Histoire du Maine et Loire


Les Andes ou Andegaves occupaient, à
l'époque de la conquête romaine, cette partie de la Gaule qui
a formé depuis la province d'Anjou et forme aujourd'hui le département
de Maine-et-Loire. Les Andes, avec leurs voisins les Aulerces
Cénomans, avaient pris part à une des émigrations les plus importantes
des Gaulois et envoyé, dans la partie de l'Italie qui plus tard
reçut le nom de Gaule Cisalpine, l'excédent de leur population.
Aussi quelques Angevins, trop zélés pour la gloire de leur pays,
n'ont-ils pas manqué de considérer sans autre preuve les Andes
comme fondateurs du village d'Andes ; voisin de Mantoue et patrie
de Virgile. Sans doute il serait bien agréable pour le patriotisme
local de compter parmi les Angevins célèbres l'auteur de l’Énéide
; mais c'est là une assertion qui trouvera toujours beaucoup
d'incrédules ; surtout hors du département de Maine-et-Loire.
Une gloire mieux constatée, c'est celle d'avoir, sous la conduite
du vaillant Dumnacus, résisté bravement aux lieutenants de César.
Vaincus néanmoins par Fabius, ils restèrent pendant cinq siècles
soumis aux Romains. Mais lorsqu'au Vème siècle l'empire
romain, miné depuis si longtemps à l'intérieur par la corruption
césarienne, se vit de tous côtés envahis par les barbares, les
Andes, comme leurs voisins, se hâtèrent de ressaisir leur indépendance
; Ils s'unirent aux Bretons et firent partie de la confédération
armoricaine.
Leur principale ville, Julionzagus, rejeta le nom qui indiquait son origine impériale pour prendre celui d'Andegavia, depuis Angers. Mais les Angevins n'échappaient à la domination romaine que pour retomber bientôt sous la domination plus dure des barbares. Les Saxons et les Francs furent successivement les dévastateurs et les maitres du pays ; ce fut sous Childéric Ier que l'Anjou devint la proie des Francs. Cependant les Angevins s'étaient convertis au christianisme ; opiniâtrement attachés à leurs croyances primitives ; ils avaient gardé dans les campagnes le culte des druides et repoussé le polythéisme romain. Mais l'unité de Dieu, qui faisait le fond de leur religion nationale, devait les rendre moins hostiles au christianisme, qui d'ailleurs se montra ici fort accommodant et sut ménager des coutumes si profondément enracinées dans les mœurs du pays, que quelques-uns se sont conservées jusqu'à nos jours, telles que les processions à certains chênes, les cérémonies du gui l'an neuf, etc. « Ce qui est digne de remarque, dit M. Bodin dans ses recherches sur l'Anjou, c'est que nos premiers évêques, qui détruisirent avec tant de zèle tous les temples des Romains, respectèrent toujours ceux des druides. » Le premier de ces évêques fut Defensor, qui vivait dans la seconde moitié du IVer siècle.

Parmi ses successeurs, saint Maurille
et saint Lezin se signalèrent par leurs vertus. Ce dernier,
avant d'entrer dans les ordres, avait été comte d'Angers sous
le nom de Sicinius. Rainfroy, au VIIIer siècle, reçut
de Charles-Martel, comme bénéfice militaire, le titre et la
puissance de comte d'Angers. Sur les ruines du Capitole il éleva
un palais, qui devint plus tard celui de l'évêque, On croit
que parmi ses successeurs il faut placer Roland, fils de Milon
et neveu de Charlemagne, le fier paladin tué à Roncevaux ; mais
toute cette période est obscure.
On trouve un peu plus tard
l'Anjou divisé en deux comtés comté d'outre Maine et
comté deça Maine, qui ont chacun pour comtes Robert l'Angevin
et Érispoé. Robert l'Angevin ou le Fort, placé là par Charles
le Chauve pour protéger la France contre les envahissements
des Bretons et des Normands, justifia par sa fidélité et sa
valeur la confiance de son suzerain ; mais il fut tué dans un
combat contre Hastings, le fameux chef danois.
Robert le
Fort est le bisaïeul de Hugues Capet, le plus ancien des ancêtres
connus de la maison qui régna si longtemps sur notre pays et
règne encore en Espagne. Hastings vainqueur s'empara d'Angers,
que la terreur avait rendue déserte, et où s'installèrent ses
sauvages compagnons avec leurs femmes et leurs enfants. Il en
fut chassé bientôt par Charles le Chauve, aidé de Salomon, roi
de Bretagne.
Selon une tradition douteuse, celui-ci aurait,
par une tranchée, détourné la rivière, dont le lit se trouva
un moment à sec; et alors Hastings, voyant qu'il ne pouvait
plus tenir, aurait offert à Charles le Chauve une somme énorme
et la promesse de quitter à tout jamais la France; Charles aurait
eu la lâcheté et l'ineptie d'accepter ces conditions de la part
d'un ennemi sans foi qu'il pouvait écraser; et Hastings, aussitôt
libre, aurait continué sur les bords de la Loire ses brigandages
et ses dévastations l'exactitude de ce récit est, nous devons
le dire, révoquée en doute par M. Bodin.
Quoi qu'il en soit,
Angers délivrée devint le centre d'un comté héréditaire, dont
Ingelger fut le premier possesseur; c'est l'origine de la première
maison d'Anjou.
Ingelger, dès l'âge de seize ans, s'était
signalé par une action chevaleresque, qui lui avait attiré l'admiration
de tous et la bienveillance de Charles le Chauve. Sa marraine,
la comtesse de Gâtinais, jeune et belle, avait trouvé un matin
auprès d'elle son mari mort subitement. Un seigneur, nommé Gontran,
parent du comte, accuse la veuve d'adultère et d'assassinat.
La cause est portée devant Charles le Chauve. Gontran soutient
son accusation ; les seules preuves qu'il allègue sont le mépris
et l'aversion témoignés par la comtesse pour son vieux mari
il réclame du souverain l'héritage du comte, son parent, dont
la veuve va être investie si elle est déclarée innocente ; en
terminant, il en appelle au jugement de Dieu et jette son son gant en gage
de combat. Nul n'osera sans doute relever le défi d'un homme
connu par son adresse et son audace ; la comtesse s'évanouit.
