Histoire des Côtes d'Armor
Au début des années 1950, le nom Côtes-du-Nord
étant jugé dévalorisant et incorrect géographiquement, le délégué
hôtelier du département propose un premier référendum demandant
aux personnalités des Côtes-du-Nord de donner un avis sur un
changement de nom et sur les différentes propositions alors
émises, parmi lesquelles Penthièvre, Côtes-d’Armor, Haute-Bretagne
(ce nom sera également souhaité par le département d’Ille-et-Vilaine
50 ans plus tard) ou encore Rance et Trégor. En 1962, le Conseil
Général émet un avis favorable, pour Côtes d'Armor, signifiant
« côtes du pays de la mer » en français-breton. Le 27 février
1990, le département change officiellement de nom, près de trente
ans après l'avis favorable du Conseil Général.
Le département
des Côtes-du-Nord occupe, avec celui du Morbihan, le milieu
de la péninsule armoricaine, dont les départements d'Ille-et-Vilaine
et du Finistère forment les extrémités. Il doit à cette situation
la variété de caractères qui le distingue et qui peut permettre
de le diviser en trois régions différentes le pays de Saint-Brieuc
appartient à la haute Bretagne, celui de Lannion et de Tréguier
à la basse, et l'on donne le nom de Bretagne moyenne au pays
qui environne Dinan. A mesure qu'on traverse le département
de l'est à l'ouest, on sent que l'on approche du Finistère ;
on le reconnait à l'extérieur des habitants, à leurs mœurs,
à leur langage
Suivant les expressions de M. Pitre-Chevalier,
une ligne tracée de l'embouchure de la Vilaine à Châtelaudren
(entre Saint-Brieuc et Guingamp) peut être considérée comme
la muraille chinoise de l'idiome breton, et les brèches faites
à ce rempart par le commerce et la civilisation n'ont guère
enlevé au vieux langage que les villes, les ports et les endroits
fréquentés de la côte.
La circonscription départementale
des Côtes-du- Nord n'a donc d'autre unité que l'unité administrative.
Aux temps les plus anciens, avant l'occupation romaine, plusieurs
peuples s'en partageaient le territoire. C'étaient les Curiosolites,
les Lexobiens, les Ambiliates, les Osismiens. Les Curiosolites
avaient pour capitale une ville qui conservé la trace de leur
nom dans le sien c'est Corseul.
Le domaine des Curiosolites
s'étendait, selon d'Anville, jusqu'au pays d'Yffiniac, dont
le nom aurait la même signification que ce terme latin ad finés,
employé si souvent par les anciens géographes pour marquer des
bornes et des limites.
Les antiquités mégalithiques sont moins
nombreuses dans le département des Côtes-du-Nord que dans ceux
du Finistère et du Morbihan. Néanmoins, on y rencontre aussi
des peulvens, des dolmens, des pierres branlantes, dont la plus
remarquable est celle de l'île de Bréhat, et des tumuli, parmi
lesquels on cite celui de Lancerf. L'époque romaine a laissé
plus de traces. Les Osismiens, les Curiosolites prirent leur
part à la résistance générale de l'Armorique, et succombèrent
dans la défaite commune. Incorporé dans l'empire romain, leur
territoire fit partie de la troisième Lyonnaise.
En revanche,
ils eurent des édifices, des voies romaines. La disposition
de ces voies, telle qu'on peut l'observer par leurs débris,
indique clairement que Corseul fut considérée, sous l'empire
romain aussi bien qu'auparavant, comme le centre de la contrée
c'est de ce point qu'elles rayonnent dans des directions différentes.
L'une se dirigeait vers Vannes et traversait les étangs de Jugon.
Elle n'avait pas moins de 20 ou 24 pieds de largeur et était
élevée de 4 ou 5 pieds au-dessus du sol environnant. Une autre
conduisait à Quintin. Deux autres, enfin, à Dinan et à Dinart.
