L'accident du Duc D'orléans


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Louis Philippe au chevet de son fils

Le 13 juillet 1842, le fils du roi Louis-Philippe est tué dans un accident de la circulation. Voici le récit de cet évènement tel qu’il figure dans le Dictionnaire géographique, historique, industriel et commercial de toutes les communes de la France et de plus de 20,000 hameaux en dépendant : illustré de 100 gravures de costumes coloriés, plans et armes des villes, etc..... 1844 Girault de Saint-Fargeau, Eusèbe (1799-1855).Source Gallica

C'est au tournant de ce chemin el de la grande route de Neuilly qu'eut lieu la fatale catastrophe qui occasionna la mort de S. A. R. le duc d'Orléans.
Le 13 juillet 1842, à midi, le duc d'Orléans devait partir pour St-Omer, où S. A. R. devait inspecter plusieurs régiments désignés pour le corps d'armée d'opérations sur la Marne. Ses équipages étaient commandés, ses officiers étaient prêts. Tout se disposait au pavillon Marsan pour ce voyage, après lequel S. A. R. devait aller rejoindre Madame la duchesse d'Orléans aux eaux de Plombières. A onze heures le prince monta en voilure pour aller à Neuilly faire ses adieux au roi, à la reine et à la famille royale. Arrivé à la hauteur de la barrière de l'Etoile, le prince, qui était seul dans sa voiture, sur le siège de derrière de laquelle était un domestique, remarqua que l'un des chevaux paraissait se tourmenter ; il avertit le postillon, qui d'abord retint le cheval, mais bientôt n'en fut plus maître.

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La chute mortel du Duc

Le second cheval, le porteur, excité par les allures vives el impatientes du cheval sous la main, commença aussi à s'animer, et au moment où l'équipage parvint au tournant du chemin de la Révolte et de l'avenue de Neuilly, en face de la porte Maillot, le postillon dut employer toutes ses forces pour contenir l'attelage. «, Vos chevaux s'emportent! Cria le duc d'Orléans ; et comme le postillon se consumait en efforts inutiles pour les retenir, le prince royal renouvela deux fois cet avis en se penchant hors de la voiture. Cependant le danger devenait de plus en plus imminent, et les chevaux lancés à toute volée menaçaient de précipiter la voiture dans le fossé qui fait face à l'extrémité du chemin de la Révolte. Il paraît qu'en ce moment, tandis que le duc d'Orléans était debout, un choc irrésistible le lança hors de la voiture avec une épouvantable violence. Le prince tomba sur la tête, et se fractura la partie postérieure du crâne d'une oreille à l'autre, jusqu'à l'os frontal, qui était presque entièrement détaché de la tête. Relevé aussitôt par les témoins de sa déplorable chute, le prince royal fut transporté dans la maison la plus proche, qui se trouva être celle d'un marchand épicier, chemin de la Révolte.

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Le duc d'Orleans sur son lit de mort dans La chambre de Monsieur Cordier entouré des membres de la famille royale

Au moment où il avait été relevé, sur le théâtre même de l'événement, le prince avait perdu connaissance ; on s'enquit aussitôt d'un médecin qui pût lui donner les premiers secours; tandis que l'on courait à Paris, et à Neuilly prévenir les hommes de l'art attachés au château, trois médecins de la commune de Neuilly étaient arrivés près du prince, et une saignée fut aussitôt pratiquée. Bientôt les secours arrivèrent de tous côtés ; quarante sangsues furent appliquées à la tête : les remèdes les plus énergiques- furent employés ; mais,malgré tous les efforts de la science, le prince ne put recouvrer le sentiment. Cependant Monsieur le docteur Pasquier fils, premier chirurgien du prince royal, venait d'arriver. En même temps LL. AA. le duc d'Aumale, accouru de Courbevoie, et le duc de Monlpensier de Vincennes, avaient rejoint leur famille à Neuilly. Le docteur, après avoir examiné l'état du blessé, avait déclaré que sa situation était des plus graves. On craignait un épanchement au cerveau, et tous les symptômes se réunissaient malheureusement pour donner crédit à cette appréhension redoutable. Chaque minute semblait empirer le mal. Le prince n'avait-pas repris un seul instant connaissance.