Mais déjà Ingelger avait relevé le gant et, se présentant devant
Charles, l'avait supplié de lui permettre le combat. Après avoir
longtemps résisté, Charles cède ; le combat a lieu le lendemain.
Dès la première passe, la lance de Gontran perce Le bouclier
du page et y reste fixée, tandis qu'Ingelger lui passe la sienne
au travers du corps, le renverse de cheval et, mettant lui-même
pied terre, l'achève avec le poignard de miséricorde. La comtesse,
qui lui devait l'honneur, lui légua tous ses biens. Plus tard
le roi lui donna le comté d'Anjou, et, par un mariage avec la
nièce des riches et puissants évêques d'Orléans et de Tours,
Ingelger devint un des plus importants des grands vassaux. Ce
fut pourtant à cette époque, marquée par ces brillants exploits,
que les Angevins perdirent leur liberté, qu'avaient respectée
les Romains.

Réduits au servage, ils ne furent plus que les
hommes des seigneurs francs ou normands établis dans le pays.
Foulques le Roux, fils d'Ingelger, hérita de son comté d'Anjou
de deça Maine, et lorsque Eudes, comte d'Anjou d'outre Maine,
eut contraint le roi Charles le Simple à lui céder plus de la
moitié de son royaume, il donna son comté à ce même Foulques,
et les deux comtés d'Anjou n'en formèrent plus qu'un seul. Nous
ne raconterons pas ici la monotone histoire des comtes d'Anjou,
successeurs de Foulques 1er, et qui tous s'appellent
Foulques ou Geoffroy ; des envahissements, des violences, des
générosités envers le clergé, voilà leur histoire ; c'est celle
de presque toutes les grandes maisons de cette époque. Mais
le règne du dernier comte ; Geoffroy V Plantagenet, marquant
une époque de nos annales, mérite qu'on s'y arrête un instant.
Geoffroy Plantagenet, ainsi surnommé parce qu'il portait sur
son casque une branche de genêt, avait épousé Mathilde, fille
et unique héritière de Henri 1er, roi d'Angleterre.
A la mort de ce dernier, il eut pour faire valoir ses droits,
à soutenir une sanglante guerre contre Étienne, neveu de Henri
; il lui enleva la Normandie, et son fils Henri devint roi d'Angleterre
sous le nom de Henri II ; outre l'Anjou, le Maine, la Normandie
et ses possessions d'outre-mer, il y adjoignit bientôt la Bretagne
et la Guyenne par son mariage avec Éléonore de Guyenne. C'est
là l'origine de la longue guerre entre la France et l'Angleterre,
dans laquelle l'Anjou joua, pour son malheur, un rôle important.
Après la mort de Richard Cœur de Lion, son neveu, Arthur, était
devenu l'héritier du trône ; Jean sans Terre, son oncle, le
dépouille de ses biens, l'enferme dans une prison et bientôt
le fait périr. Philippe-Auguste confisque alors les possessions
de Jean sans Terre ; l'Anjou est réuni à la couronne. Saint
Louis, en 1246, donna ce comté il Charles, son frère, qui fut
la tige de la maison d'Anjou, appelée bientôt à régner sur le
royaume de Naples. On sait comment, invité à exercer contre
le légitime possesseur de ce royaume les vengeances du pape
Urbain IV, il déshonora sa conquête par ses atrocités, et comment
son usurpation fut châtiée en un jour par le massacre connu
sous le nom de Vêpres Siciliennes, où périrent égorgés les plus
brillants chevaliers de la Provence, du Maine et de l'Anjou.
Charles II, de race impitoyable, chassa les juifs de l'Anjou,
et son zèle religieux le porta à les dépouiller de leurs biens,
comme celui de son père l'avait déterminé à usurper le royaume
de Naples, puisque usurper est le mot décent dont on se sert
pour désigner les vols commis par les souverains. Ce prince
maria sa fille Marguerite à Charles de Valois, fils de Philippe
le Hardi, roi de France. Ce fut ainsi que l'Anjou entra dans
la maison de Valois. Philippe le Bel érigea ce comté en duché-pairie
en faveur de son frère, Charles III. Ce duché devint bientôt
l'apanage du prince Jean, qui, sous le nom de Jean II, fut roi
de France, vaincu et pris à la bataille de Poitiers. Il avait
déjà cédé l'Anjou à son second fils, Louis, qui fut fait prisonnier
avec son père. Celui-ci devenu libre, son frère, Charles V,
érigea en sa faveur en duché héréditaire l'Anjou, que Louis
n'avait possédé jusqu'alors qu'à titre d'apanage. Ravagé par
les Anglais et par des bandes de soldats licenciés, le pays
était alors en proie à une misère effroyable, qu'augmentaient
encore l'avidité du nouveau duc et ses guerres lointaines en
Italie, où il chercha vainement à s'emparer du royaume de Naples.
Pendant cette expédition malheureuse, le trésor de l'armée étant
épuisé, Pierre de Craon, chambellan du duc, est envoyé en Anjou
pour se procurer des fonds. Il fait un appel à la fidélité des
Angevins, réunit cent mille ducats d'or, retourne en Italie
et, arrivé à Venise, y dissipe cet argent avec des joueurs et
des courtisanes. Louis mourut sans avoir été secouru. Pierre
de Craon, ce digne chambellan, est encore connu dans notre histoire
par l'assassinat d'Olivier de Clisson, qu'il fit attaquer la
nuit, à Paris, au sortir de l'hôtel Saint-Pol, par plusieurs
hommes armés.

Olivier de Clisson, laissé pour mort, guérit
de ses blessures. Ce fut en se dirigeant vers l'Anjou pour tirer
vengeance de ce crime que le roi Charles VI fut atteint de cette
démence fatale qui livra la France aux fureurs rivales de ses
parents et aux dévastations des étrangers. Condamné par le parlement,
enfermé dans la tour du Louvre, Pierre de Craon, dont les biens
devaient être confisqués, obtint du roi des lettres d'abolition
pour son double crime. Le parlement, indigné, refusa l'entérinement
des lettres de grâce et confirma son premier arrêt par un autre
plus sévère, mais qui ne fut pas plus exécuté que le premier.
