Marseille - Préfecture des Bouches du Rhône
Retour au DépartementMarseille, la ville qui se découvre avec
l'accent chantant du Marseillais, abrité sous son chapeau de
paille, trempant sa ligne dans les eaux du Vieux Port.
Plus
grande ville française du sud de la France et grand port de
commerce sur la Méditerranée. Une ville démesuré où dans les
rues grouillantes d'une population afféré, vous pouvez, en moins
d'une heures faires connaissances avec des ethnies du monde
entier. Du Musulman barbu à l'Asiatique imberbe, le monde entier
est présent dans les rues de Marseille. Marseille où du haut
de son rocher la Bonne Mère veille sur les marseillais.
Cette ville fondé par les Phéniciens
est le port qui relie l'Afrique du Nord, l'Europe du Sud et
surtout, avec l'abandon des grandes lignes maritimes commerciales
est devenue l'un des ports d'attaches des grands paquebots de
croisière qui sillonnent la Méditerranée.
Histoire de Marseille
Marseille L’origine de Marseille est moins obscure que celle de la plupart des villes de France. On hésite, il est vrai, à prononcer que cette cité ait eu pour point de départ un comptoir phénicien ou carthaginois, et l'inscription punique découverte, il y a quelques années, sur son territoire, n'est pas assez explicite pour autoriser une affirmation. Mais on sait parfaitement que c'est aux Phocéens de l'Asie Mineure, hardis navigateurs habitués à explorer toutes les côtes méditerranéennes et même à franchir les colonnes d'Hercule, qu'il faut rapporter la véritable fondation de Marseille. Ils avaient remarqué cette côte si merveilleusement taillée par la nature pour faire un port, ce voisinage du Rhône et l'importance pour leur commerce d'un comptoir dans ces parages. Ils députèrent Protis auprès de Nant ou Nannus, chef des Ségobriges. Protis arriva le jour où la fille du chef barbare, la belle Gyptis, était appelée à choisir un époux en présentant une coupe pleine d'eau à l'un des jeunes hommes rassemblés pour solliciter sa main. La vierge gauloise porta la coupe à l'étranger, qui, devenu le gendre de Nant, se fixa avec les siens dans le lieu qu'il appela Massalia(mas salia, demeure salienne); ce nom se transforma plus tard en Massilia, d'où est venu à son tour Marseille.
La colonie phocéenne prospéra, quoiqu'elle
eût perdu la protection des Ségobriges. Comanus, successeur
de Nant, tenta de la surprendre. Sous prétexte d'honorer ses
dieux, il envoya dans la ville des chars couverts de feuillages
qui cachaient des hommes armés. Une femme salienne, qui aimait
un Phocéen, révéla cette ruse, les soldats de Comanus furent
mis à mort et lui-même périt dans un combat. La haine des Saliens
ne fit que redoubler. Une ligue formidable mettait pour la seconde
fois Marseille en grand danger, lorsque le Biturige Dellovèse,
qui allait envahir l'Italie, la sauva en passant. Probablement
elle lui avait fourni des vivres ou des munitions.
Une nouvelle
émigration de Phocéens, celle que causa, en 542 avant Jésus-Christ,
la conquête de l'Ionie par Harpagus, amena un renfort à la population
de Massalie,
Et déjà cette colonie acquérait l'importance
et la prospérité d'une métropole. Ses vaisseaux entretenaient
des relations de commerce avec les ports d'Asie Mineure, de
Grèce et d'Italie. Par le Rhône, dont elle s'était efforcée
d'améliorer la navigation, elle communiquait avec l'intérieur
du pays. Des produits nouveaux, apportés par les Phocéens, le
blé, la vigne, l'olivier couvraient les campagnes voisines ;
l'industrie, appliquée principalement au travail des bijoux
et du corail et à la fabrication du savon, dont les Marseillais,
selon Pline, sont les inventeurs, était une autre source de
richesse. Un vaste port, le Lacydon, ouvrit un asile sûr aux
vaisseaux qui se chargeaient de tant de précieuses denrées une
muraille garnie de tours protégea la ville du côté des barbares.
Enfin, lorsqu'il fallut entrer en lutte avec les marines rivales
de Rhodes, de Tyr, de Carthage, Marseille le fit avec avantage,
et sa citadelle s'orna plus d'une fois des dépouilles de la
future rivale de Rome. Le gouvernement de Marseille est peu
connu.
Il le serait davantage si l'ouvrage spécial
qu'Aristote avait écrit sur la constitution marseillaise n'était
pas perdu. Cette constitution, semblable à celle qui avait régi
Phocée, semble avoir reposé sur une certaine aristocratie de
fortune. En effet, parmi les plus riches et les plus vertueux
pères de famille, originaires de la ville même, on en choisissait
six cents qu'on appelait timouques, c'est-à-dire ceux qui ont
les honneurs ; ces six cents formaient un conseil dépositaire
de l'autorité souveraine ; quinze d'entre eux étaient désignés
pour remplir les différentes fonctions administratives de la
cité, et trois pour exercer à peu près le pouvoir dont les consuls
étaient revêtus à Rome. La sagesse des lois de Marseille a été
vantée par toute l'antiquité. Quant à la religion, l'Olympe
grec avait suivi les Phocéens sur les bords du Rhône ; mais
un culte particulier s'adressait à Apollon de Delphes et à Diane
d'Ephèse, dont les temples s'élevaient dans l'enceinte même
de la citadelle. Marseille, disions-nous, avait la prospérité
d'une métropole. Bien plus elle était métropole elle-même. Cette
cité féconde enfanta sur tous les rivages de la Méditerranée
occidentale, et les cités, ses filles, elle les orna de ces
noms rayonnants où se peint, comme en tant d'autres choses,
le génie grec. C'était Nicæ (Nice), la ville de la victoire
; Citharista (La Ciotat), la ville à la Cithare ; Olbia (Eoube,.
Eoux), la ville Fortunée ; Antipolis (Antibes), etc., sans compter
des marchés qui sont devenus des bourgs ou des villes Gargarius
(Saint-Jean de-Garguier), Trittis(Trets), Glanum(Saint-Remy-de
Procence), et, sur les côtes d'Espagne et d'Italie, Denia, Ampurias,
Roses, Elea, Lugaria, Monaco.
Marseille, tout en laissant
à ses colonies l'indépendance qui était dans les habitudes coloniales
de la Grèce, se réservait pourtant le droit de battre monnaie,
dont elle usait pour frapper des médailles qu'on admire encore
pour la beauté du travail à une époque si reculée.
On en
possède, en effet, qui remontent à 500 avant Jésus-Christ ;
sur les unes, on voit un ours dévorant une proie; sur les autres,
moins anciennes de cent ans, deux têtes de lion ou de griffon
enfin on a, du IVème siècle, des drachmes à l' effigie
de Diane couronnée de lauriers, qui sont admirables. Cette dernière
époque est précisément celle de la plus grande prospérité de
Marseille dans l'antiquité. Elle se soutenait contre Carthage
et ne souffrait pas encore de l'oppressive protection de Rome.
