Histoire des Pyrénées Atlantiques


Le territoire du département des Basses-Pyrénées
appartenait, au moment de la conquête romaine, aux peuples désignés
sous le nom générique d'Aquitains ; ils étaient formés du mélange
des Ibères, les plus anciens possesseurs du sol et des Celtes
qui autrefois les avaient conquis et refoulés dans leur : montagnes.
Rome, avant César, avait déjà tenté de les soumettre ; deux
fois ses armées avaient été repoussées. Le jeune Crassus, lieutenant
de César, fut plus heureux. Malgré l'énergique résistance des
belliqueux habitants de ces contrées, il réussit à les dompter,
et si quelques peuplades durent à leur éloignement ou à leur
situation dans les montagnes d'échapper d'abord à la conquête
romaine, elles ne tardèrent pas à se soumettre à César lui-même,
qui, cinq ans après Crassus, vint en Aquitaine.
Le pays se
révolta sous Auguste, et fut de nouveau subjugué par le proconsul
Messala ; ces succès méritèrent au vainqueur l'honneur d'un
triomphe rappelé par Tibulle, son ami
Gentis Aquitanæ
celeber Messala triomphis.
Sous Adrien, le pays fit
partie de la Novempopulanie. Il est fait mention, sous l'empire,
de deux villes importantes, dont l'une, Iluro, est devenue Oloron
; l'autre, Beneharum, d'où vient le nom de Béarn, a donné lieu
à de grandes discussions ; on croit que la ville de Lescar est
bâtie sur l'emplacement de cette antique cité.
Ravagée par
les barbares Vandales, Alains, Wisigoths, qui prenaient ce chemin
pour envahir l'Espagne, la contrée fut, au VIIème
siècle, occupée par les Vascons, chassés de Pampelune et de
Calahorra par les Wisigoths ; ces peuples intrépides luttèrent
contre Dagobert et les autres rois francs de la première race,
qu'ils inquiétèrent perpétuellement par leur humeur turbulente
et guerrière.

Plus tard, ce furent les Vascons, qui,
à Roncevaux, firent subir à l'arrière-garde de Charlemagne,
revenant d'Espagne, la fameuse défaite où périt Roland. Louis
la Débonnaire, successeur de Charlemagne, vengea cette défaite
au lieu même où son père avait été surpris par les Vascons et
où ceux-ci lui avaient à lui-même tendu une nouvelle embuscade.
Après de nouvelles guerres contre ces peuplades insoumises,
l'empereur franc fait bannir le duc de Vasconie, Loup Centulle,
et un peu plus tard donne le pays de Béarn à un frère du dernier
duc. Ce n'est pourtant qu'en 905 que nous voyons commencer la
maison des vicomtes de Béarn, vassaux du comte de Gascogne ;
le premier d'entre eux fut Centulle Ier.
L'histoire
des premiers vicomtes de Béarn, qui, tous, portant le nom de
Centulle, présente peu d'intérêt leur turbulence guerroyante
à l'égard de leurs voisins, leur dévotion et leur libéralité
envers les monastères, voilà tout ce qu'on peut signaler dans
cette période. L'un d'eux cependant, Centulle III, se montra
moins généreux que les autres envers les moines. « Aussi, dit
la chronique de Lescar, fut-il blessé et mourut-il de ses blessures,
Dieu merci! » Un cartulaire du temps constate un jugement rendu
sous lui, et qui peint l'époque le moines de Saint-Pée réclament
l'héritage de Guillaume Fel, qui, selon eux, leur en avait fait
donation. Les enfants de Fel le contestent et redemandent leur
patrimoine. Tout se termine par un duel judiciaire ; le champion
du couvent est vainqueur, et, en conséquence, les enfants de
Fel sont dépouillés de l'héritage paternel. Nous voyons encore
un fait assez curieux dans le testament de Raymond, second fils
de Centulle III il lègue au même monastère un paysan, qui ne
devait cesser de leur appartenir que si le vicomte de Béarn
jugeait à propos de le racheter ; le prix du rachat est déterminé
à trois cents sols.
Centulle III avait commencé l'émancipation de sa vicomté et
agrandi ses domaines. Aussi, après avoir enlevé au vicomte d'Acqs
deux hameaux, ce baron gascon se qualifie-t-il pompeusement
dans une charte de grand dominateur de la terre, Magnus dominator
terræ Sous son petit-fils, Centulle IV, duc d'Aquitaine,
pour récompenser quelques services qu'il en avait reçus, fit
remise au vicomte de Béarn de tous devoirs de vassalité. Centulle
IV bàtit ou embellit quelques villes. Gaston IV, en 1088, se
signala par son courage chevaleresque à la croisade en Orient
et contre les Maures ; mais la postérité lui doit plus de reconnaissance
pour le libéralisme qui respire dans ses institutions.

