Privas - Préfecture de l'Ardêche

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Plan de la ville de Privas avec les fortifications d'icelle assiégée par le Roy le 14 de may 1629 et rendue en son obéissance le 26
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Palais de justice de Privas

Cette ville, située à 667 kilomètres au sud-est de Paris, sur une colline qui domine le vallon de l'Ouvèze, à la jonction de trois petites rivières, et dont la population est de 7,753 habitants, passe pour être très ancienne ; mais son origine est inconnue. C'était, dans le moyen âge, le chef-lieu du pays des Boutières. « Dès les premiers temps de la féodalité, Privas appartint aux comtes de Valentinois, qui possédèrent en outre les châteaux de Tournon lès- Privas, de Baix, du Pouzin, de Saint-Alban et de Boulogne. Elle suivit les destinées de cette illustre famille et devint périodiquement l'apanage des enfants des comtes de Valentinois. En 1355, elle faisait partie du domaine d'Alice de Beaufort, veuve d'Aymar V de Poitiers, nièce du pape Clément VI et sœur du pape Grégoire XI. Plus tard, en 1404, elle passa dans la branche de Saint-Vallier ce fut ainsi que, en 1547, Diane de Poitiers, héritière universelle de son frère Guillaume de Poitiers, seigneur de Saint-Vallier, devint la suzeraine de Privas et d'une grande partie du Vivarais.
Bâtie sur un plateau élevé entre les rivières de l'Ouvèze, du Chazalon et du Mézayon, au sein d'un pays montagneux, coupé par de grandes vallées, Privas était au XVIIIème siècle une des places les plus importantes de la province. Si la nature, en effet, semblait avoir fortifié cette ville, l'art y avait considérablement ajouté. Ceinte de hautes et épaisses murailles avec un abîme pour fossé, elle était protégée par un château et par deux forts, dont l'un, situé en avant du village du Petit-Tournon, commandait toutes les issues qui sur ce point relient les Boutières à Privas, et l'autre, hardiment jeté au sommet du mont Toulon, tenait en respect tout le pays environnant.
Aussi, quand la guerre éclata dans le Vivarais entre les protestants et les catholiques, chacun des partis essaya-t-il de s'emparer de cette ville. D'abord aux calvinistes qui y étaient en nombre et en force, Privas, en 1574, soutint un siège contre les catholiques sous les ordres de François de Montpensier, dauphin d'Auvergne. Saint-Romain, l'un des chefs protestants les plus habiles et les plus entreprenants, commandait les assiégés. Il battit les catholiques dans plusieurs sorties et les força de lever le siège. N'ayant pu s'emparer de Privas de vive force, le parti catholique essaya de s'en rendre maître par surprise. Alors cette ville avait pour châtelaine la belle Paule de Chambaud, veuve de La Tour-Gouvernet, capitaine calviniste, mort de froid dans les guerres du Piémont, en 1614.
Recherchée en mariage par le comte de Beauvoir du Roure, seigneur de Brizon, la tête et l'épée des protestants du Vivarais, et par le jeune vicomte de Cheilane, fils aîné de René de Hautefort de Lestranges, baron de Boulogne, l'un des chefs catholiques, elle choisit, contre le vœu et l'intérêt de son parti, le jeune Cheilane, renommé d'ailleurs pour son courage et pour son esprit. Cependant les calvinistes ne se contentèrent pas de protester contre le choix de Paule, choix qui ruinait leurs espérances dans le Vivarais ; ils s'y opposèrent par les armes. Dès lors cette guerre prit un caractère héroï-comique, qui rappelle les précautions des tuteurs et les ruses des amoureux dans les romans ou dans les comédies. Pour empêcher toute communication entre les deux amants, des gardes et des sentinelles veillaient nuit et jour aux approches du château. Vains obstacles Il existait, dans l'une des parties du vieux manoir, une ouverture secrète, pratiquée par Paule elle-même et connue de Cheilane seul. C'est par là que les deux amants pouvaient se voir et se parler. Or, une nuit ; à l'insu des gardes, Cheilane, s'étant introduit dans le château, appela à lui les catholiques et se mit en état de se défendre. Une lutte terrible allait s'engager quand Blaccons, parent de Paule et l'un des lieutenants du baron des Adrets, intervint et obligea les deux partis à se retirer. Rentré dans le manoir paternel, mais non découragé, Cheilane parvint à s'introduire de nouveau dans le château et à conclure son mariage avec Paule ce qui mit le comble à la colère des calvinistes. Assiégé par eux, sans cesse menacé, ne pouvant fuir, il recourut au duc de Montmorency, gouverneur du Languedoc. Celui-ci marcha sur Privas à la tête de sept mille fantassins et de trois cents cavaliers. Privas n'essaya même pas de résister ; il ouvrit ses portes au duc, qui, après avoir fait reconnaître solennellement Paule de Chambaud comme vicomtesse de Cheilane, reprit le chemin du Languedoc. Montmorency avait laissé dans le château une faible garnison commandée par Saint-Palais; à peine le duc était-il parti que les habitants de Privas réclamèrent la grosse tour du château comme étant leur propriété. Sur le refus de la rendre, le comte du Roure se mit à la tête des bourgeois révoltés la tour fut minée, et le château, abandonné par Saint- Palais qui capitula, fut complètement rasé, le 10 février 1621. Cependant Louis XIII revenait du Piémont à la tête de son armée victorieuse, pressé d'en finir avec les Religionnaires du Midi. A son approche, les calvinistes du Vivarais se réfugièrent dans Privas et s'y préparèrent à se défendre. Ils députèrent au duc de Rohan, chef supérieur des Églises protestantes de France, pour lui demander le prompt envoi d'un chef et de quelques soldats. Rohan, qui savait les desseins du roi, avait déjà songé à les prévenir; mais les événements ne lui laissèrent pas le temps de réaliser le vaste projet de résistance qu'il avait conçu et qui, enveloppant le Languedoc et les Pyrénées, s'étendait jusqu'aux bords de l'Océan.