Ses navigateurs ne se bornaient plus à sillonner la Méditerranée
; ils sortaient de cette enceinte trop étroite, et, affrontant
l'Océan, ils allaient jusque dans le nord de l'Europe chercher
des pays inconnus, de nouveaux débouchés et de nouvelles richesses.
Et ils ne naviguaient plus au hasard, mais la science les conduisait.
Le fameux Pythéas était astronome, mathématicien, géographe
c'est à lui que Marseille doit d'être la première ville dont
la latitude ait été déterminée avec précision. Chargé par sa
patrie, vers le milieu du IVème siècle, d'aller par
mer explorer les pays septentrionaux, il longea, dans un premier
voyage, les côtes de l'Espagne, de la Gaule, des iles Britanniques
et alla reconnaître la nébuleuse Thulé (Islande ou Norvège ?) ;
dans un second, il franchit le Sund, entra dans la Bailique
et aborda à l'embouchure d'un fleuve qu'il nomme dans ses écrits
Tanaïs, et qu'on croit être la Vistule ou la Duna. Il avait
laissé, en effet, des relations précieuses dont nous n'avons
plus que des fragments.
A la même époque, un autre Massalien,
Euthymène, également par l'ordre de sa patrie, longeait la côte
occidentale de l'Afrique jusqu'au fleuve Sénégal. Ce sont là
pour Marseille des titres d'une gloire immortelle. C'étaient
aussi de nouveaux moyens de fortune. Au reste, toutes les cités
rivales tombaient comme par enchantement. La domination macédonienne,
en ruinant Athènes et Tyr, livrait aux marins marseillais le
commerce de l'Asie. Et bientôt ce devait être le tour de Carthage.
Déjà Marseille était l'amie de Rome. Des députés qu'elle avait
envoyés à Delphes traversaient l'Italie lorsque Brennus vendit
à Rome sa délivrance au poids de l'or. Ils racontèrent à leurs
compatriotes l'infortune de Rome, et ceux-ci s'empressèrent
d'envoyer aux Romains tout l'argent de leur trésor. En reconnaissance,
le sénat accorda, en 390, aux citoyens de Marseille le droit
de siéger parmi les sénateurs dans les jeux publics. Lorsque
Annibal traversa la Gaule pour aller attaquer l'Italie, les
Marseillais avertirent les Romains de sa marche, suscitèrent
la résistance des Cavares, qui faillit l'arrêter sur les bords
du Rhône, fournirent des vaisseaux et enfin, après la bataille
de Cannes, offrirent toutes leurs ressources (216). Victorieuse
et toute-puissante dans l'Occident, Rome eut bientôt les moyens
et l'occasion de payer ces services. Secourue par le consul
Opimius contre les Oxybiens et les Décéates, Marseille reçut
de la munificence romaine les terres de ces deux peuples (155
av. J.-C.).
Dix ans après, Carthage tombait, et sa chute
livrait à Marseille tout le commerce de l'Espagne. La ruine
de la grande colonie phénicienne était le plus magnifique présent
que Rome pût faire à Marseille. Bientôt après, conquérante de
l'Asie, elle lui accorda la grâce de la Phocée d'Ionie (127),
et un peu plus tard encore (121), invoquée de nouveau par elle
contre les Saliens, elle envoyait à son secours le proconsul
C. Sextius Calvinius, qui, chassant les barbares, lui fit don
de tout le littoral depuis le Rhône jusqu'aux limites de l'Italie,
sur une largeur de 12 stades. Enfin, en 114, lorsque Rome forma,
des pays conquis dans le midi de la Gaule, la province de Gaule
narbonnaise, Marseille se trouva enclavée dans cette province
en conservant toute son indépendance (114). Lors de l'invasion
des Ambrons et des Teutons, elle envoie des secours à Marius,
qui, l'expédition finie, lui fait don des Fosses Mariennes,
canal creusé par ses soldats, et qui pouvait être avantageusement
utilisé pour la navigation du Rhône. Il est probable qu'elle
aida César dans la conquête des Gaules, quoiqu'il n'en dise
rien.
Mais ce n'était pas à César que Marseille était attachée ; c'était à la république romaine. Ces deux républiques s'entendaient ; l'une, toute-puissante par les armes, mais peu propre au commerce, ne voulait que l'empire du monde l'autre, assez sage pour se contenter du monopole commercial qui lui était acquis par les victoires de sa puissante alliée, savait ne point montrer un orgueil qui l'eût perdue. Fidèle au sénat et au peuple romain, qui l'avaient tant de fois secourue, elle se déclara pour Pompée contre César. Celui-ci parut devant ses murs et, obligé de courir ailleurs, y laissa Tribonius avec trois légions, après avoir employé sans succès les négociations. Alors eut lieu ce fameux siège de Marseille, célébré par Lucain. Malgré la réunion de ses vaisseaux à ceux de Pompée, elle fut deux fois vaincue sur mer, et bientôt, pressée par les travaux du siège, dépourvue de munitions et par une épidémie, elle ouvrit ses portes à César, qui vint en personne recevoir sa soumission (49 av. J.-C.).
Il lui laissa ses magistrats et ses lois, mais lui enleva toutes ses colonies, moins Nice, détruisit ses murailles, lui enleva ses armes et ses vaisseaux, établit deux légions dans sa citadelle et une flotte romaine dans le port de la Joliette (Julii statio). Il eut enfin l'ingratitude de faire porter à son triomphe l'image de Marseille vaincue. Comme pour absoudre la république romaine et comme en expiation du crime de César, Cicéron jeta un éloquent cri de douleur : « Après la ruine des nations étrangères, nous avons vu avec douleur, nous avons vu pour dernier exemple de la décadence de notre empire, porter dans un triomphe l'image de Marseille, de cette ville sans le secours de laquelle nos généraux n'auraient jamais triomphé dans leurs guerres au-delà des Alpes. » L'indépendance est le premier des biens. Pourtant, si Marseille eut à regretter la sienne, elle conserva dans le vaste empire son rang de grande cité commerciale ; presque tous les produits de la Gaule passaient par ses mains elle allait chercher à Alexandrie ceux de l'Inde, apportés par la mer Rouge elle eut, en outre, ce beau privilège des villes grecques, elle attira dans son sein ses vainqueurs, jaloux de se polir et de s'instruire dans cette Athènes des Gaules, comme l'appelait Cicéron, auprès de cette maîtresse des études, comme l'appelait encore Pline. Le poète Gallus, ami de Virgile ; un petit-neveu et un petit-fils d'Auguste ; le fameux Agricola, beau-père de Tacite; Pétrone, Trogue- Pompée enfin, dont les ouvrages perdus sont l'objet de tant de regrets, sortirent des écoles de Marseille. La cité elle-même avait donné naissance à des professeurs illustres, Lucius Plotius, qui fit à Rome le premier cours public de rhétorique Gniphon, Valérius, Caton ; à des médecins célèbres, Démosthène, Charius et Crinas, qui donna 10 millions de sesterces pour restaurer les murailles de la ville. Plus rien sur Marseille pendant l'assoupissement qui s'empara peu à peu des esprits et de la vie civile dans les siècles suivants de l'empire romain, jusqu'au jour où elle se réveilla à son tour au souffle du christianisme. Des légendes ont fait de Lazare, ressuscité par Jésus-Christ, le premier apôtre et évêque de Marseille, où il serait venu débarquer avec Marthe et Madeleine, ses sœurs, Elles n'ont pas besoin de réfutation. Saint Victor, commandant des troupes romaines dans la citadelle, fut le premier qui confessa le christianisme à Marseille dans les tourments.