Avant Louis le Gros, il donna un exemple
d'affranchissement communal Morlaàs fut par lui déclarée ville
libre. Par ses autres institutions, il établit l'ordre dans
ses États, et protégea le faible contre le fort. Il fonda des
hôpitaux, et s'occupa surtout d'arrêter les progrès de la lèpre,
maladie affreuse que les croisés avaient rapportée d'Orient.
On sépara les lépreux de la société ; ils eurent en Béarn, dans
chaque commune des maisons isolées ; il leur était défendu d'en
sortir, et ils y vivaient seuls. On leur permettait cependant
d'assister aux exercices religieux dans les églises ; mais ils
y entraient par une porte réservée pour eux seuls ; ils avaient
en particulier un bénitier, une place, et jusqu'à un cimetière,
afin que, même après leur mort, ils n'eussent rien de commun
avec leurs concitoyens. On ne les admettait point dans les armées,
et on ne leur permettait point d'exercer aucun autre métier
que ceux auxquels on travaille en plein air. La lèpre était
regardée comme une punition infligée directement par la main
de Dieu ; c'est ce qu'on appelait un mal sacré. Les ecclésiastiques,
déjà chargés du soin des pauvres, devinrent aussi les tuteurs
des lépreux.
Gaston IV, que son ardeur belliqueuse avait
entraîné en Espagne dans une croisade contre les Maures, y fut
tué dans une embuscade. Son corps, porté à Saragosse, y fut
inhumé dans l'église de Notre-Dame del Pilar ; on y montre encore
aujourd'hui son cor et ses éperons, et les historiens espagnols
s'accordent à célébrer sa bravoure et les services qu'il a rendus
à leur pays. Il avait reçu de ses alliés le titre de vicomte
et de pair d'Aragon.
Les successeurs de Gaston IV n'ont point
marqué dans l'histoire, et sa famille ne tarda pas à s'éteindre.
Marie, seule héritière de cette maison, fait hommage, pour sa
principauté, à Alphonse d'Aragon, sous la tutelle duquel elle
vivait encore, et se laisse imposer, en 1170, par lui une union
avec Guillaume de Moncade, né d'une des premières familles de
Catalogne.

Le Béarn se trouvait ainsi lié à l'Espagne
et détaché de la France ; mais l'hommage que le nouveau seigneur
fit au roi d'Aragon alarma l'humeur fière et indépendante des
Béarnais ; ils le déposèrent, et déclarèrent le trône vacant.
Ils élurent pour souverain un chevalier du Bigorre ; mais celui-ci,
n'ayant point respecté leurs privilèges, fut tué par eux au
bout d'un an. Même sort était réservé à son successeur, venu
d'Auvergne, et qui offensa par son orgueil la fierté des Béarnais.
La cour de Béarn le fit tuer d'un coup de pique par un écuyer
sur le pont de Saranh. Alors, dit une ancienne pièce dont la
copie date du XIVème et du XVème siècle)
est conservée aux archives de Pau, alors les Béarnais entendirent
parler avec éloge d'un chevalier de Catalogne, lequel avait
deux fils jumeaux. Les gens du Béarn tinrent conseil, et envoyèrent
deux prud'hommes lui demander pour seigneur un de ces enfants.
Arrivés en Catalogne, ils allèrent les voir, et les trouvèrent
endormis l'un tenait les mains ouvertes, l'autre les tenait
fermées. Ils choisirent le premier, parce que ses mains ouvertes
annonçaient qu'il serait libéral. Ce prince de trois ans, si
singulièrement choisi, régna sur eux sous le nom de Gaston VI.
Sa famille prit le nom de Moncade. Avec lui commença la seconde
dynastie des seigneurs du Béarn.
Malgré sa libéralité envers
les églises, Gaston VI fut excommunié comme albigeois. Sa soumission,
ses protestations pacifiques ne purent lui faire obtenir grâce
de Simon de Montfort, l'ambitieux et terrible capitaine chargé
d'exécuter les sentences fulminées par le pape Innocent III.
Gaston, obligé de se défendre, réunit ses troupes à celles de
ses voisins excommuniés comme lui. Vaincu à Muret par Simon
de Montfort, il rentra pourtant dans le sein de l’église et
fut relevé do son excommunication par l'évêque d'Oloron, qui
lui accorda sa grâce en échange des seigneuries de Sainte-Marie
et de Catron.
A la mort de Gaston, en 1215, les Béarnais
lui donnèrent pour successeur son frère, Guillaume-Raymond.
Ce prince, dont la jeunesse avait été violente et orageuse,
se montra un habile législateur. Sous lui fut établie une cour
de justice composée de douze jurats cette charge était héréditaire,
et devint très importante. A ceux qui la remplissaient fut réservé
bientôt le titre de baron à l'exclusion des autres gentilshommes.
Sous ses successeurs, dont l'histoire est insignifiante, le
Béarn s'agrandit sans bruit par des héritages et des mariages
avec des familles royales.
C'était l'époque de la lutte entre
l'Angleterre et la France ; ils prirent parti contre les Anglais
; qui jamais ne franchirent la frontière de leurs États. Le
dernier prince de la famille de Moncade, Gaston VII, se voyant
mourir sans enfants mâles, choisit pour successeur son gendre,
le comte de Foix ; mais les Béarnais exigèrent que leur pays
restât distinct du comté de Foix, et Roger-Bernard, leur nouveau
souverain, vint fixer sa cour à Orthez, la capitale des derniers
princes de la maison de Moncade.

