Histoire de l'Aveyron
Avant la conquête romaine, le
Rouergue, aujourd'hui le département de l'Aveyron, était
habité par les Rutheni, ainsi appelés de leur idole
Ruth, sorte de Vénus celtique dont le culte subsistait
encore au Vème siècle de notre ère.
Nation
puissante, les Ruthènes avaient trois cités principales
Segodun, en langue celtique Montagne à seigle, aujourd’hui
Rodez ; Condatemag, ville du confluent, le quartier
d'Embarri, près de Millau), et Carentomag la ville des
parents qui porte maintenant le nom Caranton. Sur tous
ces points on a découvert des ossements, des monnaies,
des médailles, des poteries et d'autres objets d'art
et d'industrie qui semblent confirmer la position de
ces trois cités gauloises.
Voisins et alliés des
Arvernes, les Ruthènes les suivirent dans leurs expéditions
au-delà des Alpes et combattirent dans leurs rangs pour
l'indépendance nationale. Betultich ou Bituit, chef
des Arvernes, comptait dans son armée vingt-deux mille
archers ruthènes, lorsque, joint aux Allobroges, il
marcha contre le consul Quintus Fabius Maximus et lui
livra bataille au confluent du Rhône et de l'Isère,
l'an 121 avant notre ère. On sait que l'armée confédérée
fut vaincue et qu'une partie du pays des Ruthènes se
trouva comprise, sous le nom de Rathènes provinciaux,
dans la Provincia romana, qui s'étendit jusqu'au Tarn.
On appela Ruthènes indépendants ceux qui habitaient
sur la rive gauche de cette rivière ; mais ces derniers
ne tardèrent pas à subir le sort de leurs frères. Ayant
pris part à l'héroïque révolte de Vercingétorix contre
César, ils furent vaincus et soumis. Dès lors comme
le reste de la Gaule, tout le pays dés Ruthènes rentra
sous la domination romaine.
Dans la division des
Gaules par Auguste, il fut compris dans l'Aquitaine,
et dans l'Aquitaine première sous Valentinien. Rome
y établit des colonies, y bâtit des temples, des cirques,
des aqueducs ; des voies publiques sillonnèrent le pays
dans tous les sens.
Au Vème siècle, on
y parlait la langue latine. Ce fut, dit-on, saint Martial
qui, le premier, vint prêcher l'Évangile aux Ruthènes,
en l'an 250. Au IVème siècle, les chrétiens
étaient déjà nombreux dans le Rouergue. Cependant, au
Vème siècle, Ruth, la divinité celtique,
y était encore adorée. Saint Amans entreprit de convertir
ce peuple. « Un jour que celui-ci sacrifiait à Ruth,
dit un historien, Amans apparut et il lui reprocha son
impiété et ses excès mais, voyant qu'au lieu de se rendre
aux efforts de son zèle il entrait en fureur contre
lui, il invoqua le Seigneur, et tout à coup d'épaisses
nuées s'amoncèlent, le tonnerre gronde, éclate, et l'odieux
simulacre tombe en pièces. » A cette vue, les Ruthènes
se jettent aux pieds du saint et demandent le baptême.
Cependant, en rendant aux Gaulois leurs droits politiques,
l'empereur Honorius leur avait imposé des contributions
exorbitantes. Amans racheta les Ruthènes de ce tribut.
Cette, sollicitude acheva de lui gagner les cœurs. Pendant
les guerres de l'empire, le Rouergue changea souvent
de maitre il appartint successivement aux Wisigoths
en 472 ; aux Francs en 507 encore Wisigoths aux en 512
aux rois d'Austrasie en 533 ; en 588 aux ducs d'Aquitaine,
qui en furent dépouillés par Pupin le Bref en 768. Charlemagne
l'incorpora en 778 au royaume d'Aquitaine et y établit
des comtes qui, d'abord viagers, s'érigèrent ; dans
la suite en seigneurs héréditaires de leur comté.
Vers le milieu du IXème siècle, Charles
le Chauve confirma les comtes de Rouergue dans leurs
possessions et y ajouta le comté de Toulouse qu'il détacha
du duché d'Aquitaine. A la mort de Hugues, onzième comte
de Rouergue en 1053, Berthe, sa fille, se vit disputer
son héritage par Guillaume, comte de Toulouse, et son
frère Raymond de Saint-Gilles. On prit les armes ; mais
Berthe étant morte en 1065, les deux frères se tournèrent
l'un contre l'autre. Après quinze ans de luttes, ils
convinrent que Guillaume aurait le comté de Toulouse
et Raymond celui de Rouergue, dont il avait pris le
titre à la mort de Berthe. Raymond succéda à son frère
dans son comté, et le Rouergue devint l'apanage des
fils puinés des comtes de Toulouse. Raymond mourut en
Palestine, laissant un fils en bas âge, Alphonse Jourdain.
