Ce département tire son nom de sa situation
sur le cours tout à fait inférieur de la Loire, qui le longe, puis le
traverse de l'est à l'ouest pour aller se jeter dans l'Atlantique par
un estuaire. Il a été formé de l'ancien diocèse de Nantes, pays de Haute-Bretagne
dont la partie au sud de la Loire portait le nom spécial de Retz et
avait pour chef-lieu. Machecoul. Sa superficie est de 6 980 kilomètres
carrés, ce qui en fait le 24ème département pour l'étendue.
La Loire-Inférieure est l'une des régions les plus basses, de notre
pays, sa plus haute altitude n'étant que de 115 mètres dans la forêt
de Javardon, au nord de Châteaubriant, sur la frontière d'Ille-et-Vilaine.
Parmi ses chaines de collines, la plus caractérisée est le Sillon de
Bretagne, qui, élevé de 91 mètres près du Temple, s'allonge au nord
de l'estuaire de la Loire, où il commande les Brières, marais souvent
inondés, prairies tourbeuses, dont la plus vaste est la Grande-Brière.
Longue de 15 kilomètres, large de 10, elle a bien 8000 hectares à l'altitude
moyenne de 3 mètres. Ancienne forêt mouillée, pleine encore de troncs
noircis par un long séjour dans la tourbe, on la voit tour à tour, et
suivant la saison, nappe sans profondeur où l'on chasse les oiseaux
d'eau, prairie où paît le mouton et d'où les Briérons tirent, par milliers
de tonnes, la tourbe que des bateaux à fond plat, nommés blains, mènent
à l'étier du Méan, dernier affluent droit de la Loire.
Elle est la propriété de 48 communes dont les
villages, bâtis sur les terres hautes, apparaissent l'hiver comme autant
d'iles. Du reste, bien d'autres parties du territoire sont marécageuses,
notamment les rives du lac de Grand-Lieu, situé a 2 mètres d'altitude.
Nantes est à 19 mètres, Châteaubriant à 56 mètres; l'altitude moyenne
est de 60 mètres environ. Le littoral du département, tantôt escarpé
et rocheux, tantôt bas et sablonneux, est partagé en deux par l'estuaire
de la Loire, que limitent les pointes de Chemoulin et de Saint-Gildas.
La côte septentrionale, très découpée, offre la rade et la pointe du
Croisic, bordées de marais salants. Des dunes, qui s'avançaient jadis
vers l'intérieur des terres, sont aujourd'hui fixées par des plantations
de pins maritimes. Au sud de la Loire, la côte est plus régulière et
limite au nord-est la baie peu profonde de Bourgneuf, qui finira par
s'élever au niveau du continent et y rattacher l'Ile de Noirmoutier;
il y a là des marais salants.
C'est le 9 Mars 1957 que le département de la Loire-Inférieure prend officiellement le nom de Loire-Atlantique
Note : ce site officiel
du ministère de la culture vous donne toutes
les informations relatives à tous les lieux
et objets inscrits au patrimoine de chaque commune
d'un département.
Superficie :689
900 ha
Population: 1 296 364 hab.(2011)
Dénsité :188 hab./km²
Nb de communes :221
Le département de la Loire-Inférieure était occupé
dès la plus haute antiquité par un peuple appelé les
Namnètes. Comme il y a eu des historiens qui ont fait
descendre les Francs d'un Troyen appelé Francus, on
en trouve aussi qui ont fait descendre les Namnètes
d'un fils de Noé, appelé Namnès, personnage fort peu
historique, comme on s'en doute bien, et qui aurait
fondé Nantes. D'autres, avec aussi peu de certitude,
marquent l'année 1620 avant Jésus-Christ pour la date
de l'origine de cette ville. Ce sont des fables. Tout
ce qu'on peut dire de certain sur ces époques reculées,
c'est que le célèbre navigateur marseillais Pythéas,
qui vivait vers 280 avant Jésus-Christ, cite Corbilo,
un des ports des Namnètes, comme une ville comparable
à Marseille ou à Narbonne, d'où l'on peut induire que
ce pays prospérait déjà depuis longtemps. Que les Nantais
n'aillent pas chercher plus loin ; ce sont là déjà d'assez
beaux titres. La capitale des Namnètes était Contigwic,
qui s'élevait au confluent de l'Erdre et de la Loire,
à la place qu'occupe aujourd'hui Nantes ; les Romains donnèrent à ce nom une tournure latine, Condivicnum.
Les Namnètes formaient une république, comme les autres
parties de l'Armorique. Ils furent les alliés des Vénètes
(Vannes) dans le combat naval livré à César. Soumis
aux Romains, et compris d'abord dans la Gaule chevelue,
puis dans la Ière, enfin dans la. IIIème
Lyonnaise, ils virent Nantes devenir un des chefs-lieux
les plus importants de l'administration romaine.
Vers 275, saint Clair vint prêcher l'Évangile dans cette
contrée et en fut le premier évêque. Deux jeunes patriciens,
Donatien et Rogatien, qui se convertirent des premiers,
subirent le martyre en 290 à Nantes, où ils sont appelés
les enfants nantais.
