Ce département est formé d'une partie du pays
de la Campagne, du Vexin normand, du Roumois, du pays d'Ouche et du
Lieuvin, qui dépendait autrefois de la haute Normandie. Il tire son
nom de la rivière d'Eure, qui le limite depuis St-Georges jusqu'à Bueil,
et qui en traverse ensuite la partie orientale du sud au nord, pour
aller se joindre à la Seine au-dessous de Léry.
Ses bsornes sont
: au nord, le département de la Seine-Inférieure ; à l'est, ceux de
l'Oise et de Seine-et-Oise ; au sud, ceux d'Eure-et-Loir et de l'Orne;
et à l'ouest, celui du Calvados. Le territoire de ce département offre
un pays de plaines, divisé en six plateaux distincts par les rivières
qui le traversent pour arriver à la Seine.
A l'est, l'arrondissement
des Andelys, séparé par ce fleuve du reste du département, forme un
plateau presque enclavé par les deux vallées où coule l'Epte à l'est,
et l'Andelle à l'ouest ; ce plateau est divisé en deux régions naturelles,
le Vexin normand, pays de grande culture, et la forêt de Lyons.
A
la gauche de la Seine se prolonge, bordée par l'Eure jusqu'à son confluent,
l'extrémité d'un plateau étroit qui vient du département de Seine-et-Oise.
Entre l'Eure et l'Iton, qui communiquent ensemble à Verneuil et se réunissent
aux Planches, il y a un troisième plateau, divisé en deux régions, la
plaine St-André, riche en céréales, et la petite portion du Perche,
qui dépend de l'Eure.-Entre l'Iton, l'Eure, la Seine et la Rille se
trouve un quatrième plateau, dont la partie septentrionale comprend
le Roumois, que bornent, au sud, une suite de vallons qui courent entre
Montfort et Elbeuf au-delà de ces vallons commence la plaine du Neubourg,
qui rencontre, au midi, la partie du pays d'Ouche, dépendant de l'arrondissement
d‘Evreux. Le pays d'Ouche comprend aussi dans l'Eure l'extrémité d'un
cinquième plateau entre la Rille et la Charentonne.
A gauche de la Charentonne et de la Rille s'étend
la plaine fertile du Lieuvin, limitée à l'ouest par les petites vallées
dont les rivières descendent à la Touque. De cette disposition il résulte
que les rivières qui traversent le département coulent du sud au nord
sur la rive gauche de la Seine, tandis que leur direction est nord et
sud-ouest dans l'arrondissement des Andelys, situé sur la rive droite.
La surface des plateaux est en général peu accidentée ; quelques rares
collines s'y distinguent à peine à l'horizon mais les vallées sont profondes
et leurs flancs rapides. Cette surface est très variée sur tous les
points elle offre des champs cultivés, des enclos, de belles forêts,
des coteaux, des rivières, des marais, et, au nord, du côté de l'embouchure
de la Seine, une certaine étendue de côtes. Une culture florissante
de céréales donne aux plaines de l'Eure un aspect riche, mais monotone;
les pommiers et les poiriers bordent les routes, que leurs fleurs, d'un
blanc rosé, rendent très agréables au printemps. Dans les vallées, des
eaux claires et vives serpentent au milieu de riches prairies qu'entretient
un système d'irrigation assez bien entendu, mais qui a besoin de perfectionnement.
Ces vallées offrent des points de vue pittoresques surtout làoit de
vieilles tours ruinée s'élèvent parmi les bois, sur les points culminants
de leurs déclivités. Dans la vallée de l'Eure, la culture rurale des
légumes s'étend de jour en jour; cette culture occupe aussi les terrains
légers de la vallée de la Seine. Dans l'arrondissement de Pont-Audemer,
il y a des herbages qui égalent ceux du pays d'Auge, où l'on engraisse
les plus beaux bœufs de toute la France, dont la majeure partie est
conduite aux marchés de Poissy pour l'approvisionnement de Paris. A
ces diverses productions on doit encore ajouter la vigne, dont la culture
ne s'avance pas au de là des vallées de la Seine et de l'Eure, mais
qui remonte celles de l'Iton jusqu'à Evreux, et de l'Avre jusqu'à Nonancourt
. Dans ce département, les fermes forment des enclos plus ou moins vastes,
suivant la quantité de terres à cultiver; elles contiennent ordinairement
depuis deux jusqu'à huit et dix hectares. Chaque bâtiment est distinct
et occupe un emplacement séparé mais les corps de ferme, c'est-à-dire
les maisons, les granges, les pressoirs, les écuries, les étables et
bergerie, réunis dans un enclos particulier, sont bâtis en bois, couverts
en tuiles, et le plus souvent en chaume. L'étendue des terres attachées
à chaque ferme est depuis 20 jusqu'à 150 hectares. L'enclos des fermes
est formé de haies vives très fortes, mêlées d'arbres forestiers, la
plupart étêtés, tels que chênes, ormes, frênes, érables qu'on ébranche
tous les quatre ou cinq ans. Dans les arrondissements de Louviers, d'Evreux
et des Andelys, la majeure partie des clos est entourée de murs de bauge,
couverts de chaume; le long des forêts, ces clos sont formés de bruyères.
Les habitations rurales n'ont qu'un rez-de-chaussée; elles sont construites
en bois et terre, et couvertes en chaume, placées ordinairement dans
des lieux bas, elles sont humides et mal aérées à l'intérieur, elles
annoncent la propreté à l'extérieur, elles sont décorées de vignes et
d'arbustes.
Note : ce site officiel
du ministère de la culture vous donne toutes
les informations relatives à tous les lieux
et objets inscrits au patrimoine de chaque commune
d'un département.
Superficie
:6 903 km²
Population: 232 268 hab. (2009)
Dénsité : 34 hab./km²
Nb de communes : 247
Le territoire qui forme aujourd'hui
le département de l'Eure était habité, au temps de Jules
César, par deux peuples de la Gaule celtique les Aulerci
Eburovices, groupés autour de la ville qui est devenue
Évreux, et les Velocasses, répandus dans la contrée
appelée depuis Vexin.