Deux ans auparavant, Pierre de Craon avait, après avoir fait
un pèlerinage, cru expier complètement son crime en léguant
aux cordeliers de Paris une somme d'argent pour assister les
condamnés avant leur exécution.
Jusque-là on refusait aux
criminels des confesseurs ; Pierre de Craon avait obtenu qu'on
leur en accorderait à l'avenir. Tout en louant cette bonne intention,
il est difficile de ne pas songer que Pierre de Craon, en s'intéressant
si fort aux assassins et aux voleurs, agissait un peu par esprit
de corps. Mais d'ailleurs l'action était bonne, et, comme le
remarque M. Bodin, c'est la seule de ce genre qu'on trouve dans
toute la vie du puissant baron d'Anjou.
La province fut affreusement
ravagée au XVème siècle par les Anglais, et, en 1444,
le duc de Sommers et l'envahit avec six mille Anglais. Il s'installa
aux portes d'Angers avec ses capitaines dans l'abbaye de Saint-Nicolas,
et, le soir de son arrivée, il soupait aux lumières dans une
des salles du château, lorsqu'un coup de fauconneau, habilement
pointé par les habitants d'Angers, tua à côté du comte le sire
de Froyford. Cet accident inattendu frappa tellement le chef
anglais, qu'il se retira aussitôt. Le dernier prince de la quatrième
maison d'Anjou fut René, le bon roi René, roi de Naples in
patibus, et qui, après de vaines tentatives pour reprendre
son royaume, se résigna à vivre tranquillement comme un bon
seigneur, ami des arts et des lettres, dans ses riches possessions
de Provence. Malheureusement il légua à la maison de France
tous ses droits à la possession du royaume de Naples ; de là
les interminables guerres d'Italie du XVIème siècle
et ces luttes insensées, si funestes à Charles VIII, à Louis
XII, à François 1er.
Il est digne de remarque
que deux fois les princes qui ont gouverné l'Anjou se soient
trouvés devenir la cause d'une guerre sanglante pour la France;
aux Plantagenets commence l'effroyable guerre qui, pendant un
siècle, livre la France aux armes anglaises, et le bon roi René,
léguant à Louis XI ses droits sur les Deux-Siciles, devient
l'innocente cause de cette lutte contre l'Espagne et l'empire,
si longtemps poursuivie encore après Maximilien et Charles-
Quint. Depuis la mort de René, l'Anjou, réuni à la couronne,
n'est plus qu'un apanage, donné successivement à plusieurs princes
de la maison de France, dont les plus connus sont Henri de Valois
(depuis Henri III) et Philippe, fils de Louis XIV, qui devint
roi d'Espagne en 1700.
Ainsi l'histoire du duché d'Anjou
cesse réellement dès le XVIème siècle mais malheureusement
pour le pays, la guerre civile a trop souvent depuis fourni
aux annales de cette province de tragiques épisodes, que nous
allons rapidement rappeler. Voisin du Poitou, où les calvinistes
comptaient de nombreux partisans, l'Anjou sentit le contrecoup
de ces agitations religieuses, auxquelles la partie du pays
située au sud de la Loire prit une part active, tandis que le
nord restait fidèle au catholicisme et s'attachait à la sainte
Ligue. D'Andelot, l'un des principaux chefs calvinistes, traversa
le pays en se rendant en Poitou et eut à livrer plusieurs combats
sanglants. Saumur s'était surtout prononcé pour la religion
réformée, et la Saint-Barthélemy y fut exécutée par le comte
de Montsoreau avec une impitoyable férocité. Angers n'échappa
point à ces horreurs et eut bientôt après, ainsi que le pays
tout entier, à subir l'atroce tyrannie de Bussy d'Amboise, nommé
par Charles IX gouverneur d'Anjou. « Je sais, disait-il à celui
qui osait lui faire quelques remontrances, je sais comme le
vilain doit être traité ! » et ses soldats pillaient et massacraient
le vilain et traitaient l'Anjou en pays conquis. Un crime débarrassa
le pays de ce misérable. Bussy d'Amboise était un des débauchés
les plus effrénés de cette époque il était aimé de la femme
d'un des autres chefs catholiques du pays, la dame de Montsoreau,
et se vanta au duc d'Anjou de sa bonne fortune. Ni celui-ci,
ni le roi, son frère, ne furent discrets, et Montsoreau apprit
bientôt la faute de sa femme, il lui fait écrire à Bussy une
lettre par laquelle elle lui donne un rendez-vous, au château
de La Coutancière, près de Saumur, et se trouve au lieu désigné
avec dix ou douze des siens, Bussy vient accompagné de son ami
Colasseau, lieutenant criminel de la sénéchaussée de Saumur.
Brusquement attaqué par le comte et ses domestiques, il se défend
avec fureur, couche sur le carreau quatre de ses adversaires
; son épée se rompt, il se défend avec les meubles qu'il trouve
sous sa main mais un coup de dague, porté par derrière, l'étend
mort aux pieds du comte de Montsoreau. Quant à Colasseau, on
l'étouffa en lui enfonçant violemment la langue dans le gosier.
Les deux cadavres furent jetés dans le fossé. C'est ainsi que
périt, sous les coups d'un de ses complices, le bourreau de
l'Anjou.
En 1586, la guerre recommença et désola encore les
environs de Saumur. Cette ville était une position importante,
recherchée par les deux partis. Elle s'était montrée favorable
au calvinisme, et c'était là que le roi de Navarre avait abjuré
le catholicisme qu'on lui avait imposé, le poignard sur la gorge,
le lendemain de la Saint-Barthélemy. Plus tard, lorsque Henri
III, pour résister à la Ligue, fut obligé de se rapprocher du
roi de Navarre, celui-ci voulut qu'on lui garantit un passage
sur la Loire ; on lui donna Saumur, dont il fit gouverneur le
fidèle Duplessis-Mornay. Mornay en fit augmenter les fortifications
et ne le quitta que pour aller à Ivry prendre part à la défaite
du duc de Mayenne; il arriva la veille de la bataille, ce
dont j'ai à louer Dieu, dit-il dans ses Mémoires; il amenait
avec lui une troupe d'Angevins, qui se signala par sa valeur
et sa ferme contenance devant l'ennemi « Et la cornette et celui
qui la portait furent remarqués d'avoir toujours poussé en avant,
quelque ébranlement qui fût en quelques autres; » et le pieux
calviniste ajoute toujours « Ce dont j'ai beaucoup à louer Dieu.