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La mort du Duc

Quelques mots, prononcés confusément en langue allemande, avaient seuls pu inspirer un espoir presque aussitôt évanoui que conçu. Cependant à la nouvelle de cet accident la reine, hors d'elle-même, s'était précipitée vers le parc de Neuilly et le traversait avec rapidité; le roi l'avait suivie. Les voitures rejoignirent LL. MM. qui, accompagnées de Madame la princesse Adélaïde et de Madame la princesse Clémentine, continuèrent leur route jusqu'à la maison où le duc d'Orléans avait été porté, et ou il ne donnait presque plus signe de vie. On se figure plus aisément qu'on ne les décrit l'émotion et la douleur de LL. MM. et de LL. AA. RR. en présence d'un pareil spectacle. Au moment où la reine arriva près du lit de son auguste fils, de grosses larmes s'échappèrent des yeux du prince mourant, qui demeura sans voix; l'arrivée du roi, des princes et des princesses parut augmenter ses larmes, mais toujours sans lui rendre la parole, malgré les cris désespérés et les caresses pleines d'angoissés de cette royale famille. JM. le duc d'Aumale, prévenu en toute hâte, était parti de Courbevoie pour Neuilly. Le cheval de son cabriolet s'emporta, et la voiture, jetée sur un chariot de roulage, se brisa. Grâce au ciel, ce nouvel accident n'eut pas d'autre suite. Cependant la reine avait demandé un prêtre. Monsieur le curé de Neuilly s'était empressé d'accourir. Il essaya de parler au prince, qui paraissait tout voir et tout comprendre, mais qui n'a jamais répondu. En ce moment ses souffrances ont semblé extrêmes, et le vénérable pasteur s'est préparé à lui donner l'extrême onction. Alors la chambre où se trouvait le duc d'Orléans a présenté un spectacle déchirant et sublime.

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La duchesse d'Orléans tenant son fils, Louis Philippe, comte de Paris

Le roi, la reine, les princes et les princesses étaient à genoux, par terre, autour du moribond, poussant des sanglots, et le prêtre lui administrait le dernier sacrement. Le prince royal était en proie à tous les symptômes d'une fin prochaine. A trois heures quarante-cinq minutes, il rendait son âme à Dieu, béni par la religion, qui avait assisté ses derniers moments, entre les bras du roi son père, qui avait incliné ses lèvres sur ce front mourant, sous les larmes de sa mère infortunée, au milieu des sanglots et des cris de douleur de toute sa famille. La porte de la maison, sur laquelle étaient fixés tous les regards, s'ouvrit : chacun se découvrit et fit silence en voyant apparaître une longue civière portée par des soldats et des serviteurs de la maison d'Orléans et tout enveloppée de rideaux blancs dérobant aux regards le corps de l'auguste défunt. La reine avait refusé de remonter dans sa voiture, et elle avait déclaré qu'elle accompagnerait le corps de son fils jusqu'à la chapelle du palais de Neuilly, où elle avait voulu qu'il fût exposé.
En conséquence, on avait fait venir en, toute hâte une compagnie d'élite du 17ème régiment d'infanterie légère pour former la haie sur le passage du cortège funèbre. Le lugubre cortège se mit en route. Le lieutenant général Athalin marchait en avant de la litière qui était portée par des sous-officiers. Derrière le corps suivaient à pied, le roi, la reine, Madame la princesse Adélaïde, Madame la duchesse de Nemours, Madame la princesse Clémentine, Monsieur le duc d'Aumale, Monsieur le duc de Montpensier. Venaient ensuite Monsieur le maréchal Soult, les ministres, le maréchal Gérard, les officiers généraux, les officiers du roi et des princes, et toute la foule des assistants. Le convoi parcourut ainsi l'avenue de Sablonville, franchit la vieille route de Neuilly, et entra dans le parc royal, qu'il traversa dans toute sa longueur. Le roi n'avait voulu céder à personne le droit de conduire le deuil de son fils aîné. Il est ainsi arrivé, accompagné de la reine, jusque la chapelle du château, où le roi et la reine, après s'être agenouillées devant l'autel, ont laissé le corps de leur enfant bien-aimé sous la garde de Dieu ! Le soir, la famille royale s'était retirée. Le chancelier et les ministres seuls ont été admis chez le roi.
A sept heures, M. Berlin de Vaux, officier d'ordonnance du prince royal, et M. Chomel, premier médecin de Son Altesse Royale sont partis pour Plombières, où Madame la duchesse d'Orléans devait passer une saison de bain. S. A. R. Monsieur le duc de Nemours reçut à Nancy la nouvelle du malheur affreux qui a frappé sa famille ; elle lui parvint au moment où il était occupé à une inspection dans le quartier du 1er régiment de hussards. La fatale nouvelle parvint à Plombières dans la journée du 14.

