Rennes - Préfecture de l'Ille et Vilaine
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Rennes tire son nom des Rhedones, une des tribus de la confédération
armoricaine. Elle était, avant l'invasion romaine, la capitale de
cette tribu et portait le nom de Condate, qui en langue celtique
(kendatt)signifie confluent. Ce nom de ville, très répandu dans
nos pays et devenu si célèbre dans sa transformation française de
Condé, atteste que la capitale des Rhedons était située au confluent
de la Vilaine et de l'Ille. Pourtant un mur d'enceinte, de construction
romaine, découvert au siècle dernier, a montré qu'à cette époque
la ville appuyait plutôt du côté de l'Ille que de la Vilaine. Ce
mur, composé de pierres et de briques, donne l'explication du surnom
de civitas rubra, appliqué à Rennes ainsi qu'à plusieurs autres
cités gauloises.
Les Rhedons fournirent un contingent de six
mille hommes à Vercingétorix, N'étaient-ils pas au foyer du druidisme
? Sur la partie occidentale de leur territoire s'étendait la forêt
du Brécilien, refuge des druides au temps de la conquête. A 28 kilomètres
au sud-est de Rennes, près du village d'Essé, on montre encore ce
qu'on appelle la Roche-aux-Fées: ce sont deux enceintes contiguës,
formées de quarante-deux blocs d'un schiste rougeâtre, les uns debout,
les autres placés transversalement sur les premiers le plus vaste
recevait, dit-on, les victimes humaines. Rennes n'en fut pas moins
fortement occupée par la civilisation romaine. Les dieux des conquérants
s'y installèrent un temple s'éleva à Thétis ou à Minerve, un autre
à Isis, un autre à Junon Monète, destiné à recevoir l’or et l'argent
monnayés ; enfin une sorte de panthéon que l'on appelait la Vision
des dieux. On a de plus tiré du sol une quantité prodigieuse de
médailles relatives à presque toute la série des empereurs romains.
La plus grande partie de ces médailles ont été retrouvées dans le
lit primitif de la rivière de Doënna, que l'on peut supposer, d'après
cela, avoir été rendue navigable à cette époque, On a même conjecturé
que les légions qui partaient du pays s'y embarquaient, et, dans
ce cas, la plupart de ces pièces de monnaie seraient les offrandes
des soldats prêts à partir à la divinité de la rivière. Il paraît
que chaque soldat en recevait une pour cet usage. Un autre monument
est l’inscription suivante, qu'on lit encore aujourd'hui sur un
bloç de granit enclavé au moyen âge dans le mur de la porte Mordelaise
IMP. CǼSAR. M. ANTONIO, PIO. FELICI. AUGUSTO. P. M. Tr. P. Cos.
0. R., qui peut s'interpréter ainsi Imperctori Cæsar Marco Antonio
Gordiano, pio, felici, augusto, pontifici maximo tribunitia potestate
consuli, offerunt Rhedones. Cette inscription s'applique à Gordien
III et se rapporte vraisemblablement à son avènement en238 après
J.-C., qui fut célébré par tout l'empire par des démonstrations
inusitées. Si l'on adopte l'interprétation qui précède, on en pourrait
conclure que les Rhedons jouissaient d'une municipalité puisqu'ils
pouvaient voter l'érection d'un monument.
Rennes était au reste
un point fort important pour les Romains située à l'entrée de l'Armorique,
c'est d'elle que partaient les diverses voies romaines qui ouvraient
aux légions les profondeurs de la péninsule. Du sud arrivait à Rennes
une grande voie partie de Lyon et passant par Angers ; du nord-est
une autre grande voie partant de Granville (Reginea). Ces routes
se poursuivaient, en se subdivisant, vers Carhaix, Vannes, Corseul,
Blain, Redon, Fougères, Dol. Les Rhedones reçurent le christianisme
sous l'empire romain, mais tard. Au commencement du me siècle, les
chrétiens étaient encore bien peu nombreux à Rennes, puisqu'ils
se contentaient d'une petite chapelle qu'ils appelaient Notre-Dame-de-la-
Cité. Gatien, évêque de Tours, et saint Clair, évêque de Nantes,
faisaient alors prêcher le christianisme. Ce n'est qu'en 362 que
les Redones jetèrent les fondements de leur première église, à l'endroit
où s'éleva depuis leur cathédrale.
