Privas - Préfecture de l'Ardêche
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Cette ville, située à 667 kilomètres au sud-est
de Paris, sur une colline qui domine le vallon de l'Ouvèze, à la
jonction de trois petites rivières, et dont la population est de
7,753 habitants, passe pour être très ancienne ; mais son origine
est inconnue. C'était, dans le moyen âge, le chef-lieu du pays des
Boutières. « Dès les premiers temps de la féodalité, Privas appartint
aux comtes de Valentinois, qui possédèrent en outre les châteaux
de Tournon lès- Privas, de Baix, du Pouzin, de Saint-Alban et de
Boulogne. Elle suivit les destinées de cette illustre famille et
devint périodiquement l'apanage des enfants des comtes de Valentinois.
En 1355, elle faisait partie du domaine d'Alice de Beaufort, veuve
d'Aymar V de Poitiers, nièce du pape Clément VI et sœur du pape
Grégoire XI. Plus tard, en 1404, elle passa dans la branche de Saint-Vallier
ce fut ainsi que, en 1547, Diane de Poitiers, héritière universelle
de son frère Guillaume de Poitiers, seigneur de Saint-Vallier, devint
la suzeraine de Privas et d'une grande partie du Vivarais.
Bâtie
sur un plateau élevé entre les rivières de l'Ouvèze, du Chazalon
et du Mézayon, au sein d'un pays montagneux, coupé par de grandes
vallées, Privas était au XVIIIème siècle une des places
les plus importantes de la province. Si la nature, en effet, semblait
avoir fortifié cette ville, l'art y avait considérablement ajouté.
Ceinte de hautes et épaisses murailles avec un abîme pour fossé,
elle était protégée par un château et par deux forts, dont l'un,
situé en avant du village du Petit-Tournon, commandait toutes les
issues qui sur ce point relient les Boutières à Privas, et l'autre,
hardiment jeté au sommet du mont Toulon, tenait en respect tout
le pays environnant.
Aussi, quand la guerre éclata dans le Vivarais
entre les protestants et les catholiques, chacun des partis essaya-t-il
de s'emparer de cette ville. D'abord aux calvinistes qui y étaient
en nombre et en force, Privas, en 1574, soutint un siège contre
les catholiques sous les ordres de François de Montpensier, dauphin
d'Auvergne. Saint-Romain, l'un des chefs protestants les plus habiles
et les plus entreprenants, commandait les assiégés. Il battit les
catholiques dans plusieurs sorties et les força de lever le siège.
N'ayant pu s'emparer de Privas de vive force, le parti catholique
essaya de s'en rendre maître par surprise. Alors cette ville avait
pour châtelaine la belle Paule de Chambaud, veuve de La Tour-Gouvernet,
capitaine calviniste, mort de froid dans les guerres du Piémont,
en 1614.
Recherchée en mariage par le comte de Beauvoir du Roure,
seigneur de Brizon, la tête et l'épée des protestants du Vivarais,
et par le jeune vicomte de Cheilane, fils aîné de René de Hautefort
de Lestranges, baron de Boulogne, l'un des chefs catholiques, elle
choisit, contre le vœu et l'intérêt de son parti, le jeune Cheilane,
renommé d'ailleurs pour son courage et pour son esprit. Cependant
les calvinistes ne se contentèrent pas de protester contre le choix
de Paule, choix qui ruinait leurs espérances dans le Vivarais ;
ils s'y opposèrent par les armes. Dès lors cette guerre prit un
caractère héroï-comique, qui rappelle les précautions des tuteurs
et les ruses des amoureux dans les romans ou dans les comédies.
Pour empêcher toute communication entre les deux amants, des gardes et
des sentinelles veillaient nuit et jour aux approches du château.