Alors des prétentions éclatèrent.
Bérenger d'Aragon, comte de Barcelone, vicomte de Millau,
et Guillaume, comte de Poitiers, profitant de la minorité
d'Alphonse, entrèrent à main armée dans ses États. Trop
faible pour résister, Alphonse se retira en Provence
et ne reconquit ses deux comtés qu'en 1120. Jeanne,
unique héritière de cette maison et femme d'Alphonse,
comte de Poitiers, étant morte sans postérité, le Rouergue
revint à la couronne en 1271.
Cependant, Raymond
de Saint-Gilles, en partant pour la croisade, avait
engagé à Richard, fils puîné du vicomte de Millau, la
partie de la ville de Rodez appelée le Bourg et quelques
châteaux. De là l'origine du comté de Rodez. Hugues
1er et Henri 1er, successeurs de Richard, protégèrent
la poésie provençale. Henri Il n'ayant pas laissé d'enfants
mâles, en lui s'éteignit la première race des comtes
de Rodez.
Ce comté passa à Bernard. VI, comte d'Armagnac,
par son mariage avec Cécile, l'une des filles de Henri
II. Cécile, à la mort de son père, avait pris le titre
de comtesse de Rodez ; il lui fut disputé par ses sœurs.
Après avoir fait le bonheur de ses vassaux par ses sages
lois, Cécile mourut en 1313, laissant pour héritier
Jean, son fils, qui unit les comtés d'Armagnac et de
Rodez. Jean 1er, dit le Bon, avait épousé en premières
noces Reine de Goth, petite-nièce du pape Clément V.
Après la mort de celle-ci, il se remaria avec Béatrix
de Clermont, comtesse de Charolais, princesse du sang
de France. Ce mariage fut l'une des principales causes
de la puissance des comtes d'Armagnac, puisqu'elle les
éleva au rang de seigneurs du sang de France. Jean se
distingua dans les guerres de son temps, sous les règnes
de Philippe de Valois et du roi Jean. Jean II, le Gras,
surnommé aussi le Bossu, fils de Jean 1er et de Béatrix
de Clermont, employa la plus grande partie de son règne
à délivrer le Rouergue des compagnies anglaises qui
le désolaient. Il mourut en 1384, à Avignon, d'où son
corps fut transporté dans l'église cathédrale d'Auch.
Il laissa de son épouse, Jeanne de Périgord, deux fils,
Jean et Bernard, qui lui succédèrent, et une fille,
Béatrix, qui fut mariée en secondes noces à Barnabé
Visconti, seigneur de Milan. Jean III, lieutenant général
des armées du roi en Languedoc, parvint à chasser, en
1387, les routiers du Rouergue. Ayant voulu donner du
secours aux Florentins contre Galéas Visconti, duc de
Milan, il fut blessé dans cette campagne, et il mourut
peu de temps après de ses blessures.
Bernard le fameux connétable,
fut massacré à Paris en 1418. C'était un grand capitaine
et un homme de génie ; mais son excessive fierté, son
inflexibilité, son despotisme, défauts héréditaires
dans sa famille, le perdirent. On a conservé de lui
un mot qui le peint tout entier. Ses officiers étant
venus lui dire que le peuple de Rodez était au moment
de se mutiner « Se ley dabale! » ( Si j'y descends
) fut sa réponse. -Ce laconisme menaçant a quelque chose
de sublime, a dit M. le baron de Gaujal; c'est le
Quos ego de Virgile. Bernard avait tout ce qu'il
fallait pour être le bienfaiteur de sa patrie ; mais
il mit dans sa conduite trop de raideur, dans ses mesures
trop de négligence ; il ne fit qu'aggraver des maux
qu'il aurait pu guérir.
