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Le Vicomté de Limoges


1 et 4, d'azur, au lion d'argent; 2 et 3, de gueules, Les Chatellenies du Limousin
Les Chatellenies du Limousin

Selon Jules César dans la Guerre des Gaules, l'actuelle région était habitée par la tribu des Lémovices qui joua un grand rôle dans la résistance gauloise. La capitale de cette tribu était l'oppidum de Villejoubert, situé sur la commune de Saint-Denis-des-Murs en Haute-Vienne. Cette ville était le point de rencontre de nombreux itinéraires économiques, en effet, les Lémovices étaient connus pour leur production d'or extrait des mines à ciel ouvert qui étaient nombreuses dans la région. D'autres sites avaient leur importance comme le puy d'Yssandon, Ahun, Uzerche ou encore Saint-Gence. César conquit le territoire des Lémovices en 52 av. J.-C., dès lors commença la romanisation du territoire qui ne bouleversa pas l'économie du pays. Seules les villes furent déplacées afin de faciliter le parcours des marchandises et le contrôle des autochtones par l'autorité romaine. Ainsi, la capitale des Lémovices fut transféré à Augustoritum, la future Limoges, cité entièrement créée par les Romains vers 10 av. J.-C. afin de faciliter la traversée de la Vienne. Le Limousin possédait des cités secondaires comme Briva Curretia (Brive-la-Gaillarde) sur la route Lyon-Bordeaux, Acitodunum (Ahun) sur la route Bourges-Clermont. D'autres sites plus religieux, dont nous conservons les vestiges, furent créés ou romanisés comme Cassinomagus (Chassenon) et Evaux-les-Bains célèbres pour leurs thermes, Tintignac sur la commune de Naves avec un sanctuaire qui regroupe notamment un temple et un théâtre mais aussi Les Cars sur la commune de Saint-Merd-les-Oussines. Ce dernier site présente les vestiges de mausolés des IIème et IIIème siècles, installés non loin d'une villa. Ces villae étaient au centre de grands domaines agricoles qui étaient les principales entités sociales et économiques des campagnes limousines gallo-romaines. Ce maillage était très resséré à tel point qu'il était courant de rencontrer en moyenne une villa tous les un à deux kilomètres. Aucune terre n'était laissée en friche. Les campagnes du Limousin étaient ainsi exploitées par de riches propriétaires qui vivaient dans des villae. Ces propriétaires étaient bien souvent issus de l'ancienne aristocratie gauloise. Il adoptèrent très tôt la culture et le confort romains.

Le Château de Turenne
Le Château de Turenne (19).