D'autres souvenirs romains se rencontrent à Pordic, où l'on
montre un camp de César, de forme triangulaire, situé sur de
hautes falaises et flanqué, d'un côté, par la mer, de l'autre,
par un profond vallon où coule la rivière d'Ik. A l'un des angles
se voient les ruines d'une tour. Quoique César ne paraisse pas
avoir passé en personne par le pays qui nous occupe, néanmoins
il est fort possible, comme on l'a conjecturé, que son lieutenant
Titurius Sabinus, qu'il envoya avec trois légions pour tenir
en respect les Curiosolites et les Lexobiens, ait pris un campement
dans le lieu auquel s'est attaché, par la suite, le nom immortel
du conquérant.
C'est avec moins de vraisemblance qu'on a
prétendu voir dans la petite ville de Binic le Portus Iccius,
où César s'embarqua pour passer dans la Grande-Bretagne, et
que l'on place aujourd'hui, sans contestation, à Wissant, dans
le département du Pas-de-Calais. On ne saurait nier, du reste,
que Binic n'ait eu jadis une importance qu'elle a perdue depuis.
À deux reprises, en 1808 et en 1824, la mer a laissé à découvert
les ruines d'un vaste édifice, qui semblait sortir des flots
pour en faire foi. Cet édifice avait 80 pieds de longueur sur
40 de largeur, et ses murs, que quelques savants croient de
construction antique, recélaient 200 médailles d'empereurs romains
et des pièces espagnoles à l'effigie de Charles- Quint. Corseul,
Erquy nous ramèneront encore à l'époque romaine.
C'est sur
ce rivage, où nous venons de signaler des débris de la puissance
romaine, que mirent le pied les Bretons insulaires fugitifs
qui vinrent s'établir, au IVème et au Vème
siècle, dans l'Armorique. L'un d'eux, du nom de Fracan ou Fragan,
qui faisait partie de la suite de Conan dit Mériadec, s'arrêta
en 418 sur les bords du Gouët, petite rivière du département,
dont le nom tragique sembie cacher quelque mystérieuse horreur
des temps inconnus à l'histoire. Gouët ou Gouat, en effet, dans
la langue celtique veut dire sang, et le pays arrosé par cette
rivière s'appelle Gouetlod ou Gouello (Goëllo), c'est-à-dire
Pays du sang. C'est donc dans des lieux que s'établit Fragan
avec ses compagnons, et l'endroit qu'il choisit pour sa résidence
porte encore aujourd'hui le nom de Ploufragan, peuple de Fragan,
plou ou plé ayant cette signification dans la langue bretonne.
Ce lieu et ce personnage intéressent toute la Bretagne,
qui leur doit un de ses saints les plus vénérés, le fameux saint
Guignolé.
C'est là, en effet, que Guen, femme de
Fragan, mit au monde trois fils et une fille, qui eurent tous
l'insigne honneur d'être inscrits au catalogue des saints. Les
fils avaient nom Guignolé, Jacut et Guétenoc; la fille, Creirvie.
Mis fort jeune sous la conduite d'un saint homme appelé Ludoc,
Guignolé y fit les progrès les plus rapides dans les voies de
la sainteté, et, à son tour, eut des disciples. Sa renommée
le fit choisir par le roi Gradlon pour diriger le fameux monastère
de Landevenec, que ce prince venait de fonder. Saint Guignolé
y établit une règle austère, qui paraît être la même que celle
suivie à cette époque en Angleterre, en Écosse et en Irlande.
Saint Jacut, frère de Guignolé, fonda de son côté un monastère
qui porta son nom. Ce sont les deux plus anciens qui aient été
fondés en Bretagne. Nous parlerons ailleurs d'Audren, chef puissant,
qui résida dans la contrée vers la fin du Vème siècle.
Vers la même époque se fondaient le monastère et la ville de
Saint-Brieuc. Les autres chefs du pays qui se succédèrent vers
ce temps nous apparaissent dans les légendes et les romans comme
les compagnons de gloire d'Arthur et de Hoël le Grand. Quelquefois
ils portaient le titre de roi, et l'on vit souvent les prétendants
à la couronne de Bretagne obligés de traiter avec eux.
A
la mort du roi Salomon survenue en 874, les comtes de Goëllo,
se prétendant issus des anciens souverains de Bretagne, prirent
les armes pour soutenir leurs prétentions ; mais ils échouèrent,
et la victoire demeura aux comtes de Vannes, leurs concurrents.