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L'Hôtel de Ville de Privas

Néanmoins il se hâta d'envoyer à Privas Saint-André Montbrun avec huit cents fantassins et deux cent cinquante cavaliers. Saint-André avait ordre de maintenir dans la rébellion non seulement la ville, mais tout le pays des Boutières, afin de tenir les troupes royales en échec et de donner ainsi au duc le temps de mener à bonne fin son entreprise. Nul mieux que Saint-André n'était capable de le seconder. C'était le fils de ce Montbrun dont nous avons raconté les luttes héroïques dans l'histoire du Dauphiné. Cependant, quand il parut devant Privas, il n'obtint qu'à grand-peine des consuls d'y entrer avec ses troupes. Dans l'intervalle, le découragement avait gagné les habitants. Saint-André convoqua le conseil de ville. Il parla aux consuls et aux notables ; il leur rappela le siège glorieux qu'ils avaient soutenu en 1574 et leur dit que, pour lui, il était prêt à mourir sous les ruines de leur cité. Ces généreuses paroles relevèrent les courages abattus. Consuls, notables, peuple, tous jurèrent de se défendre jusqu'à la dernière extrémité. Saint-André fut chargé du commandement de la ville. Tandis que les habitants de Privas se préparaient à une vigoureuse résistance et relevaient les fortifications de leur ville, le roi passait le Rhône à Valence et s'avançait sur la capitale du Vivarais. Le 16 mai 1629, il campa avec son armée au pied des montagnes du Coiron, en face de la ville la maison qui le reçut, la maison Grosnier, existe encore, dans la plaine du Lac, et en a conservé le nom de logis dit roi. Après « avoir demeuré quelques jours devant ladite ville, dit un mémoire du temps, le roy fist approcher un héraut d'armes pour la sommer de rentrer dans son deuoir; mais le sieur de Saint-André, qui estoit uenu avec ordre dudit seigneur de Rohan de n'entrer dans aucune composition, respondit par un refus. »Vainement un émissaire secret vint lui offrir au nom du roi un grade élevé dans l'armée et cent mille écus de gratification s'il voulait livrer la ville ; Saint.André indigné chassa honteusement le porteur de cette proposition, et le siège commença. Après un assaut des plus terribles, les assiégeants se retirèrent laissant cinq cents des leurs morts au pied des remparts, Bientôt, revenant à la charge, ils foudroyèrent la ville à coups de canon. Après une résistance de quinze jours, Saint-André, reconnaissant l'impossibilité de la prolonger, demanda à capituler, « espérant ainsi, dit M. de Valgorge dans ses ;Souvenirs de l'Ardèche, désarmer la colère du roi et obtenir pour les habitants et pour lui des conditions honorables mais le roi, irrité par l'opiniâtre résistance des habitants de Privas, ne voulut accorder ni grâce ni merci. » Alors, désespérés, les habitants abandonnèrent la ville et se réfugièrent dans le fort de Mont-Toulon. Quelques-uns essayèrent, sous la conduite du capitaine Chambaud, de gagner la montagne mais Cheilane, leur châtelain, se mit à leur poursuite, les atteignit et se vengea cruellement de la rude guerre qu'ils lui avaient faite. Bientôt le fort du Mont-Toulon se rendit. « Alors, ajoute Monsieur de Valgorge, l'on vit se consommer l'œuvre la plus épouvantable de sang et de ruine. Tous ceux qui furent trouvés soit dans la ville, soit dans le fort, furent passés au fil de l'épée ; les fortifications furent rasées, les maisons pillées et puis brûlées. Le butin fut très bon au soldat, dit de Marcha, car c'était une ville riche avec de bonnes et belles maisons bien meublées desquelles on n'avoit tiré choses quelconques. »
« Quelque défense que j'aie pu faire, écrivait le roi Louis XIII au duc de Ventadour, et quelque soin que j'aie pu apporter pour que la ville ne fût pas brûlée, ayant éteint le feu par diverses fois, elle a été enfin toute consumée, et Dieu a voulu qu'elle portât des marques perpétuelles de sa rébellion. »
