Vesoul - Préfecture de la Haute Saône
Retour au Département)Vesoul Quoique aucun document authentique
ne vienne confirmer cette version, Vesoul passe pour une ville de
très ancienne origine ; les Romains l'auraient trouvée florissante
déjà parmi les cités séquanaises, et l'auraient fortifiée, d'où
lui serai tvenu son surnom de Castrum. C'est en 899 qu'il est fait
mention pour la première fois de Vesoul, dans les actes de saint
Adelphe. On doit supposer que, dans la constitution des anciens
royaumes de Bourgogne, cette ville avait été inféodée aux domaines
des archevêques de Besançon. A la fin du Xème, siècle,
Henri le Grand, duc de Bourgogne, secondé par Lambert, comte de
Châlon, vient l'assiéger et s'en rend maître; elle passe ensuite
aux mains des seigneurs de Faucogney, vicomtes héréditaires, qui
y résident pendant les deux siècles suivants et prennent souvent
dans leurs actes le titre de proconsuls de Vesoul; enfin, dans une
pièce de 1183, la comtesse Béatrix, femme de l'empereur Frédéric
Barberousse, déclare tenir le château de Vesoul comme fief de l'église
de Besançon. Bientôt cette obscurité va se dissiper et l'histoire
de la ville prendra plus de clarté et de précision. En 1360, une
bande de ces Anglais indisciplinés connus sous le nom d’écorcheurs
se répand dans le bailliage d'Amont et, après avoir dévasté les
campagnes ; s'abat sur la ville, la pille, la brûle et en passe
les habitants au fil de l'épée.
En 1369, c'est un parti d'Allemands
qui se rue sur Vesoul, dont les ruines sont à peine relevées. Ces
désastres inspirent aux ducs de Bourgogne la pensée de mettre à
l'abri de nouveaux malheurs une des villes les plus importantes
de la Comté ; Jean de Rochefort, maître de l'artillerie, est chargé
de la fortifier. Cet habile homme de guerre dirigea lui-même les
travaux et, se conformant aux règles de l'art à cette époque et
aux, exigences du terrain, il resserra les habitations dans une
enceinte moins étendue.
Si de solides remparts et de hauts bastions
éloignent parfois l'ennemi des places qui en sont mu- nies, souvent
aussi l'importance qu'elles tirent de leurs moyens de défense appelle
sur elles, plus terribles, plus implacables, les calamités de la
guerre. Vesoul en est un triste exemple. Dès que commencent les
luttes sérieuses de la Bourgogne et de la France, Louis XI dirige
contre cette place un corps commandé par le sire de Craon. Les assiégés,
sous la conduite d'Herman de Vaudrey et de Nicolas de Mont-Saint-Ligier,
capitaine de la ville, firent d'abord une victorieuse résistance,
une vigoureuse sortie les débarrassa même des Français, contraints
à la retraite; mais, la même année 1479, Charles d'Amboise reparut
sous les murs de Vesoul avec de nouvelles forces, et cette fois,
malgré tous les efforts de la garnison et des habitants, la place
fut emportée, livrée à toute la vengeance des vainqueurs, et, selon
l'expression effroyablement pittoresque d'un chroniqueur du temps,
laissée comme champestre. II fallut un siècle tout entier
à Vesoul pour se relever de ce coup terrible. Ses plaies étaient
à peine cicatrisées qu'un autre fléau plus épouvantable encore vint
s'acharner sur sa malheureuse population. En 1566, la peste s'y
déclara avec une telle violence qu'après la mort des uns et la fuite
des autres il ne resta dans la ville que soixante-quinze habitants.
Cette période n'offre qu'une suite de désastres plus lamentables
les uns que les autres. Aux grandes compagnies succèdent les anabaptistes
d'Allemagne, puis les Jacques ; puis, dans l'intervalle, les bandes
impériales se rendant de Flandre ou d'Allemagne en Italie traversent
le pays, pillent, rançonnent et brûlent tout sur leur passage.
C'est à cette déplorable époque que se rattache un épisode longtemps
tenu pour miraculeux et dont le souvenir vit encore parmi les traditions
de la contrée. En 1557, une armée allemande, forte de mille lansquenets
et de douze cents reîtres, se trouvant de passage près de Vesoul,
se mutina contre son chef, le baron de Polviller, en demandant à
grands cris et avec menaces son arriéré de solde ou le sac de la
ville. Polviller, qui n'avait pas d'argent à leur donner et qui,
d'ailleurs, n'était pas assez scrupuleux pour se formaliser d'une
pareille proposition, consentit à ce qu'exigeaient ses soldats et
prépara tout pour l'assaut, déjà, disent les historiens, les échelles
étaient dressées, lorsqu'un auxiliaire inattendu vint en aide à
la ville peu préparée à se défendre. Dans une montagne, près de
Frotté, à quatre kilomètres de Vesoul, s’ouvre une caverne d'environ
quatre-vingt-dix pieds de largeur sur cent vingt de profondeur.