Suivant un document d'une
autorité douteuse, les Redones auraient eu, dès 358, dans la personne
de saint Modérand, leur premier évêque mais la certitude ne commence
qu'à Fébédiolus, en 439. Rennes eut, sous l'empire romain, comme
les prémices de l'invasion barbare. Une colonie de Francs Lètes
y fut établie à une époque incertaine, mais antérieure au début
duVèmesiècle, puisqu'il en est question dans la Notice
de l'empire romain. Ainsi le pays de Rennes, après avoir reçu une
assez forte empreinte de la civilisation romaine, après avoir été
catéchisé par les évêques gaulois, s'ouvrait à une population germanique
tout semblait donc tendre à le distinguer du reste de la Bretagne,
qui, resté inaccessible à l'influence romaine, ne reçut le christianisme
que plus tard encore, de prédicateurs sortis de la Grande-Bretagne,
et ne s'ouvrit point aux envahisseurs germains, mais aux Bretons
fugitifs.
L'ancien esprit druidique, armoricain, breton, se conservait
donc à l'ouest de la Vilaine, et le pays qu'arrose cette rivière
était comme une marche où les populations et les idées étrangères
venaient heurter ce granit indestructible. Tous les habitants de
Rennes s'enfuirent de leur cité quand Maxime, appuyé par Conan Mériadec,
tenta d'établir un empire breton. Un peu plus tard, Gradlon s'en
empara et s'intitula roi des Bretons par la grâce de Dieu, et en
partie des Francs, faisant allusion aux Lètes dont nous avons parlé.
Clovis lança sur Rennes, en 509, une armée de Frisons et y fit battre
monnaie mais à peine fut-il mort que Hoël le Grand la reprit.
Le système du partage des États fit alors le malheur de la Bretagne,
aussi bien que de la Gaule franque. Hoël divisa le pays entre ses
cinq fils ; l'un d'eux dépouilla ses frères ; mais dès lors ceux-ci
ou leurs héritiers, sans cesse occupés de recouvrer ce qu'ils avaient
perdu, fournirent aux étrangers les moyens d'intervenir.
Les
rois mérovingiens Childebert et Clotaire se mêlèrent successivement
des affaires de la Bretagne. Le dernier y poursuivit son fils Chramne,
qui s'y était réfugié, le battit à Aleth, à 56 kilomètres de Rennes,
et le fit brûler avec sa femme et son enfant, dans la cabane d'un
pauvre homme : Clotaire rétablit à Rennes le prince breton qui en
avait été chassé, en se faisant payer un tribut. Aussitôt un des
chefs du fond de la péninsule Guérech, commence sur le pays de Rennes
une série d'invasions où il bat trois fois les Francs, et qui livrent
à des ravages annuels les moissons de cette contrée. Gontran envoya
assiéger Rennes par Beppolen, qui s'en empara et fut nommé gouverneur
ainsi que de Nantes ; mais à peine Beppolen fut-il éloigné que les
Rennois massacrèrent les Francs (586). Avec les Francs, les querelles
sanglantes de la Neustrie et de l'Austrasie pénétrèrent jusqu'en
Bretagne.
Frédégonde suscita des ennemis à Gontran, allié de
l'Austrasie, et fournit des secours à Guérech. Vers cette époque,
son référendaire Bobelen disputait un champ de vigne à la fille
de l'évêque Victoritis, appelée Domnole. La vendange se fit avec
des troupes armées, et il coula plus de sang que de vin. Ce fait
singulier prouve qu'on cultivait alors la vigne près de Rennes,
et tous ceux qui précèdent montrent par combien de vicissitudes
et de calamités Rennes passa à cette époque, Les ravages que les
Bretons exerçaient sur son territoire devaient tourner ses sympathies
de préférence vers les Francs, sans parler de la supériorité de
puissance et de lumières de ces derniers, sous les Carlovingiens,
surtout sous Charlemagne. Elle n'opposa point de résistance aux
lieutenants de l'empereur d'Occident ; elle servit de point de réunion
aux troupes de Louis le Débonnaire, lors de l'expédition de ce dernier
contre la Bretagne. C'est au delà de ses murs, entre la Vilaine
et l'Oust, que Charles le Chauve vint à la rencontre de Noménoë.
Le roi franc fut vaincu à Ballon par son adversaire et perdit Rennes.