C'est ici que commence la période la plus éclatante de l'histoire du Béarn. En 1343, le plus illustre de ses princes fut Gaston-Phoebus, renommé en son temps parmi tous les chevaliers de la chrétienté pour sa beauté, sa bravoure et sa courtoisie envers les dames « grand clerc d'ailleurs en fait de lettres, aimant les dons de ménétriers et s'y connoissant, et faisant lui-même des vers. » A quinze ans, Gaston fit ses premières armes contre les Maures d'Espagne. Il épousa Agnès de Navarre, sœur de Charles le Mauvais ; mais, loin de tremper dans les intrigues de son beau-frère, il défendit ses États contre les Anglais, refusant d'ailleurs de rendre hommage au roi de France pour le Béarn, et déclarant qu'il ne devait hommage qu'à Dieu. Il fut le premier des souverains du Béarn à qui les états accordèrent des subsides ce qui en fit un riche seigneur. Il se lança dans les aventures et parcourut les pays étrangers. Il revenait dit Froissart, en compagnie du captal de Buch d'une croisade contre les païens de la Prusse, et était arrivé à ChâIons en Champagne, lorsqu'il y apprit la « pestilence et l'horribleté qui couroit alors sur les Gentihommes ». C'était l'insurrection de la Jacquerie et les paysans, exaspérés par de longs siècles de misères et de cruautés, s'abandonnaient à d'affreuses représailles. Un grand nombre de dames s'étaient réfugiées à Meaux, déjà menacé par les Jacques. Gaston-Phoebus et le captal de Busch y courent ; la ville est déjà envahie. Ils pouvaient être quarante lances et non plus ; ils n'entreprirent pas moins de déconfire et de détruire ces vilains. Ce qui diminue un peu la valeur de leur resolution, c'est que, comme ajoute Froissart, les vilains estoient noirs et petits, et très mal armés, tandis que les chevaliers, couverts de fer, eux et leurs chevaux, des pieds à la tête, étaient à peu près invulnérables. Ils se ruèrent sur les paysans et n'eurent qu'à tuer. « Ils les abattoient à grands monceaux, dit le chroniqueur, et les tuoient ainsi que bestes, et en tuèrent tant qu'ils en estoient tous lassés et tannés, et les faisoient saillir en la rivière de Marne. Finalement ils mirent à fin en ce jour plus de sept mille, et boutèrent le feu en la désordonnée ville de Meaux, et l'ardirent toute, et tous les vilains du bourg qu'ils purent dedans enclore. » Animés par cette facile boucherie, les chevaliers poursuivirent les vilains, brûlant et égorgeant sans merci, et dévastant le pays mieux que ne l'eussent pu faire les Anglais ; ce qui ne leur en attira pas moins beaucoup de gloire et un grand renom par toute la chrétienté.

Gaston, de retour dans ses États, eut
à soutenir contre des seigneurs révoltés ou des voisins belliqueux
des guerres plus difficiles. Il vainquit et fit prisonniers
le sire d'Albret et le comte d'Armagnac, il se réconcilia avec
ce dernier, dont la fille fut fiancée au fils de Gaston. Gaston
devint bientôt un très redouté seigneur, riche et fastueux,
aimant les fêtes et les tournois la chasse, son plaisir favori,
prenait une partie de son temps, et il entretenait une meute
qui, dit-on, ne comprenait pas moins de seize cents chiens.
Froissart, bien accueilli et choyé à la cour d'Orthez, ne tarit
pas d'éloges sur ce prince, qui, en bien comme en mal, doit
être cité comme un des types les plus caractérisés des temps
féodaux.
Malgré sa courtoisie, des crimes, abominables même
pour l'époque, souillèrent la mémoire de ce prince, il tua son
frère naturel, Pierre Arnaud attiré dans un guet-apens. Son
jeune fils, touché du délaissement où Gaston tenait sa mère,
reçut un jour de Charles le Mauvais, son oncle, le conseil de
jeter dans les aliments de son père une certaine poudre qu'on
lui donna, et qui devait rendre à sa mère tout l'amour de son
mari. Le crédule enfant tente l'expérience ; la poudre était
du poison. Son père demande vengeance aux états, qui essayent
vainement de protéger contre le vicomte de Béarn ce fils qu'ils
regardent comme innocent. Voici comment Froissart raconte la
mort de l'enfant. Après avoir dit que le fils de Gaston, dans
sa douleur, refusait de manger, et que les serviteurs du comte
vinrent l'en prévenir, le chroniqueur ajoute « Le comte,
sans mot dire, se partit de sa chambre, et s'en vint vers la
prison où son fils estoit et tenoit à la malheure un petit long
couteau, dont il appareilloit ses ongles et nettoyoit. Il fit
ouvrir l'huis de la prison, et vint à son fils; et tenoit la
lame de son couteau par la pointe, et si près de la pointe,
qu'il n'y en avoit pas hors de ses doigts la longueur de l'épaisseur
d'un gros tournois. Par maltalent en boutant ce tant de pointe
en la gorge de son fils, il l'assena ne sait en quelle veine,
et lui dit « Ha! traitour, pour quoi ne manges tu point? » Et
tantôt s'en partit le comte sans plus rien dire ni faire, et
rentra en sa chambre. L'enfant fut sang mué et effrayé de la
venue de son père, avec cela qu'il estoit foible de jeûner,
et qu'il vit ou sentit la pointe du couteau qui le toucha à
la gorge comme petit fust, mais ce fust en une veine ; il se
tourna d'autre part, et là mourut. Son père l'occit voirement,
mais le roi de Navarre lui donna le coup de la mort. »

Gaston n'avait pas d'autre enfant légitime;
il ne lui restait que deux bâtards. D'ailleurs, il administrait
ses États avec vigilance et habileté, et fut prud'homme en l'art
de régner. Quand Froissart le vit à Orthez, « le comte Gaston
de Foix avoit environ cinquante-neuf ans d'âge. Et vous dis
que j'ai en mon temps vu moult chevaliers, rois, princes et
autres mais je n'en vis oncques nul qui fut de si beaux membres,
de si belles formes, ni de si belle taille, et visage bel, sanguin
et riant, les yeux vairs et amoureux, là où il lui plaisoit
son regard asseoir. De toutes choses, il estoit si très parfait
qu'on ne le pourroit trop louer. Il aimoit ce qu'il devoit aimer,
et haïssoit ce qu'il devoit haïr. Sage chevalier estoit, et
de haute emprise et plein de bon conseil. Il disoit en son retrait
planté d'oraisons, tous les jours une nocturne du psaultier,
heures de Notre-Dame, du Saint-Esprit, de la Croix et vigiles
des morts, et tous les jours faisoit donner cinq francs en petite
monnoie pour l'amour de Dieu, et l'aumône à sa porte à toutes
gens. Il fut large et courtois en dons, et trop bien savoit
prendre où il appartenoit, et remettre où il afféroit; les chiens
sur toutes bètes il aimoit, et aux champs, été ou hiver, aux
chasses volontiers estoit. D'armes et d'amour volontiers se
déduisoit. Briefvement, tout considéré, ajoute Froissart, avant
que je vinsse en cette cour, j'ayois été en moult cours de rois,
de ducs, de princes, de comtes et de hautes dames; mais je ne
fus oncques en nulle qui mieux me plut ». Évidemment, l'enthousiasme
du bon Froissart se ressentait un peu de la générosité de Gaston-Phoebus
envers les étrangers menetrier Le comte de Foix mourut le 1er
août 1391 subitement d'apoplexie au retour d'une chasse à l'ours.
Nous lui devons le livre intilulé Phébus, deduiz de la chasse
des bestes sauvages et des oiseaux de proye, au début duquel
il prend Dieu, la Vierge Marie et la sainte Trinité à témoin
que pendant toute sa vie « il s'est délité par espécial en trois
choses, l'une est en armes, l'autre est en amours, et l'autre
si est en chasse. » Ce livre est encore de nos jours un des
traités les plus completsde vénérie.
Son cousin, Matthieu
de Castelbon, lui succéda, et mourut sans enfants ; en lui s'éteignit
la ligne masculine de la maison de Foix. Sa sœur, Isabelle,
qui lui succéda, épousa Archambault de Grailli, captal de Buch,
qui prit le nom de Foix. Ses descendants n'ont joué aucun rôle
important jusqu'au jeune et vaillant Gaston de Foix, duc de
Nemours, le compagnon d'armes de Bayard, qui fut tué à l'âge
de vingt-trois ans, en 1512, à la bataille de Ravenne, en poursuivant
les ennemis qu'il venait de vaincre.