A la chute de l'empire, Clovis
conquit ce pays. Le système de partage qui divisa ses
États entre ses fils ayant atteint aussi la Bretagne,
elle fut divisée en quatre comtés, dont l'un était celui
de Nantes, tributaire des rois francs. Depuis lors,
l'histoire du comté de Nantes présente la lutte continuelle
des comtes de cette cité et des ducs de Bretagne, ceux-ci
s'efforçant de ramener le comté dans leur dépendance,
ceux-là de l'en affranchir ; les ducs de Bretagne finirent
par l'emporter et résidèrent à Nantes mais ce ne fut
pas pour une bien longue durée, car les rois de France
survinrent avec une puissance irrésistible et englobèrent
le tout dans le royaume de France. Le comté de Nantes
faisait partie de la haute Bretagne, ainsi que la sirerie
de Clisson, la baronnie de Retz, etc.
La ville de Nantes est dans une situation très avantageuse pour le commerce sur la ligne du chemin de fer de Paris à l'Océan, et sur le canal de Nantes à Brest. Elle est bâtie à l'extrémité d'immenses prairies bordées de coteaux, couverts de vignes, sur la rive droite de la Loire, qui s'y divise en plusieurs bras, au. confluent de l'Erdre et de la Sèvre Nantaise. Cette ville est, en général, très bien bâtie, bien percée , et remarquable par la régularité de ses places publiques; l'île Feydeau, le quartier Graslin, la place Royale, peuvent être comparés aux plus beaux quartiers de la capitale. Les quais surtout sont superbes. Le coup d'oeil frappant de la Loire, couverte de navires el de bateaux de toute espèce ; les îles et les prairies qui s'étendent le long du fleuve; les ponts au bout desquels on aperçoit, pour ainsi dire, une seconde ville ; le port de la Fosse, feront toujours l'admiration des étrangers. Les plus beaux quartiers de Nantes ont été bâtis, sur la fin du siècle dernier, par M. Graslin, riche financier, dont le souvenir toujours cher à ses compatriotes, se sont empressés d'éterniser son nom en le donnant à la plus belle de leurs places publiques.
L'origine de Nantes se perd dans la nuit des temps. Avant la conquête des Gaules par les Romains, cette ville était la capitale des Namnetes, et elle formait déjà une cité assez puissante pour secourir les peuples qui osaient résister à ces conquérants. César, Strabon, Pline et Ptolémée ont parlé des Namnetes, mais le dernier seul (nous a donné le nom de leur capitale, Condivincum, qui prit ensuite le nom du peuple Namnetes : c'est le Portas Namneium de la Table de Peutinger, laquelle fournit une route ancienne entre Juliomagus el Gesocrîbate, Brest, dont les mesures portent à Nantes pour Portus Namnetum.
En 445, Nantes soutint avec courage
pendant soixante jours un siège terrible contre les
Huns. Le 24 juin 843, celle ville fut prise d'assaut
par les Normands; l'évêque, tout le clergé et une grande
partie des citoyens furent passés au fil de l'épée;
la cathédrale fut pillée et presque entièrement détruite.
Les Normands s'en emparèrent une seconde fois en 853.
Quarante quatre ans après, ces mêmes Normands la prirent
de nouveau et la ruinèrent de fond en comble; mais ayant
été vaincus par Alain Barbetorte, ils furent enfin forcés
de l'abandonner; Alain fit rebâtir la ville, qui dut
à son heureuse situation de se repeupler bientôt.
Durant la période franque, le 1er mai
1118, Nantes fut réduit presque entièrement en cendres
par accident. Son enceinte, qui était alors très resserrée,
s'agrandit considérablement. Les plus anciens bâtiments,
tant publics que particuliers, ne datent que depuis
cette époque.
En 1213, Jean sans Terre, après
s'être emparé d'Oudon et d'Ancenis, vint mettre le siège
devant Nantes. Pierre de Dreux, qui avait mis cette
ville en état de défense, arriva à son secours et força
Jean sans Terre à la retraite. Pierre de Dreux agrandit
Nantes et en fit sa résidence habituelle, il fit creuser
deux ports sur la Loire et rétrécir le lit de l'Erdre
à son embouchure. En 1236, le pape Grégoire IX fait
publier une croisade contre les juifs. Tous ceux qui
habitaient Nantes, l'un de leurs chefs-lieux, où ils
avaient une synagogue considérable, furent chassés,
et on en massacra un grand nombre.
En 1342, le duc
de Normandie, fils aîné du roi de France, s'empare de
la ville de Nantes. Il y fait prisonnier Jean de Montfort,
qui est conduit à Paris et enfermé dans la tour du Louvre.
En 1345, Edouard III, roi d'Angleterre, assiège
Nantes. Charles de Blois, qui défendait cette ville,
opposa la plus vigoureuse résistance. Edouard fut forcé
de se retirer après avoir fait démolir les faubourgs
et incendier les environs. En 1343, les Anglais s'emparent
par surprise du château de Nantes. Gui de Rochefort,
aidé des habitants de la ville, reprit cette forteresse
et en fit passer les habitants au fil de l'épée.
En 1373, Duguesclin, après s'être
emparé de la Bretagne au nom du roi de France, vient
mettre le siège devant Nantes. Après plusieurs jours
de siège, la ville se rend par capitulation. En 1379
et 1380, la ville de Nantes est assiégée sans succès
pendant soixante-quatre jours par les Anglais commandés
par Buckingham. Olivier de Clisson, qui la défendait,
les força d'en lever le siège.
Le 25 octobre 1440,
exécution à Nantes du fameux Gilles de Retz,-maréchal
de France, que ses crimes et ses cruautés avaient rendu
un objet d'horreur et d'effroi dans toute la contrée.