Jean IV fut l'héritier et
le successeur de Bernard, son père, non seulement dans
les comtés de Rodez et d'Armagnac, mais encore dans
tous ses autres domaines qui étaient immenses. Il habitait
le Languedoc où il était lieutenant pour son père dans
le temps que celui-ci était occupé à faire la guerre
au duc de Bourgogne ; mais dès qu'il eut appris sa fin
tragique il se retira en Rouergue où il tâcha de se
concilier, par ses bienfaits, la bienveillance de ses
vassaux. Bien qu'il y vécût retiré, ses ennemis l'accusèrent
de plusieurs griefs auprès du roi Charles VII, qui lui
déclara la guerre en 1444 et confia le commandement
de son armée au dauphin, plus tard Louis XI. Ce prince
entra en campagne, assiégea Entraygues, puis Rodez et
Sévérac-le-Château et soumit enfin toutes les places
du comté.
Ayant fait sa paix avec le roi, Jean mourut
en 1450, au château de l'Ile-en, Jourdain. Jean V, son
fils et successeur, s'attira, par sa vie scandaleuse,
l'indignation du roi Charles VII, à qui, d'ailleurs,
il faisait ombrage à cause de sa puissance et de ses
richesses. Il se rendit coupable de trahison envers
le roi Louis XI, qui lui déclara la guerre. Poursuivi
dans toutes ses retraites, Jean s'enferma dans Lectoure
et y soutint un long siège ; mais la ville capitula,
et le comte fut massacré dans son château avec tous
ses enfants. C'est au château de Busset et non dans
celui de Castelnau-de-Bretenoux, comme plusieurs font
écrit, que sa veuve reçut de trois empoisonneurs, le
seigneur de Castelnau, Olivier le Roux et Guiraudon,
le breuvage destiné à frapper dans ses flancs l'enfant
dont elle devait être mère. Charles, dernier comte du
nom d'Armagnac succéda en 1484 à Jean V, son frère,
mais seulement pour le domaine utile. Il mourut en 1497,
laissant pour seul héritier Charles d'Alençon son petit-neveu
qui épousa Marguerite de Valois, sœur de François 1er,
substituée aux droits du roi sur les biens de la maison
d'Armagnac. Il mourut en 1525, sans postérité.
Henri III d'Albret, roi de Navarre,
qui avait des prétentions à la succession de la maison
d'Armagnac comme descendant d'Anne d'Armagnac, fille
du connétable Bernard et Marguerite de Valois, veuve
du duc d'Alençon, confondirent leurs droits en se mariant
en 1526. Ils furent couronnés l'un et l'autre dans la
cathédrale de Rodez, le 16 juillet 1535, par l'évêque
Georges d'Armagnac. Jeanne d'Albret, leur fille unique
et femme d’Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, fut reine
de Navarre et comtesse de Rodez en 1555. Henri de Bourbon,
son fils, lui succéda en 1572. Devenu roi de France
sous le nom de Henri IV, il réunit à la couronne le
comté de Rodez et tous les biens des d'Armagnac.
Ainsi finit la seconde race des comtes de Rodez. Riches
et puissants, ils jouissaient des droits régaliens,
avec pouvoir de faire battre monnaie, de lever l'impôt,
de créer des sergents, etc. À leur avènement au comté,
ils étaient couronnés par l'évêque de Rodez, assisté
du dom d'Aubrac et des abbés de Bonneval, de Bonnecombe,
de Loc-Dieu et de Beaulieu. Outre les quatre châtellenies,
qu'ils regardaient comme les clefs de la province, ils
possédaient dans le Rouergue près de vingt-quatre châteaux
et un grand nombre de fiefs parmi lesquels deux vicomtés,
Peyrebrune et Cadars, et douze baronnies Landorre, Estaing,
Castelpers, Panat, Verdun, Miramont, Aurelle, Sévérac-le-Château,
Calmont-de-Plancatge, Calmont-d'Olt et Brusque. Un sénéchal,
un juge de la comté, un juge des montagnes, quatre châtelains
et un juge d'appeaux y rendaient la justice en leur
nom. On sait la part que les comtes de Rouergue prirent
aux croisades. À l'exemple de leurs suzerains, les comtes
de Rodez, Hugues 1er, Henri 1er, Hugues IV se firent
les chevaliers de la croix.