Le mariage d'un de ces princes avec l'héritière
du royaume de Navarre avait augmenté la puissance de cette maison
; mais le duc d'Albe, au nom de Ferdinand le Catholique, enleva
aux comtes de Béarn la plus grande partie de ce royaume, et
les réduisit à la basse Navarre. En 1500, à la maison de Foix
avait succédé celle d'Albret (1500), dont un des membres, Jean
II, avait épousé Catherine de Foix. Henri d'Albret, son fils,
combattit vaillamment à Pavie aux côtés de François ler
; fait prisonnier avec lui, il reçut après sa délivrance le
prix de son dévouement en épousant la sœur du roi, la brillante
Marguerite, si connue par l'élégance de son esprit, et qui nous
a laissé dans ses contes une fidèle peinture des mœurs licencieuses
de cette époque.
Jeanne d'Albret fille de Henri, épousa Antoine
de Bourbon. Ce prince, après avoir embrassé le calvinisme, l'abjura
; sa femme, au contraire, quitta le catholicisme et demeura
inébranlable dans sa nouvelle religion. Marguerite de Navarre
avait déjà favorisé le calvinisme ; Jeanne, devenue seule souveraine
du pays depuis la mort de son mari tué au siège de Rouen, établit
en Béarn l'exercice public du culte réformé. Protestante rigide,
elle honore ses convictions par ses vertus, par l'élévation
de son esprit et de son cœur ; elle le propage avec ardeur au
moyen de ministres instruits. Le pape fait afficher un décret
du saint office sommant Jeanne de comparaître en personne comme
suspecte d'hérésie, et prononçant en cas de refus la confiscation
de ses domaines ; la cour de France obtint du pape qu'il suspendît
la publication de ce décret. Mais Jeanne ayant fourni des secours
au prince de Candé, chef des protestants, Charles IX fait déclarer
Jeanne rebelle et prononcer la confiscation de ses terres par
le parlement de Bordeaux. Le féroce Blaise de Montluc est chargé
d'exécuter l'arrêt ; il marche sur le Bigorre, tandis que son
lieutenant Terride répand la terreur dans le Béarn. Le sire
de Terride s'empare de Pau et convoque les états, qui protestent
contre l'envahissement du pays.

Mais Jeanne a réuni une armée ; le terrible
Montgomery en est le chef, il envahit le Béarn, le reconquiert
en quinze jours, et exerce d'affreuses représailles. Maître
des dix principaux chefs catholiques qui s'étaient enfermés
avec Terride dans le fort Moncade, et qu'il amène à capituler
en leur promettant la vie sauve, il les fait poignarder au mépris
de la foi jurée. Terride seul échappe, on ne sait comment. Jeanne
rentre dans ses États et y rétablit la foi protestante.
Elle
commit, comme la plupart des chefs de la religion réformée,
l'imprudence de se fier aux avances de ses ennemis ; elle se
laissa entraîner à la cour de Charles IX par Catherine de Médicis,
qui lui proposait le mariage de sa fille avec le prince de Béarn
(depuis Henri IV). Jeanne se rend à Paris, et meurt peu de temps
après, empoisonnée, dit-on. « C'estoit, dit Agrippa d'Aubinné,
une femme n'ayant de femme que le sexe, l'âme entière aux choses
viriles, l'esprit puissant aux grandes affaires, le cœur invincible
aux grandes adversités. » Elle fut la mère de Henri IV.
Nous n'avons pas à raconter la vie de ce prince, dont l'histoire
appartient moins au Béarn qu'à la France. Rappelons seulement
ce qui se rapporte plus particulièrement à son pays natal. Henri
rétablit en Béarn la religion catholique, dont sa mère avait
proscrit l'exercice public après l'invasion de ses États par
les troupes du roi Charles IX. Les états rassemblés à Pau protestent
contre l'édit du roi, et de nouveaux désordres ensanglantent
le pays. Mais bientôt, après le massacre de la Saint-Barthélemy,
Henri révoque l'édit, et vient visiter ses États avec sa femme
Marguerite de Valois. Il donne aux Béarnais pour régente sa
sœur Catherine, qui réussit à s'en faire aimer.
Devenu roi
de France, Henri s'occupa du Béarn, ses premiers sujets au point
de leur dire qu'il avait « donné la France au Béarn, et non
le Béarn à la France.)) C'est dans ces paroles, comme en beaucoup
d'autres, qu'on reconnaît la vérité du jugement de d'Aubigné
sur lui :
« C'estoit le plus rusé et madré prince qu'il y
eut jamais. Sa mort fut sentie en Béarn plus vivement qu'en'
aucun lieu de la France. »
Louis XIII, malgré la résistance
des états, réunit la Navarre et le Béarn à la couronne de France,
ce que son père n'avait osé tenter. L'opposition fut si vive,
que le roi jugea à propos d'aller lui-même à Pau, détruisit
l'ancienne organisation du pays, supprima les conseils souverains
de Béarn et de basse Navarre, et établit un parlement unique
siégeant à Pau. Il laissa cependant au pays ses états, qui,
du reste, ne se réunirent plus que pour voter l'impôt.