Jean V, duc de Bretagne, lui fit faire son procès dans
le château de Nantes; il lui donna pour juges l'évêque,
son chancelier, le président de Bretagne et le vicaire
du grand inquisiteur de France. Son procès dévoila des
crimes affreux. On compta jusqu'à cent enfants qui avaient
été égorgés dans ses châteaux de Machecoul, Chantocé,
etc., après avoir servi à ses infâmes voluptés ; d'autres
disent afin d'avoir du sang innocent pour servir à ses
opérations alchimiques. Après un mois de procédures,
il fut condamné à être brûlé vif. Conduit sur la prairie
de la Madeleine, près de Nantes, le duc, qui assista
lui-même au supplice, commua sa peine. Il fut étranglé
avant d'être mis sur le bûcher d'où son corps fut retiré
avant d'être consumé, et inhumé dans l'église des Carmes.
En 1477, le 25 janvier, naissance
d'Anne de Bretagne au château de Nantes.
En 1485,
Landais, favori du duc François II, est condamné à mort
et exécuté sur la prairie de Biesse. Pierre Landais,
homme de basse extraction, mais politique adroit, avait
été élevé par degrés jusqu'à la charge de trésorier,
dignité qui, en Bretagne, était la première de l'Etat.
A l'abri de la puissance ducale, il commit des injustices
et des crimes, et la fin tragique du vertueux chancelier
Chauvin, qu'il fit mourir de faim, de soif et de désespoir,
dans le château de l'Hermine, à Vannes, souleva contre
lui le peuple, dirigé par la noblesse, qui se servit
du prétexte du bien public pour se venger des humiliations
que lui avaient fait éprouver cet orgueilleux favori.
D'un commun accord les seigneurs et le peuple se portèrent
sur le château de Nantes, qu'habitait le duc et son
trésorier. Celui-ci se réfugia dans la chambre de son
maître ; mais le peuple demanda à grands cris qu'on
lui livra le ministre. Pour éviter les excès qu'il se
disposait à commettre, il fallut livrer Landais, qui
fut jugé, convaincu de plusieurs crimes, et pendu à
l'insu de François II, dont le courroux fut promptement
apaisé.
Le 29 juin 1793, les troupes vendéennes, fortes de 50,000 hommes, sous les ordres de Calhelineau qu'elles venaient de choisir pour chef, attaquèrent Nantes, où commandaient les généraux Beysser et Canclaux. Deux parlementaires se présentèrent devant la place pour exiger sa reddition : Mourir ou assurer le triomphe de la liberté, fut la réponse énergique que, leur fit le maire Baco. L'armée de Cathelineau, commandée par Bonchamp, Spéçaux, d'Antichamp et Fleuriot, fit ses dispositions pour assaillir la ville sur la rive droite de la Loire, tandis que Charette l'inquiétait sur la rive gauche. Le combat commença sur neuf points à la fois. Il fut long et sanglant; on fit de part et d'autre des prodiges de valeur. Enfin, l'artillerie républicaine, mieux dirigée que celle des"Vendéens, fit jm ravage horrible dans les rangs de ces derniers. Repousses de toutes parts, ils opérèrent leur retraite, emportant avec eux Cathelineau, qui mourut quelques jours après de ses blessures. Les efforts remarquables de la garde nationale nantaise contribuèrent particulièrement au succès de cette journée. Après des triomphes suivis de défaites sanglantes, l'armée royale résolut de passer la Loire et déporter en Bretagne le théâtre de la guerre. Les villes d'Ancenis, de Laval, d'Ernée, de Fougères et de Dol tombèrent bientôt en son pouvoir. La guerre civile était alors dans toute sa fureur, lorsque la convention envoya à Nantes l'un de ses membres, en lui recommandant de prendre les mesures les plus fortes et les plus rapides contre les royalistes. Cet homme était l'exécrable Carrier, procureur à Aurillac, dépourvu d'instruction et de moralité, dominé par le fanatisme politique, par un tempérament fougueux, et muni de pouvoirs illimités. Avant son arrivée à Nantes, on venait d'y établir une commission militaire, qui condamnait à mort cent cinquante et jusqu'à deux cents individus par jour. Le premier acte de Carrier fut la confirmation de cette commission qui, dans l'espace de vingt jours, avait fait périr plus de quatre mille victimes. Bientôt, pour détruire avec plus de rapidité, Carrier ordonna des exécutions en masse et sans jugement; le 15 frimaire, cent trente-deux victimes vouées à la mort furent fusillées d'après un ordre, signé Goullin, Grandmaison et Maiguet... Des prisonniers furent déposés dans une galiole où on les oublia pendant quarante-huit heures ; on avait eu la précaution de fermer le pont. Lorsqu'il fut ouvert, ou trouva soixante de ces malheureux étouffés
La nuit du 24 au 25 frimaire, cent vingt-neuf prisonniers, pris au hasard, furent arrachés des cachots, liés, garrottés, tramés sur le port, embarqués dans une gabare à soupape et engloutis sous les eaux... Quoiqu'on n'ait des preuves matérielles que d'une expédition de ce genre, on a eu l'aveu de plusieurs, accusés qu'il y eu avait eu de quatre à huit ; Philippe Tronjoly, président des tribunaux civil et criminel de Nantes, a déclaré, lors de sa déposition dans le procès des accusés, qu'il y avait eu vingt-trois noyades, dont deux de prêtres. Un autre témoin assure que l'on a noyé à Nantes pendant deux mois. D'abord les noyades se faisaient de nuit ; mais le comité révolutionnaire ne tarda pas à se familiariser avec le crime, et les noyades se firent en plein jour, à trois heures après dîner. D'abord les individus étaient noyés avec leurs vêtements ; mais ensuite, par cupidité et par un raffinement de cruauté, on dépouillait les victimes que l'on voulait immoler... Le nommé Lamberty, l'ami et l'instigateur de Carrier, présidait aux fusillades et aux noyades. C'est lui qui imagina le supplice appelé les mariages républicains, qui consistait à attacher tout nus, sous les aisselles, un jeune homme et une jeune femme, à les garder ainsi accolés une heure, et à les précipiter dans la Loire dans cette situation.