Presque toute la noblesse du Rouergue se rangea sous leur bannière. Déjà, à la fin du XIème siècle, plusieurs seigneurs de ce pays avaient aboli la servitude dans leurs terres. D'après les chartes ou coutumes et privilèges octroyés par les comtes de Rouergue et de Rodez ou par d'autres seigneurs « on voit, dit AI. Bousquet dans l'ouvrage «Abrégé de l’Histoire de l’Aveyron », que dès les XII et XIIIème siècles les grands principes sur lesquels reposent les droits des citoyens n'étaient alors ni inconnus ni méprisés dans le Rouergue. Ce n'est pas, il est vrai, un système complet de législation mais on trouve dans ces essais la faculté de changer à son gré de domicile, reconnue; l'égalité des hommes devant la loi, proclamée; la liberté individuelle, garantie, à moins d'un délit emportant punition corporelle; l'abolition des impôts arbitraires; la fixation des contributions légitimes et l'impossibilité, du moins pour le comte de Rodez, de les augmenter en les déguisant sous le nom d'emprunts; l'engagement contracté, même par ce seigneur, de réparer les violences commises, ou par lui-même ou en son nom; le pouvoir de disposer des biens meubles ou immeubles, assuré; des peines rigoureuses prononcées contre le vol, les injures, l'homicide, l'incendie, etc.; le droit d'élire les officiers municipaux, attribué à ceux qui venaient d'en remplir les fonctions ou aux communes elles-mêmes; d'utiles règlements relatifs à la police urbaine et rurale; l'inspection régulière des marchés, des boucheries, etc., ordonnée; l'établissement des gardes champêtres, sous le nom de banniers; la surveillance de la fabrication des produits industriels, prescrite; enfin une protection spéciale accordée aux étrangers venant habiter leurs villes ou se rendant aux foires et aux marchés, etc. » A peine délivré des invasions, le Rouergue eut à souffrir des guerres féodales. « Ces guerres privées, dit A. Monteil, ne se faisaient pas avec les formes des siècles civilisés. Au lieu des lettres de défiance, les seigneurs s'envoyaient, par des hérauts, des pailles rompues ; quelquefois par marque de mépris ils s'envoyaient aussi de vieilles chausses tout usées. Alors, on s'égorgeait, on brûlait, on ravageait sans merci. » Aux guerres féodales succéda la guerre des Anglais en 1163. Ce sont les plus belles pages de l'histoire du Rouergue. À peine les Anglais se furent-ils emparés du château de Peyrusse, les habitants de cette ville, ayant à leur tête Cornely et Médicis, leurs compatriotes, les en chassèrent et remirent cette place au comte de Rodez, Hugues II, qui dans toute cette campagne se couvrit de gloire et conquit le titre de Père de la patrie (1163-i169). Plus tard, cependant, les Anglais reparurent dans ce pays et s'y rendirent maitres de Saint-Antonin.
À l'exemple de leurs ancêtres,
les habitants se mirent en devoir de résister à l'ennemi
« Ils s'empressèrent, dit Bose, de réparer leurs
murailles ou d'en construire de nouvelles. » Peine
inutile ! Après le désastre de Poitiers, ils se virent
livrés au vainqueur par le traité dc Brétigny. Pendant
sept ans, ils subirent le joug anglais mais l'amour
de l'indépendance qui avait armé les vieux Ruthènes
contre les Romains respirait encore dans l'âme de leurs
fils. A la voix de Béranger de Nattes, ils se lèvent
contre leurs oppresseurs. « Seigneurs et vassaux, bourgeois
et manants, tout s'anime, dit M. Bousquet, tout combat
pour son pays. On vit même les moines de Bonnecombe
incendier le fort de Bonnefont plutôt que de le laisser
au pouvoir des Anglais qui à la fin de 1369, ne possédaient
que Najac et le château de La Roque-Valsergue.
La
ville ne tarda pas à leur être enlevée, et Du Guesclin
les chassa de La Roque-Valsergue en 1371.
Vinrent
les guerres religieuses du XVIème siècle.
Déjà dans la croisade contre les Albigeois, le Rouergue
avait vu la plupart de ses villes, entre autres Millau,
Saint-Antonin, Mur-de-Barrez, Laguiole et Sévérac, ravagées
par Simon de Montfort (1208- 1214). Ces mêmes villes
furent les premières à se déclarer pour la Réforme dans
le Rouergue. Bientôt il y eut des églises réformées
à Espalion, à Villefranche, à Saint-Affrique, à Villeneuve,
à Peyrusse, à Compeyre, à Saint-Léons, etc. Puis, la
persécution s'en mêlant, les protestants prirent les
armes. De là une longue et sanglante guerre que les
fureurs de la Ligue menaçaient de perpétuel' dans ce
pays, et dans laquelle périrent plus de dix-huit mille
protestants ou catholiques, sans compter les églises
qui furent pillées et dévastées, les villes et les villages
saccagés ou détruits.
