévoir ni rien préparer. Une grande partie des Vendéens, plongés soit dans l'ivresse,. soit dans le sommeil, se réveille au bruit du canon; cette multitude accourt et veut prendre part au combat ; mais ce n'est partout que désordre et confusion. Les rues sont bientôt jonchées de cadavres, et les cris affreux des blessés et des mourants jettent partout l'épouvante et la consternation. L'encombrement des voitures augmente encore le tumulte, les hommes, pêle-mêle avec les chevaux , s'écrasent et se tuent. Tous les efforts de La Rochejacquelin et des autres chefs, sont inutiles ; croyant la bataille perdue sans ressource, pour éviter un massacré général, ils se ménagent une retraite. Ils rassemblent quelques cavaliers, et gagnent la route de Laval, la seule qui n'était point occupée par les républicains ; les fuyards s'y étaient déjà portés, et l'on n'en put rallier qu'un petit nombre. Le bruit de l'artillerie se faisait toujours entendre, La Rochejacquelin jugea qu'une partie de son armée soutenait encore le combat; il tourne bride et court au galop joindre l'arrière garde mais il est de nouveau entraîné par les fuyards qui lui crient que tout est perdu, qu'il n'y a plus d'espoir : et tous ses efforts sont désormais inutiles. Cependant les républicains combattaient depuis quatre heures de l'après midi sans savoir pu pénétrer dans la place du Mans, dont une artillerie foudroyante défendait les approches. Les batteries; étaient servies par quelques Vendéens intrépides voués à une mort certaine ; une pièce de douze chargée à mitraille emportait des rangs entiers des assiégeants. Vers les deux heures du matin on resta des deux côtés en observation jusqu'au point du jour, soit que la terreur, la lassitude ou l'impuissance, de rien entreprendre eussent forcé les combattants à suspendre leurs coups. Mais Westermann reçut un renfort de nouvelles troupes que lui envoya le général Kléber, qui venait d'arriver avec la division mayençaise. Quoique blessé, Westermann, après avoir eu deux chevaux tués sous lui, n'avait point quitté le poste périlleux de l'avant-garde. Il recommença l'attaque, tandis que le général Carpentier, voulant enfin triompher de l'opiniâtre résistance des Vendéens; fait pointer tour à tour du canon chargea boulets et à mitraille sur les batteries ennemies et sur les fenêtres des maisons situées dans les angles de la place. En même temps les chasseurs des Francs et de Cassel, réunis aux grenadiers d'Aunis et d'Armagnac, fondent, la baïonnette à la main, surtout ce qui est devant eux. Rien ne put résister à cette dernière attaque. Tout ce qui échappa au fer des vainqueurs se sauva par la route de Laval, abandonnant, l'artillerie presque entière, les bagages , les femmes, les enfants et les blessés. L'armée républicaine, réunie au faubourg de Pont-Lieu , fait en ce moment son entrée dans la ville au pas de charge. Le Mans, dont les rues sont encombrées de morts, de monceaux d'armes, de voitures brisées, de chevaux étouffés, de canons, de caissons, de bagages , présente l'horrible spectacle d'une ville prise d'assaut et livrée à la fureur du soldat. Les maisons, les rues, les places publiques offrent le spectacle le plus affreux ; tout est couvert de morts. Marceau, qui voit en gémissant tous les excès auxquels se portent les soldats, ne peut mettre un terme qu'en faisant battre la générale. Westermann, à la tète des grenadiers d'avant-garde, poursuit avec acharnement les fuyards sans, s'arrêter au Mans. La déroute des royalistes ne s'arrêta qu'à la Chartreuse-du-Parc, et pendant l'espace de 56 kilomètres, il ne se trouvait pas 2 mètres de terrain qui ne fussent couverts de quelques cadavres. Les paysans, soit qu'ils voulussent mettre un terme aux calamités d'une guerre qui menaçait leur vie et leurs propriétés, soit qu'ils s'empressassent de prendre le parti des vainqueurs, firent des battues dans les bois, parcoururent les fermes et les habitations, où ils tuèrent un grand nombre de fuyards. La Rochejacquelin arriva dans la soirée du 13 à Laval, où tous ses partisans qui avaient évité le fer et le feu des républicains vinrent bientôt le rejoindre. Ce fut alors que les chefs vendéens purent juger de la faiblesse de leur parti. La défaite du Mans venait de leur enlever leurs plus braves soldats, leur artillerie, leurs munitions ; tous pensèrent que la prudence exigeait qu'ils se rapprochassent de la Loire, pour en tenter le passage à quelque prix que ce fût.
Le 15 octobre 1797 la ville du Mans fut assaillie à l'improviste par les chouans, qui, après avoir pillé les caisses publiques et les maisons particulières, l'évacuèrent le 17.


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