La toponymie a gardé le souvenir de ces exploitations agricoles et parfois de leur propriétaire. De nombreux villages finissant en -ac sont d'anciennes villae comme Flavignac (« villa de Flavinius »), Solignac ou Solemniacum (« villa de Solemnius »).
Le Limousin fut touché par les premières invasions germaniques du IIIème siècle comme l'ensemble de la Gaule. Certains sites furent progressivement abandonnés comme les villae de la Montagne limousine. Augustoritum se rétracta sur le puy Saint-Étienne autour de l'une des premières églises chrétiennes du Limousin. La région mais surtout Augustoritum fut évangélisée dès le IIIème siècle par saint Martial, qui selon la légende aurait été envoyé par l'évêque de Rome. La cité de Brive aurait reçu l'Évangile de la bouche de saint Martin de Brive qui est mort lapidé par les habitants encore païens de la petite ville. Le reste de la région demeura vraisemblablement païenne assez longtemps et ne fut complètement christianisée qu'à la fin du Vème siècle. Au milieu du Vème siècle, le Limousin comme l'ensemble de l'Aquitaine était soumis au pouvoir des Wisigoths, barbares romanisés convertis au christianisme mais professant l'hérésie arienne. Ce n'est qu'en 507 après la victoire de Clovis sur les Wisigoths à Vouillé que la région passa sous la coupe des rois francs bien qu'elle gardât une certaine indépendance. C'est ainsi qu'au VIIème siècle, un duc gérait au nom des rois francs l'Aquitaine, avec une grande autonomie. Le Limousin contrairement à l'ouest du duché d'Aquitaine ne semble pas avoir eu à subir les incursions arabo-berbères.
Les temps mérovingiens furent marqués en Limousin par l'essor de l'érémitisme. En effet, de nombreux hommes venus du nord de la Gaule et parfois des iles britanniques vinrent s'installer en Limousin pour vivre seul et en prière. Leur réputation de sainteté attira des gens, formant ainsi des noyaux de bourgs : Saint-Junien, Saint-Victurnien, Saint-Marien (Evaux-les-Bains), Saint-Léobon (Le Grand-Bourg). D'autres clercs fondèrent des abbayes comme Aredius ou Yrieix à Attane (Saint-Yrieix-la-Perche) vers 570, Éloi à Solignac en 632 ou encore Pardoux à Guéret.
Au Xème siècle, le Limousin se divise en un grand nombre de seigneuries dont les plus importantes sont les vicomtés de Limoges, Comborn, Ventadour et Turenne, qui se partagent le Bas-Limousin alors qu'une grande partie du nord de la région est dominée par le comté de la Marche. L'évêque de Limoges est lui aussi un grand seigneur terrien qui domine une bonne partie du cœur de l'actuelle Haute-Vienne, d'autres petits seigneurs se battent pour le reste comme le seigneur de Lastours, le seigneur des Cars ou le vicomte de Rochechouart. Un tel morcèlement du territoire voit fleurir un grand nombre de châteaux et de tours au cœur de la campagne limousine dont la société féodale est à l'image de celle de toute l'Europe occidentale à la même époque. Les ruines de Lastours, de Ventadour, de Comborn mais aussi d'Excideuil sont encore là pour rappeler le souvenir de ces divisions. Le Limousin connut au IXème siècle la création de nombreuses abbayes : les chanoines de l'abbaye Saint-Martial de Limoges adoptèrent la règle bénédictine en 848, comme l'abbaye féminine de la Règle à la même époque. Sur les tombeaux des saints ermites comme Saint-Junien, Eymoutiers (Saint-Psalmet), Saint-Léonard furent crées des collèges de chanoines chargés du culte de leurs saints patrons. Avec la naissance de seigneuries indépendantes du pouvoir ducal, de nombreuses abbayes furent fondées : Beaulieu en 860 par Rodolphe de Turenne, Chambon par l'abbé de Saint-Martial, Moutier-d'Ahun par le comte Boson de la Marche vers l'an mil, Le Chalard à la fin du XIème siècle par Saint-Geoffroi et Gouffier de Lastours. XIIème siècle et XIIIe siècles : temps de l'apogée. Avec l'essor économique de la fin du XIème siècleème et le développement des flux humains et notamment des pèlerinages, les nombreuses abbayes limousines déjà existantes s'agrandissent et de nouveaux ordres religieux s'implantent dans la région.

saint Martial
Remise du bâton de saint Pierre (détail) à saint Martial. Voûtain Est de la chapelle de saint Martial (palais des Papes, Avignon).

Ainsi sont construites les splendides églises abbatiales et collégiales romanes de Beaulieu-sur-Dordogne, de Solignac, Le Dorat et de Saint-Léonard-de-Noblat. La plus important de ces implantations religieuses est sans conteste l'abbaye Saint-Martial de Limoges. En effet, le pèlerinage à saint Martial (apôtre d'Aquitaine) draine de nombreux pèlerins dont en premier lieu les seigneurs d'Aquitaine et comtes de Poitiers.
Son influence politique et religieuse lui garantit richesse et pouvoir. La renommée de l'abbaye doit son origine à ses créations musicales polyphoniques dès le Xème siècle et qui prendront l'appellation d'École de Saint-Martial. Au XIIème siècle cette fois c'est le développement de la fabrication des émaux dit champlevés ornant les châsses et les objets liturgiques qui prennent le relais et donne aux ateliers limousins une reconnaissance dans l'Europe chrétienne. On conserve aujourd'hui encore plus 12 0000 pièces de cet orfèvrerie émaillée dans les plus grands musées du monde, et l'historienne Marie-Madeleine Gauthier a estimé à plus de 120 000 pièces produites et diffusées entre le XIIème siècle et XIVème siècle.
Le Limousin passe aux mains des Plantagenets en 1152 par le mariage d'Aliénor d'Aquitaine et d'Henri II, futur roi d'Angleterre. Dès lors, la région est soumise à l'autorité anglaise qui participe pour sa part à l'essor artistique et religieux du Limousin. Ainsi, le jeune ordre de Grandmont fondé par Étienne de Muret se propage dans tout le domaine des Plantagenets depuis le royaume d'Angleterre jusqu'aux Pyrénées. D'autres ordres religieux sont créés ou s'installent en Limousin : l'abbaye d'Aubazine fondé par un ermite est affilié à l'ordre de Cîteaux alors que près de Saint-Léonard-de-Noblat est fondé un ordre érémitique, dont le cœur est le prieuré de L'Artige.
Avec la guerre de Cent Ans, le Limousin connait une crise profonde qui fit entrer la région dans une période de déclin économique grave. De nombreuses cités et d'innombrables villages sont pillés par les bandes de routiers ou les soldats des armées française et anglaise. Ainsi, la cité épiscopale de Limoges, qui s'était ralliée au roi de France, fut saccagée en septembre 1370 par les troupes du Prince Noir. La vicomté de Limoges fut rattachée au domaine royal français en 1607. Dans Le Curé de village, (1839), Honoré de Balzac donne cette description du Limousin : « À cinq lieues au-delà de Limoges, après les gracieux versants de la Vienne et les jolies prairies en pente du Limousin qui rappellent la Suisse en quelques endroits, et particulièrement à Saint-Léonard, le pays prend un aspect triste et mélancolique. Il se trouve alors de vastes plaines incultes, des steppes sans herbe ni chevaux, mais bordés à l'horizon par les hauteurs de la Corrèze. » .