Un peu plus tard en 939, on vit l’un d'eux contribuer puissamment
au gain de la bataille livrée aux Normands près de Saint- Brieuc
par Alain Barbe-Torte.
C'étaient de puissants seigneurs qui
gouvernaient presque en souverains une grande étendue de terre
et de nombreux vassaux.
Toutefois, leur puissance ne tarda
pas à s'éclipser. Leur comté fut réuni à celui de Rennes, puis
détaché, ainsi que Penthièvre, en faveur des cadets des comtes
de Rennes. Son histoire se confondit dès lors avec celle de
Penthièvre jusqu'en 1480, que le duc François II le donna à
François légitimé de Bretagne, comte de Vertus.
En 1746,
il passa par héritage au prince de Soubise. La puissance déchue
des comtes de Goëllo fut remplacée par la puissance naissante
de la maison de Penthièvre. Cette ambitieuse maison date du
XIème siècle. Le duc Geoffroy était mort en 1008,
laissant deux fils, Alain qui lui succéda, et Eudon qui devint
la tige de la branche cadette de la famille ducale, sous le
nom de comte de Penthièvre. Eudon ne tarda pas à dévoiler les
vues ambitieuses qu'il devait transmettre à ses descendants,
et qui furent si longtemps une malheureuse cause de guerres
civiles en Bretagne. Il fit la guerre à son frère, Alain V.
Après la mort de ce dernier, au lieu d'exercer fidèlement la
tutelle dont il avait été chargé sur son neveu, il l'emprisonna,
et prit le titre de comte de Bretagne.
Cette maison de Penthièvre
tirait son nom de la situation même de ses domaines entre le
Leff et le Treff ou Trieux et de la position de son château
principal au confluent de ces deux rivières. Ce château s'appelait
Pontreff ou Pontreo (Pontrieux). Qu'on ne s'étonne plus de trouver
quelquefois au nom de Penthièvre la variante Ponthièvre. Le
pays s'appelait Ponthévie ou Penthrevie. Ce comté comprenait
la ville de Saint-Brieuc, où Eudon et son fils Étienne résidèrent
et furent inhumés. Plus tard, il s'étendit encore et comprit,
outre le diocèse de Saint-Brieuc, une partie de celui de Tréguier
en un mot, près d'un tiers de la Bretagne. C'était comme une
petite province à part, qui avait ses coutumes, ses princes
particuliers ; ceux-ci, presque absolus, faisaient à leur gré
la paix ou la guerre, levaient des tailles on des aides, exerçaient
plusieurs autres droits régaliens, tenaient une cour brillante
et donnaient aux principaux d'entre leurs vassaux le nom pompeux
de barons. Le petit-fils d'Eudon, Alain le Noir, en épousant
Berthe, héritière du duché de Bretagne, plaça le sang de Penthièvre
sur le trône ducal, mais sans opérer la réunion des domaines
de sa famille qui demeurèrent à son frère aîné, Geoffroy Botherel.
Cette alliance, qui eût semblé réconcilier
la maison de Penthièvre et celle des ducs, ne fit qu'offrir
de nouveaux motifs à la discorde. En effet, l'héritage des Penthièvre
ayant passé plus tard à une branche collatérale, celle qui portait
la couronne ducale se crut lésée, et Alix, héritière du duché,
se sentit disposée à disputer ces riches domaines à celui qui
les possédait, Henri d'Avaugour. La sage idée d'un mariage qui
eût confondu les droits et terminé le différend avait été quelque
temps adoptée, et même des fiançailles avaient eu lieu. Mais
le roi de France, alors très puissant (on était au XIIIème
siècle), s'opposa à une alliance qui devait donner trop de puissance
aux souverains bretons. Son influence fit rompre les fiançailles,
et Alix épousa un prince français, Pierre de Dreux, surnommé
Mauclerc.
