Histoire de l'Indre
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Le département de l'Indre, formé de la
partie de l'ancienne province du Berry connue sous le nom de
bas Berry, a, dans ses premières origines surtout, une histoire
commune avec celle du département du Cher, dont la reproduction
ici ferait double emploi, et à laquelle nous renvoyons ceux
de nos lecteurs qui tiendront à avoir des notions plus complètes
et plus détaillées sur les annales de la contrée.
Les Romains
trouvèrent ce pays occupé par les Bituriges, nation nombreuse
et florissante, possédant des villes importantes, parmi lesquelles
Issoudun, dont le nom est d'origine toute celtique, est une
de celles dont nous aurons à parler. Quelques vestiges de monuments
mégalithiques, des traces mieux conservées d'ouvrages romains,
guident et éclairent les recherches de l'historien pour ces
périodes reculées.
On sait que sous Auguste le pays des Bituriges
fut compris dans l'Aquitaine, dont Bourges, sous le nom d'Avaricum,
devint la capitale. Entre la domination romaine et l'établissement
de la monarchie franque, deux grands faits viennent se placer
l'apparition du christianisme vers le milieu du IIIème
siècle, les premières prédications de saint Ursin et la désastreuse
invasiondes Wisigoths, qui ne furent chassés qu'en 511 par Clovis,
vainqueur de leur chef Alaric dans la sanglante bataille de
Vouglé.
La période mérovingienne est pleine d'incertitude
et d'obscurité en ce qui concerne le Berry. Lors du partage
du royaume des Francs entre les enfants de Clovis, le pays de
Bourges, dont faisait sans doute partie notre département de
l'Indre, fut englobé dans les dépendances du royaume d'Orléans
il passa ensuite aux ducs d'Aquitaine, et eut sa part de dévastations
et de calamités dans la vengeance que tira le roi Pépin de la
révolte de Waïfre; l'un d'eux. Charlemagne rattacha définitivement
le Berry à la couronne de France. De son organisation administrative
datent les comtes de Berry, dont le pouvoir, centralisé et respecté
sous son règne, s'éparpilla, sous celui de ses successeurs,
aux mains de seigneurs locaux qui, pour la plupart, suivirent
la fortune des comtes de Poitou, qu'ils reconnurent comme suzerains,
tout en se réservant une indépendance à peu près complète. Nous
suivrons, dans l'histoire spéciale des villes, les développements
de quelques-unes de ces familles féodales; aucune d'elles n'acquit
une importance aussi générale sur la contrée qui nous occupe
que celle des princes de Déols. Ils avaient la prétention de
descendre d'un Léocade, sénateur des Gaules, qui protégea l'établissement
du christianisme dans le Berry au VIème siècle; à
l'époque où nous sommes arrivés, c'est-à-dire sous les premiers
successeurs de Charlemagne, le chef de cette illustre maison
était Laune, et son frère Géronce occupait le siège archiépiscopal
de Bourges. Son petit-fils, Ebbe ou Ebbon, surnommé l'Ancien
et le Noble, fonda, de concert avec sa femme Ilildegarde, la
célèbre abbaye de Déols. Les fiefs qui dépendaient de la principautéde
Déols étaient nombreux et considérables on en comptait 168 principaux,au
nombre desquels figuraient les villes de Châteauroux, Issoudun,
Saint-Gaultier, Saint-Chartier, La Châtre, Argenton, Clais,
etc. Celte nomenclature suffit à démontrer quels étroits rapports
rattachent l'histoire.du bas Berry tout entier à celle des princes
de Déols. En 935, l'invasion hongroise pénètre jusque dans les
provinces centrales de la France Ebbe l'Ancien réunit ses vassaux,
en forme une armée, à la tête de laquelle il poursuit l'ennemi,
l'atteint et le bat à Châtillon-sur-Indre. Il veut consolider
ses succès par une nouvelle victoire ; il rejoint encore les
Hongrois à Loches mais, trahi par son ardeur, il est blessé
mortellement, et expire à Orléans, où l'église de Saint-Aignan
reçoit sa noble dépouille. Haoulle Large, fils d'Ebbe l'Ancien,
jette les fondements de la ville de Châteauroux ; il fortifie
la ville construite, lui donne son nom, château- Raoul, en fait
la capitale de sa principauté, abandonnant l'ancien bourg de
Déols à l'abbaye qu'y avaient fondée ses ancêtres. Il meurt
en 952. Les craintes superstitieuses, qui, aux approches de
l’an 1000, donnèrent un essor si prodigieux aux fondations religieuses,
eurent aussi leur influence sur la pieuse famille de Déols Raoul
IV (Thibaut) avait précédé la première croisade; il avait revêtu
l'habit de pèlerin, avait visité Jérusalem et était mort à Antioche;
plus tard, Ébrérd de Vatan se fit pour le Berry l'écho de la
voix de Pierre l'Ermite, et le prince de Déols prit part, avec
un grand nombre de ses vassaux, à l'expédition de 1099. Ce dévouement
chevaleresque n'est pas le seul gage que donnaient ces puissants
seigneurs des sentiments religieux qui animaient leur famille.