Vers 288, l'empereur Maximilien Hercule vint à Marseille; ce grand persécuteur des chrétiens fut irrité de voir que la foi chrétienne se répandait dans cette cité par l'influence de Victor. Il le fit d'abord avertir par les préfets Assérius et Eutychius mais Victor les brava en insultant leurs dieux et en glorifiant le sien conduit devant l'empereur, il tint le même langage. Maximien le fit traîner par les rues, mettre à la torture et jeter dans une noire prison. Mais « Dieu visita son fils par le ministère de ses anges. A minuit, la prison fut remplie soudain par une lumière plus brillante que celle du soleil et que tous les globes lumineux semés sous la voûte céleste le martyr y chantait avec les esprits divins les louanges du Seigneur. Trois soldats chargés de la garde de la prison, frappés de cette lumière miraculeuse et du concert harmonieux auquel se mêlait la voix des anges, vinrent se jeter aux pieds de Victor et le supplièrent de leur accorder la grâce du baptême. Le saint, après les avoir instruits autant que la circonstance put le lui permettre, les conduisit au bord de la mer et les fit baptiser par des prêtres appelés à cette pieuse cérémonie. Ces trois soldats s'appelaient Alexandre, Longin et Félicien. » Cette nouvelle augmenta la colère de l'empereur. Il fit couper la tête aux trois soldats. Quant à Victor, après de nouveaux supplices, on ramena devant une statue de Jupiter, placée sur un autel où fumait l'encens, et on lui ordonna, en le frappant, de se prosterner devant elle ; d'un coup de pied, il la jeta par terre. Alors Maximien, au comble de la fureur, lui fit couper le pied qui avait renversé le dieu du tonnerre et le fit ensuite broyer sous une meule. Ses restes, jetés à la mer avec ceux des trois soldats, furent recueillis par de pieux chrétiens qui les cachèrent dans une grotte devenue depuis le but de nombreux pèlerinages. Telle est l'histoire lamentable et quasi légendaire du courageux Victor, qui devint saint Victor, patron de Marseille. Sous l'épiscopat de Proculus, un des premiers évêques de cette ville (le premier est Orésius, qui prit part au concile d'Arles, en 314), le fameux moine Cassieu fonda aux portes de Marseille l'une des plus anciennes abbayes des Gaules, devenue célèbre sous le nom d'abbaye de Saint-Victor en 413. Marseille avait perdu la renommée de ses écoles profanes ; elle retrouva celle de l'école chrétienne, qui s'éleva au sein de ce monastère, et où l'on enseignait la grammaire, les belles-lettres, la rhétorique et la théologie. De là sortit l'un des plus célèbres pères de l'Église, Salvien, l'auteur du livre éloquent « Sous le Gouvernement de Dieu, où il déclare que c'est avec justice que l'empire romain s'écroule et que les barbares en prennent possession, parce qu'ils sont plus propres à accomplir les desseins de la Providence. Ces barbares arrivent, et Marseille tombe successivement au pouvoir des Wisigoths, des Burgondes, des Ostrogoths, des Francs. En 735, son gouverneur Mauronte, qui était à peu près indépendant, en ouvrit les portes aux Sarrasins. Les infidèles détruisirent le couvent de Saint-Victoret se dirigèrent sur celui de Saint-Sauveur, avec l'intention de violer les vierges du Seigneur qui l'habitaient. Grande était l'inquiétude de ces saintes filles, car l'idée de souffrir un tel outrage de la part des sectateurs de Mahomet était doublement cruelle. La sainte abbesse Eusébie leur apprit le moyen d'échapper à ce triste sort ; elle se prosterna devant une croix, où l'image du Christ montrait son flanc ouvert et ses mains percées de clous, et là, armée d'un instrument tranchant, elle se mutila le nez, les oreilles, les joues. Toutes les saintes filles, comprenant sa pensée, l'imitèrent avec transport, et les musulmans déçus se contentèrent de les égorger sans être tentés de profaner leur pureté virginale.
Charles-Martel et Charlemagne firent
peur aux Sarrasins. Le second équipa contre eux des flottes
formidables, qui protégèrent Marseille. Il fit plus, et, prenant
à cœur le commerce de cette cité, il obtint, pour ses négociants,
des exemptions de droits et des privilèges, par des traités
signés avec l'empereur de Constantinople et avec les califes
de Bagdad et de Cordoue. Les Marseillais s'empressèrent de profiter
de ces avantages. Deux fois l'an, leurs vaisseaux allèrent se
charger, à Alexandrie, des épices et des parfums de l'Orient
; en outre, ils firent venir de ces pays, plus avancés en civilisation,
des ouvriers, qui établirent dans leur cité des manufactures
d'armes, de toiles de coton, de cuirs et d'orfèvrerie. Ainsi
Marseille eut à ce moment une sorte de renaissance; mais ce
n'était plus la cité grecque, harmonieux écho de l'Ionie; depuis
l'établissement des Francs, au vie siècle, on parlait à Marseille
la langue romane, qui bientôt, au reste, dans ces bouches si
bien formées pour la musique du langage, devint le sonore et
gracieux provençal.
Marseille avait conservé sous les barbares,
comme sous l'empire romain, ses anciennes formes à peu près
républicaines, son conseil municipal, qui vit, sans être ébranlé,
passer au-dessus de lui les patrices et les vicarii (nouveau
nom des gouverneurs), l'empire carlovingien et la royauté de
Boson et de ses fils. Enfin, elle subit le régime féodal en
972, par l'établissement d'un vicomte particulier. La ville
basse, qui était la partie industrieuse, commerçante et riche
de Marseille, devient le fief du vicomte ; la ville haute, qui
n'était habitée que par de pauvres pêcheurs, était le fief de
l'évêque. Une muraille, percée d'une seule porte, séparait la
ville vicomtale de la ville épiscopale.