Le Vexin se trouva divisé deux
parties après la cession, faite par Charles le Simple
au chef normand Rollon, de l’ancienne Neustrie, en 911
; le Vexin normand a été réuni en 1790 au département
de l'Eure il forme l'arrondissement des Andelys. Les
Aulerques et les Vélocasses prirent part aux guerres
contre César. Clovis, le premier, pénètre jusque dans
cette province et la rangea sous sa domination.
Parmi ses successeurs, Dagobert et Clotaire III résidèrent
quelquefois au château d'Étrépagny Pendant la période
mérovingienne, la foi chrétienne se développa sur le
territoire des Aulerci et des Velocasses, et les évêques
d'Évreux acquirent une grande importance. Au nombre
des abbayes fondées à cette époque dans le diocèse d'Évreux,
on distingue celle de Saint-Taurin, qui s'éleva probablement
vers la fin du VIIème siècle, sur le bord
du grand chemin, en dehors de la ville, à l'emplacement
qu'occupait le tombeau du premier évêque d'Évreux, dont
le corps fut levé et déposé dans un reliquaire. Quelques
années plus tard s'éleva le monastère de la Croix- Saint-Leufroy.
On rapporte qu'en l'année 674 saint Adrien, évêque de
Rouen, étant parti de cette ville pour aller, dit ta
légende, rendre compte au roi de quelques affaires dont
il avait été chargé, passa par le territoire d'Evreux.
Alors accablé par l'âge et les infirmités, il ne pouvait
plus monter à cheval, et il voyageait dans une litière
traînée par deux mulets ; de temps en temps, il s'arrêtait
dans les divers pays qu'il parcourait et, instruisait
les populations accourues pour recevoir sa bénédiction.
Il était parvenu près de la rivière
d'Eure, dans un village du nom de Nadud, en un lieu
où deux chemins se coupaient en forme de croix ; les
mulets s'arrêtèrent tout court et refusèrent d'aller
plus avant, quoiqu'il n'y eût aucun obstacle et que
le chemin fût beau. Le saint plein d'étonnement, descendit
et pria ; à peine avait-il commencé d'élever ses yeux
vers le ciel, qu'il vit une croix toute brillante de
lumière et qu'il sentit son esprit éclairé d'une céleste
inspiration qui lui apprit que Dieu avait choisi ce
lieu pour être la retraite d'un grand nombre de solitaires.
Aussitôt il commanda qu'on lui apportât de quoi faire
une croix, et, à défaut d'autre bois, il brisa en deux
l'aiguillon dont un paysan se servait pour exciter ses
bœufs éleva un tertre de gazon et y plaça la croix avec
de saintes reliques. Bientôt le lieu consacré devint
le théâtre de prodiges ; pendant la nuit, une colonne
de feu y répandait une clarté miraculeuse, et des malades
étaient guéris par le contact de la croix plantée par
le saint. Une chapelle fut élevée pour perpétuer la
mémoire de ces prodiges, et, quelque temps après, saint
Leufroy y fonda un monastère dont il fut le premier
supérieur, et qu'il illustra par ses vertus. Ainsi,
pieuse et dévouée l'église comme le reste de la Neustrie,
la contrée vivait paisible toute son histoire se résumait
dans la succession de ses évêques, respectés de tous,
et dans les prodiges sans nombre que les, rares monuments
de cette époque nous ont légués; elle avait mérité le
nom de nouvelle Thébaïde, quand le calme dont elle jouissait
fut troublé par les invasions normandes du VIIIèmee
et du IXème siècle ce furent surtoutl es
parties septentrionales de la Gaule et les villes situées
sur le cours des fleuves qui eurent à souffrir des incursions
de ces terribles pirates.
Ce département, que traversent
la Seine et l'Eure, fut plus que tout autre maltraité
par les barbares.
En l'année 844, Rouen et son diocèse,
dont faisaient partie les villes de Gisors, des Andelys,
d'Étrépagny et tout ce qui, dans le département de l'Eure,
est situé sur la rive droite de la Seine, furent saccagés.
Le diocèse d'Évreux ne fut pas épargné non plus par
le fléau. Guntbert était alors évêque de cette ville
; il assista avec son métropolitain Gombault, qui prenait
pour la première fois le titre d'archevêque, à deux
conciles tenus à Paris en 847 et 853, pour prévenir
le retour des barbares du Nord. Charles le Chauve éleva
une forteresse à Pont-de-l'Arche l'année suivante en
854 et fit jeter un pont sur la Seine pour barrer le
passage à leurs barques. Cependant ils reparurent en
870, puis en 876. Cette fois, ils étaient conduits par
le chef qui établit définitivement dans la Neustrie
la domination normande. Le Scandinave Roll ou Rollon,
chassé par un roi danois des États qu'avait possédés
son père, se mit à la tête d'une émigration de ses compatriotes,
aborda en France en 876, ravagea pendant quelques années
les côtes de la Bretagne et de la Neustrie, puis remonta
la Seine ; pilla sur son passage Jumièges, Rouen, Pont-de-l'Arche,
où il battit l'armée du roi Charles le Chauve, commandée
par le duc Renault ; puis il vint assiégé Paris. Ce
fut pendant la durée du siège qu'il dirigea vers Évreux
une expédition dans laquelle il se rendit maître de
cette ville (892). Déjà Rouen était en son pouvoir ;
cette ville ets on archevêque avaient mieux aimé se
soumettre aux Normands et leur payer un tribut que d'être
sans cesse exposés à leurs pillages ; des négociations
furent ouvertes, par l'intermédiaire de l'archevêque
Francon, entre le chef barbare et le roi Charles le
Simple pour traiter de la cession de toute la province.
Le Carlovingien ne sacrifiait rien de sa puissance
effective en abandonnant une contrée où son autorité
avait cessé d'être reconnue, et, en échange de cet abandon,
il acquérait un allié et protégeait toute la Gaule contre
les invasions de nouveaux Normands, puisque les compagnons
de Rollon étaient intéressés à défendre leur conquête.