» Plus tard, en 1697, il fut outragé et faillit être assassiné
par un gentilhomme, nommé Saint-Phal de Beaupréau, et par ses
gens dans les rues d'Angers quelques habitants de la ville,
qui se trouvaient là, sauvèrent Duplessis des mains des assassins.
Ce fut à cette occasion que Henri IV écrivit à son fidèle compagnon
la lettre célèbre «Monsieur Duplessis, j'ai un extrême déplaisir
de l'outrage que vous avez reçu, auquel je participe et comme
roi et comme votre ami. Comme le premier, je vous en ferai justice
et me la ferai aussi. Si je ne portois que le second titre,
vous n'en avez nul de qui l'épée fust plus prête à dégainer
que la mienne, ni qui vous portât sa vie plus gaiement que moi.
» Henri contraignit Saint-Phal à demander publiquement pardon
à Duplessis-Mornay. Ce fut à Angers que le duc de Mercœur, le
dernier représentant armé de la sainte Ligue, vint faire sa
soumission entre les mains de Henri IV en 1598 l'une des conditions
de sa soumission fut la promesse d'unir sa fille et son unique
héritière avec César de Vendôme, fils naturel du roi et de Gabrielle
d'Estrées. Ce mariage fut célébré onze ans après à Paris. Pendant
les troubles que l'ambition de Marie de Médicis excita en 1620,
Les Ponts-de-Cé furent témoins d'un combat livré aux troupes
qui soutenaient le parti de la reine mère par les troupes royales
; le roi Louis XIII y assista la défaite des troupes rebelles
contraignit la reine mère à se soumettre immédiatement, et ce
fut près d'Angers qu'eut lieu l'entrevue de la mère et du fils
; scène de réconciliation et de tendres affections à laquelle
l'avenir devait bientôt donner un éclatant démenti. Peu de temps
après, Louis XIII ôta à Duplessis-Mornay le gouvernement de
Saumur, qu'il avait gardé avec honneur pendant trente-deux ans
l'inflexible huguenot était devenu suspect au roi, ou plutôt
au cardinal de Richelieu.
Pendant le XVII et le XVIIIème
siècle, l'Anjou, enfin pacifié, jouit d'un repos que troubla
seule la révocation de l'édit de Nantes, Mais la malheureuse
contrée devait être, pendant la Révolution, le théâtre presque
continuel de la guerre civile.
Avant cette époque néfaste,
le département de Maine-et-Loire avait envoyé à la frontière
menacée son contingent de volontaires à leur tête était un héros.
« Beaurepaire, ancien officier de carabiniers, avait formé,
commandé depuis 1789 l'intrépide bataillon des volontaires de
Maine-et-Loire. Au moment de l'invasion, ces braves eurent peur
de n'arriver pas assez vite. Ils ne s'amusèrent pas à parler
en route, traversèrent toute la France au pas de charge et se
jetèrent dans Verdun. Ils avaient un pressentiment qu'au milieu
des trahisons dont ils étaient environnés, ils devaient périr.
Ils chargèrent un député patriote de faire leurs adieux à leurs
familles, de les consoler et de dire qu'ils étaient morts. Beaurepaire
venait de se marier ; il quittait sa jeune femme, et il n'en
fut pas moins ferme. Le commandant de Verdun ayant assemblé
un conseil de guerre pour être autorisé à rendre la place, Beaurepaire
résista à tous les arguments de la lâcheté. Voyant enfin qu'il
ne gagnait rien sur ces officiers nobles, dont le cœur tout
royaliste était déjà dans l'autre camp « Messieurs, dit-il,
j'ai juré de ne me rendre que mort ; survivez à votre honte
; je suis fidèle à mon serment ; voici mon dernier mot, je meurs.
» Il se fit sauter la cervelle. La France se reconnut et frémit
d'admiration.
Néanmoins, ce fut dans le département de Maine-et-Loire,
à Saint-Florent, que s'alluma, en 1793, l'incendie qui devait
dévorer tout le pays voisin. Excités depuis longtemps par les
prêtres, les paysans éprouvaient d'ailleurs une aversion profonde
pour la République, qui prétendait les contraindre à défendre
la France contre l'invasion étrangère. Le 10 mars 1793, le tirage
devait avoir lieu à Saint-Florent les jeunes gens s'y refusent.
La garde nationale veut les y obliger ils se jettent sur elle,
la désarment, prennent pour chefs un voiturier, Cathelineau,
et le garde-chasse du château de Maulévrier, Stofflet. Ils s'emparent
de Chemillé et de Cholet et donnent la main aux insurgés de
la Vendée, qui se soulevaient en même temps. Tel fut le signal
de cette affreuse guerre, si héroïque et si sanglante. Ils organisent
leur insurrection avec Stofflet et Cathelineau ; plusieurs nobles,
Bonchamps, d'Elbée, Lescure, Charette et La Rochejaquelein se
mettent à leur tête ils s'emparent de Saumur tout leur réussit
d'abord. Ils ont affaire à des chefs inexpérimentés et à des
gardes nationales réunies à la hâte, manquant de tout, tandis
que les Vendéens trouvent partout des vivres, des munitions,
une complicité toujours assurée. L'incendie se propage et embrase
les départements de l'ouest. Châtillon, Vihiers, Chantonnay,
Les Ponts-de-Cé tombent au pouvoir des Vendéens mais bientôt
l'armée de Mayence, transportée du Rhin sur les bords de la
Loire, vient changer la face des événements. Aubert-Dubayet,
Kléber et Marceau conduisent à la victoire les troupes qu'avait
tant compromises l'impéritie de Ronsin et de Rossignol. C'est
dans le département de Maine-et-Loire que l'insurrection avait
commencé ; c'est là qu'elle devait essuyer son premier échec
important. Battus à Saint-Symphorien le 6 octobre 1793, le 9
à Châtillon, puis à Mortagne, où Lescure fut tué, les Vendéens,
au nombre de quarante mille, s'avancent, le 15 octobre, sur
Cholet, défendu par vingt-deux mille républicains. Ceux-ci ne
s'attendaient pas à être attaqués, et le désordre se met d'abord
dans leurs rangs. Mais Kléber, Marceau, Beaupuy accourent et
rétablissent le combat ; l'artillerie foudroie à bout portant
les insurgés ; le représentant du peuple Merlin pointe lui-même
les pièces et, par son exemple, raffermit le courage des soldats.
