Lille - Préfecture du Nord
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au Département)Lille, autrefois capitale de la Flandre française,
est située dans une plaine, sur la Deûle, qui s'y divise en un grand
nombre de bras, dans la partie septentrionale du département du
Nord
Cette ville est très ancienne elle offre la particularité
d'être l'une des capitales des provinces françaises, qui ne tire
son origine ni d'une cité romaine de la Gaule, ni d'un établissement
de barbares qui envahirent cette contrée. La Deûle, petite rivière
qui l'arrose, coule dans un soi marécageux sur lequel Jules César,
dans son expédition chez les Nerviens et les Morins, jeta les fondements
d'un château pour contenir ces populations guerrières, cinquante
ans environ avant Jésus-Christ.
Ce fut le château du Buc, dont
les seigneurs obtinrent dans le pays, dès le règne de Clotaire II,
une importance politique en se faisant nommer comtes forestiers.
Le château s'agrandit alors, et les habitants parvinrent, par leur
travail, à s'élever au-dessus du marais, souvent inondé par la crue
des eaux, et firent ainsi de leur ville naissante une espèce d'ile
c'est là l'origine probable du mot isla, synonyme du mot insula
dans la basse latinité. Peu à peu, le nombre croissant des habitants
en fit étendre l'enceinte, et des canaux l'assainirent en facilitant
l'écoulement des eaux ; mais ce fut seulement en 1030 que la place
fut entourée de murailles avec quatre portes, du Château, des rues
de Weppes et d'une quatrième dont on ignore le nom ; elle fut entourée
de fossés larges et profonds, et elle devint une véritable ville.
Dès ce moment, elle acquit une Importance due au séjour de ce Baudouin,
cinquième du nom, qui fut tuteur du roi Philippe Ier,
et que son affection pour cette résidence fit surnommer Baudouin
de Lille. La ville eut à cette époque même, une monnaie particulière,
qui porte son nom dans un acte du temps. Baudouin, quelques années
avant sa mort, éleva, dans son séjour de prédilection, une basilique
à saint Pierre et y institua un collège de chanoines en 1066. Cet
acte consacra en quelque sorte la fondation du comté ; les habitations
s'accumulèrent autour du lieu saint, et Lille prit, à sa naissance
même, un rang important parmi les premières cités.
Cependant,
la ville demeura assujettie au régime féodal, à une époque où quelques
cités de la Flandre et la plupart de celles de Picardie obtenaient
de leurs seigneurs des chartes de commune et des privilèges municipaux.
Ce fut Baudouin IX qui, avant de partir pour cette quatrième croisade
où il trouva un empire, puis la mort, octroya à Lille ses premières
franchises et régularisa sa juridiction.
Ces privilèges, confirmés
en 1235 par Jeanne, fille de Baudouin IX, furent toujours respectés,
et Lille n'eut jamais à recourir à la conjuration armée, par laquelle
tant d'autres communes, Cambrai, Laon, Saint-Quentin, Soissons,
essayèrent de protéger les leurs.
La paix domestique dont jouit
la cité flamande n'empêcha ni les vicissitudes politiques, ni les
agressions du dehors ; dès 1070, la comtesse Richilde y fut assiégée
et en fut chassée avec ses deux fils par l'usurpateur Robert le
Frison, et, soixante ans plus tard, en 1127, Guillaume Cliton, fils
du duc de Normandie, élu duc de Flandre, persécuta les bourgeois
de Lille, qui s'étaient opposés à un acte d'iniquité, et les contraignit
à composer, moyennant une somme de 1 400 marcs d'argent, pour échapper
aux rigueurs d'un siège.
Au commencement du XIIIème
siècle, une catastrophe complète frappa la cité flamande : nous
avons vu que le comte Ferrand, époux de Jeanne, fille de Baudouin,
avait pris parti pour l'empereur Othon et le roi d'Angleterre, Jean
sans Terre, dans la coalition de ces princes contre Philippe-Auguste.