Dès les premiers temps de la fondation de l'ordre de Saint-Benoît,
des moines avaient été appelés, et leur établissement dans le
bas Berry puissamment encouragé ils y avaient fondé, vers la
fin du XIIème siècle, les monastères de Saint-Cyranen-
Brenne et de Méobec; celui de Saint-Genou, en 828; de Déols,
en 917; d'Issoudun, en 947, et de Saint-Gildas, quelques années
plus tard.
Il ne reste aujourd'hui que de bien rares vestiges
de ces riches et antiques établissements mais la sainte et laborieuse
milice a laissé des monuments plus utiles et plus durables de
son passage ce sont des marais assainis, des routes tracées,
des forêts défrichées, de vastes étendues de terrain livrées
à la culture, de nombreux villages créés, le joug de la féodalité
rendu plus léger, les mœurs adoucies, les traditions de l'art
et de la science antique renouées et la civilisation moderne
préparée. Pendant les deux siècles que nous venons de parcourir,
nous avons marqué la part qui revient à la maison de Déols dans
le bien qui s'est fait ; l'heure de son extinction allait arriver,
et nous avons le regret de ne pas pouvoir ajouter à ses titres
de gloire le plus grand bienfait que les vassaux pussent recevoir
alors de leurs seigneurs, avec la paix l'affranchissement. C'est
sans doute à la douceur de la domination des Déols faisant la
liberté moins indispensable et moins réclamée, qu'il faut attribuer
cette lacune que nous regrettons l'absence, dans le bas Berry,
de toute charte communale à une époque où tant de villes en
France avaient les leurs. En 1176, Raoul VI, dernier sire de
Déols, meurt au retour de la croisade, sa fille unique, Denise,
devient maîtresse de ses immenses possessions. C'était au plus
fort de la lutte entre Philippe-Auguste et Henri II, roi d'Angleterre.
Denise était la nièce du prince anglais ; celui-ci, auquel l'alliance
d'Éléonore de Guyenne avait livré déjà presque tout l'ouest
de la France, ne laissa point échapper une occasion si favorable
d'étendre son influence sur les provinces centrales du royaume
il se présenta donc comme le protecteur naturel de la jeune
orpheline, et, secondé par son fils, Richard Cœur de Lion, alors
comte de Poitiers, il s'empara des villes de Châteauroux et
de Déols, et mit garnison dans tous les autres châteaux et forteresses
de la principauté, Boussac et Châteaumeillant exceptés. Philippe-Auguste
ne pouvait voir avec indifférence une semblable extension de
la puissance anglaise ; il prétexte la revendication du Vexin
injustement retenu par Henri, le refus du serment d'hommage
que lui doit Richard pour son comté de Poitou, et, à la tête
d'une puissante armée, il marche sur le bas Berry. Issoudun
et Graçay tombent en son pouvoir ; les campagnes de la terre
déoloise sont ravagées, le siège est mis devant Châteauroux,
les deux armées ennemies se sont rejointes et sont au moment
d'en venir aux mains, quand une trêve est conclue par l'intermédiaire
des légats du pape Philippe se retire, ne gardant qu'Issoudun
comme garantie des promesses faites par le roi d'Angleterre.
Cette trêve ne pouvait être de longue durée, car aucune des
difficultés de la situation n'était résolue aussi, en 1189,
sur le bruit d'un mariage projeté entre Denise de Déols et André
de Chauvigny, l'un des barons du Poitou les plus dévoués livre.