Non content de ce châtiment terrible, le roi rendit immédiatement un édit portant défense d'habiter désormais ce lieu maudit, sous lettres patentes du grand sceau. Quant à Saint-André, qui avait remis volontairement son épée à l'un des officiers du roi, il obtint la vie sauve ; mais, considéré comme prisonnier de guerre, il fut conduit en Dauphiné et enfermé dans la tour de Crest, d'où il s'échappa cinq mois après pour devenir généralissime des armées de Venise. Ainsi pillée, saccagée et ruinée, cette pauvre ville ne servit de longtemps de retraite qu'aux hiboux et aux insectes. Cependant ceux des habitants qui avaient échappé au massacre rentrèrent peu à peu dans les ruines de leur cité ; mais tous leurs effets mobiliers, après le sac de la ville, avaient été incendiés avec les habitations.
« Les fruits de leurs biens furent longtemps régis par commissaires pour estre employés en payement des tailles deues au roy, et parce que tous leurs fruits ne suffisoyent pas pour le payement d'icelles, les receueurs se pourueurent au conseil pour y obtenir, comme ils firent, leur descharge de ce qui restoit des appres la vente desdits fruits. »
Plus tard, en 1644, le roi ayant établi à Privas une chambre de justice tirée du présidial de Valence, il permit aux habitants de rebâtir leurs maisons. Ils y employèrent « non seulement toute leur substance, mais aussi épuisèrent la bourse de leurs amis. » Vingt ans après, le 22 février 1664, nouvel arrêt du conseil leur enjoignant de sortir de leur ville avec défense d'y habiter. « Alors, ajoute le mémoire déjà cité, on leur enleva, contre toutes les formes de la justice, leurs meubles, leurs denrées, leurs bestiaux, leurs marchandises et leur récolte; et, non content de cela, on poursuivit un autre arrest qui fust rendu le 30 septembre suiuant, qui estendoit leurs peines en leur deffendant non seulement l'habitation de la ville de Priuas, mais aussi celle de la taillabilité et du lieu de Tournon, et, bien qu'en sortant de ladite ville on les eust obligés de rendre les clefs de leurs maisons, on ne laissa pas leur faire payer les tailles aussi bien que de leurs autres fonds, bien qu'ils ne pussent pas les habiter et qu'ils ne trouvassent pas à qui les arrenter, et qu'ils fussent dans l'impossibilité de cultiver leurs fonds accause de leur esloignement, aussi bien dans celle d'y conseruer les fruits qui leur estoient enleués auant leur maturité, si bien que leurs maisons par l'inhabitation ont esté réduites en des tristes masures, et leurs fonds, faute de culture, sont tombés en frisches. » C'était peu en 1670, « les rebelles dont du Roure estoit le chef, parce que lesdits habitants ne voulurent pas se rendre complices de leur rebellion, et qu'au contraire ils firent tous leurs efforts pour s'y opposer, vindrent rauager leur ville pillèrent leurs marchandises et leurs meubles, et ceux qu'ils ne peurent pas emporter, ils les brisèrent ou bruslèrent. Ils emportèrent jusques aux gons des portes et des fenêtres, apprès auoir dissippé leurs denrées, beu ou versé leurs vins. » Depuis 1683, foulés et accablés ou par de fortes contributions ou par des logements de gens de guerre, les habitants de Privas se virent réduits à la dernière misère. Dans ce déplorable état, ils implorèrent la bonté du roi par l'intercession de l'évêque de Lodève. Bientôt, grâce à quelques concessions royales et surtout à l'activité de ses habitants, Privas sortit de ses cendres et répara ses pertes, et quand la Révolution vint changer la division territoriale du royaume, elle fit de cette ville le chef-lieu du département de l'Ardèche. Privas est une ville toute moderne. Rien n'est resté de l'ancienne. Trois croix de bois s'élèvent là où fut la forteresse du Mont-Toulon, et le manoir de Paule de Chambaud est aujourd'hui un collège. Située à trois heures du Rhône, sur une colline qui domine le vallon de l'Ouvèze et la petite plaine du Lac, la jonction de l'Ouvèze, du Mézayon et du Chazalon, cette ville ressemble de loin à un nid d'hirondelles suspendu aux flancs d'une montagne.



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