Ces pêcheurs, qui
étaient au nombre d'environ six cents chefs de famille, avaient
établi entre eux, pour juger les différends qui s'élevaient
dans leur industrie, un conseil de quatre prud'hommes portant
le nom de probi homines piscatorum, qui, chose curieuse,
subsiste encore, moins le nom. Ces pauvres gens restèrent toujours
docilement soumis aux évêques ; les vicomtes furent moins heureux
sans cesse en querelle avec leurs riches sujets, ils finirent
par se lasser de l'exercice de leurs droits et les abdiquèrent
en faveur de la cité en 1214. C'est un fait bien remarquable
que ces seigneurs renonçant d'eux-mêmes et en totalité à un
pouvoir dont ils avaient joui près de deux cent cinquante ans,
tandis que, dans le Nord, il fallait aux habitants des villes,
pour obtenir une charte de commune ou seulement quelque concession
partielle, les luttes les plus sanglantes et les plus opiniâtres;
tant la féodalité était forte dans le Nord et faible dans le
Midi.
C'est avec joie que, dans l'obscurité
du moyen âge, on sent palpiter quelque part la souveraineté
populaire. Les grandes affaires de Marseille, après la révolution
de 1214, se traitaient dans l'assemblée générale où étaient
admis tous les citoyens de la ville basse qui n'étaient pas
privés de l'exercice de leurs droits civils. Pour les questions
de paix ou de guerre, les traités d'alliance ou de commerce,
l'assemblée générale se réunissait au son des cloches, et, chose
bizarre, dans un cimetière. Délibérer des affaires de la vie
sur la cendre des morts, c'était petit-être, pour ces bouillantes
natures, un avertissement continuel de délibérer sans passion.
Les pouvoirs permanents étaient le grand conseil, investi d'une
autorité très étendue et d'une surveillance sur les fonctionnaires
qui comprenait même le droit de les destituer. Quatre-vingts
bourgeois, trois docteurs en droit et six chefs de métiers,
en tout quatre-vingt-neuf membres formaient ce conseil. Un podestat
annuel était le magistrat suprême on le choisissait toujours
étranger, suivant la coutume italienne, et la plupart du temps
Italien, car l'Italie était alors le foyer des républiques.
Un viguier et trois syndics étaient placés sous l'autorité immédiate
du podestat. Trois clavaires étaient les trésoriers publics,
trois archivaires, les secrétaires d'État. Six prud'hommes de
la guerre formaient l'amirauté. Douze intendants, deux par quartier,
étaient chargés de la police de la ville et des marchés. C'est
une des plus brillantes époques de Marseille. Les croisades
avaient, au reste, rétabli son commerce dans l'Orient. Son port,
où s'embarqua Richard Cœur de Lion, avait été pendant tout le
XIIème siècle le rendez-vous des pèlerins, des vaisseaux
qui partaient pour la terre sainte ou qui en revenaient. Dans
toutes les villes de la Palestine, les Marseillais établirent
des comptoirs, eurent des quartiers à eux, grâce aux concessions
des seigneurs de ces lieux, qu'ils avaient secourus de leurs
vaisseaux et surtout de leur argent ; à Beyrouth (1130), à Jérusalem
(1136). Baudoin III, à qui ils avaient prêté une forte somme
en or leur concéda une maison, un four et une église à Jérusalem
et à Chypre, une rue entière à Saint-Jean-d'Acre. Le comte de
Tyr (1187) les exempta de tous droits dans sa ville. Les premiers,
ils eurent dans leurs comptoirs des consuls. Marseille a peut-être,
plus que d'autres villes maritimes, des titres à revendiquer,
la rédaction tant disputée du Consulat de la Mer le code maritime
de l'époque.
Son indépendance, menacée tantôt par l'évêque
ou l'abbé de Saint-Victor, tantôt par la famille des Baux, héritière
des anciens vicomtes, reçut enfin de rudes atteintes. Il fallut
accorder à Raymond- Bérenger (1242) les droits de suzeraineté,
de chevauchée, de battre monnaie ; il fallut accorder bien davantage
à Charles d'Anjou, ce sombre ambitieux qui ne comprenait pas
plus ce qu'avaient de respectable ces libertés marseillaises,
héritage de la civilisation antique, qu'il ne comprenait le
respect dû à la vie humaine, aux vaincus et à l'enfance de Conradin.
Deux fois il assiégea et soumit Marseille (1252 et 1256). Si
l'on en croit Guillaume de Nangis, à la seconde fois, il fit
couper la tête à tous ceux qui avaient poussé le peuple à la
révolte. II se réserva le choix des membres du grand conseil
et le fit présider par un viguier, qui gouvernail la ville en
son nom. Pourtant, dans les chapitres de paix, qui furent signés
entre lui et les habitants (1257), il laissa à la ville le droit
de paix et de guerre, de ne payer taille ou impôt que du consentement
des citoyens, de choisir et diriger les consuls par l'organe
du conseil municipal. Les chapitres de paix, qui laissaient
à Marseille encore la liberté municipale, furent jurés plusieurs
fois dans la suite par les successeurs de Charles d'Anjou. Néanmoins,
c'en était fait dès lors de la prospérité de cette grande ville.
Ses vaisseaux furent détournés du commerce pour servir l'ambition
de ces princes d'Anjou, si inquiets, si remuants, prétendants
infatigables à toutes sortes de couronnes.
Elle prêta à Charles d'abord, puis à
la reine Jeanne, puis à Louis Il. En prenant le parti de cette
famille, elle attira sur elle la colère d'Alphonse, roi d'Aragon,
compétiteur de Louis III au trône de Naples. Elle fut assiégée,
prise, malgré une résistance opiniâtre, enfin pillée et incendiée
en 1423. II y eut quatre mille maisons brûlées, selon la bulle
du pape Martin V ; quatre cents, ce qui est plus probable, selon
César Nostradamus, qui a fait de ce désastre un tableau lamentable
« On voyoit tomber de grands quartiers de murailles avec
des éclats horribles et merveilleux, meslez parmi les cris et
les hurlements des femmes échevelées et des enfants esperdus
ils tomboient morts d'épouvante, sans coups, les ungs sur les
aultres. » Les ducs d'Anjou prirent soin de récompenser
les Marseillais de leur fidélité. Louis II leur avait accordé
le singulier avantage de pouvoir prêter à 10 pour cent, sans
commettre le crime d'usure. Le roi René fit beaucoup pour Marseille
; il rétablit le conseil de ville avec ses syndics, qui prirent
alors le nom de consuls. Il s'efforça d'attirer dans son port
les marchands étrangers, en promettant un sauf-conduit « aux
gens de toutes les nations, chrétiennes ou infidèles, qui voudraient
venir y commercer. Des manufactures de soieries, des tanneries,
des savonneries, des fabriques de vitraux peints s'élevèrent
par ses soins. De ce temps-là datent les beaux vitraux de l'église
Notre-Dame des-Accoules, et, un peu plus tard, le pape Innocent
II fit venir deux artistes marseillais pour peindre les verrières
du Vatican.