Lorsqu'on effectuait une
noyade, on faisait descendre de la galiole dans
un chaland (espèce de bateau) ceux qu'on voulait
expédier. Ces chalands avaient des trous pratiqués
exprès, par lesquels l'eau s'introduisait et faisait
couler le bateau. Les malheureux qui cherchaient
à se sauver à la nage, étaient assommés à coups
de rames par des satellites montés exprès sur des
batelets, ou massacrés impitoyablement par des bourreaux
subalternes qui garnissaient les rivages... Lors
des noyades en plein jour, hommes, femmes enceintes,
filles, enfants, tout indifféremment était noyé,
fusillé ou massacré à l'arme blanche; massacres
qui amenèrent dans Nantes une espèce d'épidémie
pestilentielle. D'après la déposition du témoin
Moutier, présenta toutes les noyades, on peut évaluer
le nombre des victimes à plus de neuf mille !
Les souvenirs affreux de la mission de Carrier ne
s'effaceront jamais de la mémoire des habitants
de Nantes ; mais cette malheureuse cité commença
enfin à respirer à la première pacification de la
Vendée ; ce fut alors que Charette traita avec la
convention. Cette paix si ardemment désirée ne fut
pas de longue durée ; aucun des deux partis ne tint
ses engagements, et l'on courut de nouveau aux armes.
Charette, entraîné dans une nouvelle guerre, fut
pris par les républicains et fusillé à Nantes le
9 germinal an IV (29 mars 1795). Depuis cette époque,
Nantes a joui d'une assez grande tranquillité.
Le 30 juillet 1830, les patriotes y prirent l'initiative
de l'insurrection contre les fatales ordonnances,
sans attendre les nouvelles de la capitale. L'autorité
résista, et il y eut de nombreuses victimes, auxquelles
un monument funéraire a été élevé dans le cimetière
de la Miséricorde ; il est surmonté d'une masse
polygonale à dix côtés, sur chacun desquels on lit
le nom de ceux qui succombèrent pour la défense
de la liberté.
En 1487, Nantes fut investi par
les troupes de Charles VIII, roi de France. Après un
blocus de sept semaines, les Français furent forcés
de se retirer.
En 1487; les Français, au nombre de
10 000 hommes, forment le siège de Nantes. Un renfort
de dix mille hommes, conduits par Dunois, joint à 500
habitants de Guérande qui avaient pénétré dans la place
malgré les efforts des assiégeants, força ceux-ci à
la retraite.
En 1488, mort de François II, dernier
duc de Bretagne. Anne; sa fille aînée, est proclamée
duchesse, sous la tutelle du maréchal de Bieux. En 1491,
le sire d'Albrel s'empare, par trahison de la ville
de Nantes et la livre à Charles VIII, moyennant 1 100
écus d'or. Charles s'y rendit lui-même accompagné, d'un
corps de troupes pour en prendre possession, et y fit
son entrée le 26 mars. Pour assurer et légitimer les
droits qu'il venait d'acquérir par la trahison sur l'héritage
de la duchesse Anne, Charles VIII résolut de l'épouser.
La proposition en fut faite aux états le 8 octobre,
et acceptée avec empressement. Mais on eut beaucoup
de peine à vaincre l'éloignement d'Anne pour cette alliance.
Il n'y eut que le désir d'en terminer avec les calamités
d'une guerre longue et sanglante qui la décida enfin
à accepter les offres de Charles VIIÏ. Le mariage fut
célébré au château de Langeais, le 6 décembre 1491,
et la Bretagne fut ainsi unie à la France. Dans le contrat,
la reine Anne céda au roi tous ses droits sur la Bretagne
à titre de donation ; mais elle se réserva celui d'y
exercer seule l'autorité durant sa vie. Charles VIII
garantit aux Bretons la conservation des privilèges
dont ils avaient toujours joui sous leurs ducs, et que
les princes, à leur avènement à la couronne, avaient
coutume de reconnaître et de confirmer. Charles VIII
mourut subitement au château d'Amboise, en 1498. Louis
XII, qui lui succéda, sentit que le moyen d'unir irrévocablement
la Bretagne à la France, était d'épouser la jeune reine
douairière. Anne y consentit, et le mariage fut célébré
le 8 janvier 1499, dans la chapelle du château de Nantes,
où cette princesse avait reçu le jour. La reine Anne
joignait à une physionomie séduisante un cœur sensible
et généreux , un esprit vif et délicat, orné, de mille
connaissances. Digne; par ses vertus, d'être deux fois
associée à l'un des premiers trônes de l'Europe, Anne
de Bretagne s'est acquis une réputation et une gloire
qui lui appartiennent en propre. Plusieurs historiens
lui ont donné un caractère fier et vindicatif ; mais
le courage avec lequel elle supporta à la mort de son
père les plus grands revers ; son habileté dans la direction
des affaires de son duché; la sagesse admirable avec
laquelle elle gouverna le royaume pendant les guerres
d'Italie, et la protection qu'elle accorda aux arts,
aux sciences, à toutes les entreprises utiles, l'ont
placée au rang des femmes illustres, et ont fait passer
son nom à la postérité.