À l'avènement de Henri IV, ce
pays retrouva enfin la tranquillité. Sous le règne des
comtes de Rouergue et de Rodez, la justice y était administrée
en leur nom par des vicaires ou viguiers. Après la réunion
de ce pays à la couronne, il y eut des bailliages on
en comptait seize en 1349. C'étaient : Peyrusse, Roquecézière,
Najac,.Villeneuve, La Hoque-Valsergue, Laguiole, Sauveterre,
Saint-Geniez-d'Olt, Saint- Rome-de-Tarn, Verfeil, Saint-Affrique,
Saint-Antonin, Cassagnes-Royaux, Millau, Compeyre et
Villefranche.
Le Rouergue avait ses états qui s'assemblaient
régulièrement tous les ans. Aux seuls comtes de Rouergue
appartenait le droit de les convoquer. Après eux, les
comtes de Rodez et les rois qui leur succédèrent jouirent
de ce privilège. Dans l'origine, les états s'assemblaient
à Rodez. Plus tard, il se tinrent successivement à Millau,
à Sauveterre, à Salles-Comtaux et à Villefranche. Outre
la noblesse et le clergé, les consuls des villes et
ceux des bourgs et des gros villages avaient le droit
d'y siéger. C'est l'évêque de Rodez qui présidait. Supprimés
en 1606, puis rétablis en 1611, supprimés une seconde
fois en 1651, ils ne furent plus rétablis. On leur substitua
les élections.
Avant 1789, le Rouergue était divisé
en comté (chef-lieu, Rodez) et en deux Marches la haute
(chef-lieu, Millau) et la basse (chef-lieu, Villefranche).
Réuni au Quercy en 1779, il forma la province de Haute-Guyenne
où fut établie une administration provinciale composée
de cinquante-deux membres, savoir l'évêque de Rodez,
président les évêques de Cahors, de Vabres et de Montauban,
six membres du clergé ; seize gentilshommes, treize
députés des villes et treize députés des campagnes.
Il y avait ; en outre, deux procureurs généraux syndics
et un secrétaire archiviste. Cette assemblée se réunissait
tous les deux ans à Villefranche ; elle était chargée
de répartir les contributions et d'en faire la levée,
de veiller sur les ateliers de charité, etc. On se souvient
encore dans le Rouergue de ses efforts et des règlements
qu'elle fit pour améliorer l'agriculture et l'industrie.
Rudes dans le nord du département, les mœurs des habitants
sont douces dans le midi.
Le Rouergue
Le département de l'Aveyron reprend
pratiquement les mêmes limites que la province du Rouergue
dont il est issu il est donc normale de confondre les
deux histoire.
Après avoir fait partie de la province
romaine d'Aquitaine première, le Rouergue fut détaché
par Charles le Chauve du duché d'Aquitaine et érigé
en comté. Les comtes de Rouergue prirent par possession
de Toulouse en 852 et fondèrent la Maison de Toulouse.
Tandis que les ainés devenaient comtes de Toulouse,
la branche cadette des Rouergue conserva le Comté de
Rouergue. À la mort de la comtesse Jeanne de Toulouse,
fille du dernier comte de Toulouse Raymond VII et épouse
d'Alphonse de Poitiers, frère de saint Louis de France,
le Rouergue fut incorporé à la couronne de France. L'arrivée
des Capétiens provoqua l'abandon de la vieille sénéchaussée
de Najac, fidèle à la dynastie raymondine, au profit
d'une ville nouvelle : Villefranche-de-Rouergue. La
capitale de la province ne fut transférée à Rodez, plus
centrale, qu'à la Révolution.
Cependant, une partie
du Rouergue, qui avait été laissée en gage par le comte
de Toulouse Raymond de Saint-Gilles au vicomte de Millau
avant de partir à la croisade, fut à l'origine du comté
de Rodez qui passa aux Armagnac et qui ne fut définitivement
rattaché à la couronne que sous Henri IV, dernier comte
de Rodez.