Passée sous la domination directe des rois de
France, Marseille vit l'organisation de son conseil modifiée
sous Charles VIII. Le nombre des membres fut réduit à soixante-douze,
douze par chacun des six quartiers. Ils se renouvelèrent par
tiers chaque année.
En 1516, Marseille accueillit François
Ier à grandes volées de cloches, et célébra sa présence
par plusieurs jours de jeux et de fêtes, auxquelles il prit
lui-même la plus grande part. Elle eut, sous le même roi, des
jours héroïques.
Le connétable de Bourbon avait passé dans
le camp de Charles-Quint, et, en 1524, il amena les impériaux
sous les murs de cette ville. Il avait annoncé faussement qu'au
premier coup de canon les bourgeois effrayés viendraient, la
corde au cou, lui en apporter les clefs. Il n'en fut pas ainsi
l'artillerie marseillaise, bien dirigée, répondit assez durement
aux sommations des impériaux ; un jour que le marquis de Pescaire
se faisait dire la messe dans sa tente une bombe emporta à la
fois le prêtre et deux gentilshommes « Est-ce là ce que vous
appelez les clefs de Marseille ? demanda-t-il au connétable.
Aux mines, les Marseillais opposaient des contre-mines ; aux
brèches, des murailles nouvelles et des tranchées, auxquelles
travaillaient, avec la dernière ardeur, les dames elles-mêmes,
témoin le boulevard des Dames, appelé autrefois Tranchée-des-Dames.
Au bout de trente-deux jours de siège, le connétable, après
un dernier et sanglant assaut, se retira le 24 septembre et
sortit de la Provence. Charles-Quint lui-même fit, en 1636,
une nouvelle tentative, qui n'eut pas plus de succès.Trois ans
auparavant, Marseille s'était ornée de toutes les pompes imaginables
pour recevoir deux grands souverains, Clément VII, pape, et
François Ième. Ils y eurent une conférence que suivit
le mariage de Catherine de Médicis et du dauphin Henri. Pendant
son séjour, François Ier établit à MarseiIIe un sénéchal
pour juger les appels des causes ordinaires, et ordonna que
tous les ans une commission du parlement d'Aix y viendrait tenir
les Grands jours.
Une grande anarchie régna dans Marseille
pendant les guerres de religion. Un certain Lamotte Dariez,
second consul, y usurpa au nom de la Ligue une autorité absolue,
dont il fit l'usage le plus tyrannique. Quiconque ne portait
pas la croix blanche était voué par lui à la mort. Ses partisans
eux-mêmes l'abandonnèrent. Quatre mille hommes de la milice
bourgeoise se réunirent ; il fut fait prisonnier, jugé au tribunal
de la sénéchaussée et exécuté, en 1585. Le parti de la Ligue
n'en continua pas moins de triompher ; il remporta même une
victoire sanglante sur celui des politiques ou bigarrats, et
affranchit la ville de l'autorité de Henri III, en chassant
le gouverneur, Nogaret de La Valette (1588). Les élections de
1589 furent troublées par les partis et ensanglantées par le
meurtre d'un consul. Enfin, en 1591, le chef des ligueurs de
Marseille, Charles Casaulx, qui n'était, au reste, que l'agent
de la comtesse de Saulx, véritable directrice de la Ligue en
Provence, fit la même chose que faisaient par toute la France
les hommes de son parti. Il appela l'étranger, et, le 2 mars,
le duc de Savoie, introduit dans Marseille, y reçut les honneurs
dus aux têtes couronnées. Deux ans après, ce fut à l'Espagne
elle-même que Casaulx s'adressa ; il avait éloigné le duc de
Savoie et la comtesse de Saulx, repoussé les tentatives du duc
d'Épernon pour enlever la ville, et, se perpétuant lui-même
dans le titre de premier consul, s'était donné un compagnon
dévoué dans la personne de son viguier, Louis d'Aix. Les décemvirs
(ainsi les appela-t-on quelquefois) signèrent avec Philippe
II un traité par lequel on convenait de ne point souffrir dans
Marseille d'autre culte que le culte catholique, de ne point
reconnaître Henri de Bourbon, de ne recevoir que les troupes
espagnoles, de ne contracter aucune alliance sans le consentement
du roi d'Espagne, qui s'engageait de son côté à protéger la
ville dans son commerce, ses libertés, et à lui envoyer de l'argent
et des munitions de guerre. Ainsi Marseille, au nom du catholicisme,
tentait une première fois de se séparer de la France. Un capitaine
corse, au service de Casaulx, le trahit, et fit rentrer Marseille
dans le giron de la patrie. Une armée royaliste, commandée par
le duc de Guise, n'était pas éloignée ; Pierre Libertat, c'était
le nom du Corse, fit dire au duc de Guise d'approcher son armée,
qu'il lui livrerait la ville. Un jour, en effet, les royalistes
s'étant rapprochés, Libertat courut prévenir Casaulx, lui persuadant
que les troupes marseillaises étaient déjà aux prises avec l'ennemi.
Casaulx sortit avec une faible escorte et Libertat le tua. Le
duc de Guise entra alors dans Marseille, qui redevint ville
française, et Henri IV, apprenant ce succès, s'écria, dit-on
« C'est maintenant que je suis roi ! » Quant à Libertat,
il fut magnifiquement récompensé de son insigne trahison il
reçut, avec le titre de viguier, 300,000 écus et des lettres
de noblesse. Malgré tant de secousses, Marseille prospérait
elle avait 75,000 habitants. On est étonné de lire que le règne
heureux de Henri IV lui fut fatal. Cela tient au système prohibitif
imposé par Sully au commerce national. Marseille fut déclarée
port franc, il est vrai mais une ligne de douane s’établie autour
d'elle, lui ferma tous les débouchés de l'intérieur. Dans le
même temps, les pirates barbaresques faisaient le plus grand
tort à son commerce. Il y eut, en 1623, un commencement d'expédition
contre eux qui n'aboutit pas. La part que Marseille prit aux
troubles de la Provence pendant la Fronde eut pour cause les
nouvelles modifications apportées à son conseil municipal, déjà
tant de fois transformé. Des lettres patentes avaient établi
que ce conseil serait de trois cents membres, parmi lesquels
on tirerait au sort les consuls et les officiers municipaux.
Ce tirage au sort parut absurde à beaucoup et causa une effervescence,
qui décida le roi à un nouveau changement. Il nomma les consuls
sur une liste présentée par les Marseillais. Les magistrats
qui sortirent de ce nouveau système furent très impopulaires.