Bientôt les Vendéens écrasés fuient de toutes parts ; d'Elbée,
Bonchamps sont blessés à mort. Beaupuy et Westermann poursuivent
les fuyards avec la cavalerie et, par un coup d'audace, pénètrent
dans Beaupréau, où la masse de l'armée vendéenne s'est réfugiée
; tout se disperse devant eux. Le lendemain, ils voient arriver
vers eux une troupe désarmée de quatre mille hommes environ
poussant les cris singulièrement unis de Vive Bonchamps ! Vive
la République ! C'étaient quatre mille républicains faits prisonniers
antérieurement par les Vendéens, et que ceux-ci avaient enfermés
dans Saint-Florent. Bonchamps, près d'expirer dans ce bourg
où on l'avait transporté, avait demandé leur grâce au moment
où ils allaient être égorgés. Les prisonniers, délivrés sur
la demande du mourant, rejoignaient l'armée républicaine. Depuis
ce moment, l'insurrection, frappée à mort, prolonge vainement
son agonie désespérée. Battus près de Granville, rejetés sur
la Loire, ils sont définitivement écrasés, le 25 décembre, à
Savenay par Kléber et Marceau. La grande guerre de la Vendée
était terminée. Stofflet cependant continue dans l'Anjou une
guerre d'escarmouches, derniers et impuissants efforts d'une
cause perdue. Il résista même après la soumission de Charrette
; déclarant celui-ci traître à la royauté, il fit prononcer
contre lui une sentence de mort. Mais bientôt, se voyant abandonné,
il est contraint de se soumettre, et le dernier des chefs vendéens
signe la paix à Saint-Florent, où avait commencé l'insurrection.
Cependant, en 1796, l'insurrection se rallume Stofflet tente
de la propager dans l'Anjou ; mais, trahi, livré par les siens,
il est conduit à Angers et fusillé le 26 février. La révolte
avait été promptement étouffée par l'habileté et l'énergie du
général Hoche.
En 1815, pendant les Cent-Jours, M. d'Autichamp
chercha à soulever l'Anjou et à l'associer aux mouvements royalistes
organisés dans l'Ouest. Mais le général Lamarque anéantit en
un combat cette révolte impuissante. Cette triste et inutile
échauffourée se termina le 21 juin trois jours auparavant, la
défaite de Waterloo avait livré de nouveau la France à l’étranger.
Si, en 1815, le département de Maine-et-Loire eut à souffrir
de l'invasion, les luttes de la Vendée l'avaient assez éprouvé
pour que la fortune lui épargnât cette calamité pendant la guerre
franco-allemande de 1870-1871.

Angers

L'évêché d'Angers fut fondé avant 380.
L'évêque d'Angers était baron de Grate-Cuisse et avait pour
vassaux les barons de Briolé, de Chemille et de Blon. L'origine
d'Angers se perd dans la nuit des temps. Tout porte à croire
que c'était autrefois la capitale des Andes ou Andegaves. César
n'a point mentionné la capitale de ces peuples ; c'est à Ptolémée
que nous en devons la connaissance. Elle se nommait de son temps
Juliomagus, nom évidemment romain, donné en l'honneur de Jules
César. Juliomagus se trouve aussi porté sur la Table de Peutinger,
et les mesures des routes qui en sortent et qui aboutissent
à Cœsarodunum, Tours, Condate, Rennes, et Namnetes,
Nantes, déterminent la position de cette ville ancienne à Angers.
Sous les Romains, l'enceinte de la ville était formée par un
mur solidement construit, dont on voit encore quelques vestiges
autour de la cité, depuis l'évêché jusqu'à la porte Toussaint.
Les ruines d'anciens monuments, quelque peu apparentes qu'elles
soient, attestent que Juliomagus fut une ville municipale assez
considérable ornée d'un amphithéâtre de thermes, de temples
; mais le christianisme leur a fait si bonne guerre qu'il n'en
reste plus aucuns vestiges.
Vers 446, sous le règne de Valentinien
III, les Andes changèrent le nom de Juliomagus en celui d'Andegavia,
dont on a fait dans la suite Angers, Anjou et Angevins. L'empire
romain commençait alors à crouler de toutes parts ; partout
on se soulevait pour se soustraire à sa domination ; les Andes
s'unirent aux Bretons, et firent partie de la confédération
Armorique. Pendant qu'ils cherchaient à secouer le joug de leurs
vainqueurs, les Saxon sous la conduite d'Odoacre, leur chef,
se présentèrent devant Angers, que le comte Paul, commandant
pour les Romains, se vit forcé de leur livrer, vers l'an 464.

Odoacre fut chassé de cette ville par
Childéric Ier, qui s'empara d'Angers, dont il brûla
une partie, après l'avoir mis au pillage. Odoacre revint bientôt
après, reprit la ville, fit la paix avec Childéric, et passa
avec lui en Italie pour faire la guerre aux Romains, et fut
tué à Ravenne, avec son fils unique. Quelque temps après, Clovis
se rendit maître d'Angers et de tout l'Anjou, dont Défensor,
envoyé par Lidorius, évêque de Tours, convertit les habitants
au christianisme. Après avoir été possédé par Clodomir, par
Thierri et par Théodebert, l'Anjou passa à Childebert, qui fit
bâtir près d'Angers la célèbre abbaye de St Aubin. Les annales
d'Angers sont peu intéressantes jusqu'en 845, époque de la première
invasion des Normands conduits parle fameux Hasling. Ils prirent
la ville d'assaut, y firent un carnage affreux et la pillèrent.