Les deux partis prirent aussitôt les armes, Henri
pour se venger de l'affront qui lui avait été fait, Pierre Mauclerc
pour faire valoir les prétentions de sa femme. La guerre se
fit à l'avantage de ce dernier, qui s'empara des terres de Tréguier,
Guingamp, Saint-Brieuc, Lamballe, et réduisit Henri à se contenter
du titre d'Avaugour qu'il transmit à sa postérité dépouillée
de tous les autres.
Mauclerc fit don de Penthièvre à sa
fille, Yolande de Bretagne (1236) plus tard, Jean III le donna
en apanage à son frère Gui de Bretagne, mais avec des restrictions
importantes par exemple, il se réserva le fort château de Jugon,
situé sur une hauteur appelée autrefois Jugum par les Romains;
telle est l'origine de ce nom, qui s'applique non seulement
à la montagne, mais aussi aux vastes marais qui en défendent
les approches, et qui sont formés par un épanchement des eaux
de l'Argtienon. Jean III se réserva, outre le droit de bris,
les émoluments de l'amirauté et la garde des églises par cette
réserve, les églises cathédrales et les abbayes qui étaient
dans l'apanage de Gui de Bretagne furent soustraites à sa juridiction
et demeurèrent toujours dans la suite exemptes de la juridiction
des Penthièvre. Gui de Bretagne n'eut qu'une fille, et ce fut
cette fameuse Jeanne la Boiteuse qui épousa Charles de Blois
et lui porta deux magnifiques héritages celui du comté de Penthièvre,
qu'elle tenait de son père, et celui du duché de Bretagne, qui
lui revint de plein droit à la mort de Jean Ill, mort sans postérité.
Malheureusement, un autre prétendant saisit l'occasion de
cette interruption de la ligne masculine sur le trôné ducal
pour se jeter à la traverse et faire valoir des droits que les
coutumes féodales rendaient illégitimes. C'était Jean de Montfort,
et de ce moment commença, entre lui et Charles de Blois, cette
lutte acharnée à laquelle Jeanne prit une part si active et
si glorieuse. Montfort l'emporta, et Jeanne la Boiteuse, dont
les enfants étaient retenus prisonniers en Angleterre, dut souscrire
au traité de Guérande (1365), qui ne lui laissait que le comté
de Penthièvre. Du moins, ce comté avait été constamment défendu
avec succès contre l'allié des Anglais le château de Jugon avait
même été repris et rattaché au comté. Comme il n'y avait pas
de communes en Penthièvre, Montfort, qui partout ailleurs s'appuyait
sur elles, n'avait là aucun parti et aucune prise. Les Penthièvre
trouvèrent bientôt un allié puissant. Le connétable de Clisson,
ennemi mortel de Montfort, devenu Jean IV, usa de son influence
pour faire mettre en liberté les enfants de Jeanne la Boiteuse,
et Jean de Blois, l’un d'eux, épousa sa fille. Ce mariage important,
qui réunit contre les nouveaux ducs de Bretagne les forces éloignées
des deux plus puissantes maisons du duché, fut célébré à Moncontour
en Penthièvre, en présence des plus illustres seigneurs de Bretagne,
les sires de Laval, de Léon, de Derval, de Rochefort, de Beaumanoir
et de Rostrenen. Jean IV ne pardonna pas à Clisson une alliance
dont le but était si évident, et nous avons raconté dans l'histoire
du Morbihan comment il l'attira au château de l'Hermine pour
le faire périr. N'ayant pas eu le courage de consommer son forfait,
il eut à soutenir une guerre terrible dont le comté de Penthièvre
fut le principal théâtre. Tout le comté s'était soulevé à l'instigation
de la belle et vindicative Marguerite de Clisson, qui ne rêvait
pour elle-même et pour ses enfants que cette couronne ducale
injustement enlevée aux Penthièvre. Elle se lassa moins vite
que son père et, tandis qu'il faisait la paix avec Jean IV,
elle continua de soulever le pays, et s'efforça de l'entraîner
lui-même dans de nouvelles entreprises elle ne craignait point
de l'exhorter même à l'assassinat.
