Bourg en Bresse - Préfecture de l'Ain
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Le nom de Bourg, sous lequel est aujourd'hui
connue la capitale du département de l'Ain, mot qu'il faut prendre
dans son acception naturelle de Burgus, groupe, réunion de maisons,
a remplacé deux autres noms qui répondent à des époques peu connues
de l'histoire de cette ville. Sur son emplacement habitait, avant
et pendant la domination romaine, une peuplade, les Sébusiens (Sebusiani),
que l'on a longtemps confondus, à tort, avec les Ségusiens ou Ségusiaves
(Segusiani ,Seguniavi), cantonnés sur le territoire de Feurs (Loire).
On ne sait à la suite de quelles révolutions ce nom serait tombé
dans l'oubli ; mais nous voyons plus tard le nom de Tanum lui être
substitué comme désignation irrécusable de cette ville ainsi ; vers
900, Furtailler, dans sa légende de saint Gérard, évêque de Mâcon,
nous représente son pieux héros prenant la robe d'ermite et se retirant
dans la forêt de Brou « prope oppiduni Tani, cui Burgo nunc nomen
est » « près de la ville de Tanum, qu'on appelle maintenant
Bourg. »
Ce document prouve donc que le nom de Tanière ou Tenières,
qu'a conservé un quartier de la ville, est un souvenir du nom qu'a
porté jadis la ville tout entière, et le mot oppidum doit faire
supposer que, dès avant cette époque, elle était entourée de murailles.
Quant à son importance, elle ne devait pas être fort grande, puisqu'elle
ne nous est signalée par aucun fait historique, jusqu'à la possession
des ducs de Savoie nous renvoyons donc nos lecteurs à l'histoire
générale du département, et en particulier à celle de la Bresse,
dont Bourg a dû partager le sort pendant cette longue période.
Vers le XIIIème siècle, Bourg commence à conquérir
quelques franchises Guy II, sire de Beaugé, seigneur de Bresse,
et Reynald, son frère, déclarent la ville franche dans des limites
désignées et lui accordent plusieurs immunités et privilèges, entre
autres celui de chasser et de pêcher dans la châtellenie et de tirer
de l'arc et de l'arbalète. Le vainqueur du tir était exempt de tailles
pour une année. Guy et Reynald dotèrent en outre Bourg des lois
et des avantages dont jouissait Beaugé, leur capitale, et cela moyennant
la somme de quinze cents livres tournois que leur payèrent les habitants.
Ces faits témoignent de l'importance que commençait à prendre Bourg
assimilé par ses maîtres à leur vieille capitale ; l'avènement de
la maison de Savoie, qui succéda à Guy II dans la possession de
toute la contrée, fut l'origine d'accroissements bien plus considérables.
Un des premiers actes d'Amé IV, le premier comte de Savoie qui régna
sur le pays, fut de transporter à Bourg le siège du gouvernement
de la province, au grand détriment de Beaugé, qui jamais ne se releva
de ce coup et devint ce que nous le voyons aujourd'hui, un pauvre
village oublié sous son nom, que le temps n'a pas même respecté,
de Bagé-le-Châtel.
C'est véritablement de cette époque que date le rôle de Bourg dans l'histoire; Édouard IX y convoque ses alliés et y rassemble ses soldats pour l'expédition qu'il entreprend contre le comte de Genève, son neveu. Les principales fondations religieuses dont fut dotée la ville remontent au même temps le couvent des cordeliers fut fondé en 1356 par Amé V et par Bonne de Bourbon sa femme ; celui des dominicains, par Sibylle de Beaugé et le comte Émond, son époux. Cet édifice, commencé en 1334, ne fut achevé qu'en 1414, sous cet Amé IX que nous avons vu devenir pape, et auquel Bourg dut encore l'établissement des sœurs de Sainte-Claire et la création d'un ordre de quêteuses connues sous le nom d'Hirondelles de carême, et dont la première directrice fut une sainte fille appelée Colette, qui a été béatifiée.
Plusieurs hôpitaux furent construits et
dotés par la munificence des comtes de Savoie, on dut aussi au premier
duc de cette maison, Amé VII, une extension des privilèges antérieurement
accordés, une exemption de lods, droits onéreux sur les héritages
qui changeaient de main par testaments, codicilles, donations entre
vifs et à cause de mort; ce privilège fut maintenu au pays longtemps
après l'établissement de la souveraineté des rois de France. Philippe
VII compléta la libéralité de ces mesures, par divers édits qui
constituèrent à la ville de Bourg une véritable municipalité ; les
syndics et consuls élus eurent pouvoir de répartir également, entre
tous les habitants, tailles, subsides, impositions, et de choisir
eux-mêmes le collecteur seul autorisé à contraindre les contribuables
au payement de leurs cotes.