Au fond est un gouffre étroit, le Frais Puits d'où il ne
sort ordinairement qu'un mince filet d'eau ; mais, lorsqu'il a plu
plusieurs jours de suite, on voit l'eau monter, remplir le puits
et la caverne, s'élancer jusqu'à vingt-cinq et trente pieds au-
dessus et inonder les campagnes voisines. « Or, il advint, raconte
naïvement un historien contemporain, que les soldats de Polviller
étant prêts à marcher avec quelques pièces d'artillerie menue et
des échelles, pour forcer et emporter la ville et la mettre à sac,
Frais-Puits se mit subitement à vomir tant d’eau, quoiqu’il n’eut
plu sinon vingt-quatre heures ou environ qu’en moins de cinq ou
six heures toute la campagne en demeura couverte, ce qui fit croire
aux soldats que les habitants avoient en leur puissance quelque
cataracte par la levé de laquelle on pouvoit noyer la campagne et
noyer tous ceux qui se trouvait sur icelle et en cette fantaisie
se retirèrent à la hâte quittant la plaine pour se sauver au-dessus
des montagnes sans plus vouloir descendre demander le guelt
abandonnant échelles, artillerie, tambours, et autres choses, voir
chose incroyable parmi les Allemands, les bouteilles et les barils.
»
Le Frais-Puit ne débordât ainsi propos; quelques années plus
tard, en 1569, il laissait le duc de Wolfgand traverser en toute
sécurité le bailliage d'Amont et ravager' tous les environs de Vesoul.
Le règne de Henri IV et sa lutte contre l'Espagne attirèrent de
nouveaux orages sur la malheureuse ville. En 1595, lors de l'invasion
du bailliage par les bandes lorraines, Tremblecourt, après s'être
assuré de l'inaction des places environnantes qu’il avait soumises
ou réduites à capituler, vint investir Vesoul avec toutes ses forces.
Cette ville dont les remparts étaient en ruine et qui n'avait pour
garnison que deux compagnies de milice bourgeoise, ne se trouvait
guère en état de tenir contre une armée de six mille hommes aussi
Monsieur de Saurant qui y commandait, aima-t-il mieux négocier que
d'exposer ses compatriotes à subir la loi du vainqueur, et, pour
satisfaire à la première sommation du chef des Lorrains, il consentit
à lui payer une contribution de guerre de douze mille écus, mais
à la condition que ses soldats ne commettraient ni vols, ni violences,
ni meurtres. Cette convention acceptée, Tremblecourt entra dans
Vesoul avec ses gens, qui s'y livrèrent, malgré la foi jurée, à
toutes sortes de désordres et s'y comportèrent comme en une ville
prise d'assaut. Pendant que ces choses se passaient, Nicolas Cornini,
lieutenant de Tremblecourt, assiégeait Noroy-l'Archevêque, bourg
à peu de distance de Vesoul, et menaçait les habitants de ne faire
qu'un monceau de ruines de leurs maisons s'ils se refusaient à lui
payer une forte somme. A cette nouvelle, les Vésuliens, mus par
un sentiment de solidarité patriotique d'autant plus admirable qu'eux-mêmes
se trouvaient dans une position malheureuse, s'empressèrent de venir
en aide à leurs voisins, en apportant à Cornini leur or, leur argent,
leur vaisselle, jusqu'aux anneaux et bracelets de leurs femmes.
Ce noble sacrifice ne put cependant sauver Noroy, gros bourg à l'est
de Vesoul. Cornini, sous prétexte que la rançon n'avait pas été
payée dans le délai prescrit, livra le malheureux bourg aux flammes
et au pillage. L'arrivée de don Velasco, connétable de Castille,
à la tête d'une forte armée de Comtois et d'Espagnols, mit pour
quelque temps un terme à ces calamités. Assiégé à son tour dans
Vesoul, Tremblecourt ne put défendre qu'un jour la ville ; mais
il se maintint près d'un mois dans le château, et ne se rendit que
faute d'eau et après avoir vu de Loupy, un de ses lieutenants, tué
à ses côtés d'un coup de mousquet.