Le vainqueur, voulant fonder une Église nationale bretonne, éleva
au rang de métropolitain le siège épiscopal de Dol c'était le châtiment
de Rennes, dont l'évêque avait porté jusque-là le titre de premier
évêque de Bretagne, mais continuait de recevoir l'ordination de
l'archevêque de Tours. Si Noménoë déshérita Rennes, dont l'esprit
était contraire à ses desseins, il la fortifia, en revanche, parce
qu'elle était devenue le boulevard principal de ses États, du côté
d'où venait sans cesse le danger. Le comté de Rennes, réuni comme
toute la Bretagne sous la puissance de Noménoë, en fut séparé peu
de temps après sa mort. Érispoë, qui avait hérité de la couronne
paternelle, trouva un rival dans son cousin Salomon qui, avec l'appui
de Charles le Chauve, le força de lui abandonner Rennes. Bientôt
ce même Salomon, devenu plus ambitieux encore, se fraya le chemin
du trône de Bretagne, en assassinant Érispoë lui-même. Charles le
Chauve, obligé dans ces circonstances de rechercher son alliance
contre les Normands, le reconnut et lui céda encore le comté de
Coutances, une partie du territoire d'Avranches et le Cotentin,
si bien que Salomon put prendre le titre orgueilleux de roi des
Bretons et d'une grande partie de la Gaule. Mais des remords terribles
tourmentaient le meurtrier d'Érispoë ; le fantôme de sa victime
lui apparaissait noir le jour, blanc la nuit, toujours un poignard
dans le sein. Pour obtenir l'absolution de son crime, il s'adressa
à la cour de Rome et lui offrit de rétablir les évêques bretons
dépossédés par Noménoë. Aussitôt tous les nouveaux évêques et la
plupart des nobles formèrent une ligue formidable. L'évêque de Rennes,
Courangwen, en fut un des instigateurs le comte de Rennes, Gurwan,
cousin de Salomon qui lui avait donné ce comté, en fut, avec Pasquiten,
comte de Vannes, un des chefs les plus intrépides. Poursuivi avec
acharnement, Salomon se réfugia dans une église où il fut assassiné
en 874. Gurwan était un héros, En 869, les Normands ravageaient
les bords de la Loire. Salomon avec toutes les forces de la Bretagne
les arrêtait à peine. Gurwan, indigné de la terreur que les Normands
inspiraient aux Bretons, se vanta de les attendre seul avec ses
gens. Hastings, le roi de mer, en eut connaissance et envoya défier
l'audacieux, Gurwan ne recula pas, et, laissant partir Salomon et
son armée, il resta avec ses deux cents hommes en présence des Normands,
soixante fois plus nombreux. Ceux-ci respectèrent tant de courage.
Mais Hastings, qui voulait mettre à l'épreuve celui de Gurwan, lui
envoya dire « Ose te trouver demain à neuf heures du matin près
du gué qui touche au camp des Normands. » Gurwan dit adieu à ses
compagnons, et, le lendemain à neuf heures, il attendait auprès
du gué. Personne ne parut. Alors il franchit le gué devant lui,
à cent pas, était l'armée ennemie, derrière une rivière. Il demeura
ainsi plusieurs heures, jusqu'à midi, appuyé sur son épée nue. Alors
des cris d'admiration partent du camp des Normands Hastings envoie
féliciter son adversaire qui s'en retourne « couvert de gloire ».
Salomon n'était plus, et l'accord qui avait régné entre Pasquiten
et Gurwan pour le renverser était rompu. Pasquiten, trahissant son
pays, vint assiéger Rennes avec une armée de trente mille Bretons
et Normands. Gurwan n'avait que mille soldats auprès de lui, mais
il leur communiquait un courage plus qu'humain. Cette petite troupe
pleine de valeur culbuta ses nombreux ennemis qui, dès le lendemain,
s'enfuirent vers leurs vaisseaux. Pasquiten attendit trois ans l'occasion
de se venger. Apprenant alors que Gurwan était tombé malade, il
reparut sous les murs de Rennes avec ses Normands. Trop affaibli
pour pouvoir se tenir à cheval ou même soulever une épée, Gurwanse
fit porter dans son lit en face des ennemis. Son regard s'anima
encore une fois d'un feu qui se communiqua à tous les guerriers.