L'organisation militaire fut réglée
sur des principes aussi larges la police intérieure et la garde
des fortifications furent confiées à une milice bourgeoise commandée
par un capitaine à la nomination duquel tout citoyen avait non seulement
le droit, mais le devoir de concourir. Les encouragements au commerce
n'étaient pas non plus oubliés le même prince concédait franchises
absolues pour quatre foires par an.
Les dernières années de la
domination de la maison de Savoie furent marquées par des témoignages
plus éclatants encore de ses sympathies traditionnelles pour la
capitale de la Bresse. Sur les vives sollicitations de Charles III,
et malgré l'opposition qu'y apportèrent François 1er,
le duc de Bourbon, prince de Dombes, l'archevêque de Lyon et tous
les évêques des provinces environnantes, la paroisse collégiale
de Bourg fut érigée en évêché, en 1515, par Léon X, qui appela à
ce siège Louis de Gorrevod, évêque de Maurienne; enfin, en 1569,
Emmanuel-Philibert fit construire, pour la défense de la ville,
une citadelle de forme pentagonale, qui passait pour une des plus
régulières et des plus fortes de l'Europe. La mésintelligence qui
surgit entre le gouverneur de la province et celui de la citadelle
fut le prétexte dont Louis XIII se servit pour en ordonner la démolition
au mois de septembre 1611.
Toutefois, le règne des deux derniers
princes que nous venons de citer, Charles III et Emmanuel-Philibert,
fut séparé par une période de domination française sur la Bresse
et sa capitale. En 1535, à propos d'une contestation sur la possession
du comté de Nice, et d'un refus d'hommage pour le Faucigny, François
1er déclara la guerre au duc de Savoie, Charles III,
auquel il avait surtout à reprocher son alliance avec l'empereur
d'Allemagne. L'amiral Chabot fut chargé d'une expédition contre
les États du duc, et, en moins de trois semaines, il avait conquis
à la France Gex, Valromey, Bresse et Bugey. Pour apaiser les regrets
que l'administration paternelle de la maison de Savoie avait pu
laisser dans le cœur des habitants de Bourg, tous les privilèges
dont jouissait la ville furent confirmés.
En 1546, le roi voulut
visiter sa nouvelle conquête il fut reçu à Bourg avec beaucoup de
pompe et de magnificence, inspecta les ouvrages de défense qu'il
avait fait commencer et fit élever ce beau bastion que l'on voit
encore entre la porte Verchère et la porte de la Halle. Son successeur,
Henri II, conserva, pendant les premières années de son règne, Bourg
et les provinces conquises par Chabot; il paraissait même ajouter
un grand prix il cet accroissement du territoire national, car,
en 1548, il vint aussi visiter Bourg, confirma et étendit les franchises
provinciales et s'attacha les notaires du pays par un édit qui les
autorisait à transmettre à leurs successeurs et héritiers la minute
des actes rédigés par eux, usage dont l'adoption a servi de base
à l'organisation du notariat dans toute la France.
Ces faveurs
ne parvenaient cependant pas à déraciner dans la Bresse et le Bugey
le souvenir des anciens maîtres; Emmanuel avait succédé à Charles,
et, moins résigné que son prédécesseur, aidé des vœux secrets de
seigneurs du pays, nombreux et influents, appuyé d'une petite armée
impériale recrutée dans le comté de Ferrette par un capitaine résolu,
du nom de Polviller, il dirigea une attaque contre la ville de Bourg,
on comptait sur une surprise la garnison royale fit bonne contenance
et résista. Les seigneurs de Digoine et d'Erchenets, chargés de
la défense, n'attendirent même pas les secours qui leur arrivaient
de plusieurs côtés pour forcer les assaillants à une retraite précipitée
; le mauvais succès de cette tentative aurait sans doute consolidé
la domination française, si le désastreux traité de Cambrai (1529)
ne fût venu rétablir les choses comme elles étaient avant François
ler. Le duc Emmanuel, en reprenant possession de Bourg
avec Marguerite de Valois, sœur de Henri II, qu'il avait épousée,
ne voulut se souvenir que des vieilles sympathies qui unissaient
la ville à sa maison; il renchérit encore sur toutes les libéralités
dont chaque vainqueur était tour à tour prodigue envers elle; il
lui permit d'ajouter la croix d'argent de Saint-Maurice aux armoiries
qu'Amé V lui avait données deux siècles auparavant; grâce enfin
à l'habile modération de sa conduite, il put laisser intact à son
successeur l'héritage de ses aïeux, qu'il avait eu le bonheur de
reconquérir.