La Vicomté de Turenne

La Vicomté de Turenne

Les Chatellenies du Limousin
Les Chatellenies du Limousin

C'est au IXème siècle (823) qu'apparaissent les premiers seigneurs de Turenne. Devenue un véritable État féodal à la suite des croisades, puis un des plus grands fiefs de France au XIVème siècle, la vicomté de Turenne jouit du Moyen Âge au XVIIIème siècle d'une autonomie complète. Jusqu'en 1738, les vicomtes, tenus à un simple hommage d'honneur envers le roi et exempts d'impôts à son égard, agissent en véritables souverains : ils réunissent des États généraux, lèvent les impôts, battent monnaie, anoblissent. La vicomté forme un État dans l'État. Ainsi, lorsque le roi interdit dans le royaume la culture du tabac, introduite en Aquitaine en 1560, cette mesure ne s'applique pas à la vicomté, où, au contraire, elle s'intensifie.
Turenne a vu se succéder quatre familles de vicomtes. Du IXème siècle au XIIIème siècle, les Comborn, originaires de la vallée de la Vézère, qui participent activement aux croisades et aux guerres franco-anglaises, obtiennent des privilèges exorbitants des rois de France. Puis, durant la première moitié du XIVème siècle, la vicomté est reprise par les Comminges, grands féodaux pyrénéens, avant d'être cédée, pendant 94 ans, aux Roger de Beaufort, dont sont issus deux papes d'Avignon, Clément VI et Grégoire XI. Cette famille donna deux vicomtes : Guillaume III Roger de Beaufort, Raymond de Turenne, huitième du nom et deux vicomtesses Antoinette de Turenne et Éléonore de Beaujeu. Ensuite, de 1444 à 1738, la vicomté devient la possession de la famille de La Tour d'Auvergne. À leur apogée, Henri de La Tour d'Auvergne, coreligionnaire et compagnon d'armes du roi Henri IV, devient duc de Bouillon et prince de Sedan. Son fils Henri, maréchal de France, reçoit le surnom de «grand Turenne».
Sous les La Tour d'Auvergne, la vicomté passe à la Réforme, le calvinisme, propagé par les bateliers de la Dordogne, se diffuse dans la région. En 1575, après la Saint-Barthélemy, Henri de La Tour s'engage aux côtés d'Henri de Navarre ; Turenne devient un haut-lieu des guerres de religion puis des troubles de la Fronde. Le 8 juin 1738, Turenne est vendue à Louis XV, pour rembourser les dettes de jeu de Charles-Godefroy, le dernier des vicomtes de la famille La Tour d'Auvergne. Ainsi prend fin la quasi-indépendance du dernier fief français. Les viscomtins, devenus sujets de Louis XV, sont alors contraints à l'impôt et le roi ordonne le démantèlement de la forteresse. À la Révolution, Turenne n'est plus que le siège d'une prévôté royale. La seigneurie de Turenne occupe un territoire limité par trois provinces et trois évêchés. Jouxtant le Périgord noir, elle prend appui dès l'origine sur le Bas Limousin et le Quercy. Elle contrôle notamment les transhumances de bétail entre les plateaux du Limousin et ceux du Quercy. Dans sa plus grande extension, au XVème siècle, elle s'étire des environs de Meymac ou de Lapleau (Corrèze), au nord-est, à ceux de Terrasson (Dordogne), à l'ouest, et de Gramat (Lot), au sud. À cette époque, les principales villes fortifiées de la vicomté sont Argentat, Servières, Beaulieu, Gagnac, Martel, Saint-Céré et Turenne ; les remparts entourent également les bastides de Bretenoux et Puybrun [1], les cités de Carennac, Curemonte, Meyssac et Collonges. On dénombre alors environ 100 000 habitants, répartis en 18 500 feux, 111 paroisses et 1 200 villages.


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