Pour se donner de la force, ils firent venir dans le port, sous
prétexte d'intimider les pirates, une galère armée, qui appartenait
au chevalier de Vendôme, et voulurent en mettre l'entretien
à la charge des négociants de la ville. Tout Marseille se souleva
et cria « A bas la galère! Fouero la galero! » On se battit,
on dressa des barricades, dont le chef était le terrible Gaspard
de Nioselles. Il fallut bien céder, mais Nioselles et son frère,
quand ils parurent devant Louis XIV, n'en furent pas moins fiers
« A genoux, messieurs de Marseille ; Sa Majesté l'entend ainsi,
» leur cria deux fois le comte de Brienne. Ils restèrent debout.
Nioselles revint à Marseille mais un mandat d'amener lancé contre
lui ayant de nouveau soulevé la ville, qui voulait mettre en
pièces l'officier du roi, l'obligea de se cacher dans un souterrain
des Capucins. Mercœur désarma les habitants, scia leurs canons
et en fit transporter les débris à Toulon pour être fondus.
Puis il dit aux consuls assemblés à l'hôtel de ville « Sa
Majesté ne veut plus que vous soyez consuls, ni qu'à l'avenir
il y ait de magistrats de ce nom. Elle a résolu de changer la
forme du gouvernement de la ville et m'a donné l'ordre de vous
déposer, pour remettre votre autorité entre les mains de Monsieur
de Piles, que j'investis ici du droit de commander aux habitants
et aux gens de guerre, jusqu'à ce que Sa Majesté ait réglé la
forme du gouvernement. Je vous ordonne de déposer les marques
de votre autorité. » Les consuls obéirent ; mais on dit
que plusieurs Marseillais moururent de douleur, en apprenant
que la ville perdait ses magistrats républicains et ses antiques
libertés.
La cour arriva alors, et Mazarin, pour humilier
Marseille, fit abattre un pan de ses murailles et entra par
cette brèche. Un capitaine suisse, qui peut-être reconnaissait
en Marseille une sœur des cités libres de son pays, refusa d'y
passer, murmurant fièrement que les Suisses n'entraient que
par les brèches faites à coups de canon. Louis XIV logea chez
Riquetti de Mirabeau.
Un siècle plus tard, la monarchie,
ébranlée par un autre Mirabeau, cherchera un asile sous l'égide
de son génie. Un viguier, deux échevins, un conseil de soixante-six
membres, tel fut le nouveau gouvernement de Marseille (1660).
Les forts Saint-Jean et Saint-Nicolas furent construits pour
contenir la remuante cité. Grâce à la sage administration de
Colbert, ce créateur de notre marine et de nos colonies Marseille
prospéra. La franchise de son port fut définitivement établie
par un édit dit mois de mars 1669. Au lieu de deux cents vaisseaux
qu'elle employait à son commerce, elle en employa quinze cents.
La ville elle-même s'agrandit de plusieurs quartiers ; le Cours,
la Canebière, les Allées sont de ce temps. Le fameux Puget,
qui était de Marseille, mit la main à ces embellissements de
sa patrie.
Nous n'avons pas parlé de toutes ces
pestes qui désolèrent Marseille pendant le cours de son existence.
Si nombreuses qu'elles aient été, celle de 1720 est trop célèbre
pour la passer sous silence. Le 25 mai de cette année, un vaisseau
marseillais, le Grand Saint-Antoine, entra dans le port ; le
capitaine fut admis sans quarantaine après avoir présenté une
patente nette qu'on lui avait délivrée à Tripoli de Syrie, quoique
la peste régnât en ce pays. Dans le voyage, il avait fallu jeter
à la mer six passagers atteints du mal. Quelques jours après
l'arrivée, le capitaine mourut avec sa famille ; puis le mal
se répandit dans la ville ; les médecins Peyssonnel, Chicoyneau
et Verny reconnurent la peste. Douleurs de tête, vomissements,
vertiges, la mort au second ou au troisième jour, tels étaient
les symptômes. Passé ce temps, on était généralement sauvé.
On crut purifier l'air en allumant de grands feux on ne fit
que l'embraser dans une saison naturellement très chaude. Les
uns s'en allaient dans les bastides voisines, dans les plaines,
le long des ruisseaux les autres sur la mer, dans les vaisseaux
et les canots ; mais il était défendu, sous peine de mort, à
tout Marseillais de quitter le territoire de Marseille, Nous
ne renouvellerons pas le tableau tant de fois tracé d'une peste
et de ses effets physiques et moraux. Mais les noms de l'évêque
Belsunce, de l'échevin Estelle, du chevalier Roze, qui ne cessèrent
de s'employer à secourir les malades, à faire enterrer les morts,
à maintenir la poIice, à assurer les approvisionnements, méritent
un éternel honneur. Le fléau ne cessa qu'au bout de treize mois
(août 1721). De 90,000 âmes, la population de Marseille était
tombée à 50,000. Mais telle est l'activité de la vie dans cette
ville, qu'en 1778 la population était remontée à 90,000. De
nouveaux quartiers s'élevaient encore, et, en 1782, la ville
offrait au roi un vaisseau à trois ponts, le Commerce-de- Marseille,
avec un don de 1,500,000 livres.
Une effervescence, naturelle
aux approches de la Révolution française, régnait à Marseille.
Mirabeau y vint pour remercier les Marseillais qui l'avaient
élu et dont il n'avait pu accepter le mandat. Comme s'ils eussent
deviné toute sa gloire future, ils l'accueillirent par un triomphe
extraordinaire ; quand il repartit, trois cents voitures le
suivaient, cinq cents jeunes gens à cheval le précédaient; il
en vint autant d'Aix à sa rencontre, et, le soir, tout ce cortège
entra dans cette ville à la lueur des flambeaux, aux sons de
la musique et au bruit de la mousqueterie.
Cette fièvre
d'enthousiasme se changea bientôt à Marseille en fièvre d'émeute.
Le peuple s'assembla, se plaignit de la cherté de la viande
et du pain, accusa de ses maux le fermier Rebufel et pilla sa
maison. Une garde bourgeoise improvisée rétablit un calme passager.
L'animosité contre les prêtres et les nobles était extrême.
Ils s'adressèrent au comte de Caraman, gouverneur de la Provence.