Enfin, après avoir fait brûler vif le vénérable comte Thierri,
âge de plus de quatre- vingt années, ils incendièrent Angers
et le détruisirent presque entièrement. Revenus en 857, ils
saccagèrent de nouveau cette ville qui commençait à renaître;
mais elle fut délivrée par Robert le Fort, comte d'Outre- Maine,
qui, alors vengeur des fureurs des Normands, devint aussi plus
tard une de leurs victimes. A sa mort le barbare Hasting s'empara
de la ville, et s'y établit jusqu'à ce que Charles le Chauve
vînt l'en chasser.
La ville d’Angers fut ensuite plusieurs
fois attaquée, prise et reprise par les Bretons, les Anglais
et les Français. Le château fut surpris par les huguenots en
1585, et la ville attaquée sans succès en1793 par une armée
de 90,000 Vendéens qui laissèrent sous ses murs trois cents
morts et trois cents canons démontés. Il s'est tenu dans cette
ville neuf conciles, en 453, 529, 530,1269, 1055, 1275,1369,
1448 et 1583, et les célèbres conférences, connues sous le nom
de conférences d'Angers, en 1713 et 1714.
En1225, l'ancienne
église cathédrale tombant en ruine, on commença à élever à sa
place la cathédrale qui existe encore aujourd'hui et qui est
un des plus beaux ornements d'Angers. Sous saint Louis la ville
fut pour la troisième fois enceinte de murs, et son vaste château
fut construit pour résister aux incursions des Bretons et des
Normands. Place forte importante, Angers était la clef militaire
de la province d'Anjou. Après avoir été gouvernée par les Ingelgériens,
puissante dynastie comtale dont les principaux représentants
furent Foulques Nerra et Foulques le Jeune, roi de Jérusalem,
puis par les Plantagenets, la ville fit une première fois retour
à la Couronne sous le règne de Philippe Auguste. En 1246 Saint
Louis donna en apanage le comté d'Anjou à son plus jeune frère,
Charles, fondateur de la maison capétienne d'Anjou, aussi roi
de Sicile, de Naples, de Jérusalem, comte de Provence et seigneur
d'Albanie. La maison ducale d'Anjou eut pour tige Louis, fils
du roi Jean II le Bon, et s'éteignit avec le "Bon Roi" René
en 1480. Louis XI, neveu de René, octroya à Angers les privilèges
municipaux. Du 7 mars au 12 avril1598, Henri IV fait d'Angers
sa capitale moment. Sa situation, face à la Bretagne en fait
une place forte importante. L'acrostiche accolé sur le nom d'Angers
témoigne de l'importance de la cité angevine.
Antique clef
de France,
Necteté de souffrance,
Garant contre
ennemys,
Estappe d'asseurance,
Recours de secourance,
Seccurité d'amys.
Joachim du Bellay est né vers 1522 tout près de Liré, au manoir de la Turmelière. Ce troubadour est avec Ronsard l'un des fondateur de la Pléiade. Parti à Rome, il écrivit "Les Regrets" et à fait rentrer sa ville natale dans la grande littérature française en lui dédiant ces quelques vers :
Plus que
le marbre dur me plaist l'ardoise fine
Plus mon Loyre
gaulois que le Tibre latin
Plus mon petit Lyré que le
mont Palatin
Et plus que l'ai marin, la douceur angevine.
C'est dans ce même recueil que figurent ces
vers restés célèbre entre tous :
Heureux qui comme
Ulysse, à fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-la qui
conquit la toison
Et puis est retourné, plein d'usage
de raison,
Vivre entre ses parent le reste de son âge!
Cholet

Cholet n'aura donné son nom à une famille
et à un château que vers le Xème ou le XIème
siècle; l'enjeu successif des Bretons ou des Poitevins, le pays
tombera alors entre les mains des contes d'Anjou. Un prince
d'Anjou : Foulques III dit Nerra, serait le bâtisseur des premiers
remparts seigneuriaux, à l'écart ouest du bourg Saint-Pierre,
sur un promontoire dominant la Moine... Le premier seigneur
collationné sur les chartes serait "Geoffroy" seigneur du Castrum
Cauletum.
Sur ce tertre s'élevait une forteresse abritant
derrière ses murailles, fonctionnaires, clercs, ou artisans
avec la garde féodale... On y érigera, près de l'abreuvoir,
une chapelle seigneuriale dédiée à Saint-Georges, qui sera la
première paroisse de la nouvelle cité.
Les remparts qui
subsistent encore dans le bas du jardin du Mail sont sans doute
les fondations du château fort du XIème siècle, mais
ils ont été repris totalement au XIIIème siècle,
après le carnage incendiaire des troupes de Philippe-Auguste
contre les soutiens locaux des armées anglaises en 1214.

La terre de Cholet avait déjà, à cette époque, pris la mauvaise habitude de changer souvent de mains... Et elle ne tarda pas non plus, au cours des ans, à changer de château ! Le premier disparu au moment des guerres de 100 ans, le suivant, fut mis à mal lors du siège de 1589, à l'occasion des guerres de religion qui mirent le pays à feu et à sang... Le suivant, démodé sous le règne du Roi Soleil, fut remplacé par un nouveau 1696 ; ce dernier devait subir les pillages et les incendies répétés de la Révolution et démoli au siècle dernier, il ne reste en souvenir que quelques remparts du côté Est.

Saumur
En 845, Saumur est pillée par le chef
viking Hasting. Vers 960, Thibaut le Tricheur fait construire
le château de Saumur. À la fin du Xème siècle, Gelduin,
seigneur de Saumur, est vassal des Comtes de Blois, ce qui en
fait un ennemi du puissant comte d'Anjou, Foulque III Nerra.