En 1212, le roi s'avança au cœur des états du comte et prit sa capitale
; Ferrand la reprit l'année suivante, mais il était malade dans
la ville et peu en état de la défendre ; Philippe profita de cette
circonstance pour l'assiéger de nouveau ; il s'en empara, et, cette
fois, il détruisit Lille de fond en comble, les soldats la pillèrent,
puis l'incendièrent, et les fortes murailles, les églises, les maisons
s'écroulèrent dans les flammes la plupart des habitants périrent
par le feu ou furent massacrés par ceux des ennemis qui entouraient
la place, bien peu s'échappèrent dans les marais ceux qui avaient
survécu à cette œuvre de carnage furent vendus comme esclaves. Ferrand
s'échappa, porté dans une litière, grâce au dévouement de ses gens,
mais ce ne fut que pour tomber l'année suivante, à Bouvines, dans
les mains de son royal ennemi.
Malgré ce désastre, une autre
ville, aussi florissante que la première, ne tarda pas à s'élever
du milieu des ruines de Lille ; ces Flamands avaient, comme aujourd'hui,
l'amour du sol natal, et les fils de ceux qui avaient péri vinrent
chercher dans les décombres la trace du foyer domestique. Les habitants
de Lille avaient, dès l'année qui suivit leur ruine, en 1214 tenté,
mais en vain, de prendre à Bouvines leur revanche sur Philippe-Auguste
; communaux et vilains furent écrasés par la chevalerie française,
tandis qu'en d'autres points de la bataille les milices communales
de Vermandois et de Picardie perçaient de flèches et de leurs épieux
chevaux et chevaliers flamands. Un sire de la châtellenie de Lille,
Eustache de Marquilliers, d'une stature gigantesque et d'une force
extraordinaire, se faisait remarquer par sa furie seul dans les
rangs ennemis, il frappait autour de lui de sa redoutable épée et
s'excitait au carnage en criant « Tue, tue » et la terre se joncha
de cadavres jusqu'au moment où il périt sous le nombre.
En 1235,
vingt ans après son désastre, Lille, relevée et agrandie, comptait
quatre paroisses. Les privilèges accordés par Baudouin et confirmés
par sa fille furent encore étendus par la sœur de celle-ci, Marguerite
de Constantinople mais son fils et successeur, Gui de Dampierre,
s'aliéna les bourgeois, dont il avait pris ombrage et facilita ainsi,
sans s'en douter, les intrigues et la domination de Philippe le
Bel. Ce prince, hostile à Gui, vint assiéger la ville avec une armée
considérable, y fit lancer par des machines puissantes des quartiers
de roche, et força Robert de Béthune, qui la défendait, à capituler
mais les habitants, qui avaient opposé une Résistance héroïque,
n'ouvrirent leurs portes qu'après que Philippe eut juré de sauvegarder
leurs privilèges municipaux. Le roi ne tint pas son serment ; et
la Flandre se souleva et Lille secoua le joug odieux qui pesait
sur elle, mais après la victoire que les Flamands remportèrent à
la bataille de Courtrai survenue le 11 juillet 1302.
La liberté
que Lille avait conquise dura peu ; deux ans après, elle fut de
nouveau assiégée et prise, et un traité conclu à Achies, en 1312,
confirma à la France la possession de cette ville, de Douai et d'Orchies.
De cette époque date l'importance commerciale de la Flandre ; Lille,
l'une des premières, prit part à la confédération qui unit les villes
flamandes à l'exemple des villes maritimes d'Allemagne et qu'on
appela hanse de Londres ; les nombreux marchés de la province et
des contrées environnantes favorisaient l'écoulement de ses produits
industriels, elle échangeait contre les marchandises du Levant,
dont Venise avait le monopole ; Lille, comme Bruges, Gand et d'autres
villes flamandes, servait souvent d'intermédiaire entre la riche
cité italienne et Brème, Lubeck, Hambourg, et sa prospérité s'accrut
de la protection que lui accorda le roi Jean le Bon, en échange
d'un don volontaire offert pour sa rançon par les Lillois, après
la bataille de Poitiers.
Nous avons dit plus haut combien la
cession de la Bourgogne, que Jean le Bon fit au jeune Philippe le
Hardi, fut désastreuse-pour la France ; en effet, outre cette province,
le roi céda à son fils les villes de Lille, Orchies et Douai, lorsqu'il
épousa la fille du comte Louis de Male, héritière des Flandres.