Vains obstacles Il existait, dans l'une des parties du vieux manoir,
une ouverture secrète, pratiquée par Paule elle-même et connue de
Cheilane seul. C'est par là que les deux amants pouvaient se voir
et se parler. Or, une nuit ; à l'insu des gardes, Cheilane, s'étant
introduit dans le château, appela à lui les catholiques et se mit
en état de se défendre. Une lutte terrible allait s'engager quand
Blaccons, parent de Paule et l'un des lieutenants du baron des Adrets,
intervint et obligea les deux partis à se retirer. Rentré dans le
manoir paternel, mais non découragé, Cheilane parvint à s'introduire
de nouveau dans le château et à conclure son mariage avec Paule
ce qui mit le comble à la colère des calvinistes. Assiégé par eux,
sans cesse menacé, ne pouvant fuir, il recourut au duc de Montmorency,
gouverneur du Languedoc. Celui-ci marcha sur Privas à la tête de
sept mille fantassins et de trois cents cavaliers. Privas n'essaya
même pas de résister ; il ouvrit ses portes au duc, qui, après avoir
fait reconnaître solennellement Paule de Chambaud comme vicomtesse
de Cheilane, reprit le chemin du Languedoc. Montmorency avait laissé
dans le château une faible garnison commandée par Saint-Palais;
à peine le duc était-il parti que les habitants de Privas réclamèrent
la grosse tour du château comme étant leur propriété. Sur le refus
de la rendre, le comte du Roure se mit à la tête des bourgeois révoltés
la tour fut minée, et le château, abandonné par Saint- Palais qui
capitula, fut complètement rasé, le 10 février 1621. Cependant Louis
XIII revenait du Piémont à la tête de son armée victorieuse, pressé
d'en finir avec les Religionnaires du Midi. A son approche, les
calvinistes du Vivarais se réfugièrent dans Privas et s'y préparèrent
à se défendre. Ils députèrent au duc de Rohan, chef supérieur des
Églises protestantes de France, pour lui demander le prompt envoi
d'un chef et de quelques soldats. Rohan, qui savait les desseins
du roi, avait déjà songé à les prévenir; mais les événements ne
lui laissèrent pas le temps de réaliser le vaste projet de résistance
qu'il avait conçu et qui, enveloppant le Languedoc et les Pyrénées,
s'étendait jusqu'aux bords de l'Océan.
Néanmoins il se hâta d'envoyer
à Privas Saint-André Montbrun avec huit cents fantassins et deux
cent cinquante cavaliers. Saint-André avait ordre de maintenir dans
la rébellion non seulement la ville, mais tout le pays des Boutières,
afin de tenir les troupes royales en échec et de donner ainsi au
duc le temps de mener à bonne fin son entreprise. Nul mieux que
Saint-André n'était capable de le seconder. C'était le fils de ce
Montbrun dont nous avons raconté les luttes héroïques dans l'histoire
du Dauphiné. Cependant, quand il parut devant Privas, il n'obtint
qu'à grand-peine des consuls d'y entrer avec ses troupes. Dans
l'intervalle, le découragement avait gagné les habitants. Saint-André
convoqua le conseil de ville. Il parla aux consuls et aux notables
; il leur rappela le siège glorieux qu'ils avaient soutenu en 1574
et leur dit que, pour lui, il était prêt à mourir sous les ruines
de leur cité. Ces généreuses paroles relevèrent les courages abattus.
Consuls, notables, peuple, tous jurèrent de se défendre jusqu'à
la dernière extrémité. Saint-André fut chargé du commandement de
la ville. Tandis que les habitants de Privas se préparaient à une
vigoureuse résistance et relevaient les fortifications de leur ville,
le roi passait le Rhône à Valence et s'avançait sur la capitale
du Vivarais. Le 16 mai 1629, il campa avec son armée au pied des
montagnes du Coiron, en face de la ville la maison qui le reçut,
la maison Grosnier, existe encore, dans la plaine du Lac, et en
a conservé le nom de logis dit roi. Après « avoir demeuré quelques
jours devant ladite ville, dit un mémoire du temps, le roy fist
approcher un héraut d'armes pour la sommer de rentrer dans son deuoir;
mais le sieur de Saint-André, qui estoit uenu avec ordre dudit seigneur
de Rohan de n'entrer dans aucune composition, respondit par un refus.
»Vainement un émissaire secret vint lui offrir au nom du roi
un grade élevé dans l'armée et cent mille écus de gratification
s'il voulait livrer la ville ; Saint.André indigné chassa honteusement
le porteur de cette proposition, et le siège commença. Après un
assaut des plus terribles, les assiégeants se retirèrent laissant
cinq cents des leurs morts au pied des remparts, Bientôt, revenant
à la charge, ils foudroyèrent la ville à coups de canon. Après une
résistance de quinze jours, Saint-André, reconnaissant l'impossibilité
de la prolonger, demanda à capituler, « espérant ainsi, dit M. de
Valgorge dans ses ;Souvenirs de l'Ardèche, désarmer la colère
du roi et obtenir pour les habitants et pour lui des conditions
honorables mais le roi, irrité par l'opiniâtre résistance des habitants
de Privas, ne voulut accorder ni grâce ni merci. » Alors, désespérés,
les habitants abandonnèrent la ville et se réfugièrent dans le fort
de Mont-Toulon. Quelques-uns essayèrent, sous la conduite du capitaine
Chambaud, de gagner la montagne mais Cheilane, leur châtelain, se
mit à leur poursuite, les atteignit et se vengea cruellement de
la rude guerre qu'ils lui avaient faite. Bientôt le fort du Mont-Toulon
se rendit. « Alors, ajoute Monsieur de Valgorge, l'on vit se
consommer l'œuvre la plus épouvantable de sang et de ruine. Tous
ceux qui furent trouvés soit dans la ville, soit dans le fort, furent
passés au fil de l'épée ; les fortifications furent rasées, les
maisons pillées et puis brûlées. Le butin fut très bon au soldat,
dit de Marcha, car c'était une ville riche avec de bonnes et belles
maisons bien meublées desquelles on n'avoit tiré choses quelconques.