Le chef normand promit d'épouser Giselle, fille du roi
de France, se convertit au christianisme et obtint toute
la partie de la Neustrie qui s'étend au nord de la Seine
depuis les rivières d'Epte et d'Andelle, et, au midi
de ce fleuve, tous les pays situés entre la Bretagne,
le Maine et l'Océan. Ce fut en 911 que ce traité fut
signé dans.la ville de Saint-Clair-sur-Epte. Le pirate,
devenu maître d'une des plus riches provinces de la
France, se montra, par sa sagesse, digne de sa fortune
; il releva les cités que lui-même avait détruites avant
de devenir maître de la contrée ; Évreux fut de nombre
; il se fit sincèrement chrétien et enrichit les églises
de donations nombreuses. Cependant il ne put empêcher
que ses anciens compagnons, qui avaient reçu avec lui
le baptême, ne s'emparassent des abbayes et des évêchés
; peut-être même favorisa-t-il ce nouveau clergé pour
placer toute la Neustrie plus directement sous son influence
; de grands désordres résultèrent de cette nouvelle
organisation. Guillaume Longue-Épée, fils de Rollon,
lui succéda. Passionné pour les exercices de la chasse,
Il fit construire au milieu de la forêt de Lyons un
pavillon qui devint, depuis, le château de Lyons et
le rendez-vous de chasse du duc de France Hugues le
Grand, de Hébert, comte de Senlis de Herbert, comte
de Vermandois, et de Guillaume, comte de Poitou. Richard,
âgé seulement de dix ans, succéda, en 944, à Guillaume
Longue-Épée, et, en 947, il eut avec le roi Louis IV
une entrevue à Saint-Clair-sur-Epte. Les deux princes
conclurent un traité par lequel le Vexin normand, qui
jusqu'alors avait appartenu aux ducs de Normandie comme
province séparée, fut réuni au duché. Hugues le Grand
; duc de France, profita de la minorité de Richard pour
lui enlever le comté d'Évreux. Louis d'Outre-Mer voulut
à son tour essayer de reconquérir tout le duché de Normandie
et commença par s’emparer d'Évreux, sous prétexte de
restituer au jeune duc cette portion de ses États ;
puis il se saisit de sa personne et le fit transporter
à Laon ; le comte de Senlis, vassal de Hugues, enleva
Richard.
Le duc de France usa de cet avantage pour
faire épouser au duc normand sa fille Emma, et ce mariage
fut célébré dans la cathédrale de la ville d'Évreux,
qui s'était délivrée du joug des Français.
Après
Louis IV, son fils Lothaire fit de nouvelles entreprises
sur les États normands, il vint assiéger Évreux, s'en
empara et donna cette ville à Thibaud, comte de Chartres,
l'un des seigneurs qui lui étaient restés fidèles mais
Richard ne tarda pas à la recouvrer. Richard rebâtit
Evreux, releva ses églises, qui avaient été détruites
dans les précédentes irruptions, et la donna, avec le
titre de comté, à son fils naturel Robert, en 989. Ce
même Robert obtint de son père l'archevêché de Rouen,
en même temps que le comté d'Évreux. Philippe-Auguste
enleva ce comté, en 1193, au comte Amaury III, pour
le donner à Jean sans Terre, alors son allié. Avec la
ville d'Évreux ; ce prince, comptant regagner, par une
horrible perfidie, les bonnes grâces des Anglais, invita
à un festin les officiers de la garnison française,
les fit massacrer et passa au fil de l'épée tous les
soldats. Le roi de France, en ce moment occupé au siège
de Verneuil, s’empressa d’accourir, reprit la ville
et la mit en cendres, puis il conquit presque tout le
reste du comté. Amaury fit, en 1200, à Philippe, une
cession complète de ses possessions ; le comté d'Évreux
fut de la sorte réunie à la couronne.
Il en fut détaché
environ un siècle après en 1307 par Philippe le Bel
en faveur de Louis, fils de Philippe le Hardi. Le nouveau
comte servit fidèlement son frère et se distingua dans
la guerre contre les Flamands. Plein de sagesse, il
pensait qu'un prince n'est grand qu'à la condition de
rester soumis à Dieu, au roi et aux lois. Il eut pour
successeur, en 1319, son fils Philippe, qui hérita le
surnom de Bon ou de Sage. Ce comte avait épousé la princesse
Jeanne, fille unique du roi Louis la Hutin et qui prétendait
par son père au royaume de Navarre et au comté de Champagne
et de Brie. Cette princesse obtint seulement, en 1328,
la Navarre, qui passa, en 1349, son fils, Charles le
Mauvais, déjà comte d'Évreux depuis 1343. La vie agitée
de ce prince se passa presque tout entière en dehors
de son comté, et la bataille de Cocherel, qu'il perdit
le 16 mai 1364, est le seul fait important qui se soit
passé sous lui dans le pays d'Évreux. Charles V confisqua,
en 1378, les possessions de Charles le Mauvais en Normandie
mais le roi Charles VI restitua au fils du roi de Navarre,
Charles II le Noble, le comté d'Évreux ; ce prince le
rétrocéda au roi en échange d'une rente de 12,000 livres
à tenir en duché-pairie avec le titre de Nemours. Sous
ce règne désastreux de Charles VI, les Anglais, victorieux
à Azincourt (1415), se répandirent par toute la France
et reprirent la Normandie.
En l'an 1643, une vilaine
histoire secoue violemment les esprits chrétiens
de la bonne ville de Louviers. La jeune Madelaine
Bavent, religieuse au couvent des Hospitalières
de Saint-Louis et Sainte-Elisabeth est prise de
convulsions, de manière régulière et répétée, et
se trouve rapidement accusée de sorcellerie. Les
autorités religieuses s’emparent des évènements
qui se retrouvent au centre des fantasmes et superstitions
les plus vivaces.