aux Anglais, Philippe, prétextant cette fois une expédition
de Richard dans le Midi, faite contre le texte des traités,
revient sur le Berry, surprend la province sans défense, s'empare
de Châteauroux, Buzançais, Argenton, soumet tout le pays et
pénètre dans l'Auvergne, menaçant de ce point central et élevé
les possessions anglaises de l'Ouest et du Midi. Cette marche
victorieuse eût sans doute assuré la domination française dans
tout le Berry, si la question ne se fût compliquée alors de
luttes moins heureuses sur d'autres points Philippe transigea
et accepta de Henri mourant un traité, ratifié ensuite par Richard,
son successeur, en vertu duquel il ne restait en possession
que d'Issoudun et de Graçay, Six ans plus tard, une autre convention,
survenue à la suite d'une nouvelle intervention de Philippe,
accouru au secours du bas Berry, que ravageait Mercadier, chef
de routiers à la solde de Richard, modifia encore l'état politique
de la province le roi d'Angleterre consentit à faire sa soumission
et à rendre hommage au roi de France comme comte de Poitou;
mais la terre de Déolsf continua à relever du prince anglais
en sa qualité de duc d'Aquitaine, et les villes d'Issoudun et
de Graçay lui furent remises et restèrent en sa possession jusqu'en
1200, époque à laquelle elles furent données en dot à Blanche,
nièce du roi Jean sans Terre et femme de Louis, fils de Philippe-Auguste.
Les événements si précipités de celte courte période peuvent
donner une idée des vicissitudes auxquelles furent en butte
nos malheureuses provinces du centre, incessamment froissées
dans la lutte si acharnée et si longue de l'Angleterre et de
la France, les rivalités féodales devaient encore venir apporter
de nouveaux éléments de troubles et de discordes à ces déplorables
déchirements.
L'espèce d'unité intérieure maintenue dans
le bas Berry par la prépondérance des princes de Déols reçut
une grave atteinte à l'extinction de cette illustre maison.
Son unique rejeton, Denise, avait épousé le baron de Chauvigny,
qui devint la souche d'une nouvelle dynastie, celle des comtes
de Châteauroux, titre qu'ils empruntèrent à la capitale de leurs
domaines. Cette famille conserva pendant plus de trois siècles,
de 1189 à 1505, une puissance moins étendue, plus contestée
que celle des Déols, mais illustrée souvent par les exploits
de ses membres, et dans les archives de laquelle il faut encore
chercher les épisodes les plus notables de l'histoire du bas
Berry.
Le XIIIème siècle, moins agité, pour notre
province, par les événements extérieurs que les siècles précédents
et que ceux qui suivirent, se signale surtout par l'affranchissement
des communes. L'octroi des chartes était le gage que donnaient
les princes aux villes pour s'assurer de leur dévouement et
de leur fidélité ; c'était souvent aussi le prix dont ils payaient
les sacrifices extraordinaires qu'ils leur imposaient. Cette
politique, appliquée ailleurs depuis longtemps déjà, ne, fut
importée dans le bas Berry qu'en 1208. Châteauroux fut la première
ville à qui semblable faveur fut accordée l'exemple gagna bientôt
le reste du pays, où chaque seigneur affranchit peu à peu, sans
secousses, les serfs de ses domaines ; l'influence royale y
poussait de tous ses efforts, sentant tout ce qu'elle avait
à gagner à cet amoindrissement de la puissance féodale. On sait,
d'ailleurs, que cette époque correspond au règne de rois fermes
et résolus dont on sent la politique réagir même à distance
sans que l'historien trouve toujours des témoignages palpables
de son intervention. Ici, cependant ; nous pouvons produire
un fait à l'appui de nos suppositions. Un des droits seigneuriaux
les plus importants était celui qu'avaient conservé les comtes
de Châteauroux. de battre monnaie un pareil privilège, qui abandonnait
aux mains d'un homme ou d'une famille un élément aussi essentiel
de la fortune publique, était un invincible obstacle à tout
essor de l'industrie, à tout développement des transactions
commerciales aussi voit-on coïncider avec les premiers temps
de l'émancipation les premiers murmures contre l'altération
de la monnaie, qu'on reprochait aux sires de Chauvigny ; la
bourgeoisie, trop timide encore pour articuler ses griefs, laisse
la parole à la noblesse et au clergé, qui en appellent au roi
de France, et, après de longues réclamations, intervient enfin
une déclaration portant la date de décembre 1316, et par laquelle
Guillaume III de Chauvigny s'oblige à ne plus émettre de monnaie
pendant sa vie et à interdire le droit d'en frapper à ses héritiers
pendant les vingt-neuf années qui suivront sa mort. Ce qu'il