La mémoire de cette grande reine
est chère à la Bretagne, et en particulier à la ville
de Nantes, où son nom, qui rappelle de si nobles souvenirs,
ne se prononce qu'avec respect. Dans le temps où elle
était au plus haut degré de splendeur, elle mourut de
la gravelle, au château de Blois, le 9 janvier 1514,
à l'âge de trente-sept ans. Née à Nantes, elle témoigna
toujours pour cette ville beaucoup d'attachement, et
exprima, en mourant, le vœu que son cœur y fût envoyé
pour être placé dans le tombeau qu'elle avait fait élever
à son père dans l'église des Carmes.
En 1532, Henri
IV fit son entrée solennelle à Nantes, accompagné de
la reine Eléonore, sa deuxième femme.
La ville de
Nantes fut exempte des abominables massacres de la St-Barthélemy,
par la noble résistance du maire, Michel Leloup-Dubreil.
L'ordre du duc de Montpensier, daté de Paris le 26 août
1572, portait d'imiter à Nantes la sanguinaire épuration,
comme le seul moyeu « de voir, par après, quelque
assuré repos en notre pauvre Eglise catholique, ce que
nous ne pouvons négliger- de moyenner autant que nous
pourrons. »Le vertueux Dubreil reçut avec indignation
cette invitation de se parjurer; et, avec un louable
courage (Nantes marquait dans le parti exaspéré contre
les huguenots), il répondit au gouvernement dans le
sens du brave d'Orthès, commandant à Bayonne,- qui,
dans la même occasion, écrivit en cour : « J'ai communiqué
vos ordres à la garnison et aux bourgeois, j'ai trouvé
parmi eux de braves soldats, de bons citoyens, et pas
un seul bourreau.» Gloire soit à jamais rendue au
digne magistrat qui, dans les circonstances difficiles,
sait sacrifier sa fortune et sa sûreté personnelle à
l'honneur et à la défense de ses administrés !
En 1598, le 13 avril, Henri IV
fit son entrée à Nantes et descendit au château. II
y séjourna jusqu'au 6 mai. C'est dans cette ville qu'il
rendit (le 30 avril) ce fameux édit connu sous le nom
d'édit de Nantes, par lequel les calvinistes obtinrent
le libre exercice de leur religion, et le droit de posséder
des charges et emplois civils et militaires. Louis XIV,
en révoquant cet édit, ternit son règne éclatant et
commit une grande faute, dont le contrecoup s'est fait
sentir jusqu'après la restauration. On remarque que
l'on commença à armer à Nantes pour la traite des nègres,
l'année même de la révocation de cet édit.
En 1622,
Louis XIII, en guerre avec les calvinistes, fait son
entrée à Nantes le 9 avril. En 1661, Louis XIV arrive
à Nantes le ler septembre, en repart le 6
du même mois pour Paris, après avoir fait arrêter le
surintendant des finances Fouquet, qui fut transféré
à Paris et enfermé à la Bastille.
En 1832 , pendant qu'éclatait à Marseille la conspiration du Garlo-Alberto, la duchesse de Berry débarqua aux environs de cette ville, dans la nuit du 28 au 29 avril. De là elle se dirigea, en traversant la France, vers les départements de l'Ouest, où les carlistes l'attendaient pour se révolter. Le 3 juin 1832 l'insurrection avait pris un caractère assez sérieux pour que le gouvernement mît eu état de siège les départements de Maine-et-Loire, de la Vendée, de la Loire Inférieure et dès Deux-Sèvres. Henri V fut proclamé roi, et Marie-Caroline prit le titre de régente de France. Mais, si l'on excepte le concours de quelques familles nobles, la population resta indifférente , et il fut impossible de rétablir la Vendée. Toutes les tentatives échouèrent devant l'attitude ferme des troupes et des gardes nationales. La défaite des chouans au château de la Pénissière, le 7 juin 1832, jeta la consternation dans le parti, et l'arrestation de la duchesse de Berry à Nantes mit fin à la guerre civile. — Depuis longtemps le gouvernement savait que la prétendue régente résidait à Nantes; mais on ignorait le lieu qui lui servait de refuge , lorsqu'elle fut vendue par un de ses affidés, nommé Deutz. Le 6 novembre au soir, cet homme avertit l'autorité que la duchesse venait d'arriver à Nantes, et qu'elle était dans la maison de Mademoiselle Duguigny, rue Haute-du-Château. Le quartier fut aussitôt cerné par douze cents soldats et par la garde nationale ; mais toutes les perquisitions- furent infructueuses , et l'on désespérait de rien découvrir, lorsque, vers dix heures du matin, la duchesse sortit d'une cachette placée derrière une cheminée, dont la plaque servait d'entrée. On avait fait du feu toule la nuit dans cette cheminée, et la chaleur, qui était devenue insupportable dans le lieu où la duchesse se tenait cachée, l'avait forcée d'en sortir. Elle avait avec elle Mademoiselle de Kersabiec, M. de Blénars et M. Guibourg, avocat de Nantes. Les prisonniers furent conduits au château, el de là emmenés, sur un bâtiment de l'Etat, à Blaye, où on les enferma dans la citadelle, depuis longtemps préparée pour les recevoir.
Depuis ce temps il ne s'est passé
à Nantes aucun événement d'une grande importance jusqu'à
l'époque de la révolution.