Il les vit encore s'élancer, combattre, disperser les ennemis comme
une vaine poussière et, satisfait de ce spectacle, il expira au
sein de sa dernière victoire en 877).
Point d'histoire plus
agitée que celle de la Bretagne dans les siècles suivants. Ce sont
des hostilités continuelles entre les principaux seigneurs féodaux
du pays, principalement entre les comtes de Rennes et de Vannes,
et quelquefois les seigneurs voisins, normands ou angevins, y prennent
part. Au reste le nombre, non seulement des combats, mais des crimes
et des morts violentes montre quelles étaient les mœurs à cette
époque et dans ce pays.
Conan le Tors, comte de Rennes, pressé
jusque dans Rennes par le comte de Vannes, Hoël IV, se débarrassa
de son ennemi par une odieuse perfidie. Une de ses créatures, Galuron,
se rendit à la cour d'Hoël IV, s'insinua dans sa faveur en affectant
un grand dévouement. Quelque temps après, Hoël IV, chassant un cerf
dans la forêt de Nantes, s'arrêta pour se faire lire les vêpres
par son chapelain, tandis que sa suite s'éloignait pour faire préparer
ses logements. Galuron, feignant d'avoir à ressangler son cheval,
demeura en arrière, et quand il vit le comte seul avec le prêtre,
il se précipita sur lui et le perça de sa lance. Conan fut bientôt
puni de son crime. Attaqué par le comte d'Anjou, Foulques Nerra,
qui avait pris les armes en faveur du fils d'Hoël IV, il fut battu
deux fois dans la lande de Conquéreux et périt à la seconde bataille
en 992. Geoffroy, son fils, débuta bien et réussit à se faire reconnaître
duc de Bretagne, mais il finit tristement. Il revenait d'un pèlerinage
en terre sainte et ses agents fiscaux levaient par le pays la taxe
de joyeuse advenue. Il s'arrêta sur la place d'un village et se
mit à se rafraîchir sous sa tente ornée de feuillage et à regarder
les tours d'un jongleur. A l'autre bout de la place, autour d'une
croix de pierre, ses agents recevaient les taxes. Une pauvre femme,
à qui il manquait deux deniers, et qui avait offert en vain aux
percepteurs de filer pour eux une quenouille, venait de voir saisir
son lit. Une rumeur qui s'éleva attira le duc en ce moment, la malheureuse
revenait à la hâte de sa chaumière et rapportait une poule noire
pour la donner aux collecteurs. À cette vue, le faucon que le duc
portait sur son poing s'élance et met en pièces la poule de la pauvre
femme. Celle-ci crie et pleure, mais le bon tour du faucon amuse
les courtisans et le duc remonte à cheval au milieu de leurs éclats
de rire. Désespérée et furieuse, la pauvre femme s'élance sur le
chemin que le duc allait parcourir, l'attend derrière un buisson,
une pierre à la main, et lui brise la tête en 1008.
Nous passerons
d'un seul bond à l'époque où finit la dynastie nationale des ducs
de Bretagne, c'est-à-dire vers le milieu du XIIème siècle.
L'Angleterre, à cette époque, maîtresse de la Normandie et de l'Anjou,
dirigea à son gré les affaires de la Bretagne, puis s'en empara.
Conan IV, voyant son autorité méconnue et réduit à payer de quelque
prix que ce fût la neutralité des Anglais, céda le comté de Nantes
au frère du roi d'Angleterre, et vint assiéger Rennes où était installé
Eudes, vicomte de Porhoët. Vainqueur, il entra dans cette ville
mais, menacé par Eudes qui avait été chercher des secours auprès
du roi de France, il n'eut plus d'autre ressource que de livrer
la Bretagne même aux Anglais en fiançant sa fille Constance à Geoffroy,
troisième fils de Henri II (1166). Geoffroy fit son entrée solennelle
dans Rennes en 1169. Déjà, depuis plus d'un siècle, cette ville
avait pris le rang de capitale de la Bretagne, malgré la jalousie
de Nantes. Son importante position à l'entrée du pays, près de la
Normandie et de l'Anjou sa riche abbaye de Saint-Mélaine, fondée
dès le VIème siècle, la cour d'appel, sous la présidence
d'un sénéchal, dont elle avait été dotée par Alain Fergent ; la
résidence fréquente des ducs précédents, étaient autant de titres
décisifs. L'entrée de Geoffroy se fit avec le cérémonial usité.