y a de plus curieux dans le fait, c'est qu'il se passait pendant
que Philippe le Bel, pour alimenter le trésor royal, avait recours
à ce même moyen, qu'on interdisait à son vassal, pour augmenter
ses richesses féodales, comme si l'instinct public eût compris
que la nécessité du temps justifiait pour l'un ce qu'elle défendait
à l'autre. Voici, du reste, une preuve plus significative encore
des progrès accomplis, dans ce sens, pendant le cours du XIIIème
siècle, Ce même Guillaume III de Chauvigny avait commis une
violence sur un domaine du seigneur de Culant ; celui-ci porta
plainte devant le roi, qui, la cause entendue, condamna Guillaume
à une amende sur son refus de l'acquitter, il fut saisi et enfermé
dans la tour d'Issoudun. Ces tendances vers l'établissement
et la constitution d'une monarchie française forte et puissante
furent arrêtées, au XIV et au XVème siècle, par le
réveil des prétentions anglaises et les guerres qu'elles entraînèrent,
compliquées encore de la sanglante querelle des Armagnac set
des Bourguignons. A la mort de Charles le Bel, en 1328, la question
de succession à la couronne de France divisa la noblesse du
bas Berry. Le vicomte de Bresse, fils du baron de Châteauroux,
prit parti pour Philippe de Valois ; Robert de Mehun embrassa
la cause d'Édouard, roi d'Angleterre le prince de Galles s'avança
au secours de son champion, dévasta les domaines du sire de
Châteauroux et brûla sa capitale. La guerre eut pour les deux
partis des alternatives de revers et de succès tantôt, comme
en 1356, les Chauvigny, toujours fidèles à la cause française,
prirent l'offensive en Guyenne sous la bannière de Du Guesclin
tantôt ils durent défendre pied à pied leurs domaines sur lesquels
faisaient irruption les masses anglaises, comme autrefois les
hordes des barbares du nord l'histoire de ces temps malheureux
n'est qu'un long récit de guerres ruineuses, de prises et reprises
de villes et de châteaux, Un des épisodes dont les traditions
locales ont gardé le souvenir est l'héroïsme d'un Guillaume
de Brabançois, seigneur de Sarzay, qui, au milieu même des triomphes
des Anglais, alors qu'ils occupaient les forteresses de Briantes,
du Chassin et du Lis, sans autres forces qu'une petite troupe
de quarante lances, se mit en campagne, s'empara de la ville
de La Châtre, en 1360, et fit face à l'ennemi partout où il
put le rencontrer. Ces massacres et ces dévastations se continuèrent
presque sans interruption dans la contrée qui forme le département
de l'Indre, jusqu'au triomphe définitif de Charles VII sur les
Anglais et à la mort du dernier duc de Bourgogne ; le siège
d'Issoudun, l'incendie de ses faubourgs et le sac de Buzançais,
dont nous aurons ailleurs occasion de parler, appartiennent
à la dernière période de cette époque désastreuse. A l’exception
de quelques fautes dont la responsabilité appartient aux mœurs
du temps plus encore peut-être qu'au caractère des hommes, on
a vu l'illustre famille de Chauvigny conserver intact et glorieux
l'héritage que lui avaient légué les Déols. Sa constante fidélité
à la fortune de la France était alors un mérite assez rare pour
qu'on songeât à le récompenser, Charles VIII acquitta la dette
de ses prédécesseurs le bas Berry fut érigé en comté en faveur
d'André de Chauvigny l'acte est daté de 1497. Le nouveau comte
de Berry ne jouit pas longtemps de son titre ; il suivit le
roi dans ses campagnes d'Italie, eut occasion de lui rendre
de signalés services, se distingua particulièrement à la bataille
de Fornoue, et mourut en 1502 sans laisser d'enfant. En lui
s'éteignit une des maisons les plus anciennes et les plus pnissantes
de la vieille noblesse française; avant de traverser trois siècles
de notre histoire, comme comtes de Châteauroux, les Chauvigny
du Poitou avaient déjà une illustration ancienne et méritée,
et les guerres des croisades avaient rendu fameux leur cri de
guerre, devant lequel avaient souvent fui les Sarrasins « Chauvigny
chevaliers pleuvent »
La veuve d'André se maria en 1505 à
Louis de Bourbon de La Roche-sur-Yon son premier époux l'avait
instituée son héritière mais les sires de Maillé, descendants
du côté paternel du sire de Chauvigny, attaquèrent le testament,
qui les frustrait des immenses domaines du comté de Châteauroux,
il survint une transaction en 1519, par laquelle le sieur de
Maillé fut reconnu possesseur des seigneuries de Châteauroux
La Châtre et d'autres terres situées sur le comté de la Marche,
et les seigneurs et dames de La Roche-sur-Yon restèrent propriétaires
des terres du Châtelet, Cluis- Dessous, Neuvy-Saint-Sépulchre,
Aigurande, et tout ce qui était assis en la prévôté et ressort
d'Issoudun.