Le connétable repoussa ces complots avec indignation ; mais il mourut, et Marguerite, dégagée d'une dépendance qui pesait à sa vengeance et à son ambition, prit les allures d'une souveraine, leva des impôts dans son comté, malgré les défenses du duc et des états de Bretagne, et refusa constamment d'acquiescer aux conditions d'arrangement négociées entre son fils Olivier et le duc. Douze sergents lui furent envoyés pour l'ajourner à comparaitre devant ce dernier. Plusieurs ayant eu l'audace de porter la main sur elle, elle les fit tuer sur-le-champ. Jean IV demanda des secours aux Anglais, qui débarquèrent dans l'île de Bréhat et la ravagèrent, plusieurs places de Penthièvre tombèrent en son pouvoir. Marguerite céda, mais pour commencer aussitôt un autre genre de guerre, une guerre de perfidie et de guet-apens. Il ne fut point difficile à celle que les vieux historiens appellent la Méchante Margot de feindre une réconciliation sincère et même un vif attachement pour les enfants de Jean IV. C'est par ces moyens odieux qu'elle réussit à attirer le duc au guet-apens de Chantoceaux et à se rendre maitresse de sa personne. Mais c'était trop d'audace et de duplicité, La Bretagne, lasse des troubles qu'excitait sans cesse une ambition avilie par les moyens mêmes qu'elle employait, s'indigna du forfait et comprit qu'il valait cent fois mieux conserver Jean IV que de s'exposer à tomber sous le joug de Marguerite. Les seigneurs prirent tous les armes. Le comté de Penthièvre fut envahi, la plupart des châteaux rasés, et les Penthièvre, dépouillés de tous leurs biens, allèrent porter en France leur orgueil humilié et leurs opiniâtres projets de vengeance (1420). Un accommodement ménagé par le connétable de Richemont rendit le comté de Penthièvre à Jean, frère d'Olivier et fils de Marguerite. Jean mourut sans enfants. Nicole de Bretagne, sa nièce et son héritière, porta le comté de Penthièvre à son mari, Jean de Brosse, vicomte de Boussac et maréchal de France. Ce nouveau comte de Penthièvre, moins peut-être par les motifs de haine qui avaient animé les anciens comtes que par attachement à la couronne de France, se déclara pour le roi dans la guerre du Bien public, et se fit ainsi dépouiller à son tour par le duc François II. Le comté de Penthièvre passa successivement à plusieurs maîtres différents et ne revint aux de Brosse qu'après la réunion définitive de la Bretagne à la France. En 1535, François 1er céda à Jean de Brosse, quatrième du nom, tout ce qu'il tenait du comté de Penthièvre, et ce seigneur abandonna au roi tous les droits qu'il pouvait avoir sur le duché par représentation de Nicole de Bretagne, sa bisaïeule. Le comté de Penthièvre avait été diminué des châtellenies de Châtelaudren, Lanvollon, Paimpol, érigées par le duc en baronnie sous le nom d'Avaugour. En 1569, Charles IX, pour récompenser la fidélité des comtes de Penthièvre, érigea leur fief en duché-pairie, titre glorieux, mais qui ne rendait pas aux Penthièvre la puissance des anciens comtes. Peu de temps après, une alliance porta ce fief à Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, celui que la ligue de Bretagne a rendu si célèbre. Cela fut cause que le territoire de Penthièvre fut un des théâtres des guerres de religion. Nous dirons ailleurs comment Lanoue périt au siège de Lamballe. Françoise de Lorraine, fille et unique héritière de Mercœur, épousa César, duc de Vendôme, fils légitimé de Henri IV.
C'est Louis-Joseph, fils de César, qui s'illustra, sous le nom de Vendôme, par tant de victoires vers la fin du règne de Louis XIV. N'ayant pas d'enfants, et d'ailleurs grand dissipateur, il vendit son duché de Penthièvre à la princesse de Conti, qui, à son tour, le revendit à Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse (1696). Enfin, au XVIIIème siècle, la petite-fille du comte de Toulouse le porta dans la maison d'Orléans par son mariage avec le duc de Chartres.