Alors que Foulque est sur le point d'assiéger Saumur, Gelduin
obtient une trêve. C'est à cette occasion que Foulque, prenant
son adversaire au mot, entame la construction d'une tour sur
la rive gauche de la Loire et l'aurait baptisée Trève. En 1025,
Foulque s'empare de Saumur. Le monastère de Saint Florent est
détruit. Un nouveau monastère est consacré 5 ans plus tard par
l'évêque d'Angers. La ville est prise en 1203 par Philippe-Auguste,
qui l'incorpora au domaine royal. Saint-Louis y donne en 1241
une fête si fabuleuse qu'on l'appela la « Non pareille ».
En 1343, le sel devient un monopole d'État par une ordonnance
du roi Philippe VI de Valois, qui institue la gabelle, la taxe
sur le sel. L'Anjou fait partie des pays de « grande gabelle
» et comprend seize tribunaux spéciaux ou « greniers à sel »,
dont celui de Saumur. Le siècle de la Réforme est la grande
époque historique de Saumur. Les idées nouvelles y furent promptement
et vivement accueillies car la bourgeoisie de Saumur était arrivée
à un état très développé de richesse, de commerce actif, de
liberté municipale. Non seulement, elle se montra favorable
au calvinisme, suivant en cela l’impulsion générale de la bourgeoisie
mais elle eut même une raison de plus pour embrasser avec enthousiasme
: l’abbaye de Saint-Florent et celle de Fontevrault pesaient
sur elle de deux côtés, retenaient son essor et, avec leurs
privilèges, la pressaient comme dans un étau pour en exprimer
la substance à leur profit. Le protestantisme représenta donc
pour Saumur spécialement une doctrine et un effort d’affranchissement.
Quand les partis en arrivèrent à un état de lutte matérielle,
Saumur prit fait et cause pour la religion réformée. Les églises
furent pillées et dévastées ; les représailles passionnées de
la population frappèrent surtout l’abbaye de Saint-Florent.
En 1565, Charles IX et Catherine de Médicis vinrent en Anjou.
Saumur étant occupé par le prince de Condé et par ses troupes
protestantes, le roi et sa mère ne purent y entrer, et passèrent
outre. Plus tard, Saumur fut enlevé au prince de Condé par le
duc de Montpensier. Saumur subit ainsi les vicissitudes de la
lutte entre catholiques et protestants, mais resta invariable
dans son esprit et dans ses sympathies protestantes. La Saint-Barthélemy
y passa sans éteindre plus qu’ailleurs le protestantisme dans
le sang qu’elle y fit pourtant abondamment couler. En 1576,
quelque années après ce massacre, le roi Henri de Navarre (futur
Henri IV), échappé de Paris, vint se réfugier à Saumur, où il
fut reçu avec empressement. Il s'y établit pendant plusieurs
semaines, vivant sans religion, le roi ne se pressant pas de
retourner au protestantisme9. En 1589, par le traité conclu
entre lui et Henri III, Saumur lui fut cédé comme place de sureté
et comme passage sur la Loire. Cette ville fut donc, en quelque
sorte, pour le futur roi la première marche du trône de France.
Henri de Navarre confia la garde de Saumur à un de ses fidèles
amis, l’une des figures les plus élevées et les plus expressives
du protestantisme, Philippe Duplessis-Mornay, et en maintint
le gouvernement quand il fut devenu roi. Décrit comme possédant
la distinction du gentilhomme qu’il était de naissance, l’austérité
d’un plébéien, la science et la forme des plus lettrés de son
temps, le courage d’un soldat et l’habileté d’un capitaine à
la guerre, le zèle d’un apôtre pour sa religion et la mesure
d’esprit d’un homme politique, Duplessis-Mornay a exercé une
immense influence sur Saumur et sur son développement. Sous
le gouvernement de celui que les catholiques appelaient « le
pape des huguenots », Saumur en devint naturellement la métropole,
autant qu’il pouvait en être le pape. Il y fit construire à
ses frais un temple pour l’exercice du culte réformé. Il y fonda
l’académie protestante, dont la renommée s'étendit non seulement
en France, mais dans toute l’Europe, et à laquelle furent attachés
comme professeurs les hommes les plus distingués du dedans et
du dehors, et qui fut un foyer puissant de haut enseignement
destiné à la jeunesse de la nouvelle religion. Des érudits à
la renommée internationale comme Marc Duncan, Moïse Amyraut,
Louis Cappel, Josué de la Place ou Tanneguy Le Fèvre, le père
d’Anne Dacier, née à Saumur en 1654, figurèrent, entre autres,
au nombre des professeurs de cette prestigieuse institution
qui accueillit en outre de très nombreux étudiants étrangers,
dont William Penn, le fondateur de la Pennsylvanie. Les établissements
de Duplessis, son influence et son administration, donnèrent
une grande importance à la ville, et y attirèrent de toutes
parts les familles protestantes. Catherine de Navarre, sœur
de Henri IV, tant que l’avènement de son frère fut contesté
par la Ligue, fixa sa résidence à Saumur. En 1596, les protestants
y tinrent un synode national sous la direction et sous les auspices
de Duplessis-Mornay. Bodin estime que la population de la ville
s’éleva rapidement, et qu’elle atteignit jusqu’à 25 000 habitants.
Le château fut réparé par Duplessis, qui l’habitait, et reçut
de lui ses dernières augmentations et les compléments importants
qui l’ont mis à peu de choses près dans l’état où il est encore.
La mort de Henri IV émut vivement les protestants, qui tinrent,
en 1611 une assemblée générale à Saumur, où toutes les provinces
envoyèrent des députés, parmi lesquels figuraient les ducs de
Bouillon, de Sully, de Rohan, etc. Duplessis fut le président
de cette assemblée qui dura quatre mois et pendant lesquels
Saumur offrit l’aspect et l’animation d’une capitale. Duplessis-Mornay
conserva, sous le nouveau règne de Louis XIII, le gouvernement
de Saumur jusqu’en 1621, époque à laquelle, la querelle des
protestants et des catholiques jugée éteinte, on le lui enleva.