Avant d'entrer dans l'époque moderne, jetons
un regard sur les monuments élevés dans l'intervalle qui sépara
le XIème siècle du XVème que nous touchons.
Nous ne disons rien ici ni des églises ni des châteaux forts
dont la fondation se rattache à l'histoire particulière des
villes ce seront bien souvent des ruines qu'auront à nous offrir
les souvenirs de la féodalité, les donjons des vieux manoirs,
les remparts des villes autrefois fortifiées ont eu à combattre
le double assaut du temps et de la grande Révolution; mais le
Berry offre encore en assez grand nombre les restes plus ou
moins bien conservés d'établissements religieux qu'il dut à
la dévote munificence de ses principaux seigneurs et parmi lesquels
nous devons mentionner l'abbaye de Miseray, près de Buzançais,
fondée au XIème siècle celle de Fontgombault, qui
date de 1091 de Puy- Ferrand, dont il est fait mention en 1145
de Landèse, construite en 1115 par les sires de Buzançais, qui
y étaient inhumés de La Prée, élevée vers 1128 par Raoul, seigneur
d'Issoudun, de Barzelle et de Varennes, bâties, la première
en 1137, l'autre, vers 1155 ces quatre dernières dépendant de
l'ordre de Cîteaux; ajoutons le monastère de Buxière, communauté
de femmes dont la création remonte à 1140, et les deux établissements
de cordeliers celui de Châteauroux, œuvre de Guillaume 1er
de Chauvigny en 1213, qui contenait les tombeaux de la plupart
des seigneurs de Châteauroux, des familles de Chauvigny et d'Aumont;
et celui d'Argenton, qui ne date que de 1459.. Depuis la fin
du règne de Charles VII jusqu'aux premières guerres de la Réforme,
pendant tout un siècle, la paix répara les désastres des périodes
précédentes bien des ruines furent relevées, un champ vaste
et fécond s'ouvrit à l'activité humaine; l'art décora les villes,
l'agriculture enrichit les campagnes; cette époque fut pour
notre pauvre Berry, plus que pour beaucoup d'autres contrées,
le siècle de la Renaissance; mais dans l'histoire de la France
le calme est presque l'exception, et la guerre l'état normal.
De nouveaux orages s'amoncelaient de l'est, de l'ouest, du midi,
la réforme religieuse pénétrait jusqu'aux régions les plus centrales;
la guerre répondait aux persécutions le Berry ne resta pas à
l'abri de ses fléaux. Issoudun fut assiégée, en 1562, par les
huguenots, qui l'auraient prise sans le secours que prêta le
sieur de Sarzay à la cause catholique Saint-Benoît-du-Sault
fut occupé l'année suivante par les troupes protestantes plusieurs
autres villes de la contrée eurent le même sort. La colère des
vainqueurs s'exerça particulièrement sur les églises et les
monastères ; la guerre toutefois n'y eut point le caractère
de barbarie et d'acharnement qu'on a ailleurs à déplorer trop
souvent, et la pacification du bas Berry fut plus prompte et
plus facile que celle des provinces voisines. Une autre guerre
moins sanglante divisait alors les grandes familles du pays.
L'héritage des Chauvigny, partagé entre les Maillé et les Aumont,
était l'objet des rivalités les plus ardentes. Les deux compétiteurs
se disputaient et s'arrogeaient en même temps le titre de comtes
de Châteauroux aux contestations aux réclamations avaient succédé
les procès; et l'issue de la lutte était incertaine, lorsque,
en 1612 et 1613, le prince Henri de Bourbon-Condé obtint des
deux maisons l’abandon de leurs prétentions respectives contre
une somme de 435,000 livres, équivalant à près de deux millions
de notre monnaie. Cet avènement d'un prince de sang royal à
la suzeraineté du Berry eut pour le pays les conséquences les
plus fâcheuses la Fronde, cette dernière révolte de la féodalité
expirante, s'organisait Condé, par sa nouvelle position, eut
le crédit d'entraîner dans cette cause, perdue d'avance, une
partie de la noblesse de la province, et y attira toutes les
calamités de la guerre civile. Un seigneur de Vatan, plus obstiné
que les autres, se retira dans son château, s'y fortifia et
ne voulut plus reconnaître l'autorité du roi; il paya de sa
tête son intempestive et téméraire rébellion, Le pays avait
souffert; quelques nobles d'un rang secondaire avaient été punis