»
« Quelque défense que j'aie pu faire, écrivait le roi Louis
XIII au duc de Ventadour, et quelque soin que j'aie pu apporter
pour que la ville ne fût pas brûlée, ayant éteint le feu par diverses
fois, elle a été enfin toute consumée, et Dieu a voulu qu'elle portât
des marques perpétuelles de sa rébellion. » Non content de ce
châtiment terrible, le roi rendit immédiatement un édit portant
défense d'habiter désormais ce lieu maudit, sous lettres patentes
du grand sceau. Quant à Saint-André, qui avait remis volontairement
son épée à l'un des officiers du roi, il obtint la vie sauve ; mais,
considéré comme prisonnier de guerre, il fut conduit en Dauphiné
et enfermé dans la tour de Crest, d'où il s'échappa cinq mois après
pour devenir généralissime des armées de Venise. Ainsi pillée, saccagée
et ruinée, cette pauvre ville ne servit de longtemps de retraite
qu'aux hiboux et aux insectes. Cependant ceux des habitants qui
avaient échappé au massacre rentrèrent peu à peu dans les ruines
de leur cité ; mais tous leurs effets mobiliers, après le sac de
la ville, avaient été incendiés avec les habitations.
« Les
fruits de leurs biens furent longtemps régis par commissaires pour
estre employés en payement des tailles deues au roy, et parce que
tous leurs fruits ne suffisoyent pas pour le payement d'icelles,
les receueurs se pourueurent au conseil pour y obtenir, comme ils
firent, leur descharge de ce qui restoit des appres la vente desdits
fruits. »
Plus tard, en 1644, le roi ayant établi à Privas une
chambre de justice tirée du présidial de Valence, il permit aux
habitants de rebâtir leurs maisons. Ils y employèrent « non seulement
toute leur substance, mais aussi épuisèrent la bourse de leurs amis.
» Vingt ans après, le 22 février 1664, nouvel arrêt du conseil leur
enjoignant de sortir de leur ville avec défense d'y habiter.
« Alors, ajoute le mémoire déjà cité, on leur enleva, contre toutes
les formes de la justice, leurs meubles, leurs denrées, leurs bestiaux,
leurs marchandises et leur récolte; et, non content de cela, on
poursuivit un autre arrest qui fust rendu le 30 septembre suiuant,
qui estendoit leurs peines en leur deffendant non seulement l'habitation
de la ville de Priuas, mais aussi celle de la taillabilité et du
lieu de Tournon, et, bien qu'en sortant de ladite ville on les eust
obligés de rendre les clefs de leurs maisons, on ne laissa pas leur
faire payer les tailles aussi bien que de leurs autres fonds, bien
qu'ils ne pussent pas les habiter et qu'ils ne trouvassent pas à
qui les arrenter, et qu'ils fussent dans l'impossibilité de cultiver
leurs fonds accause de leur esloignement, aussi bien dans celle
d'y conseruer les fruits qui leur estoient enleués auant leur maturité,
si bien que leurs maisons par l'inhabitation ont esté réduites en
des tristes masures, et leurs fonds, faute de culture, sont tombés
en frisches. » C'était peu en 1670, « les rebelles dont du
Roure estoit le chef, parce que lesdits habitants ne voulurent pas
se rendre complices de leur rebellion, et qu'au contraire ils firent
tous leurs efforts pour s'y opposer, vindrent rauager leur ville
pillèrent leurs marchandises et leurs meubles, et ceux qu'ils ne
peurent pas emporter, ils les brisèrent ou bruslèrent. Ils emportèrent
jusques aux gons des portes et des fenêtres, apprès auoir dissippé
leurs denrées, beu ou versé leurs vins. » Depuis 1683, foulés
et accablés ou par de fortes contributions ou par des logements
de gens de guerre, les habitants de Privas se virent réduits à la
dernière misère. Dans ce déplorable état, ils implorèrent la bonté
du roi par l'intercession de l'évêque de Lodève. Bientôt, grâce
à quelques concessions royales et surtout à l'activité de ses habitants,
Privas sortit de ses cendres et répara ses pertes, et quand la Révolution
vint changer la division territoriale du royaume, elle fit de cette
ville le chef-lieu du département de l'Ardèche. Privas est une ville
toute moderne. Rien n'est resté de l'ancienne. Trois croix de bois
s'élèvent là où fut la forteresse du Mont-Toulon, et le manoir de
Paule de Chambaud est aujourd'hui un collège. Située à trois heures
du Rhône, sur une colline qui domine le vallon de l'Ouvèze et la
petite plaine du Lac, la jonction de l'Ouvèze, du Mézayon et du
Chazalon, cette ville ressemble de loin à un nid d'hirondelles suspendu
aux flancs d'une montagne.
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