On aurait peut-être pu ménager la position de Duplessis en considération
de l’homme, mais on ne le fit pas. On lui offrit des compensations,
le bâton de maréchal de France et 100 000 écus qu'il refusa
avec hauteur. Profondément blessé de la défiance dont il était
l’objet, il se retira au fond du Poitou, dans une de ses terres,
où il mourut deux ans après. Au temps de la Fronde, Saumur resta
fidèle au roi. Mazarin et toute la cour y vinrent, en 1652,
pour agir contre Angers, un moment révolté. Turenne, abandonnant
la Fronde, y rejoignit la cour et y fit sa réconciliation avec
elle. La révocation de l’édit de Nantes, en 1685, frappa cruellement
Saumur. C’est la plus grande calamité dont cette ville ait été
atteinte dans tout le cours de son histoire. Les protestants
émigrèrent en masse et la population tomba à 6 000 habitants,
c’est-à-dire qu’elle diminua dans la proportion des deux tiers,
ces deux tiers renfermant la partie prépondérante par ses lumières,
son activité, son industrie et ses richesses. L’édifice de prospérité
élevé par Duplessis-Mornay s’écroula complètement. La ville
de Saumur passa, par cet évènement, à un état de tristesse,
de vide et de silence qui dura jusqu’à 1763. À cette époque,
il y vint en garnison un régiment de carabiniers, corps d’élite
formé sous les auspices de Louis XIV, qui avait voulu en être
le premier maitre-de-camp, qui en avait donné le commandement
au duc du Maine, son fils naturel, et qui l’avait décoré de
sa devise Nec pluribus impar

Ce corps était recruté dans tous les régiments de cavalerie et composé des plus beaux hommes de l’armée et de ses officiers les plus distingués. Dans l’état lamentable où était Saumur, l’arrivée de ce régiment fut une révolution importante pour la ville qui lui doit sa physionomie actuelle. Les maris furent plus que retenus, les femmes le furent aussi d’abord ; mais elles persévérèrent moins, et le point de contact entre les carabiniers et la bourgeoisie saumuroise s’établit par elles. Les carabiniers se mirent à jouer la comédie ; on alla les voir. Ils donnèrent des fêtes, on leur en rendit ; peu à peu l’union devint parfaite, et on se félicita de posséder le régiment. Les carabiniers restèrent à Saumur jusqu’à la Révolution. Ils y construisirent un très beau quartier pour se loger. Une école d’équitation, à laquelle furent envoyés des officiers de tous les corps, où vinrent comme amateurs un grand nombre de jeunes gens des familles riches, et qui fut le premier germe de la grande école de cavalerie que possède actuellement Saumur, fut créée et organisée dans le régiment. L’école d’équitation et le régiment formèrent ainsi une institution déjà remarquable que visita, en 1777, l’empereur Joseph II, frère de la jeune reine Marie-Antoinette. Pendant les vingt-cinq ans que Saumur eut le régiment de carabiniers, sa population s’éleva péniblement de 6 000 à 10 000. On était encore loin des 25 000 de l’époque de la splendeur protestante, mais son commerce reprit de l’activité dans la même proportion, son aspect se releva et la ville éteinte de 1685 se remit en mouvement pour devenir la ville d’aujourd’hui.

Segré
Le nom de Segré vient du latin Secretum qui signifie « isolé ». Dès la plus haute antiquité, des habitations existent à Segré. Dans un site de rivières et de collines, les tribus se fixent. Au Xème siècle, le premier comte d'Anjou Foulques le Roux y fait construire un premier château sur l'éperon schisteux qui domine les deux rivières. Ce n'est alors qu'un donjon en bois élevé sur une butte de terre : une motte féodale que l'on peut voir encore aujourd'hui. Au XIème siècle, la pierre remplace progressivement le bois. A Segré, un nouveau château, doté d'une enceinte fortifiée est édifié sous Foulques le Noir (Foulque Nerra). Il sera pris en 1066 par les troupes de Conan II de Bretagne. En 1191, Richard Cœur de Lion, comte d'Anjou et roi d'Angleterre, confisque les terres de Segré à Geoffroy de la Guerche pour constituer le domaine de sa femme, Bérangère de Navarre. En 1490, la ville est une nouvelle fois détruite par des bandes de pillards qui ravagent tout le Haut-Anjou. Segré, en février 2010, le Vieux Pont et l'église de la Madeleine en arrière-plan Le pont de la rue Victor Hugo; au fond à gauche, l'hôtel de ville En 1589, le comte de La Rochepot, gouverneur d'Anjou, au nom du roi Henri III, s'empare de Segré qui était jusque-là aux mains des ligueurs. Après avoir pillé la cité, il fait démanteler le château et les murs d'enceinte ainsi que tous les manoirs fortifiés de la contrée. En 1635, la terre de Segré est érigée en baronnie au profit d'un protégé de Richelieu, Guillaume II de Bautru, seigneur de Louvaines. En 1795, 2 000 chouans envahissent la cité défendue par 200 soldats républicains. Après 4 heures de combat, les Bleus capitulent. La ville est saccagée et 33 prisonniers républicains sont égorgés.


Le Maine et Loire abrite également abbaye de Fontevraud, la nécropole des Plantagenêts au temps où Henri II, duc de Normandie et roi d'Angleterre régnait non seulement sur l'Angleterre mais également sur une partie de la France L'abbaye de Fontevraud est une ancienne abbaye d'inspiration bénédictine, siège de l'ordre de Fontevraud, fondée en 1101 par Robert d'Arbrisse et située à Fontevraud, près de Saumur en Anjou, elle est l'une des plus grandes cités monastiques d'Europe. Érigée dès sa fondation en monastère double dans l'esprit de la réforme grégorienne, l'abbaye de Fontevraud va s'attirer la protection des comtes d'Anjou puis de la dynastie des Plantagenêts qui en feront leur nécropole. Après un déclin à partir du XIIIème siècle, l'abbaye est dirigée pendant presque deux siècles par des abbesses issues de la famille royale des Bourbons.
Les tapisseries de l'Apocalypse:

Plan du site |
Moteur de recherche
| | Page Aide |
Contact
© C. LOUP 2025
.