Le 30 juillet 1830, les
patriotes y prirent l'initiative de l'insurrection contre
les fatales ordonnances, sans attendre les nouvelles
de la capitale. L'autorité résista, et il y eut de nombreuses
victimes, auxquelles un monument funéraire a été élevé
dans le cimetière de la Miséricorde ; il est surmonté
d'une masse polygonale à dix côtés, sur chacun desquels
on Lit le nom de ceux qui succombèrent pour la défense
de la liberté.
Le 21 novembre 1930 - Sur la ligne Angers-Nantes, après Ancenis, à Oudon, vers 22 heures, une colline minée par les pluies s'effondre au passage du rapide Paris Nantes, dont la locomotive et deux voitures plongent dans la Loire. Le mécanicien sera noyé, une quinzaine de personnes seront blessées. Reconnue à risque, la portion de voie où a eu lieu l'accident était gardée, mais son surveillant avait été enseveli sous l'éboulement
La position de cette ville, défendue
par un château qui commandait le fleuve et dont les
flots venaient baigner les murs, l'avait fait appeler
autre fois la clef de la Bretagne, du côté de l'Anjou.
C'est une ville très ancienne que Denis le Périégète
et d'autres géographes font capitale d'une colonie d'Alunites
ancien peuple d'Italie, dont le pays s'appelait Samnium.
Le rôle historique d'Ancenis ne commence que vers la
fin du Xèmesiècle.
Tandis que Guerech
Comte de Nantes, était allé, en 982, à la cour du roi
Lothaire, Aremburge son épouse fit bâtir le château
d'Ancenis, pour préserver Nantes de l'attaque des comtes
d'Anjou, alors rivaux de ceux de Nantes et de Rennes.
Geoffroi Grise Gonelle, en effet, prit ombrage de
cette forteresse, et vint en former le siège en l'an
987, mais il fut tué devant cette place. Henri II Plantagenet
s'empara d'Ancenis qu'il fortifia, et le conserva jusqu'à
la fin de la domination anglaise.
En 1230, Pierre
de Dreux, en guerre avec Louis IX, vit tomber successivement
au pouvoir de ce prince Oudon, Ancenis et Châteaubriant.
En 1468, Louis XI, en guerre avec François II, duc de
Bretagne, s'empara d'Ancenis et de Chantocé, à la tète
d'une armée de 40,000 hommes. Ce fut dans cette ville
qu'il signa avec le duc, le 27septembre, l'un de ces
traités de paix que la perfidie forçait si souvent les
ennemis de rompre. En effet, ce monarque ayant fait
empoisonne son frère le duc de Guyenne, l'an 1472, se
hâta de tomber, à l'improviste sur le duc de Bretagne
affaibli par la mort de l'un de ses alliés. Ancenis,
Machecoul et la Guerche furent pris par trahison, et
rendus l'année suivante. Les dernières années du règne
de François II furent marquées par une guerre cruelle
que ce prince soutint contre la France. La Trimouille
assiéga Ancenis en 1488, et en détruisit les fortifications
et les remparts. Les habitants, chassés de leur ville
ruinée et réduite en cendres, se retirèrent à Nantes.
Lorsque le duc de Mercœur, saisissant le prétexte de
la religion, se ligua avec les Guise pour faire la guerre
au roi, le prince de Dombes, qui commandait en Bretagne
pour Henri IV, fit le siège d'Ancenis, alors sans clôture,
et qui appartenait au duc d'Elbeuf, prince lorrain.
Le château en avait été fortifié et soutint les assauts
des Français, qui s'en rendirent maîtres. D'autres disent
que le siège fut levé par convention Les états de la
province en payèrent eux-mêmes la garnison, et dans
tout le cours de la guerre il n'en est plus fait mention
que comme d'une place tenue en neutralité par le duc
d'Elbeuf. Ce fut cette circonstance qui fit choisir
Ancenis pour le lieu des conférences entre les députés
du roi et ceux du duc de Mercœur. La reine Louise, veuve
de Henri III et sœur du duc de Mercœur, se rendit elle-même
dans cette place, dans l'année 1594, afin de ménager
la paix entre le roi et son frère. Les députés des deux
partis s'y rassemblèrent Les hostilités ayant recommencé,
le duc de Mercœur gagna celui qui la commandait et cette
place, neutre auparavant, tint pour lui le reste de
la guerre. Quand la paix fut conclue entre Henri IV
et le duc de Mercœur, conformément au traité passé entre
les deux princes, les fortifications d’Ancenis furent
démolies en 1599. En 1700, le château, tombant en ruines,
fut reconstruit mais sans fortifications.
Ancenis
avait droit d'envoyer un député aux états de Bretagne
qui se sont tenus trois fois dans ses murs, en 1620,
1630 et 1720.-
Durant les guerres de la Vendée, cette
ville fut le théâtre de plusieurs combats entre les
républicains et les royalistes. Le15décembre1793, Westermann
y dispersa les restes d'une armée formidable de Vendéens
qui tentèrent inutilement de traverser la Loire sur
des radeaux improvisés.
Ce bourg est situé sur l'Océan,
dans un territoire fertile et bien cultivé, à l'embouchure
de la Loire. Il est précédé de rades excellentes, abritées
contre tous les vents. On y construit en ce moment un
bassin à flot, d'une étendue de 12 hectares, entouré
de quais de 1,730 m. de développement et d'une profondeur
d'eau de 4 m. 67 c. à 7 m. 50 c. Ainsi tous les navires
pourront y être à flot, depuis les bâtiments du petit
cabotage jusqu'aux bâtiments de guerre de la force des
frégates de premier rang. Une communication sera établie,
entre le bassin à flot et la mer, par une écluse-à sas
et à double porte, d'une largeur de 100 m. et de 21
m. d'ouverture.