; Condé, l'instigateur principal de la révolte, en fut quitte
pour quelques années de disgrâce et de prison ce qui toutefois
n'empêcha pas, en 1616, l'érection de la terre de Châteauroux
en duché-pairie comme entrée dans la possession d'un prince
du sang, et cela malgré les protestations d'Issoudun, qui voyait
soustraire ainsi à la juridiction de son bailliage un grand
nombre de sièges de justices inférieures. Châteauroux eut alors
dans son ressort, outre les nombreux fiefs démembrés des bailliages
d'Issoudun, de Montmorillon, même de Blois, les villes de La
Châtre, Lignières, Levroux, Buzançais, Mézières-en-Brenne, Le
Blanc, Argenton, Aigurande et on n'appelait des sentences du
bailli de Châteauroux qu'au parlement de Paris. Depuis la Fronde
jusqu'à la Révolution de 1789, le bas Berry ne fut le théâtre
d'aucun événement qui mérite une mention particulière; le duché
de Châteauroux resta dans la maison de Condé jusqu'en 1735,
époque à laquelle Louis XV en fit acquisition au prix de 2,700,000
livres, pour l'offrir à sa belle maîtresse, Anne de Mailly-Nesle,
marquise de La Tournelle, qui prit dès lors et a gardé dans
l'histoire le nom de duchesse de Châteauroux. Cette dame étant
morte quelque temps après avoir pris possession du royal présent,
la terre retourna à la couronne et constitua plus tard une partie
de l'apanage d'un des frères de Louis XVI, le comte d'Artois,
qui depuis fut le roi Charles X. Sous l'ancienne monarchie,
le bas Berry dépendait de la généralité de Bourges pour les
finances et l'administration il formait quatre élections celles
de Châteauroux, La Châtre, Le Blanc et Issoudun l'organisation
actuelle a conservé ces divisions elle a seulement emprunté
pour la formation du département de l'Indre quelques communes
qui appartenaient à l'ancienne province de la Marche, telles
que Saint-Benoît, Belâbre et quelques villages du même canton.
Pour les affaires militaires, le bas Berry faisait partie du
gouvernement du Berry ; nous avons vu que, pour la justice,
Châteauroux avait hérité d'une grande part dans l'ancienne clientèle
d'Issoudun ; ce qui était resté attribué aux bailliages d'Issoudun
et de Bourges allait en appel, comme les sentences de Châteauroux,
au parlement de Paris. La Révolution française ne rencontra
dans le bas Berry aucune opposition sérieuse les habitants subirent
sans murmurer toutes ses conséquences, même les longues guerres
de l'Empire, et, en 1815, nous voyons fraternellement accueillis
sur les bords de l'Indre ces héroïques débris de nos vieilles
phalanges républicaines et impériales qu'ailleurs il était de
mode alors d'insulter et d'appeler les brigands de la Loire.
Le bas Berry semble s'être jeté avec moins d'ardeur que des
contrées voisines dans la carrière ouverte par la paix à l'industrialisme
moderne mais le temps n'est peut-être pas encore venu de savoir
si c'est un blâme ou une louange que mérite son hésitation.
Plusieurs villes cependant, et Châteauroux à leur tête, ont
pris un essor commercial dont nous constaterons ailleurs l'importance;
mais la vie des champs, les travaux de l'agriculture sont, plus
généralement restés dans les mœurs et dans l'instinct du Berrichon,
qui doit à cette paresseuse insouciance des innovations, à son
culte pour les traditions paternelles, à sa fidélité aux vieux
usages, la conservation de son type original, moins effacé que
celui de la plupart de nos provinces, même de celles qui, au
point de vue historique, ont laissé l'empreinte de nationalités
plus indépendantes et plus distinctes. Nous épargnerons à nos
lecteurs une plus longue appréciation. Le Berry est aujourd'hui
plus connu que l'Écosse après les romans de Walter Scott qui
n'a suivi l'auteur de Mauprat et du Champi dans ses ravissantes
explorations.
Quelle est la cime qui reste à franchir? quel
est le ravin que nous n'ayons pas traversé, le ruisseau au bord
duquel nous ne nous soyons pas assis ? Êtres vivants ou objets
inanimés, grâces pittoresques du costume, pensées intimes du
cœur, quel coin du tableau est resté sans relief et sans lumière
sous le pinceau du maître ? Que reste-t-il à décrire quand George
Sand a tout raconté.