Rodez
Les comtes de Rodez jouissaient des droits régaliens, avec pouvoir de faire battre monnaie, de lever l'impôt, de créer des sergents, etc. À leur avènement au comté, ils étaient couronnés par l'évêque de Rodez, assisté du dom d'Aubrac et des abbés de Bonneval, de Bonnecombe, de Loc-Dieu et de Beaulieu. Outre les quatre châtellenies, qu'ils regardaient comme les clefs de la province, ils possédaient dans le Rouergue près de vingt-quatre châteaux et un grand nombre de fiefs parmi lesquels deux vicomtés, Peyrebrune et Cadars, et douze baronnies : Landorre, Estaing, Castelpers, Panat, Verdun-sur-Garonne, Aliramont, Aurelle, Sévérac-le-Château, Calmont-de-Plancatge, Calmont d'Olt et Brusque. Un sénéchal, un juge de la comté, un juge des montagnes, quatre châtelains et un juge d'appeaux y rendaient la justice en leur nom. Le Rouergue avait ses États qui s'assemblaient régulièrement tous les ans. Aux seuls comtes de Rouergue appartenait le droit de les convoquer. Après eux, les comtes de Rodez et les rois qui leur succédèrent jouirent de ce privilège1. À l'origine, les États s'assemblaient à Rodez. Plus tard, il se tinrent successivement à Millau, à Sauveterre, à Salles-Comtaux et à Villefranche. Outre la noblesse et le clergé, les consuls des villes et ceux des bourgs et des gros villages avaient le droit d'y siéger. C'est l'évêque de Rodez qui présidait. Supprimés en 1606, puis rétablis en 1611, supprimés une seconde fois en 1651, ils ne furent plus rétablis. On leur substitua les élections.
Millau
La ville est née, il y a près de 3000 ans, sur les hauteurs de la Granède, avant de descendre, vers le IIème av. J.-C., sur la rive gauche du Tarn dans la plaine alluviale du confluent qui va lui donner son nom gaulois : Condatomagus (condato signifie confluent et magots, le marché). La cité devient un centre important de fabrication de céramique de luxe sigillée dit de la Graufesenque qui était exportée dans tout l'Empire romain. Et puis, vers le milieu du IIème siècle, le commerce s'effondre à cause de la concurrence de nouveaux centres de production et Condatomagos périclite. Avec les invasions barbares des IVème ‑ Vème siècle, la ville s’installe définitivement sur l’autre rive du Tarn, à l’intérieur d’une boucle de la rivière. Elle changera de nom à cette occasion pour devenir Amiliavum, qui deviendra Amilhau, puis Milhau en Rouergat ou Millau en Français. Au IXème siècle, la ville est un gros bourg qui devient le siège d’une viguerie et déjà le centre du gant d'agneau. Elle s’entoure alors de remparts. Au Xème ‑ XIème siècle c'est la naissance de la vicomté de Millau. Dès le XI ème siècle la cité passe successivement sous domination des comtes de Provence, de Barcelone puis des rois d'Aragon avec en 1112 le mariage de la fille du vicomte de Millau et de Béranger III, futur Roi d’Aragon. En 1187, le Roi d’Aragon lui concède le sceau et la liberté communale par charte consulaire.
Le consulat ainsi créé, est chargé
d’administrer la ville, de lever l’impôt et d’appliquer
la justice. En 1271, Millau passe à la couronne des
rois de France. En 1361, au cours de la guerre de Cent
Ans, la ville passe sous domination anglaise. Le retour
à la paix au XVème siècle donne à la ville
un nouvel élan. C'est Louis XI qui rattache Millau à
la couronne en 1476 par ses lettres patentes. Ville
de foires et drapante, Millau se développe au XVIème
siècle avec la croissance économique. Elle passe de
3500 habitants en 1515 à 5500 habitants en 1547. Les
prémisses de la Réforme atteignent Millau dès le milieu
du XVIème siècle, faisant rapidement de la
ville une place forte protestante. La ville accueillit
notamment plusieurs assemblées politiques de huguenots
notamment en 1573 et 1574, qui marquèrent la création
des Provinces de l'Union. Durant, un siècle les protestants
vont dominer politiquement et économiquement Millau.
La révocation de l'Édit de Nantes en 1685 contraint
les notables protestants à l'exil, ce qui désorganisa
l'industrie gantière.
Capitale de la ganterie, Millau
couvre la main de l'homme depuis le Moyen âge. Introduisant
leurs travaux, les consuls de la ville prêtaient ainsi
serment : "Nous, consuls de la ville, tous gantés, ...".