Depuis cette époque, le Béarn n'a plus
joué un rôle distinct dans notre histoire. Seulement, au commencement
de la Révolution, les Béarnais, inspirés par un étrange esprit
de patriotisme local, hésitèrent à nommer des députés l'Assemblée
constituante ; ils finirent pourtant par s'y décider, mais continuèrent
à montrer un esprit hostile à la Révolution. Chose non moins
extraordinaire, aucune réaction violente ne vint, de la part
des révolutionnaires, châtier un pays si mal disposé, et le
Béarn, qui avait paru songer un moment à se reconstituer en
un pays indépendant, se laissa tranquillement enclaver dans
le département des Basses-Pyrénée Aux annales du Béarn succède
l'histoire du département dans lequel il a été incorporé, et
les événements dont il a été le théâtre participent à la grandeur
de la nouvelle patrie. Le mot historique « Il n'y a plus de
Pyrénées », n'a pas toujours été un oracle de paix depuis l'union
des deux branches de la famille de Bourbon. La cour de Madrid
manifesta des intentions hostiles contre la Révolution ; mais
l'établissement d'un camp au pied des Pyrénées, quelques démonstrations
vigoureuses, et l'influence des victoires des armées républicaines
sur les autres frontières, imposèrent à l'Espagne sa neutralité
à défaut de sympathie. Les Pyrénées furent franchies par les
armées de Napoléon Ier qui, pour assurer le succès
de son rêve continental, voulait avoir un membre de sa famille
sur le trône des héritiers de Philippe V. L'intervention de
l'Angleterre venant en aide aux résistances nationales, les
Pyrénées virent reculer pour la première fois nos aigles victorieuses.
Une sorte de revanche fut prise sous la Restauration. lorsqu'un
arrière-neveu de Philippe V, le duc d'Angoulême, alla défendre
Ie trône bourbonien menacé par la junte insurrectionnelle de
Cadix, se contentant des stériles exploits du Trocadéro. Depuis
lors, les échos des Pyrénées n'ont été réveillés que par des
bruits de guerre civile et des brigandages que les autorités
françaises ont eu à surveiller et à réprimer, mais sans aucune
participation directe.
Le mariage de Napoléon III avec une
comtesse espagnole ne fut, pour le département, l'occasion d'aucune
faveur spéciale ; il y gagna toutefois, au cours du règne, des
embellissements et des libéralités pour quelques localités visitées
ou affectionnées par l'épouse du souverain.
Le Pays Basque

Regio Vascorum, Basclorum, Basconia,
Vascitania. Du côté de la France, le pays basque renferme les
trois petites contrées du Labour, de la basse Navarre et de
Soûle. Le Labour formait avec quelques vallées voisines l'évêché
de Bayonne. Il eut des seigneurs particuliers, sous le titre
de vicomtes, dans le XI et dans le XIIème siècle.
Réuni plus tard à la Gascogne, il entra dans le domaine de la
maison de Béarn, et fit accession à la couronne de France par
l'avènement de Henri IV. Lors de la création des départements
en1790, le Labour fut compris dans celui des Basses-Pyrénées
où il forme la majeure partie de l'arrondissement de Bayonne.
La basse Navarre, dont la capitale était St-Jean-Pied de Port,
ne formait dans l'origine qu'un canton du royaume de Navarre.
Restée seule au pouvoir des rois de Navarre de la maison d'Albret,
elle n'en conserva pas moins le titre de royaume, et les rois
de France ne dédaignèrent pas de s'intituler aussi rois de Navarre
lorsque cette petite souveraineté fut réunie sous Henri IV au
domaine de la couronne. En 1790, elle forma le district de St-Palais
puis, à l'établissement des préfectures, elle fut partagée entre
les arrondissements de Bayonne et de Mauléon.
La Soule, dont
Mauléon était la capitale, avait titre de vicomté; elle eut
des seigneurs particuliers jusque vers la fin du XIIIème
siècle, et fut réunie définitivement à la couronne en 1607.
En1790, elle forma le district de Mauléon qui devint plus
tard une sous-préfecture par l'addition d'une portion de la
basse Navarre
Pau


Pau doit son origine à un château bâti par un des premiers princes de Béarn, vers le milieu du XIème; siècle. Ce prince faisait sa résidence à Morlaas ; inquiété par les fréquentes excursions des Sarrasins d'Espagne, qui pénétraient dans ce pays par le passage des Pyrénées, il choisit un endroit propre à la construction d'une forteresse qui servirait à arrêter les courses de ces ennemis audacieux. La partie méridionale de la plaine de Pont-Long lui parut convenable à son projet ; elle appartenait aux habitants de la vallée d'Ossau, qui la lui cédèrent, à condition qu'eux et leurs descendants auraient, pendant la tenue de la cour majora- " (cour souveraine)., la première place au haut de la salle du Château qui y serait construit: On planta trois-pieux sur le terrain choisi pour en marquer les limites, le château fut bâti dans l'endroit où se trouvait le pieu du milieu, et c'est du mot paon, qui en béarnais signifie pieu, que l'on fait dériver le nom du château, ainsi que de la ville qui fut construite après, laquelle ne commença à prendre quelque extension que vers 1464, sous Gaston IV. Ce roi de Navarre étendit l'enceinte de Pau, et la fit entourer de murs et, de fossés ; il fil aussi construire une église et réparer le château. Insensiblement Pau s'agrandit et se peupla. Devenue ensuite la '. capitale du Béarn, le siège d'un conseil souverain, d'un parlement, d'une académie de belles lettres, d'un hôtel des monnaies, el d'autres établissements favorables à la population , cette ville était fort importante et prenait encore de l'accroissement dans les derniers temps de l'ancienne monarchie.. La révolution arrêta la construction des maisons à demi bâties, empêcha d'achever les plans commencés , et suspendit les différents projets d'embellissement.