Du point de vue de Madelaine
Bavent ... Les faits sont ceux qu'elle a exprimés
lors d'une version recueillie par Jacques Le Gentil
pour la Duchesse d'Orléans. Ce dernier est tellement
surpris par tout ce qu'il apprend autant que celles
qui lui sont rapportées qu'il préfère avertir les
futurs lecteurs, en ces termes : " les choses prodigieuses
dont cette histoire est remplie me persuadent aisément
que plusieurs douteront de sa fidélité (...) je
te supplie que tu liras les abominations qui se
trouvent dedans, tu loues Dieu de sa bonté et de
sa patience à souffrir les iniquités des hommes,
et détester les ruses et les artifices dont le diable
se sert pour les attirer dans le précipice ". Il
s'excuse également auprès de la duchesse qui y lira
plusieurs choses étranges. Ces dernières, il les
tient d'un homme de mérite et de probité.
Avant
d'entrer dans le vif du sujet, la jeune Madelaine
Bavent raconte les conditions dans lesquelles elle
a grandi et qui l'ont forgée à être humble et soumise
dès le plus jeune âge. Orpheline à neuf ans, elle
vit à Rouen et est recueillie par son oncle où elle
reste jusqu'à ses douze ans puis part en apprentissage
chez une couturière. Pendant plusieurs années, elle
ne connaît aucune structure familiale solide et
formule le souhait de devenir religieuse. C'est
donc à seize ans qu'elle entre au monastère de Louviers
et commence, sans tarder, son noviciat. Mais la
jeune fille n'est pas naïve. Elle se rend très vite
compte que certaines pratiques sont tout à fait
anormales dans un tel lieu : « David qui nous conduisait
toutes, était un horrible prêtre et tout à fait
indigne d'un état si saint et si divin. » Les religieuses
sont non seulement spectatrices de faits abominables,
qui vont de la profanation d'objets de cultes aux
rituels sexuels, mais elles sont forcées d'être
les actrices de nombreux fantasmes du prêtre qui
les soumet à des danses lascives et attouchements
de toutes sortes, et les contraint à communier toutes
nue. Puis Pierre David vient à mourir brutalement,
au retour d'un voyage à Paris. Ce qui s'annonce
comme une délivrance pour la pauvre Madelaine se
révèle être, en réalité, l'enfer. Jusque-là, la
jeune femme n'avait été qu'une victime relativement
épargnée. Mais l'arrivée de Mathurin Picard au sein
de la communauté change considérablement les données
à son égard.
À peine installé, le prêtre Picard
déclare sa flamme à Madelaine et commence à l'approcher
physiquement. La jeune femme n'a pas la force de
lui résister. Mais elle a beau se protéger, elle
est encore loin d'imaginer la perfidie qui caractérise
l'homme d'église qui la pourchasse sans cesse, la
soumet à ses charmes et la terrorise. « J'ignorais
encore en ce temps-là la pratique infernale qui
me va bientôt envelopper dans ses malheureuses chaînes,
et dans son maudit esclavage » avoue-telle. Et l'épreuve
du mal est, en effet, bien concrète car Madelaine
tombe souvent malade et la gravité de son état de
santé inquiète les sœurs qui l'entourent. C'est
à cette époque que les rumeurs commencent à courir
sur le compte du couvent. Les religieuses murmurent
contre le prêtre qu'elles pensent être la cause
des maux endurés par Madelaine, ce que celle-ci
ne dément pas lors de ses nombreux délires, pendant
lesquels elle accuse directement Picard. L'évêque
d'Évreux est informé de l'affaire et parvient à
l'étouffer, bien décidé à ne pas laisser les évènements
prendre les proportions de ceux d'une affaire similaire
à Loudun.
Quand l'affaire éclate ...
Pendant
dix années, les évènements semblent se calmer. Mais
en 1643, ils sont soumis à de nouveaux rebondissements
qui, cette fois, atteignent l'opinion publique.
Le prêtre Picard vient de mourir et sa « sainte
» réputation fait qu'on l'enterre dans le chœur
de la chapelle du couvent. C'est cet acte qui vraisemblablement
va choquer le reste de la communauté : les sœurs,
qui commencent à s'exprimer sur le sujet, manifestent
leur vif désaccord. Elles n'acceptent pas que ce
grand pêcheur puisse reposer en ces lieux et ne
cachent pas leur crainte de rester sous son influence
s'il reste là. Les religieuses ont vraiment peur
et certaines d'entre elles deviennent véritablement
hystériques, poussant de grands cris et se roulant
par terre. Évidemment, on voit là des signes de
possession due au fait que Mathurin Picard avait
entraîné sept de ces femmes à l'exercice régulier
et assidu su sabbat. Les religieuses l'affirment,
en tout cas, à l'évêque d'Évreux qui est chargé
de faire la lumière sur cette sombre affaire. La
preuve est vite faite qu'il s'agit bien là de cas
de possessions. L'officialité, tribunal religieux
présidé par l'évêque d'Évreux, décide alors de déterrer
le cadavre de Picard et de le faire inhumer dans
un autre endroit, puis condamne Madelaine Bavent
à l'enfermement à perpétuité dans les prisons de
l'évêché. Mais l'affaire rebondit encore. La famille
de Picard proteste contre le jugement rendu et «
l'expulsion hors de son caveau d'un prêtre auquel,
de son vivant, rien n'avait été reproché. » L'évêque
et le parlement de Rouen décident d'ouvrir une enquête
qui doit déterminer s'il s'agit réellement d'un
cas de possession.
Une commission ecclésiastique
à laquelle est convié le propre médecin de la reine
Anne d'Autriche, Pierre Yvelin, est chargée d'inspecter
et d'examiner les sept religieuses concernées par
les faits et conclut à l'absence de possession :
« le Diable qui s'exprime par la bouche de jeunes
filles avait un fort accent normand pour venir de
l'enfer », commente Guy Bechtel. Mais il ne les
accuse pas de supercherie et croit plus volontiers
à un grave dérèglement psychique. Toujours est-il
que les « possesionnistes », très nombreux, se déchaînent
et les libelles fusent. Il existe encore aujourd'hui
toute une variété de réactions sur le sujet, à l'image
de celle contenue dans le Traité des marques de
possédés et la preuve de la véritable possession
des religieuses de Louviers, attribué à Simon Pierre,
docteur en Médecine qui le conclut en ces termes
: par toutes les choses que le médecins virent et
observèrent avec soin et diligence de l'affaire
et par les raisons qu'ils en donnèrent à messieurs
les commissaires (...) ils donneront leur rapport
certain et véritable, que ces religieuses étaient
possédées des diables, que les actions qu'ils avaient
vues et remarquées, tant dépendantes du corps que
de l'esprit, étaient surnaturelles excédant leur
capacité et leur portée, et comme telles se rencontrant
avec mille abominations, blasphèmes, impiétés, mensonges
et calomnies." Tandis que le débat relatif à la
possession se multiplie entre Paris et Rouen, à
Louviers, la tension monte et les évènements prennent
une tournure plus dramatique.