Remarquons ici que sous ce comte, tandis que la Flandre tudesque
se soulevait avec Van Artevelde, Lille, capitale de la Flandre wallonne
et séparée des villes de l'est par une antipathie de race, non seulement
était restée attachée à son souverain, mais, menacée par les villes
insurgées, avait fait en sa faveur une manifestation armée. Le séjour
de Lille plut particulièrement au duc de Bourgogne, Philippe le
Bon, qui contribua beaucoup au développement de sa splendeur. Il
tint, dans la basilique de Saint-Pierre, le premier chapitre de
l'ordre de la Toison d'or, dont il était le fondateur, institua
des jeux et des fêtes et encouragea celles qu'il trouva établies
et que maintenait la tradition. De ce nombre est la royauté de l'Épinette,
dignité annuelle qui donnait à un Lillois la charge de veiller,
pendant l'année, aux plaisirs de ses concitoyens, et qu'il déposait
le mercredi des Cendres dans un festin et au milieu de cérémonies
consacrées, prolongées jusqu'au mardi suivant, jour auquel il remettait
son sceptre à son successeur.
Les Lillois témoignèrent plusieurs
fois leur reconnaissance aux ducs de Bourgogne leurs protecteurs
à deux reprises, en 1465, ils donnèrent des secours volontaires
à Charles le Téméraire, puis ils s'attachèrent à sa fille Marie
et se prêtèrent de bonne grâce à une ordonnance de son époux, Maximilien
d'Autriche, qui mandait les habitants de Lille sous les drapeaux,
pour soutenir ses droits contre le roi de France Louis XI ; ils
vinrent avec le paletoct blanc et sanguin orné de la croix de Saint-
André, tous paletocquets armés de lances et de douze flèches. Charles-Quint
n'eut qu'à se louer des Lillois dans ses guerres contre la France,
et ils restèrent attachés à son fils Philippe II et au parti catholique,
bien qu'ayant adhéré un instant au célèbre traité d'union qui confédéra
les Pays-Bas contre l'Espagne. En 1580, ils battirent et firent
prisonnier le fameux capitaine huguenot Jean Lanoue, qui avait ravagé
la contrée et menacé leur ville, à la tête de forces considérables.
Néanmoins, Lille n'échappa pas aux calamités qui furent générales
dans cette période malheureuse pour toute la France ; elle avait
été frappée d'une grande famine en 1521, et la peste décima par
trois fois ses habitants en 1567, 1597 et 1604 ; la guerre se joignit
à ces deux fléaux il s'était formé dans les Pays-Bas, entre autres
factions dirigées contre l'Espagne, une association qu'on appelait
les Hurlus ; mais, sous le spécieux prétexte de défendre la liberté,
ces Hurlus exerçaient souvent le vol et le pillage : les richesses
de Lille les tentèrent ; prétendant que cette ville était attachée
à l'Espagne, ils voulurent s'en emparer : les femmes du faubourg
qu'ils attaquèrent, ayant à leur tête une cabaretière, Jeanne Maillotte,
les chassèrent le nom et l'action de cette femme sont demeurés populaires
dans la ville. Lille resta donc en la possession des Espagnols jusqu'au
règne de Louis XIV. Le roi de France prétendit, à la mort de Philippe
IV, son beau-père, que les Pays-Bas espagnols devaient revenir à
sa femme Marie-Thérèse, et il commença la guerre de Dévolution par
une invasion en Flandre en mai 1667
. Après s'être emparé de Tournai
et de Douai, le roi assiégea Lille, qui fut courageusement défendue
par son gouverneur espagnol, le comte de Bruay. Pour exciter les
habitants à la défense de leur ville, celui-ci renouvela le défi
porté jadis au roi Philippe de Valois par les habitants de Cassel
: ils avaient peint un coq avec cette inscription :
Quand
ce coq ici chantera,
Le roi trouvé ci entrera.
Les
Flamands, par dérision, appelaient Philippe le roi trouvé. De Bruay
fit dresser un cheval de bois sur la grande place, devant lequel
on plaça une botte de foin, et auprès on lisait C'est bien en
vain, Français, que vous pensez nous prendre. Encor que tous secours
nous manquent au besoin. Vous perdez votre temps ; plutôt qu'on
nous voye rendre, ce cheval mangera cette botte de foin.
