Francœur Ierroi de Ratonneau

Voici le récit du premier et unique roi
de l’ile de Ratonneau qui en 1765 s’auto proclama Roi sous le
nom de Francœur Ier
Le Château de Ratonneau s'élève
au milieu de la petite ile du même nom ; il se compose d'une
tour pompeusement décorée du nom de donjon, à laquelle sont
appuyés quelques bâtiments d'habitation, protégés par un mur
d'enceinte.
C'est là que, vers l'année 1765, un caporal nommé
Francœur se déclara roi de Ratonneau. Déjà il avait donné quelques
marques de démence, mais on le, croyait entièrement guéri, et
ses camarades vivaient avec lui sans défiance. Un jour, il était
de garde à la porte du donjon ; pendant que la troupe, sortie
de la forteresse, était allée chercher les provisions qu'une
barque apportait chaque jour de la ville, Francœur lève le pont-levis,
charge les canons et commence par tirer sur ses compagnons.
Ceux-ci se hâtèrent de s'embarquer et de prendre le large. Maître
de l'île, Francoeur se persuada facilement qu'il en était le
souverain absolu ; par le fait, il ne dominait que sur des troupeaux
de chèvres, et il disposa de la vie de ses sujets au gré de
son appétit. N'ayant aucune ressource pour se procurer du pain
et du vin, son imagination lui en fournit une assurée ; ce fut
de rançonner les navires qui passaient à la hauteur de Ratonneau.
Francœur remplissait seul toutes les fonctions militaires il
était à la fois gouverneur, officier, soldat, artilleur ; la
nuit, un fanal à la main, il allait reconnaître les postes.
A Marseille, l'alarme fut grande lorsque, pour la première fois,
on entendit le canon de Ratonneau et que l'on vit la petite
garnison du fort faisant force de rames pour gagner le port.
On crut tout d'abord à quelque surprise des Anglais et des Espagnols
; la générale battit dans les rues, on courut de toute part
aux armes, et le gouverneur se disposait même à expédier courrier
sur courrier au roi Louis XV et aux garnisons les plus voisines,
lorsque l'on apprit le véritable motif de tout ce bruit et le
burlesque avènement au trône de Francœur Ier, roi
de Ratonneau. On dépêcha vers le conquérant quelques canots
armés, mais ils furent reçus à coups de canon. La partie n'était
pas égale, puisque la garnison du fort pouvait, à l'abri des
remparts, foudroyer les embarcations sans qu'elles pussent utilement
riposter, et qu'en dernière analyse on exposait la vie de plusieurs
braves soldats contre celle d'un fou ; il fallut se retirer,
et plusieurs jours se passèrent ainsi. Mais du château d'If
et de Pomègue on s'aperçut que le roi de Ratonneau, plein de
sécurité depuis sa dernière victoire, commençait à faire de
fréquentes sorties ; cette circonstance détermina le gouverneur
de Provence à donner ordre à une compagnie d'aller le prendre.
Les soldats partirent dans la nuit du 3 au 4 novembre, ils parvinrent
à se glisser sous les remparts du donjon. Francœur vient faire
sa ronde ordinaire, il abat le pont-levis ; à peine est-il dehors
qu'on l'entoure « Braves gens, s'écria-t-il, c'est bien, ce
sont les droits du combat. Le roi de France est plus puissant
que moi, il a de bonnes troupes ; je me rends, mais avec les
honneurs de la guerre ; je demande seulement mon havresac et
ma pipe. »
Le lendemain, Francoeur traversait Marseille en véritable
triomphateur ; on lui assignait pour palais l'hôpital des fous,
un infirmier pour garde, 220 livres pour liste civile. Plus tard
il fut envoyé aux Invalides. Aujourd'hui, les îles de Ratonneau
et de Pomègue sont réunies par une chaussée qui forme avec elles
le port de la Quarantaine, que l'on a aussi nommé port du Frioul,
du Refuge et de Dieudonné ; il est commandé par le château d'If.
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