Celui-ci, Charles-Emmanuel, ambitieux et brouillon,
confondant les époques et méconnaissant la force des choses, ne
comprit pas que la constitution de la monarchie française imposait
à la Savoie désormais la loi d'une prudente neutralité ; il crut
voir dans les guerres de la Ligue l'occasion heureuse d'une intervention,
qui étendrait ses domaines ou accroîtrait son influence; il encouragea,
par sa complicité, le gouverneur de la Bresse à seconder le duc
de Nemours, son parent, un des plus acharnés adversaires de Henri
IV. Le Béarnais ne réclama point et alla au plus pressé mais, dès
que son pouvoir fut solidement établi en France, il remit au jour
les griefs qu'il avait à faire valoir contre le duc de Savoie ;
le maréchal de Biron reçut l'ordre d'envahir la Bresse, et le 12
août 1600, presque sans coup férir, il entrait dans les murs de
Bourg. La citadelle tint pendant six mois ; mais les assiégés déployaient
un courage inutile, les négociations entamées ne pouvaient que ratifier
le succès des armes françaises ; depuis trop longtemps était méconnue
la loi providentielle qui a donné le Jura et les Alpes pour frontières
à la France; le traité de Lyon, signé le 17 janvier 1601, annexa
définitivement à notre patrie les provinces contestées et Bourg,
leur capitale.
Plus tard, la conquête de la Franche-Comté et
de l'Alsace, en éloignant tout voisinage dangereux et hostile, vint
consolider encore l'œuvre de fusion et d'assimilation qui est maintenant
absolue et complète.
Il n'est pas aujourd'hui, en France, de
ville plus française que Bourg ; la Révolution de 1789 y a rendu
plus ferme et plus vivace encore l'esprit de nationalité ; en 1814,
l'invasion étrangère ne rencontra nulle part une plus énergique
résistance ; les habitants prirent les armes, livrèrent dans le
faubourg un combat de tirailleurs, qui tint en échec 1,500 Autrichiens,
et ne cédèrent que devant les forces imposantes qui vinrent au secours
des premiers assaillants. La ville expia cruellement le crime de
son héroïque patriotisme ; les généraux ennemis la livrèrent au
pillage.
Plus heureuse, mais non moins patriote en 1870 et 1871,
elle n'a pas revu l'étranger.
La ville de Bourg, autrefois construite
presque entièrement en bois, est agréablement située sur la rive
gauche de la Reyssouse et près de la Veyle, le mamelon sur lequel
elle est bâtie domine à l'est un bassin agréable et varié que couronnent
les coteaux de Revermont ; au nord, l'œil suit la Reyssouse, arrosant
d'immenses prairies qui s'étendent jusqu'à la Saône. Les rues, dont
la régularité laisse à désirer, sont propres, assainies par l'eau
courante d'un petit ruisseau nommé le Cône et ornées de fontaines
dont une, en forme de pyramide, a été élevée par les habitants à
la mémoire de Joubert. Il reste peu de chose de la ville du moyen
âge ; les murailles subsistent encore en partie, mais les fossés
ont été desséchés et disposés en jardins ; la citadelle, comme nous
l'avons vu, a été rasée sous Louis XIII; les derniers vestiges du
château ducal ont disparu dans les premières années de la Restauration;
l'église paroissiale, dédiée à Notre-Dame, dont la façade est entièrement
du style de la Renaissance, et l'intérieur du moyen âge, est le
monument le plus important de la ville. Après elle, il faut citer
l'hôtel de la préfecture, la bibliothèque, le musée, la halle au
blé, une assez jolie salle de spectacle et, en dehors de la ville,
un magnifique hôpital entouré de beaux jardins. Ce qu'on ne saurait
assez louer, ce sont de délicieuses promenades qui consistent en
plusieurs avenues de peupliers le Quinconce, le Mail, remarquable
par sa longueur ; le Bastion, au centre même de la ville, et dont
l'hémicycle est décoré d'une statue en bronze de Bichat, due au
ciseau de David d'Angers.
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