Il fut reçu à la porte Mordelaise par l'évêque et son clergé, après
avoir juré de respecter les libertés et immunités de l'Église et
de la noblesse de Bretagne. Il fit la veille des armes dans la cathédrale
de Saint-Pierre et fut conduit le lendemain au château ducal, dans
la chapelle duquel il jura devant l'autel et sur les saints évangiles
de « respecter les libertés, franchises, immunités et anciennes
coutumes de l'Église de Rennes, de nous et de nos hommes, tiendrez
sans les enfreindre de tort, force, violences, inquiétations, oppressions
et de toutes novalités quelconques, nous et nos hommes garderés
et ferés garder à votre pouvoir. » Geoffroy resta fidèle à ses serments,
si l'on en croit le début de l'assise du comte Geoffroy, rendue
par lui en 1185 « Monseigneur le duc de Bretaigne, désirant proveier
au profit de la terre, faisant le gré aux evesqnes et aux Larons,
o le commun assentement, etc. » Ce qui est important dans cette
assise, c'est qu'elle régla qu'à l'avenir la totalité de l'héritage
appartiendrait à l'aîné de la famille, à la charge de donner une
provision quelconque aux cadets jusque-là, l'usage du partage égal
entre les enfants avait subsisté en Bretagne. L'Église de Rennes,
qui se montrait si jalouse de ses privilèges et qui les avait vus
respectés par les Plantagenets, n'obtint pas les mêmes égards de
la dynastie française installée sur le trône de Bretagne par Philippe-Auguste,
en la personne de Pierre de Dreux, qui prêta bien le serment pour
les libertés des barons, mais non pour celles de l'Église de Bretagne.
Le Mauclerc entra donc en lutte avec son clergé, à la tête duquel
se plaçait l'évêque de Rennes. Le débat portait surtout sur les
droits de tierçage et de past nuptial, que le duc contestait au
clergé, et qui consistaient, le premier dans le prélèvement d'un
tiers de tous les biens meubles du père de famille décédé le second,
dans l'obligation aux mariés de payer à l'église le prix d'un repas
de noce. Pierre de Dreux passe pour avoir introduit l'hermine dans
les armes de Bretagne beaucoup de villes du pays adoptèrent par
suite le même emblème les armes de Rennes se composaient d'un écusson
à trois pals et d'un chef de quatre hermines, entouré d'un cordon
à une hermine passante, et surmonté d'une couronne de comte.
Le XIIIème siècle est un siècle de prospérité pour Rennes.
Elle avait alors un marché aux viandes ou cohuc, sur laquelle le
duc percevait une rente de 45 livres. Elle reconstruisait, depuis
1180, sa cathédrale, qui ne fut consacrée qu'en 1359, par Pierre
de Guéméné, et qui était célèbre par la magnificence de sa nef,
son maître-autel où étaient représentées en or la vie et la mort
de Jésus- Christ, ses quatre superbes colonnes en cuivre, ses balustrades,
ses statues en bois sculpté. L'abbaye de Saint-Mélaine, reconstruite
en 1054, avait tellement accru le nombre de ses bénéfices, qu'elle
était obligée de recourir aux prêtres séculiers pour les administrer.
Au siècle suivant, elle obtint le privilège de fonder une foire
annuelle à son profit, L'abbé avait sa juridiction et exerçait le
droit de quintaine, par lequel tous les nouveaux mariés étaient
obligés, le dimanche de la Quasimodo, de venir à cheval rompre une
perche contre un poteau orné de ses armes, sous peine d'amende.
L'abbaye de Saint-Georges, fondée en 1032 par Alain III, était occupée
par des femmes et l'abbesse avait aussi ses droits seigneuriaux,
Il y avait la chevauchée de l'abbesse. Tous les mariés de l'année,
dépendant de l'abbaye, étaient tenus, le jour de la mi-carême, de
parcourir à cheval le champ de foire, en criant « Gare la chevauchée
de madame l'abbesse » et renversant sur leur chemin toutes les échoppes
des marchands qui ne s'étaient pas retirés assez vite. Les nouvelles
mariées, chaque premier dimanche de carême, se rendaient à Saint-Hellier,
dans un des faubourgs de Rennes, et, sous peine de payer une amende,
elles devaient, en présence de la foule accourue, sauter par-dessus
une pierre d'environ un pied de haut, en chantant
Je suis
mariée,
Vous le savez bien ;
Si je suis heureuse,
Vous
n'en savez rien.