Thomas Boullé,
vicaire de Mathurin Picard se voit, à son tour,
accusé des mêmes méfaits et trainé devant la justice
ecclésiastique. Mais le pire qui lui est reproché
est d'avoir mise enceinte Magdeleine Bavent, à plusieurs
reprises, et d'avoir sacrifié ensuite les bébés
pour en faire des poudres et des onguents. L'opinion
publique est scandalisée. Par ailleurs, les autorités
religieuses normandes ont la plus grande difficulté
à imposer leur point de vue à Paris qui, depuis
le diagnostic d'Yvelin, ne prend plus cette affaire
tout à fait au sérieux. Le parlement de Rouen décide
alors de se faire entendre et d'asseoir son pouvoir
juridictionnel, coûte que coûte, en condamnant à
mort le fameux Thomas Boullé. Ainsi le 21 août,
après avoir été soumis à la question, le vicaire
est exécuté, sans avoir avoué quoi que ce soit lié
à des actes de sorcellerie. Il a juste reconnu quelques
faits de luxure. Il brulé vif et les ossements de
Mathurin Picard rejoignent son bûcher. Mais, à Paris,
le conseil d'État va reprocher à Rouen la procédure,
d'autant plus que, depuis 1625, il refuse de confirmer
toute mise à mort pour sorcellerie, et il interdit
au parlement de Rouen de poursuivre ses condamnations,
dans ce domaine. Ainsi, la supérieure du couvent,
sœur Françoise-de-la-Croix qui avait été accusée
par ses religieuses de complicité, va profiter de
cette accalmie dans la justice parisienne pour faire
appel directement au Conseil privé du roi. En 1653,
elle est jugée innocente par le tribunal diocésain
de Paris et, en 1654, le Conseil privé du roi annule
toutes les actions en cours.
" L'affaire de Louviers
(...) acheva de retourner l'opinion publique cultivée
contre les possessions diaboliques et les accusations
de sorcellerie", explique Jean-Michel Sallmann.
Avec celle de Loudun, elle a "marqué tout à la fois
l'apogée de la chasse aux sorcières en France au
XVIIème siècle et l'amorce d'une réaction
des élites intellectuelles contre les abus qu'elle
entraînait. " Si les procès pour sorcellerie sont
de moins en moins nombreux, les histoires de ce
type ne cessent pas et se ressemblent toutes. "La
volonté royale ne faiblit cependant jamais, parce
qu'en France ces affaires de possession (...) ne
cessaient d'essaimer, l'une étant à l'origine de
l'autre, entraînant débats, contestations, batailles,
troubles locaux, et cela pendant toute la première
moitié du XVIIe siècle, provoquant en particulier
les interrogations de la fraction dirigeante du
pays que constituaient médecins et juristes", précise
Guy Bechtel. Les historiens se sont beaucoup interrogés
sur ces comportements qualifiés de diaboliques,
constatant qu'ils concernaient toujours des religieux.
Pour les uns, il s'agit de troubles psychologiques
issues de vocations souvent imposées par l'entourage,
pour les autres, c'était une manière pour ces femmes
de revendiquer un certain droit à la liberté, à
une époque où les établissements étaient très surveillés
par les autorités diocésaines, où les religieuses
étaient soumises à un enfermement catégorique et
définitif. IL ne faut pas oublier non plus, que
" la fréquence des phénomènes visionnaires et extatiques
est une caractéristique de la vie monastique du
XVIIème siècle, comme le rappelle Jean-Michel Sallmann.
Toujours est-il qu'à louviers, la population a souhaité
oublier les faits et a laissé détruire, sans regrets,
le couvent dont l'emplacement est, aujourd’hui,
occupé par la Mairie et la bibliothèque.
Louviers a déjà été le cadre d'une
vieille affaire de possession, en 1591. C'est René
le Tenneur qui l'évoque en ces termes : « le 16
août vers minuit, on entendit de grands bruits dans
une maison qui estoit vis-à-vis du portel de la
grande Eglise... »; on crut à des ennemis et l'alarme
fut donnée par toute la ville. Le capitaine Diacre
et ses soldats virent passer par les fenêtres de
ladite maison, tables, chaises, landiers et d'autres
meubles, la femme Le Gay et la femme Deshaies apparurent
à la fenêtre, criant à l'aide et « se voulans jetter
du haut en bas disant que c'estoit un esprit qui
les avoit tourmentées et avoit tout renversé sens
dessus dessous les meubles... ». Toutes les autorités
se déplacèrent. La servante, Françoise Fontaine,
âgée de 22 ans, fut interrogée. « Les procès-verbaux
des interrogatoires de la jeune fille décrivent
des scènes fantastiques » qui font dire qu'elle
est possédée.
Dans son constat du 31 août 1591,
Loys Morel relate que, devant le corps convulsionné
de Françoise il la frappa de plusieurs coups de
balai mais sans succès. Au cours des interrogatoires,
Françoise dit qu'une nuit, réveillée en sursaut,
« ...elle avoit apperçeu un grant homme tout vestu
de noir, ayant une grande barbe noire ... » il lui
rappela qu'elle s'était donnée à lui (...) elle
fournit les détails les plus scabreux sur cette
copulation satanique, détails que les magistrats
consignèrent gravement.