À cette époque, malgré tant de démembrements,
le duché de Penthièvre formait encore une des plus belles seigneuries
du royaume. Il s'étendait depuis les portes de Saint-Malo jusqu'à
celles de Morlaix, moins quelques enclaves, et contenait environ
trois journées de chemin de longueur et une de largeur. II avait
pour bornes, à l'est, l'évêché de Saint-Malo ; au sud, le duché
de Rohan; à l'ouest, le comté de Goëllo et la baronnie d'Avaugour,
qui étaient des juveigneuries de Penthièvre. Plus de deux mille
gentilshommes relevaient de ce duché, dont l'histoire, comme
on en peut juger, est assez exactement celle du département
des Côtes-du-Nord. Nous y ajouterons cependant la mention d'une
descente opérée sur la côte de Saint-Cast par les Anglais en
1758, descente qui ne tourna pas à l'avantage des envahisseurs.
Le duc d'Aiguillon les battit le 11 septembre de la même année,
et les obligea de se rembarquer huit jours après leur débarquement.
Une médaille fut frappée en mémoire de cet évènement ; on y
voyait, entre autres figures, celle d'un guerrier armé de la
foudre avec cette légende Virtus nobilitatis et populi Armorici.
Pendant la Révolution, le département des Côtes du- Nord
ne prit qu'une faible part à la guerre civile; il n'en fut troublé
qu'à l'époque de l'expédition de Quiberon (1795). C'est sur
son territoire que fut défaite une division de cette armée rouge
qui s'était recrutée de paysans bretons revêtus de l'uniforme
anglais. Le chevalier de Tinteniac, qui commandait cette troupe,
fut tué dans l'action. Depuis, rien n'est venu troubler la paix
de cet âpre et énergique pays dont les habitants ont trouvé
dans l'industrie et le commerce une source honorable de prospérité
et de bien-être.
Le département des Côtes-du-Nord a été
créé à la Révolution française, le 4 mars 1790, en application
de la loi du 22 décembre 1789. Il comprend une partie de l'ancienne
province de Bretagne composée de l'est des évêchés de Cornouaille
et du Trégor, de la presque totalité de l'évêché de Saint-Brieuc
(l'extrême sud étant rattaché au Morbihan), du nord-est de l'évêché
de Saint-Malo, d'une petite partie à l'est de l'évêché de Dol
et de deux petites parties au nord de l'évêché de Vannes.
La formation du département a été très discutée. La partie ouest
voulait un département centré sur Morlaix regroupant le nord-ouest
de la Bretagne. La ville de Saint-Malo voulait qu'un département
soit créé autour d'elle au détriment de Saint-Brieuc et de Rennes
mais ce projet n'eut aucun soutien des représentants des autres
villes. Finalement, le département des Côtes-du-Nord alla jusqu'à
la Rance, St-Malo n'obtenant que quelques communes lui faisant
face sur la rive gauche de la Rance (dont Dinard). Saint-Brieuc
obtenait d'être le chef-lieu, au détriment de Quintin alors
aussi peuplée.
Saint-Brieuc
La ville tient son nom du moine Brieuc,
son fondateur. Arrivé du Ceredigion (actuel Pays de Galles)
aux alentours de 580, il s'installe sur les hauteurs et fonde
un monastère, près d'où se trouve encore la fontaine portant
son nom. En 848, le roi breton, Nominoë effectua un remaniement
des évêchés sous sa coupe, après le départ des Normands. C'est
à cette date que fut fondé l'évêché de Saint-Brieuc. Les reliques
de Saint Brieuc, qui avaient été mises en sureté à l'époque
de l'invasion des Normands, reviennent dans la ville en 1210.
Une procession est organisée, suivie d'une grande fête populaire.
Le porche de la fontaine fut édifié en 1420 par Marguerite de
Clisson, Comtesse de Penthièvre. Saint Brieuc est un des sept
saints fondateurs de l'Armorique. La ville était une étape de
pèlerinage. La cathédrale fut construite du XIIIème
siècle au XVIIIème siècle. Elle servit de place forte,
au cœur du "fort" de Saint-Brieuc, enceinte fortifiée de la
cité.
En 1220 Guillaume Pinchon, un des plus grands artisans
de la construction de la cathédrale est élevé au rang d'évêque.