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Les funérailles du duc d'Orléans

Il était question seulement d'une maladie grave du prince royal. La princesse reçut avec une émotion douloureuse cette première et prudente communication de l'affreux malheur qui devait la frapper. Elle voulut partir sur-le-champ, et le général disposa tout pour son départ immédiat. Deux heures après, S. A.R. était en voiture. A quelques kilomètres en deçà d'Epinal, pendant la nuit, la voiture de S. A. R. fut soudain arrêtée par la rencontre de celle qui devait conduire à Plombières M. le commandant Bertin de Vaux et Monsieur Chomel. Ce dernier s'approcha de la portière de la princesse, qui mit pied à terre avec une vitesse extraordinaire. « Quelles nouvelles ? demanda S. A. R. toute tremblante. Il est donc plus malade ? » M. Chomel n'eut pas la force de répondre. « Il est mort ! Je vous comprends ! » s'écria la princesse avec un accent déchirant; et on eût dit qu'elle allait succomber sous le poids de son malheur. Partout, sur le passage de S. A. R., les populations ont témoigné par leur contenance respectueuse, triste et consternée, la part qu'elles prenaient à son malheur. A Neuilly, le roi et la reine attendaient S.A.R. à la descente de sa voiture, en avant du vestibule du Petit-Château, où les appartements de la princesse avaient été préparés. Le roi a reçu sa fille entre ses bras ; la reine l'a inondée de ses larmes. La duchesse sanglotait. Mais comment raconter une scène qui n'a pas eu de témoins ? Tout le monde s'était éloigné par respect pour ces premiers et augustes épanchements d'une si grande infortune. Le 15 au matin, M. Pradier a procédé, dans la chapelle de Neuilly, à l'opération du moulage en plâtre du visage, des mains et des pieds de S. A. R. Monsieur le duc d'Orléans. Après cette opération on procéda à l'autopsie et à l'embaumement par la méthode égyptienne. Le corps a été revêtu d'un uniforme neuf de lieutenant général et de tous les insignes ; il a été placé dans un premier cercueil en sapin doublé de soie, enfermé dans un cercueil de plomb soudé. Ce dernier a été enfermé dans un cercueil de chêne recouvert en velours.
La maison dans laquelle Monsieur le duc d'Orléans a rendu le dernier soupir a été fermée le lendemain de l'événement. Des personnes envoyées du château ont fait un inventaire minutieux de tous les meubles et objets que renfermait la chambre où Son Altesse Royale rendit le dernier soupir. Le locataire qui l'occupait, Monsieur Cordier, voulait enlever une faux suspendue à la muraille, mais on l'a prié de l'y laisser. On a, de plus, levé, de la manière la plus exacte, le plan de la chambre avec la place que chaque objet occupait. Une pièce absolument pareille a été disposée au palais de Neuilly, et tous ces objets y occupent la place où ils étaient dans la chambre où est mort le prince. L'achat de la maison a été également arrêté avec le propriétaire. Cette maison a été démolie, et une chapelle élevée sur son emplacement.



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