Le prévôt relate encore
qu'un jour « ... Françoise prestoit l'oreille a
quelqu'un qui parloit a elle derrière son doz, encores
que nous n'entendions ni ne vissions personne, nous
avons usé de ces mots : « Diable, par la puissance
que j'ay comme juge estably par le Roy, ayant la
justice de Dieu en la main pour punir les meschantz,
je te fais commandement de laisser ce corps ». Au
cours d'un autre interrogatoire, les chandelles
s'éteignirent inexplicablement ; pendant que le
curé allait chercher des flambeaux, le prévôt, resté
seul avec Françoise, se trouva saisi par les membres
et immobilisé.
Le 2 septembre, on amena Françoise
dans l'église et le curé Pellet voulut, après maintes
conjurations la faire communier, « ... tout aussi
tost il s'apparut comme une ombre noir hors l'Eglise,
qui cassa un lozenge de vitres de la chapelle et
souffla le cierge qui estoit sut l'Autel... »
On dut renoncer à faire communier Françoise et après
de nouveaux exorcismes et des aspersions, elle fut
reconduite en prison.
Après la mort de ce roi, le dauphin
Charles VII dépossédé en vertu du traité de Troyes,
s'efforça inutilement de repousser cette grande invasion
anglaise jusqu'au moment où Jeanne d’Arc lui prêta son
merveilleux secours ses troupes furent battues à Verneuil,
par le duc de Bedford, en 1424. Mais lorsque le siège
d'Orléans eut été levé, les Français obtinrent des succès
presque aussi constants que l'avaient été jusque-là
leurs revers. La Normandie fut cependant l'une des dernières
provinces que perdirent les Anglais, ils ne furent chassés
d'Évreux qu'en 1441.
La fin du règne de Charles VII
et les règnes suivants ramenèrent, avec le calme, un
peu de prospérité jusqu'à l'époque de la Ligue. La paix
ne fut troublée momentanément que sous Louis XI, par
le soulèvement de quelques villes dans la guerre du
Bien Public.
Lorsque la Réforme de Calvin s'introduisit
en Normandie, le diocèse d'Évreux dut à la sagesse de
ses prélats d'être préservé de l'hérésie. L'évêque Ambroise
Le Veneur visitait souvent, pendant la nuit, les villes
et les villages de son diocèse pour voir si l'erreur
ne s'y produisait pas. Son successeur, Claude de Saintes,
eut la prudence de consentir à réformer le Bréviaire,
le Rituel et le Missel d'Évreux, où se trouvaient plusieurs
préceptes indignes de la sainteté de la religion. Mais
ce pasteur pieux et savant exagéra son zèle religieux
au moment où Henri IV fut appelé au trône par la mort
de Henri III en 1589 et engagea Évreux dans la ligue
contre le roi protestant. Tous les bourgeois s'unirent
à l'évêque ; ils s'armèrent et s'emparèrent du château
d'Harcourt en 1590 ; celui de Neubourg fut également
emporté, la ville de Conches fut saccagée; mais Breteuil
se défendit courageusement et le maréchal de Biron vint
sommer Évreux de se rendre. Après quelques pourparlers
et un peu d'hésitation, les habitants ouvrirent leurs
portes et l'évêque s'enfuit à Louviers (janvier 1591).
Henri IV ne tarda pas à venir en personne dans le comté
d'Évreux ; il y gagna sur Mayenne la bataille d'Ivry
(1591), s'empara de Louviers, fit prisonnier l'évêque
d'Évreux et le transféra au château de Caen, puis à
Crèvecœur, près de Lisieux. Dans les premières années
du XVIIème siècle, Henri IV visita, avec
Marie de Médicis, la plupart des villes de Normandie
et, entre autres, Évreux. Le calme se rétablit dans
le diocèse, et il ne fut plus troublé que par quelques
soulèvements qui eurent lieu en 1649, à l'époque de
la Fronde. Le duc de Longueville, gouverneur de Normandie,
se révolta et entraîna dans sa rébellion les villes
de son gouvernement. François d'Harcourt, marquis de
Beuvron, lieutenant général du roi en Normandie, vint
mettre le siège devant Évreux les bourgeois résistèrent
pendant une année environ ; l'emprisonnement des princes
de Condé et de Conti et du duc de Longueville (1650)
leur fit déposer les armes ; l'évêque, qui s'était déclaré
contre la Fronde, rentra dans la ville, et le diocèse
jouit d'une longue paix jusqu'en 1789.
Le département
de l'Eure, formé en 1790, accueillit avec faveur la
Révolution jusqu'au moment où les girondins furent renversés
par la Montagne. A ce moment, une armée fédéraliste
s'organisa et fut conduite jusqu'à Vernon par le général
Wimpfen et le marquis de Puisaye. Le général républicain
Schérer eut l'avantage en diverses rencontres la guerre
se reporta dans la Bretagne et dans la Vendée, et depuis
ce temps jusqu'à nos jours la paix ne fut plus troublée
dans le département de l'Eure jusqu'à la funeste guerre
de 1870-1871. Lorsque Metz eut succombé et qu'elle eut
été livrée plutôt que défendue par le maréchal Bazaine,
les troupes du prince Frédéric-Charles, après avoir
envahi la Flandre et la Picardie, entrèrent en Normandie
; l'arrondissement des Andelys, situé sur la rive droite
de la Seine, fut un des premiers pays normands occupés
par les Allemands mais ce ne fut pas sans résistance.
Le 30 novembre 1870, le général Briand leur livra même
un combat heureux et les délogea d'Étrépagny mais il
fut rappelé sur un autre point par des ordres supérieurs
; l'ennemi revint en force, reprit ses positions et
continua sa marche sur Rouen. Évreux fut occupé par
l'ennemi, mais il n'eut pas à subir de violences.
Dans l’Antiquité romaine, Évreux
est identifiée par le nom de Mediolanum Aulercorum ;
elle était la capitale du peuple des Aulerques Éburovices
et fut fondée à la fin du Ier siècle av.
J.-C.12. Au début du Haut-Empire, ces derniers honoraient
les dieux gallo-romains dans le sanctuaire de Gisacum
à cinq kilomètres de la cité.