Monsieur.de Caraman amena huit mille hommes, sans compter le
régiment du Vexin, qui occupait les forts. Cette présence des
troupes irrita les Marseillais ; le licenciement de la garde
bourgeoise augmenta leur mécontentement. De Caraman céda quelque
temps; mais, un conflit sanglant ayant éclaté, il usa de rigueur,
trop bien secondé par Bournissac, prévôt général des maréchaussées
de Provence. On parla de ces troubles dans l'Assemblée constituante
; Mirabeau attaqua Bournissac, et l'Assemblée transporta la
cause de la prévôté à la sénéchaussée. D'André, député d'Aix,
fut envoyé à Marseille pour assister M. de Caraman. Sa mission
ne fut pas fort heureuse, et il partagea bientôt l'impopularité
du gouverneur. Une aventure malheureuse mit le comble l'exaspération
des Marseillais. Le marquis d'Ambert, colonel du Royal-marine,
l'un des régiments qui se trouvaient à Marseille, vit sa voiture
arrêtée par un factionnaire de la garde nationale, qui lui demanda
ses passeports. Le marquis insulta le factionnaire, puis le
capitaine même du poste « Je ne vous connais pas, criait-il;
vous êtes des misérables, de la canaille. » Le capitaine
voulut lui faire entendre raison; il saute hors de sa voiture,
le prend au collet et lui crie « Si vous voulez la guerre,
j'irai vous attendre à la plaine Saint-Michel une compagnie
de mon régiment, c'est plus qu'il n'en faut pour battre toute
votre garde nationale. Allez le dire à votre maire et à votre
municipalité. Je m'en moque. » Cette nouvelle mit tout Marseille
en feu. Une foule furieuse voulait mettre en pièces l'insolent
colonel, que les autorités et quelques officiers le sauvèrent
à grand peine, Parmi ces derniers était l'adjudant Bernadotte,
depuis roi de Suède. L'agitation populaire avait pour centre
un club, l'Assemblée patriotique des amis de la constitution.
On y exaltait souvent la prise de la Bastille, parce que ces
imaginations méridionales étaient surtout frappées de ce fait
palpable, éclatant, véritable symbole de la destruction de la
tyrannie. Marseille se prit d'une noble émulation et voulut,
elle aussi, renverser les murailles des forts qui la tenaient
captive. Un complot fut formé dans le plus grand secret.
Dans la nuit du 19 au 20 avril 1790, les quarante- huit conjurés,
divisés en trois pelotons, s'avancèrent silencieusement jusqu'aux
murs du fort de Notre-Dame-de-la-Garde; à trois heures du matin,
chacun occupait son poste. Le jour parut, le pont levis s'abaissa
comme de coutume; tous les soldats dormaient dans la citadelle,
excepté la sentinelle, qui faisait assez négligemment sa faction,
rien jusque-là n'ayant inspiré sa méfiance. Deux promeneurs
s'avancèrent vers le pont-levis, d'un air calme et insouciant,
comme des gens venus pour entendre la messe dans la citadelle.
Mais arrivés près de la sentinelle, ils la saisissent, lui mettent
le pistolet sur la gorge et la menacent de tirer si elle donne
le moindre signal. Aussitôt, les trois pelotons accourent, envahissent
le fort, s'emparent des soldats endormis et arborent sur le
sommet le drapeau de la garde nationale. L'aspect de ce drapeau
irrita les commandants des autres forts, qui braquèrent leurs
canons sur la ville, et enflamma la population, qui résolut
d'achever sa délivrance.
Elle se porta en armes sous les bombes
mêmes des canons des forts Saint-Jean et Saint-Nicolas. L'effervescence
allait croissant, une lutte terrible allait s'engager; la municipalité
réussit à la prévenir, par ses efforts, en décidant les commandants
des deux forteresses à recevoir des soldats de la garde nationale,
qui feraient la garde des forts concurremment avec les troupes.
La décision de l'Assemblée nationale, qui ordonna l'évacuation
des forts et par le régiment de Vexin et par la garde nationale,
pour substituer le régiment d'Ernest, affligea les Marseillais.
N'osant désobéir, ils retirèrent leur milice, mais se mirent
à démolir les forts. La municipalité, obligée de céder, autorisa
la démolition, mais seulement pour les fortifications qui menaçaient
la ville. Marseille était donc docile encore à l'Assemblée nationale.
Elle était l'un des plus fermes appuis de la constitution. Par
l'organe de Barbaroux, son député le plus fameux, elle fit traduire
à la barre de l'Assemblée nationale le directoire des Bouches-du-
Rhône, qui montrait des sentiments hostiles. Elle fit plus,
et, ne trouvant pas ce châtiment assez énergique, elle forma
un corps de volontaires qui se portèrent sur Aix et sur Arles,
désarmèrent les Suisses en garnison dans la première de ces
villes et démolirent les murs de la seconde, malgré la présence
du général Witgenstein et de son armée.
Des citoyens, des
soldats même qui abandonnaient leur corps accouraient à Marseille
de toutes parts, comme au rendez-vous des patriotes de la France.
Un enthousiasme extraordinaire y régnait argent, bijoux, on
portait tout à l'hôtel de ville. Marseille avait à sa disposition
une armée. C'est alors que Barbaroux lui demanda un bataillon
et deux pièces de canon pour concourir à former le camp de vingt
mille hommes sous Paris, que les chefs de la Révolution avaient
résolu de réaliser, malgré le veto de Louis XVI.
Ce bataillon
fameux fut composé de cinq cents hommes sous le commandant Moisson.
Dans un banquet patriotique, qui précéda de quelques jours son
départ, Mireur, député du club de Montpellier, fit entendre
pour la première fois à Marseille le chant, alors tout nouveau,
de Rouget de Lisle. Ricord et Moulin en insérèrent le lendemain
les paroles dans un journal de la ville, sous ce titre Chant
de guerre, aux armées des frontières, sur l'air de Sargaires.
Les Marseillais partirent aux accents de cet hymne célèbre qui
a pris leur nom le rôle qu'ils jouèrent au 10 août est trop
connu pour en parler ici. Après le 31 mai 1793, Marseille prit
part au mouvement fédéraliste contre la dictature des montagnards.
Son député de prédilection Barbaroux était girondin. Une petite
portion seulement de la population marseillaise, concentrée
dans le club, suivit le torrent révolutionnaire et prétendit
retirer à Barbaroux son mandat. Mais les sections de la ville
se prononcèrent ouvertement contre la Convention, méconnurent
ses décrets, d'accord avec l'administration du département,
et formèrent une armée départementale, destinée à résister aux
armées de la nation. Carteaux, avec trois mille hommes, fut
envoyé contre Marseille, qui, à ce moment même, recevait des
parlementaires anglais et, qui sait? Allait peut-être se livrer
comme Toulon. Carteaux emporta les hauteurs de Fabugoules, et
la ville effrayée ouvrit ses portes.