Le chapitre de la cathédrale, le mardi
de Pâques, était obligé de chanter une grand'messe à l'abbaye, et,
au sortir de l'office, les religieuses leur servaient la bouillie
urcée ; dont chacun des chanoines se rassasiait et emportait un large
plat processionnellement.
À l'égard des institutions municipales,
Rennes n'avait point de commune, mais seulement une assemblée des
plus notables bourgeois que convoquait, dans certains cas, le capitaine
gouverneur, représentant de l'autorité du comte. Ce capitaine s'adjoignait
un connétable, chargé principalement de la conduite de la milice
bourgeoise et de surveiller l'entretien des fortifications. Rennes
fut disputée avec acharnement pendant la guerre de Cent ans, par
Jean de Montfort et Charles de Blois, qui se la prirent alternativement,
et, dans ces circonstances, la bourgeoisie et le peuple de la ville
ne furent pas toujours d'accord. En 1341, Montfort y ayant mis le
siège et fait prisonnier messire de Spinefort, gouverneur de la
ville, somma les habitants d'ouvrir leurs portes, à peine de voir
leur capitaine pendu sous leurs murs. Le petit peuple se prononça
pour la reddition, les bourgeois s'y opposèrent et formèrent un
groupe qui s'éleva à deux mille personnes. Une lutte sanglante s'engagea,
beaucoup de bourgeois périrent ; les autres crièrent merci, et le
peuple courut ouvrir les portes. Montfort entra dans la ville, réconcilia
les deux partis, et établit un prévôt, des baillis, des échevins,
des sergents, etc.
Les Anglais échouèrent devant Rennes en 1342.
Ils revinrent l'assiéger en 1356, après la victoire de Poitiers,
sous le commandement du duc de Lancastre. Le siège fut long et signalé
par des défis et des combats singuliers entre les chevaliers bretons
et les chevaliers anglais.
La ville était en proie à la famine
lorsque Du Guesclin s'y précipita un matin après avoir culbuté le
camp des Anglais et enlevé un convoi de vivres qui leur était destiné.
Ce n'était pas la première fois que cet habile capitaine combattait
pour la défense de Rennes. Quoiqu'il ait reçu le jour à 40 kilomètres
de cette ville, au château de La Motte-Broons, Bertrand Du Guesclin
peut être considéré comme l’un de ses glorieux enfants; il y passa
sa jeunesse. Sur l'emplacement qu'occupe l'ancien hôtel Pinieux,
près de la cathédrale de Saint-Pierre et de la porte Mordelaise,
s'élevait le vieil hostel de cet oncle et de de cette tante qui
l'accueillirent avec tant d'indulgence après son escapade juvénile,
lorsqu'à l'âge de treize ans il se sauva de la maison paternelle.
Quand son ante le vit, si fu moult tourmentée.
Dame,
dist ses mariz, vous estes rassotée.
Il convient, et c'est droit,
jeunesse soit passée.
Jeunesse passa, et l'enfant incorrigible
devint un grand homme. La guerre de Cent ans eut indirectement quelques
heureuses conséquences pour Rennes. Après la bataille d'Azincourt,
des drapiers normands, fuyant la domination anglaise, vinrent s'établir
dans ses murs. Vers la fin du même siècle, en 1477, le duc François
1er fit venir d'Arras des ouvriers en tapisserie qu'il
établit également à Rennes en leur accordant des privilèges.