Les Lorrains obtinrent de
quitter la citadelle avec armes et bagages. Après leur évacuation,
le marquis de Fuentès la fit raser comme étant d'un entretien trop
coûteux. La même année, Henri IV entra dans la place sans opposition
et taxa les bourgeois à une somme considérable. Le traité de Vervins
(2 mai 1598) remit, comme on sait, chacune des puissances belligérantes
en possession des territoires qu'elles occupaient avant la dernière
guerre ; Vesoul avait donc été rendue à l'Espagne, quand Richelieu
recommença la lutte. L'année 1638 est une date funeste dans les
annales de Vesoul. Non seulement la ville était sans cesse sous
le coup d'une attaque des Français, elle était encore exposée aux
violences et aux brigandages des prétendus alliés qui couvraient
la campagne environnante. Une horrible famine vint mettre le comble
à toutes ces misères. Les paysans fuyaient leurs habitations ruinées
et s'entassaient dans les villes pour y disputer à leurs habitants
les provisions qu'on y supposait moins rares ; le grain, après avoir
atteint les prix les plus élevés, manqua complètement ; on vécut
d'herbages et d'animaux immondes ; la faim ne recula pas même devant
la chair humaine. Les troupes de Charles de Lorraine, cantonnées
aux environs de Vesoul, après s'être nourries de bétail mort qu'elles
déterraient, en arrivèrent à manger les soldats tués dans les combats,
et les historiens parlent d'un chirurgien qui, venant de faire à
un blessé l'amputation d'une main, la demanda pour son salaire et
la dévora. Réduite à de pareilles extrémités, la population fut
encore rançonnée en 1641 par le comte de Grancey et en 1643 par
le comte de La Suze. Enfin un dernier coup manquait pour couronner
cette triste campagne; Turenne le porta l'année suivante.
Quoique
la ville épuisée eût à peine essayé une faible résistance, quoique
les termes de la capitulation garantissent la vie sauve aux habitants,
le vainqueur laissa ses soldats égorger dans le couvent des Annonciades
un grand nombre d'enfants et de femmes qui y avaient cherché un
asile contre leur fureur puis, joignant l'avidité à la barbarie
et au parjure; il frappa sur les vaincus une contribution de guerre
telle que, pour la payer, il leur fallut vendre leurs vases sacrés
et les cloches de leurs églises.
Il ne faut donc pas s'étonner
si, dans les deux guerres d'invasion que Louis XIV entreprit contre
la Franche-Comté, le rôle politique de Vesoul est considérablement
amoindri. Cette place, entièrement démantelée, ne pouvait plus même
songer à se défendre contre le puissant monarque dont les armées
couvraient la province. Vesoul courba la tête et attendit en silence
l'heure de la réparation. Toutefois, un drame sanglant vint dès
le début attrister l'élan enthousiaste et les généreuses illusions
qu'excitait à Vesoul la transformation politique de 1789.
A Quincey,
village près de Vesoul, s'élevait un château appartenant à Monsieur
de Mesmay, conseiller au parlement de Besançon. Ce magistrat franc-comtois
n'était pas aimé on le savait hostile à toutes les idées nouvelles,
et il était l'un des nobles qui avaient, comme membre du parlement,
protesté contre la double représentation. Monsieur. de Mesmay, à
la nouvelle de la prise de la Bastille, ne se croyant pas en sûreté,
quitta la province; mais, en partant, il avait recommandé aux gens
de son service d'ouvrir le château à une fête patriotique. Le 19
juillet 1789, c'était un dimanche, les paysans du voisinage s'y
rendirent en grand nombre. Ils s'étaient réunis dans un bosquet
attenant au château, et là ils se livraient à la joie, lorsqu’on
entendit tout à coup, entre onze heures et minuit, une épouvantable
te explosion et on vit le sol jonché de morts et de blessés au milieu
de décombres et de ruines fumantes, Un baril de poudre, qui venait
de prendre feu, avait causé la catastrophe. L'exaspération fut profonde
le fait rapporté le 25 juillet devant l'Assemblée nationale; l'enquête
générale ordonnée ne donna que d'insuffisantes explications sur
les causes de cet effroyable accident de sinistres rumeurs continuèrent
à circuler, et l'impunité de ce qu'on pouvait considérer comme un
crime, envenimant les haines de caste, entraina de sévères représailles
contre plusieurs citoyens des environs.
Dans les derniers jours
de 1813, la Franche-Comté fut envahie par la redoutable armée du
prince de Schwarzenberg; son aile droite descendit des Vosges sur
Vesoul, qui ne pouvait résister les souverains de Prusse, d'Autriche
et de Russie y eurent pendant quelque temps leur quartier général.
Vesoul a consacré les longues années de paix qui suivirent au développement
de son commerce et de son industrie, sans renoncer cependant au
culte de la littérature et des beaux-arts, qui est traditionnel
dans son intelligente population ; mais la funeste guerre franco-allemande
de 1870 1871 lui réservait de nouvelles épreuves. Le 19 octobre
1870, le général allemand de Werder atteint le chef-lieu de la et
l'occupation par Ies troupes ennemies ne cesse qu'après le traité
de Francfort. Cette ville est située sur le Durgeon, dans un bassin
d'une grande fertilité, où coulent deux petites rivières, la Colombine
et l'Échenoz, qui y réunissent leurs eaux, et dont les limites sont
dessinées par une ceinture de collines peu élevées sur lesquelles
s'étagent de riches vignobles. Elle est dominée par une montagne
conique de 215 mètres de hauteur qu'on nomme la Motte de Vesoul,
et que couronne une statue de la Vierge ; les flancs de celle montagne,
quoique escarpés, sont cependant couverts de vignes et de pâturages.
De son sommet, le regard embrasse un panorama aussi vaste qu'intéressant.
La Lettre du Promeneur
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