Il mourut en 1234 et fut canonisé dès 1247 (saint Guillaume)
par le pape Innocent IV sans voir l'achèvement de son œuvre
par son successeur Philippe en 1248. Il s'agit du premier saint
d'Armorique canonisé à Rome. En 1355 un incendie ravage la cathédrale
et le chœur est reconstruit en deux ans sous les épiscopats
de Guy de Montfort et de Hugues de Montrelais. Cathédrale-forteresse,
elle servit souvent de dernier refuge aux habitants de la ville
face aux agresseurs. En 1592, la ville fut pillée par une armée
au service du roi et en 1598, suite aux guerres de religion,
la décision de détruire la place forte de la Tour de Cesson
est prise. Ses ruines dominent toujours la baie de Saint-Brieuc.
Dinan
L’histoire de Dinan est connue à partir du XIème siècle, bien que le site ait sans doute été occupé depuis l'Antiquité. C’est à l’époque une bourgade dans laquelle s’implante un couvent bénédictin. Un des fragments de la tapisserie de Bayeux évoque la destruction par Guillaume le Conquérant d’une motte castrale. Organisée autour des paroisses Saint-Malo et Saint-Sauveur, la moitié de Dinan est achetée en 1283 par le duc de Bretagne Jean le Roux. C’est à cette époque que la ville acquiert la ceinture de remparts qu’on lui connaît. Les tours de Beaumanoir, Vaucouleurs, Saint-Julien, Beaufort, du Connétable, de Coëtquen, Penthièvre, Longue et Sainte-Catherine entourent la vieille ville dans le sens trigonométrique. Ce chemin de ronde encore intact sur 2 600 m est percé par les portes du Jerzual, de Saint-Malo, de Brest, du Guichet et plus tard de Saint-Louis (1620). En 1357, lors de la guerre de succession du Duché de Bretagne, Bertrand du Guesclin et son frère Olivier défendent avec succès la ville assiégée par les troupes anglaises et les Bretons fidèles à Jean de Montfort. Il affronte Thomas de Cantorberyn. dans un combat singulier et en sort vainqueur.
En 1364, après plusieurs tentatives infructueuses, le duc Jean IV parvient à reprendre le contrôle de la ville et y fait construire le donjon dit "de la duchesse Anne". Les fortifications de la ville sont modernisées dans la deuxième moitié du XVème siècle avec l'addition de plusieurs tours d'artillerie. Les canons ne tireront jamais : le gouverneur de la ville rend les clefs au représentant du roi de France après la bataille de Saint-Aubin du Cormier en 1488. Comme toutes les autres villes bretonnes, Dinan est définitivement rattachée au Royaume de France en aout 1532. La ville continue à prospérer, avec une activité artisanale soutenue intra-muros et la présence du port sur la Rance qui favorise le commerce. Dinan contrôle en effet la voie fluviale permettant de transporter les marchandises jusqu’à Saint-Malo. En 1598, Dinan choisit le camp du nouveau Roi de France, Henri IV, contre son gouverneur, le Duc de Mercœur, qui s’y oppose lors des guerres de la Ligue.
C’est à partir de cette époque que les
fortifications perdent leur usage défensif et ne sont plus entretenues.
Au XVIIème siècle, d’autres ordres religieux implantent
de nouveaux couvents : Capucins, Ursulines, Bénédictines, Dominicaines,
Clarisses s’ajoutent aux Cordeliers et aux Jacobins. Dinan est
citée pour avoir participé à la Révolte du papier timbré survenue
en 1675. Le bailliage de Dinan dépendait de l'Abbaye Notre-Dame
du Tronchet.
Au XVIIIème siècle, l’activité commerciale
est stimulée par l’installation de nombreux tisserands, qui
produisent notamment des toiles utilisées pour les voiles des
navires, envoyées ensuite à Saint-Malo par la vallée de la Rance.
Sous l’impulsion d’une bourgeoisie qui se développe, diverses
mesures sont prises pour lutter contre l’insalubrité régnant
dans la ville, parallèlement à son développement extra-muros.