La ville de Pau est située à l'extrémité
d'un vaste plateau élevé, qui domine une vallée délicieuse où
coule le gave de Pau ; les sites qui , l'environnent de toutes
parts ; mais surtout au midi, sont admirables ; la perspective
des Pyrénées, qu'on aperçoit du château , du pont jeté sur le
gave, du parc, de la place Royale, et de plusieurs autres points,
est majestueuse; la vue se promène avec plaisir sur la vallée
où s'enfonce le gave, sur les prairies dont elle est couverte
et sur les riches coteaux qui la bordent ; au delà de ces coteaux
s'élève le pic du- midi de Béarn qui, par son élévation, domine
les plus bautes montagnes sur la ligne centrale desquelles il
se il est placé.
Pau , ancienne capitale du royaume de Navarre,
fut le siège d'une cour souveraine el d'un parlement.
C'est
une ville pittoresquement bâtie, sur deux collines, et traversée
parle ruisseau de Héas et la rivière de l'Ousse, qui se réunissent
au gave d'Osseau. On remarque surtout la grande et large rue,
longue de 2 kilomètres, qui parcourt cette ville dans toute
sa longueur. ; les rues transversales sont très courtes , parce
que la ville par elle-même est fort étroite. On y remarque quelques
édifices publics, tels que ,1a préfecture, le collège, et de
belles habitations particulières, entre autres les hôtels de
Gassion et de Jassel. Comme ville parlementaire, elle fut toujours
peuplée de gens riches, et l'on trouve dans ses constructions
un reste d'opulence que soutiennent encore diverses familles
anciennes.
Bayonne

Il n'est question de cette ville dans
aucun monument romain. La Notice de l'empire indique une ville
nommée Lapurdurn, qui a donné son nom au pays de Labour, dont
Bayonne était la capitale. Ni les mesures, dont nous sommes
dépourvus ni, l'histoire ne prouvent d'une manière certaine
que Lapurdurn occupait le même emplacement que Bayonne, quoique
cela soit probable, vu la grande antiquité de cette ville. Grégoire
de Tours eu parle dans l'accord fait entre les rois Childebert
et Goutran.
Le diocèse de Bayonne ne remonte pas au-delà
du Xème siècle; il est probable qu'il fut un démembrement
du diocèse d'Ascq. Il n'est pas question de Bayonne avant cette
époque, et Oihenart, auteur basque, nous apprend que baia-une,
en langue vasconne ou basque, signifie port.
Bayonne a eu
ses vicomtes particuliers jusqu'à l'année 1193 ; Jean sans Terre
s'en empara en1199 ; les Anglais la réunirent au duché de Guyenne
sous le règne d'Édouard II. En 1451,toutes les villes de la
Guyenne se trouvant comprises dans la capitulation de Bordeaux,
elles ouvrirent sans difficulté leurs portes aux Français, à
la réserve de Bayonne; les bourgeois de cette ville, très-dévoués
à l'Angleterre, déclarèrent que les Bordelais n'avaient rien
pu stipuler pour eux, et Charles VII, qui s'était avancé jusqu'à
Taillebourg, envoya aux comtes de Dunois et de Foix l'ordre
de les investir. Après avoir donné un repos de six semaines
à leur armée, ils dressèrent leur camp devant cette ville le
6 août 1451, et le 18août, une brèche étant ouverte, ils commencèrent
à parlementer. Dunois, pour les punir de leur opiniâtreté, leur
imposa des conditions plus sévères qu'aux autres villes du Midi;
il exigea que leur commandant, Jean de Beaumont, frère du connétable
de Navarre, demeurât prisonnier du roi, avec tous les gens de
guerre, et que les bourgeois lui payassent quarante mille écus
comme contribution de guerre. A ces conditions, Bayonne la dernière
place que les Anglais occupassent en France, à la réserve de
Calais, ouvrit ses portes aux troupes de Charles VII, le samedi21
août 1451.

Les Espagnols ont tenté deux fois de
s'en emparer par surprise, en 1595 et en 1651. C'est à Bayonne
qu'eut lieu, en 1565, la fameuse entrevue où se rendirent le
duc d'Albe, muni des pouvoirs du roi d'Espagne, Catherine de
Médicis, et le roi de France Charles IX. Là, suivant plusieurs
historiens, et notamment suivant le grave de Thou, « On délibéra
sur les moyens de délivrer la France des protestants, regardés
comme un mal contagieux et on adopta le sentiment du duc d'Albe,
qui était celui du roi Philippe, et qui consistait à faire tomber
les têtes des principaux chefs, à prendre pour modèle les Vêpres
siciliennes, et à massacrer tous les protestants ». Le prince
de Navarre, depuis célèbre sous le nom de Henri IV, était pendant
cette entrevue, presque sans cesse auprès de Catherine de Médicis
qui aimait son esprit et qui ne se méfiait pas de cet enfant.
Il entendit une partie des résolutions qui y furent prises,
et les rapporta à sa mère, qui en donna avis au prince de Condé
et à l'amiral de Coligny. Les chefs protestants prirent des
mesures pour conjurer l'orage dont ils étaient menacés. Ils
ne se rendirent point à l'assemblée de Moulins, où ils savaient
que devait s'exécuter le projet sanguinaire qui fut enfin exécuté
à Paris, le 24 août 1572, pendant la nuit affreuse de la St-Barthélémy.
Les ordres avaient été envoyés dans les provinces pour continuer
les mêmes massacres. Le vicomte d'Orthez, qui commandait à Bayonne,
refusa d'être en cette occasion complice des crimes de Charles
IX et de sa mère.
Il s'est tenu à Bayonne trois conciles
en 315 ou 358 contre les ariens un autre en 442, et un troisième
en 529.