Taurin est le premier
évêque d’Évreux. Évreux devint en 989 le siège du comté
d'Évreux et de l’évêché d'Évreux. Les Normands la prirent
en 892, Lothaire la pilla en 962. Elle fut saccagée
par Henri Ier d'Angleterre en 1120. En 1194 Philippe-Auguste
confie la garde de la ville à Jean sans terre. Mais
ce-dernier le trahis pour se faire pardonner auprès
son frère Richard Cœur de Lion. Pour cela il fait massacrer
par traitrise 300 chevaliers fidèles au Roi de France
et s'empare de la ville au nom de l'Angleterre. En représailles,
Philippe-Auguste brule la ville. Il est à remarquer
que la Famille Devereux que l'on retrouve en Angleterre
(notamment en Essex dont plusieurs comtes étaient des
Devereux) et en Irlande tire son nom de la ville. Durant
le XIVème siècle et la première moitié du
XVème, la Maison d'Evreux, branche cadette
de la dynastie capétienne, connut son apogée.
Avec le mariage de Philippe d'Evreux
avec Jeanne II de Navarre, des d'Evreux régnèrent sur
le Royaume de Navarre. La lignée principale s'éteignit
en 1400 avec la mort de Charles d'Evreux, tandis que
la lignée navarraise (la Maison capétienne d'Evreux-Navarre)
persista jusqu'en 1441. Aujourd'hui, un quartier d'Evreux
est nommé Navarre. Pendant la Guerre de Cent Ans, la
ville est prise en 1418 par le roi anglais Henri V.
Elle retourne à la souveraineté du roi de France en
1440 grâce à l’action de Robert de Flocques dont la
dalle funéraire se trouve dans l'église de Boisney.
La ville a subi de forts dommages au cours de la Seconde
Guerre mondiale et la plus grande partie de son centre
a été reconstruite.
Entre 996 et 1008, le duc de
Normandie, Richard II, offre cette région en dot à son
épouse, Judith de Bretagne, qui fonde aussitôt une abbaye
bénédictine : l'abbaye Notre-Dame. Les moines aménagent
le site par des travaux hydrauliques importants : assainissement,
moulins, pêcheries… et la construction d'une abbatiale
qui reste un joyau de l'architecture romane normande.
Pour couvrir les frais et assurer leur défense, ils
cèdent une partie de leur propriété en 1048. L'activité
commerciale attestée dès 1198 prend son essor sur l'axe
principal de la ville. L'industrie du drap est réputée,
les foires sont nombreuses, notament, la Foire Fleurie
au moment des Rameaux en est un souvenir, en raison
de la diversité et de l'abondance des produits agricoles
de la région.
Bernay devient d'ailleurs un immense
marché chaque samedi. La vénération de Notre-Dame de
la Couture dès le XIIIème siècle, est à l'origine
de pèlerinages importants qui attirent les foules de
toute la Normandie ; le pèlerinage marial diocésain
a toujours lieu chaque Lundi de Pentecôte. Au cours
du XIXème siècle, d'importants aménagements
de voirie modernisent la ville, et l'évolution de la
structure industrielle s'oriente vers le pourtour de
la cité. Ce développement continuera au cours du siècle
dernier, avec l'arrivée de nouvelles industries et l'extension
considérable de Bernay sur les coteaux surplombant le
centre traditionnel, lequel a su rester fidèle à ses
origines.
Le monument qui a fait la célébrité de la petite ville normande est sans doute le Château Gaillard dont les ruines surplombent la vallée de la Seine. Le château est bien visible de la large vallée que forme à cet endroit un important méandre de la Seine. À la fin du XIIème siècle, la Normandie fait partie de l'empire Plantagenêt et les rois de France lorgnent depuis toujours sur ces terres riches qui leur permettraient le contrôle de la Seine et un accès à la mer.
Giverny est une commune de l'extrême est du département de l'Eure, limitrophe de celui des Yvelines et proche de celui du Val-d'Oise. Elle appartient à la région naturelle du Vexin bossu qui se caractérise par les multiples sillons qui ont creusé le plateau et offre un paysage très ondulé entre les vallons secs affluents de l’Epte . Cette petite commune de moins de cinq cents habitants est très célèbre pour y abriter l’un des plus beaux jardins de France. Giverny est la dernière demeure de Claude Monet et son jardin est connu du monde entier. Giverny abrite en outre un musée des impressionnismes.
Aussi, les Ducs de Normandie ont depuis longtemps cherché à protéger cette position stratégique et leur frontière, en construisant une série de châteaux forts (Louviers, Malassis, Vernon, Gasny, Pacy-sur-Eure, Baudemont, Ecos, Château-sur-Epte, etc.) et ainsi, défendre l'accès à la capitale normande, Rouen. En arrière de Vernon et des premiers points fortifiés sur l'Epte, tombés en partie aux mains du roi de France, Richard Cœur de Lion lance la construction de Château Gaillard en 1196 sur une falaise de craie surplombant la vallée de la Seine. Cette position est considérée comme inexpugnable. Pour empêcher toute descente du fleuve par la flotte française, il fait planter trois rangées de pieux dans le lit de la Seine en contrebas. La construction de Château Gaillard aurait duré un an et, selon la légende, Richard Cœur de Lion aurait déclaré en 1197 : « Qu'elle est belle, ma fille d'un an » et il serait aussi l'auteur de : « Que voilà un château gaillard ! » .
Le choix des Andelys par Richard
pose un double problème : d'une part, le lieu appartient
à l'archevêque de Rouen, Gautier de Coutances à l'époque
; d'autre part, le roi d'Angleterre n'a pas le droit
de fortifier l'endroit selon les termes du traité de
1196. Mais, il n'a pas le choix s'il veut défendre la
vallée de la Seine. Il passe donc outre les oppositions.
Ce qui lui valut les foudres de l'archevêque Gautier
de Coutances. Finalement, un compromis est trouvé en
octobre 1197 : Richard offrit au prélat plusieurs terres
ducales contre la possession des Andelys, dont le port
de Dieppe, source d'importants revenus. L'échange était
particulièrement favorable à l'Église. Richard installe
le château sur un éperon rocheux dominant la Seine d'environ
90 mètres. Le site n'est toutefois pas l'endroit le
plus haut du secteur puisqu'au sud-est s'étend un plateau
qui le domine de 50 mètres.