L'Indre tout comme son proche voisin le Cher appartiennent tout deux à l'ancienne province du Berry
Châteauroux

Châteauroux doit son nom à son fondateur,
Raoul le Large, fils d'Ebbes-le-Noble, prince de Déols, qui,
au XIème siècle, quitta le bourg héréditaire, berceau
de sa famille et capitale de ses domaines, pour un château qu'il
fit construire à quelques lieues, sur un monticule abrupt plongeant
dans les eaux de l'Indre. Autour, vinrent se grouper des habitations
qui, plus tard, formèrent la ville
Vers 937, le seigneur
Raoul le Large délaissa son palais de Déols, pour doter l’abbaye
fondée en 917. Il fit bâtir une forteresse sur un coteau de
la rive gauche de l’Indre. À partir de 1112, ce château fut
nommé « château Raoul », en raison du prénom fréquent chez les
seigneurs de Déols. La période féodale vit naître à l’abri de
cet emplacement fortifié une bourgade d’artisans et de commerçants.
Les seigneurs de Châteauroux sont puissants : leur fiefs couvre
les deux tiers de l’actuel département de l’Indre ; au XIème
siècle, ils ont leur propre monnayage. Le château et le bourg
sont pris par Philippe Auguste en 1188. À cette époque, la ville
connaît déjà une activité drapière importante, avec un moulin
à foulon depuis quelques décennies. Toute l’activité textile
se concentre le long de l’Indre, qui apporte sa force motrice,
et une baronnie régie par ses propres coutumes se crée (actuelle
rue de l’Indre). Cette production est réglementée contres les
fraudes externes car des drapiers de l’extérieur de Châteauroux
vendent leurs pièces de tissu comme fabriquées à Châteauroux,
et internes les drapiers castelroussins étirant parfois leurs
rouleaux de tissu pour vendre une plus grande longueur. ces
tissus sont principalement vendus lors de la grande foire annuelle
Le Blanc

À la frontière du Berry, du Poitou et de la Touraine, Le Blanc doit probablement son existence à la présence d'un gué permettant de traverser la Creuse. Quant à son étymologie, les formes anciennes montrent qu'elle n'a aucun rapport avec la couleur, mais serait à mettre en relation avec un thème pré-celtique *obl-, de sens obscur, et suffixe pré-celtique -incum. Tour à tour, la ville fut dénommée Oblincum, Oblenc, Oublanc, Doublanc, Du Blanc et enfin, Le Blanc. Le cours de la Creuse, partageant la ville jusqu'à la fin de l'ancien régime, a influencé toute son histoire. Plus récente, la ville Basse, au nord, s'est formée autour de l'église St-Génitour, le long de la voie romaine. Elle dépendait intégralement de la province du Berry. La ville Haute, quant à elle, au sud, était partagée entre les provinces du Berry et du Poitou, se manifestant par la présence de deux places fortes opposées : le château (des) Naillac, berrichon, et le château du Donjon, poitevin, aujourd'hui disparu. Longtemps donc, l'administration de cette cité fut particulièrement complexe et les dissensions vives. Au Moyen Âge, un pont reliait les deux villes, mais fut emporté par une crue en 1530. Pendant trois cents ans, le passage de la Creuse se fit par le bac. Le pont ne fut reconstruit qu'au début du XIXe siècle, entraînant de grands travaux d'urbanisme qui donnèrent au Blanc son aspect actuel. L’école de chirurgie du Blanc aurait été fondée par un descendant de François Le Proust du Ronday (1548-1615), jurisconsulte et cousin germain de Renée Le Proust de Niriau, femme de Jacques de Sainte-Marthe, médecin des rois Henri II, François II et Henri III et fils de Gaucher de Sainte-Marthe, médecin ordinaire de François Ier.
La Châtre

La Châtre tire son étymologie de « castra », camp fortifié. Celui-ci peut avoir été un ancien camp gaulois ou romain (selon les différentes versions proposées par les archéologues ou les historiens). La ville est ensuite un château féodal, siège d'une baronnie dont le premier titulaire connu avec certitude au XIe siècle siècle est Ebbes VI, dernier fils de Raoul II de Déols, seigneur de Châteauroux, qui aurait créé pour son fils en 1010 cette baronnie dont dépendaient les seigneuries de Sarzay, Briantes, Angibault, Saint-Martin de Thevet, Maugivray, Montlevicq, Virolan, Bellefont, Ars, L'Alleu, Nohant, Vieilleville, La Prune au Pot. Des moines cisterciens s’installent au bord de l’Indre et par la construction de moulins, amorcent le développement économique. En 1152, Louis VII fait annuler son mariage avec Éléonore d'Aquitaine. Elle épouse la même année Henri Plantagenêt. Le prince Ebbes de Chateauroux prête hommage à sa suzeraine, il s'en suit un saccage de ses territoires par Louis VII. La ville de La Châtre est brûlée en 1152 par le roi Louis VII. En 1189, Denise de Déols, la princesse de Déols, héritière des Raoul de Châteauroux, est mariée avec André de Chauvigny par Richard Cœur de Lion. La baronnie de Châteauroux passe ainsi à la famille des Chauvigny pour plus de deux cents ans. La Châtre est soumise par Philippe II Auguste en 1209. Un monastère de Carmes s’installe dans la ville. Ils font construire vers 1424 un château seigneurial dont il ne reste que le donjon (aujourd’hui musée George Sand et de la Vallée Noire) et qui se trouvait à l’intérieur des « gros murs de la ville ». La Charte de 1463 affranchit partiellement les bourgeois. Au XVe siècle, à la fin de la Guerre de Cent ans, la ville connaît une période de grand développement. Sa situation entre les possessions du roi de France et les anciennes provinces anglaises en font un lieu d’échange facilité par la présence de la cour à Bourges.