En 1815,les Espagnols passèrent la Bidassoa
au nombre de 15,000,et firent une démonstration sur Bayonne
; il n'y avait pas un soldat dans la place ; les Bayonnais coururent
aux armes ; huit cents hommes de garde nationale d'élite occupèrent
les approches; trois cents marins, dont quatre-vingts furent
organisés en compagnie d'artillerie, armèrent tous les forts:
les hommes âgés et les vieillards garnirent le camp retranché
et les remparts, tous jurèrent de s'ensevelir sous les ruines
de la ville: cette contenance imposa tellement aux Espagnols,
qu'ils renoncèrent à leur projet.
Bayonne se glorifie de
n'avoir jamais été prise. La devise de Bayonne est : » «
Nunquam polluta ».
C'est à Bayonne que, sur la fin du
dernier siècle, fut inventée la baïonnette, arme doublement
nationale, et par son origine et par l'emploi que les Français
savent en faire.
Bayonne est une ville très avantageusement
située, à peu de distance de l'Océan, au confluent de la Nive
et de l'Adour, qui réunissent leurs eaux sous les murs du Réduit;
c'est la seule ville de France qui ait l'avantage d'avoir deux
rivières où remonte la marée. La Nive, avant de mêler ses eaux
à celles de l'Adour dans le port même de cette ville, la divise
en deux parties à peu près égales, désignées sous le nom de
grand et de petit Bayonne, réunies par les ponts Mayou et Paneco.Ces
deux enceintes sont entourées de beaux remparts flanqués de
bastions et de fossés larges et profonds, qu'on peut remplir
d'eau à volonté. On y entre par quatre portes.

Le grand Bayonne s'étend sur la rive
gauche de la Nive, et renferme le vieux château ; le petit Bayonne
se prolonge sur la rive droite de la Nive et la rive gauche
de l'Adour, et renferme le château neuf flanqué de quatre tours.
Un troisième quartier, que l'on peut considérer comme faubourg
de Bayonne, quoiqu'il n'appartienne ni à cette ville, ni même
au département des Basses-Pyrénées, est situé sur la rive droite
de l'Adour ; il porte le nom de Saint-Esprit, et forme une petite
ville du département des Landes, qui communique avec Bayonne
par un beau pont de bois, sur lequel on traverse l'Adour. C'est
au Saint-Esprit qu'est bâtie la citadelle, qui commande tout
à la fois la ville de Bayonne, le port, la campagne et la mer.
Bayonne est une ville riante, bâtie dans le genre espagnol,
et présentant un aspect tout particulier et très différent des
autres villes de France. Les maisons ont des jalousies et des
balcons sur lesquels ou étend des toiles; les boutiques sont
sans clôtures, et la grande place ressemble à une place espagnole.
Tout y est animé, gai, et d'une gaieté de bonne humeur; on voit
que ce n'est pas une joie passagère, et qu'habituellement les
habitants sont d'humeur joyeuse.

Cette ville est en général fort bien
bâtie. La grande rue où passe la route d'Espagne est large,
bien percée et ornée de beaux édifices. Mais toutes les autres
rues sont étroites, sans l'être pourtant à l'excès ; ce qui
les rétrécit a la vue est la hauteur des maisons élevées de
trois ou quatre étages. Ces maisons sont assez bien construites,
les unes en pierre, les autres en pans de bois. Plusieurs sont
bordées d'arcades qui les embellissent. La place Grammont, qui
donne d'un côte sur la Nive, et de l'autre sur l'Adour et le
port, est décorée de beaux édifices ; c'est là que sont réunis,
avec la douane et la salle de spectacle, tout le commerce, toute
l'activité, tout l'agrément de Bayonne. Le seul édifice public
remarquable de Bayonne est la cathédrale, bâtie sur une hauteur
vers la fin du XIIème siècle ; elle est petite, mais
d'une élégante construction gothique.
Les allées maritimes
forment une promenade agréable qui ne ressemble en rien à ce
qui existe ailleurs en ce genre ; c'est une espèce de jetée
plantée d'arbres entretenue et sablée avec beaucoup de soin.
L'un des côtés est bordé de jolies maisons peintes de diverses
couleurs; de l'autre règne un quai superbe, où viennent s'amarrer
les navires, et d'où l'on découvre le Saint-Esprit, couronné
par la citadelle.
Au pied est le chantier de construction
appelé le Port, et une rangée de chais ou magasins.