La population s'accroissait considérablement, Aussi, dès le début
du XVème siècle, le comte de Richemont, considérant que
les faubourgs excédaient en importance la ville elle-même, conseilla
au duc, son neveu, de faire construire une nouvelle enceinte qui
fut en effet commencée en 1419 et terminée en 1516. Cette enceinte
enveloppait les paroisses de Saint-Pierre-et-Saint-Georges, de Saint-
Germain et de Toussaint. On supprima les anciennes portes de Saint-Germain,
de Beaudrairie, de la Juiverie et de Jaquet, pour en ouvrir six
nouvelles les portes Blanche, de Toussaint, du Champ-Dolent, de
Saint-Michel, de Pont-aux-Foulons et de Saint-Georges. À l'époque
de la réunion à la couronne de France, c'est dans les murs de Rennes
que se réfugia la duchesse Anne. La Trémouille l'y assiégea et la
força d'ouvrir les portes de sa capitale à Charles VIII qui vint
s'emparer de sa main. Si les derniers ducs bretons avaient beaucoup
fait pour Rennes, les premiers rois de France qui possédèrent directement
le duché ne firent pas moins pour elle. Par lettres patentes d'aout
1539, François 1er autorisa les travaux entrepris pour
la canalisation de la Vilaine. Léonard de Vinci, qui l'avait, dit-on,
accompagné en Bretagne, avait tracé le plan des quinze premières
écluses. Henri II (1548) érigea l'assemblée communale de Rennes
en corps de ville que Henri IV constitua définitivement en le composant
de six échevins, un procureur, un greffier, et en déterminant le
mode d'érection de ces magistrats en 1592. En 1560, Charles IX fixa
à Rennes le parlement de Bretagne, créé en 1548 par François II,
reconstitué après la réunion, d'abord établi à Vannes, puis partagé
entre Rennes et Nantes, et enfin, à l'époque dont nous parlons,
attribué à Rennes seule. Il se composait de trente-deux conseillers,
dont seize Bretons et seize étrangers à la province, sans doute
afin de « contenir les habitants dudit pays en l'obéissance du roy.
» Ce parlement se montra le fidèle défenseur du pouvoir royal auquel
il devait son origine, lorsque la Ligue, alliée avec l'Espagne,
s'efforça d'écarter Henri IV du trône. Le duc de Mercœur, héritier
des Penthièvre par sa femme, Marie de Luxembourg, s'étant mis en
révolte ouverte; le parlement de Rennes, où les royalistes avaient
pris le dessus, s'empara du gouvernement de la province, leva des
impôts et des troupes et fit la guerre pour le roi. En vain Mercœur
tenta d'opposer Nantes à Rennes obligé de céder, il transigea enfin
avec Henri IV. Le 9 mai 1598 Henri IV, en sortant de Nantes, où il avait rendu
son fameux édit concernant les protestants, passa à Rennes. À l'entrée,
le maréchal de Brissac lui en présenta les clefs qui étaient d'argent
doré, fort belles et fort lourdes. Le roi les baisa et dit « Voilà
de belles clefs, mais j'aime encore mieux les clefs des cœurs des
habitants. ». Ce même parlement, absolument du reste comme
le parlement de Paris, après avoir énergiquement soutenu la royauté
dans ses dangers, essaya de lui tenir tête et de la contenir dans
son triomphe, demandant sans cesse la convocation des états de la
province pour voter les impôts, repoussant les édits bursaux, et
excitant même le peuple au refus de l'impôt illégalement établi.
Dès 1652, il entre en lutte avec le gouverneur, Monsieur de La Meilleraye,
et un peu plus tard avec le duc de Chaulnes, violent représentant
du despotisme de Louis XIV. Le 18 avril 1675, le peuple, soulevé,
enfonça les portes du bureau de perception des taxes sur le tabac
et le papier timbré. De Chaulnes fit venir huit mille hommes qu'il
fit héberger par les habitants, et exigea, sous vingt-quatre heures,
cent mille écus, Le parlement fut relégué à Vannes, d'où il ne revint
qu'en 1689; la ville fut privée de ses privilèges et de ses libertés.
Ainsi périssait partout l'indépendance provinciale sous le niveau
de la royauté. Rennes n'est pas au nombre des villes qui ont souffert
de calamités ou sinistres. La misère causée par les guerres de religion,
et une épidémie qui commença en 1563 et se renouvela par intervalles,
durant près d'un siècle, sont à peu près les seuls fléaux que nous
ayons à enregistrer jusqu'en 1720.
Mais celte dernière année fut
aussi fatale à Rennes, par le feu, qu'elle le fut à Marseille par
la peste. Un incendie terrible, qui dura cinq jours et cinq nuits,
consuma plus de 32 rues, 3,284 maisons il y eut 6 à 7,000 personnes
tuées, étouffées ou estropiées les pertes furent évaluées à 90 millions.