Issoudun

Située à mi-chemin de Bourges et de Châteauroux, la cité gauloise d’Uxeldunum, détruite à l'approche de César et reconstruite par ce dernier est un site occupé depuis l’Antiquité sans discontinuité. Au XIe siècle, les seigneurs d’Issoudun frappaient leur propre monnaie. À la fin du XIIe siècle, avec l’extinction de la famille des seigneurs de Châteauroux-Déols, lssoudun, comme leur héritière Denise de Déols, est ballotée entre les royaumes de France et d’Angleterre Le développement de la ville entraîne l’installation d’un couvent de franciscains (les cordeliers) dans la première moitié du XIIIe siècle. Au XVe siècle, la ville d'Issoudun connaissait une croissance d'industrie de drapier. Issoudun joue un rôle administratif important à partir de la fin du XVIe siècle en étant le siège d’une élection (subdivision de la généralité de Bourges) et d’une subdélégation. La ville d’Issoudun connaît une croissance démographique au début du XVIIIe siècle, puisqu’elle passe de 2050 feux en 1709 à 2269 en 1726 (autour de 10 000 habitants)9. A la Révolution, le choix de Châteauroux, alors seconde ville du Berry, comme préfecture du nouveau département de l’Indre nuit au développement d'Issoudun. Pendant la Deuxième République, Issoudun est une des villes les plus favorables au nouveau régime et aux idées de progrès. Dès son élection, le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte (futur Napoléon III) fait arrêter les membres des sociétés dites « secrètes » qui s’étaient donné pour mission de répandre ces idées et d’acquérir le peuple à la République sociale. Les principaux membres de La Solidarité républicaine (120 membres) sont condamnés à la prison ferme et privés de droits civiques pour deux ans (dont Lecherbonnier, père du futur maire) en juin 1849, et finalement emprisonnés après l’appel en novembre. L’agitation est permanente jusqu’au coup d'État du 2 décembre 1851, parfois dispersée par la troupe, et la garde nationale bourgeoise dissoute car trop inactive. La nouvelle du coup d’État est connue dans la journée du 2 par les officiels, mais ne se répand que le 3. Les républicains s’assemblent, manifestent (1 500 à 1 800 personnes), mais, en l’absence de certitudes, n’agissent pas pour se rendre maître des bâtiments officiels. La nouvelle de la défaite des républicains de Paris arrive le soir du 4, et le dernier rassemblement a lieu le 612. Les deux compagnies du 23e léger n’ont donc pas à intervenir. La répression commence ensuite, avec 23 arrestations pour la seule ville d’Issoudun, pendant que le pouvoir s’installe : la devise Liberté-Égalité-Fraternité est effacée des bâtiments publics. Douze cabarets populaires et suspects sont fermés en janvier 1852. L’un des prisonniers se pend en cellule ; en mai, trois des défenseurs de la République sont déportés en Algérie. Le libraire Châtelin, jeune père, libéré au bout de deux mois, préfère s’exiler à Londres, où ses travaux de relieur sont officiellement récompensés. Enfin, un élève issoldunois aux idées trop avancées de l’École normale de Châteauroux est exclu de l’établissement, le gouvernement de l’Empire autoritaire surveillant tout particulièrement les instituteurs. De la même façon, l’instituteur du village des Bordes, Nicolas Florent, particulièrement apprécié de la population, donnant des cours du soir, auparavant récompensé par l’Inspection académique, est démis dès le 22 décembre. L’opposition ne désarme pas, même si on ne peut relever dans les premières années de l’Empire que quelques condamnations pour cris séditieux. L’attentat d'Orsini, en janvier 1858, entraîne sept nouvelles arrestations d’opposants; certains sont déportés en Algérie.