L'église est très-bien située et
forme un très-beau point de vue.
Toute la population
de St-Nazaire se compose de marins, de douaniers et
d'un petit nombre de familles bourgeoises. Le peuple
y est bon ; la charité s'y exerce d'une manière admirable
: celui qui possède partage avec celui qui n'a pas,
et il existe dans ce pays une sorte de communauté de
biens qui en éloigne l'indigence.
C'est à St-Nazaire
que résident presque tous les pilotes lamaneurs qui
dirigent l'entrée des navires dans la Loire ; comme
ils connaissent parfaitement les écueils el les bancs
de sable disséminés à l'entrée de la rivière, ils savent
les éviter, et conduisent les vaisseaux à Paimboeuf.
Les pilotes lamaneurs jouissent d'une véritable considération
dans le pays ; ils se distinguent par une petite ancre
en argent, attachée à la boutonnière de l'habit. Le
nombre en est fixé ; on ne peut être admis à celle place
que par la mort d'un de ceux qui la remplissent.
Sitôt qu'un bâtiment paraît à l'entrée, de la rivière,
les intrépides pilotes se jettent à l'envi dans de petites
nacelles appelées yoles, et atteignent ainsi le navire
au milieu des vagues qui dérobent souvent leur frêle
esquif à la vue. Quand ils peuvent tenir la mer, ils
ont. toujours des chaloupes dehors pour aller à la rencontre
des navires qui veulent entrer dans la Loire. Ils vont
ainsi jusqu'à la hauteur de Belle-Ile.
A 2 k. au
Nord Ouest de St-Nazaire, on trouve un monument druidique,
le plus entier, le plus considérable el le plus curieux
du département. Il se. Compose d'une pierre, longue
d'un peu plus de 3 mètres large de 1,66 mètres. et épaisse
de 40 c., supportée par deux autres pierres enfoncées
en terre et élevées de 2 m. au-dessus du sol. En creusant
la terre sous ce dolmen, on a trouvé des urnes, dès
pièces d'or, d'argent et de cuivre. « Avant de quitter
ce monument, dit M. Ed. Richer, on doit jeter un regard
sur la Loire. Le point qu'on occupe est assez élevé
pour en distinguer les deux rives et l'embouchure, et
ce dolmen, qui a vu jadis ces mêmes flots couler sous
tant de lois différentes, qui a vu ces mêmes rivages
s'agrandir insensiblement par les alluvions du fleuve,
est un siège digne du philosophe et du naturaliste.
De là, la rivière semble former une baie depuis St-Nazaire
jusqu'à Paimboeuf. Cette ville et le bourg de Donges
se distinguent comme deux points blanchâtres, au niveau
des prairies. Une multitude de navires traverse cette
baie aussi variée, aussi imposante que celle que forment
les rivages de Parthenope, mais qui n'a pas, comme celle-ci,
les souvenirs dé l'histoire pour les associer aux charmes,
de la nature.
A l'ouest est un calvaire, renommé
jadis, et tombé aujourd'hui dans un oubli complet. Sur
ce calvaire, il existait, de temps immémorial, une croix
que les marins saluaient autrefois de toute leur artillerie
en entrant en rivière.
Sur la droite est la masse
du bourg de St-Nazaire, dont toutes les maisons rapprochées-
groupent ensemble, et que les flots et le sable cernent
de tous côtés. A gauche, au contraire, sont les villages
dispersés de la Brière, sur les façades blanches desquelles
s'arrêtent les rayons du soleil qu'absorbe le vert uniforme
des prairies. Le bruit sourd de la vague vous accompagne
dans ce lieu solitaire, qui a vu peut être autrefois
se rassembler les vierges mystérieuses de Saine, les
druides, qui venaient couper le gui sacré dans les forêts
armoricaines, et les bardes, qui accompagnaient leurs
voix des doux sons de la harpe. Quelquefois des troupes
d'alouettes marines s'abattent à vos pieds, et, en poussant
un cri mélancolique, qui s'unit au murmure des flots,
elles vont faire leurs évolutions rapides sur le rivage
désert. Tantôt elles descendent sur la plage, avec laquelle
se confond la couleur de leur plumage : elles sont "trop
éloignées pour que le mouvement les fasse distinguer,
et les habitants ailés semblent avoir disparu tout à
coup ; tantôt elles s'élèvent, et le rayon qui se réfléchit
sous leurs ailes blanches vous fait distinguer un nuage
éclatant dont les formes varient comme les facettes
agitées du prisme.