Marseille fut ainsi enlevée aux fédéralistes, aux ennemis et rendue à la patrie. Après le 9 thermidor, elle commença à respirer mais les conséquences de l'expédition d'Égypte et les guerres de l'Empire lui furent fatales. Aussi, salua- t-elle avec joie, en 1814, le retour des Bourbons, et en 1815 le désastre de Waterloo. Il y eut même à cette occasion (25 juin 1815) des troubles que le général Verdier, qui commandait alors à Marseille, ne put ou ne voulut pas réprimer. Il se retira sur Toulon, laissant les royalistes maitres de la ville. On arbora le drapeau blanc ; le drapeau tricolore fut foulé aux pieds le sang coula dans les rues; tous ceux qui passaient pour être impérialistes furent massacrés. Puis les émeutiers sa livrèrent au pillage. « Il fallut, dit AI. de Vaulabelle, lutter pour leur faire lâcher prise; le soir, le calme était à peu près rétabli; du moins on ne pillait plus. » A ces jours néfastes succéda pour Marseille une ère de tranquillité et de progrès sans exemple dans son histoire. Sa prospérité remonta promptement à son ancien niveau, et la conquête de l'Algérie la fit tout à coup déborder bien au delà des limites qu'elle avait atteintes aux siècles précédents. Le commerce marseillais, comme s'il eût prévu les grands avantages qu'il retirerait de cette expédition, y contribua très largement et fournit à la marine royale des approvisionnements, 357 navires de transport et 125 bateaux armés pour le débarquement des troupes. Sous le règne de Louis-Philippe et surtout pendant la période de 1850 à 1870, sous Napoléon III, Marseille vit s'accroître encore son importance. Aujourd'hui, malgré les troubles qui l'agitèrent à la suite des événements de 1870 et de 1871, elle continue à prospérer.
9 octobre 1934
Ce jour là, Marseille attend dans l'allégresse générale l'arrivé du roi de Yougoslavie, Alexandre 1er qui arrive en France pour une visite officiel de trois jours
Le roi voyage à bord du croiseur Dubrovnik
et est escorté du Colbert et du Duquesne, deux
navires de guerre de la Marine Nationale. Débarquant sur le
vieux port le roi est accueillit par le Président Louis Berthou,
Ministre des Affaires Étrangères. Après le hymnes nationaux,
le roi Alexandre et le Président Berthou prennent place dans
une Delage. A seize heure 15 précise le convoie officiel arrive
en face de la Bourse du Commerce de Marseille. A ce moment précis
un individu se précipite sur la voiture et s'agrippant à la
portière il tire froidement sur le roi. Suite à un affolement
générale les soldats et policiers de l'escorte tirent tout azimut..
Cet attentat aura causé la mort de dix personnes dans le cortège
officiel et neuf autre personnes furent blessées par des balles
perdue, dont quatre succombèrent à leur blessure. avec parmi
eux Yolande Ferris, une jeune serveuse de 20 ans.
L'enquête
démontrera que le Président Berthou fut tué par une balle appartenant
au force de l'ordre.
Le régicide, un certain Vlado Černozemski,
assommé, criblé de balles, plusieurs fois sabré, piétiné, s'écroula
sans connaissance. Il fut immédiatement trainé, agonisant, dans
le petit poste de police du Square de la Bourse avant d'être
transféré dans les locaux de la Sureté où il mourut vers dix-neuf
heures.
Une plaque est apposée sur un lampadaire de la Canebière
à l'endroit précis où eu lieu l'attentat.
Le Château d'If
Autre lieu incontournable lorsque l'on
veut découvrir Marseille est le château d'If. C'est la première
forteresse royale de Marseille. La seconde est le Fort Notre-Dame
construit après 1536 sur l'ordre de François Ier.
Cela devint le site constitutif de la Basilique Notre-Dame-de-la-Garde.
La construction d'une forteresse est un acte politique. Le château
d'If s'inscrit dans le vaste projet de contrôle des côtes
provençales : Marseille est au XVIème siècle « la
plus belle fenêtre du royaume de France en Méditerranée du nord
». Le principal atout du bâtiment est sa situation au centre
de la rade Nord de Marseille sur les routes de navigation les
plus fréquentées.
Le chantier du château d'If a débuté à
la mi-avril 1529, retardé à cause du mauvais temps. La date
de fin de chantier n'est pas connue. La première garnison et
son gouverneur sont en place dès 1531. Une partie des matériaux
de construction proviennent du siège de Marseille par les Espagnols
en septembre 1524.
Le Château d'If est la cadre choisi par
Alexandre Dumas pour faire figurer le héros de son roman « Le
Comte de Monté Christo » qui rendit célèbre ce lieu et de très
nombreux touristes viennent visiter l'ile pour y découvrir le
cachot dans lequel Edmond Dantes y fut enfermé.
Le séjour du rhinocéros sur l'ile d'If
En 1514, Afonso de Albuquerque, gouverneur
de l’Inde portugaise à Goa, avait envoyé deux ambassadeurs auprès
de Muzaffar II, sultan de Cambay (Gujarat moderne), pour lui
demander le droit de construire un fort portugais sur l’île
de Diu. Le sultan ne donna pas son accord mais renvoya les Portugais
avec des cadeaux prestigieux, dont un rhinocéros. Dans la tradition
orientale, le rhinocéros est un cadeau royal. Les ambassadeurs
revinrent à Goa tard dans l’année avec leur animal.
Albuquerque
fit embarquer au plus vite ce royal cadeau sur la nef Nossa
Senhora da Ajuda qui quitta Goa en janvier 1515 avec deux autres
vaisseaux à destination de Lisbonne. Après un voyage particulièrement
rapide de quatre mois par le Cap de Bonne-Espérance, la flotte
des Indes chargée d’épices et autres trésors arriva dans le
port de Lisbonne le 20 mai 1515, mais c’est sans conteste le
débarquement du rhinocéros, venant enrichir la ménagerie exotique
du roi Manuel Ier de Portugal, qui fit la plus forte
impression
Le roi Manuel décida ensuite d’offrir le rhinocéros
au Pape de la famille de Médicis, Léon X car il avait besoin
de son appui pour garantir les droits exclusifs du Portugal
tant en Extrême-Orient qu’au Brésil. L’année précédente, Léon
X avait été très content d’Hanno, un éléphant blanc des Indes
que Manuel lui avait déjà offert. Avec d’autres précieux cadeaux
tels que de la vaisselle d’argent et des épices, le rhinocéros
paré de velours vert décoré de fleurs embarqua en décembre 1515
pour un voyage du Tage à Rome. On prêtait au pape l’intention
d’organiser à Rome un combat du rhinocéros contre un éléphant,
comme au temps des Césars.
Le vaisseau relâcha à proximité de Toulon au début de l’année
1516. La renommée du rhinocéros était telle que le roi de France
François Ier, revenant de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume
en Provence, voulut voir l’animal. Lui qui s’était couvert de
gloire l’année précédente à la bataille de Marignan et avait
été armé chevalier au soir de la bataille tenait sans doute
à rencontrer la bête dont l’armure naturelle et la prouesse
contre l’éléphant constituaient désormais un symbole de la chevalerie.
Cette rencontre eut lieu sur l'îlot d'If au large de Marseille
le 24 janvier 1516.
La sardine qui bouchât le Port
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