A la Révolution, Marie Toussaint Gagon du Chesnay, avocat et
ancien maire de Dinan, adhère sans grand enthousiasme aux idées
nouvelles, il se retire sur ses terres en 1791, date à laquelle
Bonaparte le fait sous-préfet de Dinan. Pendant les épisodes
de la deuxième Commune de Paris, la ville de Dinan connut une
exportation de ce modèle politique, et ainsi fut créée la Commune
de Dinan, toujours officiellement existante. Au XIXème
siècle, le port perd progressivement de son importance, avec
la construction d’un viaduc routier qui désenclave la ville,
en 1852, et avec l’arrivée du chemin de fer en 1879. La ville
voit se construire de nombreuses demeures cossues et se transforme
peu à peu en destination de villégiature, particulièrement prisée
par les Britanniques.
Guingamp
Guingamp est cité en 1123 dans le cartulaire
de Saint-Melaine de Rennes Dès 1208, le comte de Bretagne possède
une motte avec une chapelle à Guingamp. La châtellenie de Guingamp
est un membre du comté de Penthièvre, érigé en duché par lettres
patentes de septembre 1569. A point de vue judiciaire, il y
a un sénéchal à Guingamp dès 1189. La sénéchaussée est ducale
de 1569 à la Révolution. L'enceinte urbaine de Guingamp, édifiée
à partir de 1446 par Jean de Beuves pour Pierre II, duc de Bretagne,
comte de Guingamp, est achevée en 1456 et était à l'origine
jalonnée de six tours (dont celle de Saint-Sauveur, de Traouzach,
de Toulquellenic,....), de quatre portes et de deux poternes
: une barbacane défendait à l'Est la porte de Rennes, entrée
principale de la ville de Guingamp.
L'abbaye Sainte-Croix
aurait été fondée vers 1130-1134 en faveur des chanoines augustins,
conduits par Jean de Chatillon, par le comte Etienne et sa femme
Havoise de Guingamp. La tradition veut que la première pierre
de l'abbaye ait été portée sur les épaules d'Henry, l'un des
fils d'Etienne,
Le Penthièvre fut un temps réduit à un petit
comté dit « de Guingamp ». Guingamp est citée pour avoir participé
à la Révolte des Bonnets rouges ou Révolte du papier timbré
survenue en 1675. Trois émeutiers y furent pendus.
Lannion
On attribuent l'origine de Lannion à la destruction de Lexobie (l'actuel Yaudet ?) par les Danois en 836. Lannion est un passage obligé pour franchir le Léguer au plus près de la côte, surtout à marée haute. Du temps des Romains, pour aller du Yaudet par la terre vers l'est, les routes passaient inévitablement par Lannion. Le Léguer, comme les autres cours d'eau, était une voie de pénétration facile pour les envahisseurs, aussi Lannion est dotée d'un château attesté dès le Moyen Âge. Lannion fait partie de l'évêché de Tréguier et le roi y contrebalance la puissance de l'évêque en faisant de Lannion le siège de sa juridiction. Le port de Lannion contribue fortement à son essor avant la guerre 1939-45. Cette commune est connue pour des faits liés à la Guerre de succession de Bretagne, aux Guerres de La Ligue entre 1588 et 1598, et à la Révolte des Bonnets Rouges en 1675. Un de ses habitants fut exclu de l'amnistie royale de février 1676
Fort-la-Latte
Le château de la Roche-Goyon fut construit
au XIVème siècle par le seigneur de Matignon, Étienne
III Gouÿon. La construction du château commença dans les années
1340, son donjon date des années 1365-1370.
En 1379, suite
au retour d'exil du duc de Bretagne Jean IV, le château fut
assiégé par Bertrand Du Guesclin. Le château est attaqué et
pris une seconde fois lors des guerres de Religion au XVIème
siècle, cette défaite marquant un temps d'abandon de l'édifice.
Ce n'est qu'au XVIIIème siècle, sous Louis XIV, que
le château reprend son intérêt stratégique et est bastionné.
Il servira jusqu'à la fin du Premier Empire où l'évolution
des techniques militaires conduisit à son inadaptabilité. À
partir de 1892, il fut vendu à divers propriétaires privés avant
d'être acheté par un passionné en 1931 qui entreprit de lourds
travaux de restauration qui s'achevèrent dans les années 1950.
La Révolte du papier timbré
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