Millau est aujourd'hui le site où s'est construit le
plus haut viaduc du monde qui surplombe la vallée du
Tarn à plus de 340 mètres de hauteur.
Villefranche de Rouergue
Les bases d'un premier établissement
furent jetées sur la rive gauche de l'Aveyron en 1099
par Raymond IV de Saint-Gilles, à l'emplacement de gites
métallifères exploités depuis l'Antiquité2. Le seul
lieu de culte consistait en une chapelle antérieure
nommée Saint-Carpil - actuellement Saint-Jean d'Aigremont
au sommet de la colline appelé aujourd'hui « le Calvaire
». Lorsque les Capétiens prirent le pouvoir sur le comté
de Toulouse par le mariage d'Alphonse de Poitiers avec
l'héritière du comté Jeanne de Toulouse, fille du dernier
comte Raymond VII, l'ancienne capitale administrative
du Rouergue, Najac, siège de la sénéchaussée de Rouergue,
fut jugée trop fidèle à l'ancienne dynastie raymondine.
Alphonse de Poitiers décida de créer ex-nihilo une ville
nouvelle sur la rive droite à quelques kilomètres de
là et d'y transférer le siège de son administration,
afin de casser les anciennes allégeances. Il fonda donc
Villefranche-de-Rouergue en 1252 dotée de franchises
et d'exemptions fiscales pour assurer le succès de l'entreprise,
d'où le nom de la ville.
Lieux à découvrir
La Couvertoirade, La Cavalerie,
Sainte Eulalie de Cernon, L’Hospitalet du Larzac, Viala
du Pas de Jaux, Saint Jean d’Alcas, sont de charmants
bourgs qui ont tous la même particularité. Ce sont tous
des anciennes commanderies de l’Ordre des Templiers
et des Hospitaliers. Après la dissolution de l'ordre
de Templiers, leurs biens furent remis aux Hospitaliers
qui en eurent la jouissance jusqu'à la Révolution de
1789.
Terre de nombreux châteaux, nous n'en citerons
que quelques uns : le Château de Peyrelade, vestiges
d'une puissante forteresse médiévale située à l'entrée
des gorges du Tarn; le Château de Séverac et la cité
fortifiée du même nom; le Château de Vallon, ancienne
forteresse dominant les gorges de la Truyère et occupée
par les Routiers lors de la guerre de 100 ans qui s'en
servirent de base pour piller et rançonner la contrée;
le Forteresse de Najac, résidence royale des Comtes
de Toulouse; Estaing le château et bien d'autres encore
que je vous laisse découvrir
Requefort sur Soulzon
On ne peut pas passer sous silence,
l'un des lieux où s'élabore l'un des fromages qui fait
partie de la grande gastronomie française : le Roquefort.
La légende racconte qu'un berger de jadis, préférant
courir les femmes plutôt que de s'occuper de ses brebis,
aurait, en partant à la poursuite d'une belle, oublié
dans une grotte son casse-croute composé de pain et
de fromage frais de brebis. N'ayant pu retrouver celle
qu'il cherchait, il rentra à sa grotte quelque temps
plus tard et retrouva son morceau de pain : le Penicillium
roquefort avait fait son œuvre, transformant le fromage
en roquefort.
C'est au cœur de ses falaises calcaires
que se sont développées les fleurines : ces fissures
qui permettent à l'air frais et humide de circuler.
Le sentier des échelles sur le plateau du Combalou offre
de formidables points de vue sur les Causses environnants.
Cité par Pline l'Ancien, sacré roi des fromages par
Diderot et d'Alembert au XVIIIème siècle,
le roquefort était déjà particulièrement apprécié par
Rabelais, Casanova et Voltaire.
C'est en 1660 que
Charles VI octroya aux habitants du village de Roquefort-sur-Soulzon
le droit et l'exclusivité de produire, d'affiner et
de vendre leur fromage en échange de l'entretien de
son château. Depuis, les 2 kilomètres de galeries souterraines
qui sillonnent le petit village aveyronnais ne désemplissent
pas de roqueforts... et de visiteurs. Scahez également
que les bois de chêne meublant et servant de support
pour l'affinage du Roquefort sont remplacés tous les
cent ans, et à Laguiole ont utilise ce bois pour faire
les manches de certains couteaux. Le nom de Laguilole
est aussi le nom d'un fromage et c'est avec ce même
fromage que l'on prépare l'Aligot.