Le système défensif
dépassait de loin la seule forteresse encore visible
aujourd'hui et bloquait littéralement le fleuve. Au
pied du château, le bourg fortifié de la Couture (embryon
du Petit Andely) avait été créé. De là, un pont enjambait
la Seine et prenait appui sur une île fluviale qui accueillit
le petit château de l'île. Quelques centaines de mètres
en amont du fleuve, une triple rangée de pieux empêchait
la descente des navires (l'estacade). Deux mottes castrales
servaient d'avant-postes : la tour de Cléry sur le plateau
et celle de Boutavent dans le vallée. Au centre, poste
d'observation magistral et imprenable, le Château-Gaillard
L'ensemble avait pour vocation de verrouiller la boucle
de la Seine en amont de Rouen en cas de danger.
Après la mort de Richard en avril 1199, son jeune frère
Jean sans Terre lui succède sur le trône ducal. Philippe
Auguste profite de ce changement de règne pour reprendre
la conquête du duché de Normandie. Sous la pression
du légat Pierre de Capoue, le roi conclut un traité
de paix le 22 mai 1200, connu sous le nom de traité
du Goulet.
Philippe Auguste conserve ses
dernières conquêtes, notamment le Vexin Normand, à l'exception
de Château Gaillard. Cette paix est rompue en 1202.
Le roi reprend l'offensive et en août 1203, il s'empare
de l'île d'Andely avec son fort et du bourg de la Couture,
abandonné par sa population. Non loin, les Anglo-Normands
abandonnent sans combat le château du Vaudreuil puis
c'est au tour du château de Radepont de tomber. L'estacade
est détruite, rendant la navigation sur la Seine possible.
La route de Rouen est ouverte pour les Français. Donc,
quand en septembre, Philippe entreprend le siège du
château, la forteresse n'est plus si indispensable à
prendre.
Elle reste toutefois pour le roi de France
un symbole à abattre car c'est le château de Richard
Cœur de Lion . Philippe Auguste entoure la forteresse
d'un double fossé de circonvallation qu'il hérisse de
14 beffrois. Mais conscient du caractère redoutable
de la place forte, le roi de France compte surtout sur
un blocus qui affamera la garnison et la population
retranchées à l'intérieur pour soumettre Château Gaillard.
Roger de Lacy commande la garnison et se montre prêt
à résister le temps qu'une armée de secours envoyée
par Jean sans Terre le débloque. Pour préserver les
vivres, les 1 200 habitants de La Couture (Petit Andely),
qui avaient trouvé refuge dans le château, en sont chassés
en décembre. Les Français assiégeants les repoussèrent.
Tassés dans la deuxième enceinte, exposés au froid de
l'hiver, ils moururent de faim. Mais ce n'est pas la
famine qui assure au roi de France la prise de Château
Gaillard. Il tire parti des « erreurs dans la conception
même de la forteresse, qui vont apparaître au fur et
à mesure de la progression de l'assaut ».
Les Français
attaquent d'abord la grosse tour qui domine l'ouvrage
avancé. Son écroulement oblige les défenseurs à se replier
dans le château proprement dit. La légende voudrait
que les Français soient entrés dans la basse-cour par
les latrines. Un soldat un peu plus rusé que les autres,
un certain Bogi, pénétra dans la forteresse en empruntant
les latrines et réussi enfin à ouvrir la porte de la
seconde enceinte.* Les assaillants débouchent dans la
basse-cour tandis que les défenseurs s'enferment dans
le donjon. Mais comme un pont dormant relie la basse-cour
au donjon, les mineurs français n'ont pas de grandes
difficultés à s'approcher de la porte. Un engin de jet
l'enfonce finalement. La garnison comprenant 36 chevaliers
et les 117 sergents ou arbalétriers se rend le 6 mars
1204. Le siège a coûté la vie à quatre chevaliers. Lambert
Cadoc chef mercenaire de Philippe Auguste fut l'un des
grands artisans de cette victoire, Le roi de France
lui confia la garde du château.
Le champ est désormais
libre au roi de France pour achever la conquête du duché
de Normandie. Conquête facilitée par l'abattement moral
chez les Anglo-Normands, consécutif à la chute de Château
Gaillard. Le duché tombe entièrement en juin 1204.
C'est également à Château Gaillard, devenu une prison,
que la reine Marguerite de Bourgogne est morte étranglée
sur ordre de son époux Louis X le Hutin. elle avait
été condamnée pour d'aldultère lors de l'affaire de
la Tour de Nesle
* Note : La légende voudrait que les Français soient entrés dans la basse-cour par les latrines ; Adolphe Poignant au XIXème raconte que ce sont les troupes de Lambert Cadoc qui l'ont prise d'assaut, une nuit. Cependant, à la lumière du récit de Guillaume le Breton, ils se seraient introduits en réalité par l'une des fenêtres basses de la chapelle que Jean sans Terre aurait fait construire bien mal à propos. La légende des latrines est encore reprise en tant qu'histoire vraie aujourd'hui par diverses sources peu spécialisées, comme des ouvrages de vulgarisation ou des sites internet. Cette fable aurait été inventée après les faits, car elle frappe l'imagination en introduisant du cocasse dans une situation dramatique et surtout, parce que la vérité est quelque peu embarrassante pour l'image de la monarchie de droit divin, une chapelle étant normalement un sanctuaire inviolable
Au cours d’une chasse en forêt de Bord, près de Louviers, Edmond, jeune écuyer, avait sauvé Calliste, la fille du seigneur du lieu, des attaques d’un sanglier. Ils tombèrent amoureux l’un de l’autre, mais le père, pensant à décourager Edmond, lui promit sa fille s’il réussissait à la porter jusqu’au sommet du mont. Parvenu en haut, Edmond mourut d’épuisement, tandis que la jeune fille se laissait mourir de désespoir. Saisi de remords, le père fit édifier à cet endroit un prieuré. Tel est l’essentiel de cette légende qui est à l’origine du nom de la Côte des Deux Amants, et qui fut maintes fois reprises par les peintres et les poètes jusqu’au XIXème siècle où cette histoire connut une véritable fortune .
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