Mais la garnison n'était que de deux mille quatre cents hommes et
fut forcée de capituler après dix jours de tranchée ouverte. Louis
XIV adhéra aux principales propositions des habitants et traita
bien le gouverneur espagnol. Après le traité d'Aix-la- Chapelle
signé le 2 mai 1668, qui confirma cette conquête, Louis XIV confia
au génie de Vauban le soin de fortifier la ville ; le maréchal agrandit
la place du faubourg de Saint-Pierre et du quartier Saint- André,
qu'il enferma dans la nouvelle enceinte qu'il traça lui-même, et
construisit une citadelle qui est son chef-d’œuvre et fait de cette
place l'une des plus fortes de l'Europe. Ce fut grâce aux ouvrages
de Vauban que Boufflers put opposer au prince Eugène, en 1708, cette
belle défense qui l'a immortalisé.
Abandonné de l'armée française
et de l'électeur de Bavière, le maréchal tint quatre mois dans la
ville, puis dans la citadelle, contre des force considérables et
força l'admiration de son ennemi au point que, lorsque le général
français, réduit à la dernière extrémité, dut se rendre, Eugène
signa généreusement les conditions que Boufflers fit lui-même. La
paix Utrecht signés en 1713 mit fin à la guerre de Succession d'Espagne.
Le premier fut signé à Utrecht le 11 avril entre le royaume de France
et le royaume de Grande-Bretagne, et le second fut signé dans la
même ville le 13 juillet entre l'Espagne et la Grande-Bretagne.
Lille fut rendue à la France ; devenue française depuis la conquête
de Louis XIV et surtout par la gloire dont la défense de Boufflers
l'avait couverte, elle accueillit cet événement avec joie et jusqu'à
la Révolution ne fut plus troublée par la guerre dans le développement.
A la fin du XVIIIème siècle, Lille s'illustra encore par une défense héroïque. En septembre 1792, le duc de Saxe-Teschen, Albert, général de l'armée autrichienne, l'assiégea avec 32 000 hommes et une artillerie considérable ; la ville, réduite à une faible garnison, préféra être bombardée plutôt que de capituler ; le général Ruault commandant la place, la garnison et la municipalité furent unanimes dans la résolution de se défendre jusqu'à la mort. Pendant neuf jours, une pluie de bombes et de boulets rouges mit en cendres une partie de la ville ; mais le courage des habitants ne faiblit pas ; leur opiniâtreté lassa l'ennemi, qui battit honteusement en retraite. Pendant la durée de ce siège mémorable, l'esprit français, qui ne perd jamais ses droits, même dans les plus grands dangers, se produisit par un acte qui mérite d'être rapporté. Un barbier rasait dans son échoppe ; un boulet rouge y met le feu ; il l'abandonne, puis, ramassant un éclat de bombe, il s'en fait un bassin, s'installe au milieu de la place publique et continue gravement à raser ses pratiques. Le dévouement de Lille retardait l'invasion, enthousiasmait la France la Convention nationale déclara que, « par sa belle défense, elle avait bien mérité de la patrie » et voulut que, pour l'honorer, la municipalité de Paris donnât son nom à une des grandes rues de la capitale. Une colonne commémorative du siège de Lille en 1792 a été érigée dans cette ville. Cependant Lille qui savait si bien repousser l'ennemi, n'accueilli pas les exagérations révolutionnaires ; quand Joseph Lebon menaça les Lillois de sa visite, ils répondirent par la menace de leurs canons. Le premier consul comprit l'importance de Lille comme grand centre manufacturier autant que comme place de guerre, et il en fit le chef-lieu du département du Nord en remplacement de Douai, qui avait d'abord été désigné pour cet honneur. Ici s'arrête l'histoire de cette cité ; nous n'y ajouterions rien, en énumérant les visites royales qui lui furent faites. Sous la Restauration, et en disant que Louis XVIII crut honorer ce qu'il appelait la ; fidélité des habitants en faisant porter dans leur église de Saint-Maurice les entrailles du duc de Berry.
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