Abélard Pierre est un philosophe et théologien scolastique, né en 1079 au bourg du Pallet à 20 kilomètres au sud de Nantes, sur la route de Nantes à Poitiers, mort à l'abbaye de St-Marcel près Chalon, le 21 avril 1142. Son père, Bérenger, un seigneur fort noble et fort instruit, et sa mère Lucie saluèrent avec enthousiasme la naissance de ce premier né; puis, d'autres enfants vinrent successivement s'ajouter au cercle de famille : trois fils, Raoul, Porcaire et Dagobert; une fille, Denyse. Ce fut Bérenger lui-même qui s'adonna à l'instruction de ses enfants. Pierre avait vingt ans quand il arriva à Paris. Il est aujourd'hui prouvé qu'Abélard avait été disciple d'abord du nominaliste Roscelin, puis du réaliste Anselme de Laon, et qu'il commença par professer la dialectique. Il établit son école sur la montagne Sainte-Geneviève et attira autour de lui une foule d'auditeurs. Le peuple le vénérait, et l'évêque de Paris lui-même s'inclinait devant son passage. Abélard vivait alors chez le chanoine Fulbert. Ce chanoine avait pour nièce une très jeune fille nommée Héloïse. Elle était née à Paris en 1101, de famille noble, et sa mère, Hersende, était alliée aux Montmorency. Son éducation avait été faite au couvent d'Argenteuil. Fulbert pria Abélard de terminer et de parfaire l'éducation de sa nièce. « Que dirai-je de plus, écrit Abélard à ce sujet; nous n'eûmes qu'une maison, et bientôt nous n'eûmes qu'un cœur. » (Abailardi opera, lettre I, page 11.) C'est à cette époque, et en l'honneur d'Héloïse, que le jeune docteur commença à écrire des vers en langue vulgaire, ou barbare, comme on disait alors. Son enseignement s'en ressentit. Peu de temps après, Héloïse s'aperçut qu'elle était grosse. Elle fit part de cet événement à Abélard qui vint la chercher une nuit, et l'emmena en Bretagne, chez sa sœur Denyse. C'est là qu'elle mit au monde un fils qui fut nommé Pierre Astrolabe. Abélard voulut alors épouser Héloïse, mais celle-ci refusa de consentir à ce mariage.
Elle prétendait que cette union deviendrait fatalement, par la suite, funeste à celui qu'elle aimait. Il est très intéressant de consulter à ce sujet la correspondance des deux amants. Héloïse représente à son amant que les hommes de génie n'ont que faire de s'embarrasser d'une famille, et elle fortifie son argumentation de preuves et de textes tirés des théologiens latins ou grecs. Mais on croit cependant que, devant la ténacité d'Abélard, elle finit par céder et que le mariage fut célébré. C'est alors que Fulbert mit à exécution les desseins qu'il méditait depuis longtemps. Après avoir gagné un serviteur d'Abélard qui lui ouvrit la porte de la maison, il se précipita, accompagné de ses amis et de ses proches, dans la chambre où dormait le jeune docteur; puis, après l'avoir lié de cordes, il lui fit, aidé de ses complices, subir l'effroyable supplice de la castration. Abélard était désormais mort pour le monde. Sur ses instances, Héloïse se décida à prononcer ses voeux définitifs, au monastère d'Argenteuil, et il ne tarda pas, à l'imiter (1119). Puis, recommençant son enseignement, il rouvrit son école au prieuré de Maisoncelle, sur les terres du comte de Champagne. La renommée l'y avait précédé, et plus de trois mille étudiants se pressaient à ses leçons. Ses doctrines furent déclarées hérétiques au concile de Soissons (1121). Toutefois, sur les instances de saint Bernard, Abélard se soumit à tout ce qu'on voulut de lui. Sur ces entrefaites, Hervé, abbé de Saint-Gildas de Rhuys, en Bretagne, vint à trépasser, et, grâce à l'influence du duc Conan IV, les moines élurent Abélard. Mais ce dernier, avant de se rendre à Saint-Gildas, s'était décidé à fonder un vaste monastère, le Paraclet, à l'instigation de son ami Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, qui voulait achever de le détacher des gloires terrestres. Bientôt, le Paraclet s'éleva sur les rives de l'Ardusson. Or, les religieuses d'Argenteuil avaient à ce moment maille à partir avec Suger, qui prétendait les expulser de leur monastère. Quand cette expulsion fut un fait accompli et que l'ordre fut dispersé, Abélard invita à venir s'établir au Paraclet, Héloïse et celles de ses compagnes qui lui étaient demeurées fidèles (1129). Cette donation fut confirmée presque immédiatement par Atton, évêque de Troyes, et plus tard par le pape lui-même, qui la déclara inviolable sous peine d'excommunication. Pendant ce temps, Abélard, définitivement retiré à Saint-Gildas, faisait pourtant au Paraclet de fréquentes visites, s'occupait de la règle et de l'administration intérieure du couvent et fixait toute cette ordonnance dans ses lettres à Héloïse, car il continuait à voir fort rarement la nouvelle prieure. - Cependant les moines de Saint-Gildas se révoltèrent, essayèrent d'égorger leur abbé, qui dut fuir par un souterrain. Abélard se réfugia alors au Paraclet. Il y écrivit sa célèbre Historia calamitatum. Ce fut certainement le temps le plus tranquille et le plus heureux de sa vie. Mais bientôt, en 1136, il recommença son enseignement public sur la montagne Sainte-Geneviève, et fut de nouveau accusé d'hérésie ; saint Bernard rédigea une liste de propositions dont il se faisait fort de démontrer l'hérésie. Cette fois, Abélard lui tint tête. Il assigna son adversaire devant le concile qui s'ouvrit à Sens, le 2 juin 1140. Mais quand il vit que tous les juges étaient de l'avis de saint Bernard, il prit peur et s'enfuit de l'église en déclarant qu'il ne reconnaissait point l'autorité du concile, et qu'il en appelait au pape. Ce dernier répondit par une bulle qui condamnait toutes les propositions d'Abélard, et ordonnait que l'abbé de Saint-Gildas finirait ses jours dans un couvent. Pierre le Vénérable demanda au pape et obtint de lui qu'Abélard fût admis au nombre des moines de Cluny, de l'abbaye de Saint-Marcel. C'est là que mourut Pierre Abélard, à l'âge de soixante-trois ans.
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