On ne connut pas les causes certaines de ce désastre effrayant on
sait seulement que le feu partit de la maison d'un menuisier, et
se propagea sans doute par la négligence publique. Le peuple accusa
les soldats, qu'il détestait depuis les dragonnades. Un religieux,
témoin de l'évènement, écrivit à son supérieur « Il y eut beaucoup
de la faute d'un chacun,
1° les soldats, qui voulurent de droit
commander aux habitants qui ne voulurent pas s'y soumettre;
2° les
premiers mêmes de la ville, qui donnaient des 1,000 écus et 1.0,000
livres, et ivraient les ouvriers pour ne pas couper leurs maisons
3° on ne trouva dans la maison de ville que cinq seaux de cuir et
quatre haches
4° des vents impétueux qui transportaient les flammes
d'un quartier à l'autre. Pour vous figurer la situation de cette
infortunée ville, rappelez-vous, si vous voulez, ou Rome ou Troie,
ou les villes criminelles ce n'est plus qu'un monceau de cendres
et un tas fumant de débris. Rennes se releva, plus régulière qu'auparavant,
sur les plans donnés par l'ingénieur Robelin et l'architecte Abeille
le gouvernement fit une remise d'impôts aux habitants et leur accorda
la coupe de mille arpents de bois dans la forêt de Rennes. L'événement
qui émut le plus la ville de Rennes au XVème siècle,
après celui-là, ce fut l'affaire de La Chalotais, le fameux procureur
général près le parlement de Bretagne. Chargé, en 1761; d'examiner
la constitution des jésuites, il fit un compte rendu célèbre sur
ce sujet et contribua puissamment à l'expulsion de cet ordre religieux.
Le duc d'Aiguillon, gouverneur de la province, ami des jésuites
et de l'autorité royale laquelle le parlement fit opposition peu
de temps après au sujet d'une taxe, résolut de briser la résistance
par des rigueurs et fit enlever plusieurs magistrats, entre autres
le procureur général.
Nous ne raconterons pas ici cette histoire
si connue, les persécutions endurées par La Chalotais dans les prisons
de Morlaix et de Saint-Malo, enfin son acquittement et sa tardive
réhabilitation. Le parlement, dans cette question, avait été soutenu
par la noblesse aussi bien que par le peuple ; mais il se sépara
d'elle aux approches de la Révolution, lorsque la question du dédoublement
du tiers état agita toute la France. Dans les états de la province,
convoqués avant les états généraux, la même question se présenta
le parlement les suspendit jusqu'à ce qu'elle eût été résolue la
noblesse et le clergé prétendirent continuer les séances de là des
débats, des rassemblements dans la ville, des pamphlets, des émeutes,
enfin le véritable combat qui se livra dans les rues, le 27 janvier
1789, entre les nobles, aidés de leurs laquais et les bourgeois,
parmi lesquels se distinguaient les élèves de l'école de droit commandés
par leur prévôt, le jeuné Victor Moreau, plus tard général illustre.
Les Rennois nommèrent Moreau capitaine d'artillerie de la garde
nationale et député de leur ville, à la fédération de Pontivy. Rennes
ne prit à la Révolution qu'une part glorieuse. Tandis qu'elle envoyait
aux frontières d'intrépides soldats, la fermeté et le grand caractère
de son maire Leperdit, simple marchand tailleur, empêchèrent les
excès qu'aurait pu amener la présence de Carrier Elle fut le centre
des opérations contre les Vendéens et reçut dans ses murs Kléber,
Marceau, Westermann, Hoche, qui faillit y être assassiné. Rennes
est devenue, comme elle y était depuis longtemps préparée, une ville
toute française et toute moderne ; les rues ont été bordées de larges
trottoirs. On y remarque la place du Palais, une des plus belles
places qui existent ; on a supprimé la place aux Arbres et l'on
a bâti dans ce beau quartier des rues à arcades et un théâtre, qui
décorent la belle place de l'Hôtel-de-Ville. Le reste de la cité
n'est composé que par un enchevêtrement de rues étroites et tortueuses.
Rennes possède peu de monuments anciens. La cathédrale Saint-Pierre,
l'hôtel de ville, l'église Toussaint, le palais de l'ancien parlement
sont remarquables, mais relativement modernes. Le théâtre date de'
1835, et le palais universitaire est plus récent encore (1849-1855) ; le musée de tableaux est un des plus riches de province. De l'ancienne
enceinte, il ne reste plus que la porte Mordelaise et quelques pans
de murs. C'était par cette porte que les ducs de Bretagne faisaient
leur entrée quand ils venaient se faire sacrer à Rennes.

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