Cette promenade est très fréquentée et
offre un aspect charmant par la diversité des costumes que l'on
y remarque ; c'est là que l'on peut admirer les aimables Bayonnaises
à la physionomie riante aux yeux vifs et agaçants, à la taille
élégante, à la tournure gracieuse ; les jolies Basquaises aux
tailles sveltes et bien prises, aux figures vives et piquantes,
à la démarche facile et légère. Il est rare de trouver dans
une grande ville un aussi grand nombre de femmes attrayantes,
et c'est avec justice qu'on a dit de Rayonne :
« Jamais
cité n'eut plus de belles,
Jamais belles ont réuni
A
tant de grâces naturelles
Un art plus simple et plus uni.
»
Les femmes sont en effet presque toutes jolies
à Bayonne, et généralement dans tout le pays basque. Leur taille
est svelte, leur peau blanche, leurs yeux expressifs, qu'ils
soient bleus, qu'ils soient noirs, et leur physionomie d'une
vivacité charmante. Les environs de Bayonne sont remarquablement
beaux, même du côté des landes de Mont de- Marsan ; on y voit
des bois, des collines, des rivières, de belles prairies ; le
tout dominé par les Pyrénées, qui servent de cadre à ce riant
tableau.
Biarritz

Ce bourg, situé au bord de l'Océan qui y forme un petit port, sur la route de Bayonne à St-Jean-de-Luz, est bâti dans une situation pittoresque, sur des bancs de rochers qui s'élèvent à plus de 40mètres au-dessus du niveau de lamer. La côte est en cet endroit très enfoncée et la marée y monte très haut les vagues poussées par les vents du nord et de l'ouest, et brisées par les écueils, produisent un fracas épouvantable mais ce mouvement tumultueux entretient aux environs une brise légère, qui rafraîchit l'atmosphère de cette côte dépourvue d'ombrage et de verdure. L'agitation continuelle des vagues a déchiré et creusé les flancs des rochers contre lesquels elles exercent leur fureur. Parmi les grottes nombreuses qu'elles ont formées, celle de la Chambre d'amour est la plus vaste et la plus connue suivant une tradition locale, elle tire son nom du berger Oura et de la bergère Edera son amante, auxquels elle avait offert un refuge amoureux ivres du bonheur d'être ensemble, ces amants ne songeaient pas à la marée, dont les flots s'introduisant avec fureur dans la grotte terminèrent leur existence dans un moment où ils en jouissaient le plus délicieusement. La forme de la Chambre d'amour représente un demi-cercle de 36 à 40 pas de diamètre sa plus grande hauteur, à l'entrée, est de 5 à 6 mètres et cette hauteur diminue graduellement jusqu'au fond de la grotte, où la voûte touche le sol. Au-dessus de l'ouverture croissent une foule de plantes curieuses, telles que le rosier à feuilles de pimprenelle, l'astragale bayonnais, le muflier à feuille de thym, le lin maritime , etc.


Biarritz est renommé pour ses bains de mer, que fréquentent assidûment dans la belle saison les habitants de Bayonne. C'est un spectacle charmant d'y voir, à certains jours, arriver des caravanes de baigneurs et de baigneuses qui font la partie d'aller se plonger dans la mer. La manière d'exécuter cette promenade est curieuse : on place sur le même cheval ou mulet, de chaque côté du bât, deux petites chaises ou tabourets sur lesquels, après avoir étendu des tapis plus ou moins élégants, se mettent deux personnes dont le poids s'équilibre au moyen de pierres ajoutées à la plus légère ; l'un des deux voyageurs est le passager, l'autre le conducteur. On trouve de ces équipages, que l'on désigne sous le nom de cacolet, au coin des rues et sur les places publiques de Bayonne; ils y remplacent les fiacres ou les cabriolets de louage, dont on fait usage dans d'autres villes ; ce sont presque toujours de jeunes et jolies Basquaises qui conduisent les cacolets. II n'y a pas à Biarritz d'établissement fixe ; c'est dans une petite anse connue sous le nom de Port-Vieux, sur une belle plage, que l'on se baigne, on y trouve des barques fournies de tout ce qui est nécessaire pour le bain.

Là, les personnes des deux sexes confondues dans la même enceinte, mettent à leurs joyeux ébats une liberté qui n'est pas un des charmes les moins piquants que présentent les bains de Biarritz. On se baigne aussi dans des trous de rochers qu'on appelle bains d'amour. Nulle part ailleurs, le terrible golfe de Gascogne n'est battu par plus de tempêtes, il est arrivé quelque fois que le mouvement rétrograde des flots brisés par le reflux a emporté des baigneuses et autant de fois de jeunes et vigoureux baigneurs ont volé à leur secours, mais presque toujours sans succès. Le danger est grand, les exemples sont connus, toutes les mères racontent à leurs filles l'anecdote de la Chambre d'amour et plusieurs autres histoires déplorables ; on écoute, on pleure, et l'on revient aux bains d'amour !

Cette description de la ville de Biarritz
ce situe bien avant que l’impératrice Eugénie, digne épouse
de Napoléon III, vienne donner à cette ville l’éclat et sa renommé
actuelle. Le petit port c’est transformé en une élégante station
balnéaire qui attire chaque année des milliers de vacanciers
venus de toute l’Europe, viennent faire trempette dans les eaux
bleu de l’océan ou admirer la furie des eaux les jours de tempête.
Si le superbe casino qui surplombe la plage attire les passionnés
de baccara ou de poker d’autre ne manqueront pas d’aller visiter
son musée océanographique qui se situe à l’entrée de la passerelle
menant au Rocher de la Vierge.
Oloron-Sainte-Marie

Oloron était une ancienne ville de la
Novempopulanie, connue sous le nom à'Iluro ou Elorensium civitas
; elle existait au temps d'Honorius, et sa place est marquée
dans la Notice de l'empire et dans l'Itinéraire d'Antonin. Les
Normands la détruisirent de fond en comble vers le VIIIème
siècle, et elle resta ensevelie sous ses ruines jusqu'à l'époque
où Centulle II; vicomte de Béarn, releva les murs de l'ancienne
ville, y fil jeter un pont, et bâtit l'église de Ste- Croix
(vers 1080). Centulle II y attira des habitants en leur promettant
des privilèges ; sept hommes de Campfranc (Espagne) furent les
premiers qui l'habitèrent ; il en vint aussi de plusieurs autres
parties de l’Aragon : les nuances de cette origine subsistent
encore et sont entretenues, à cause du voisinage de l'Espagne,
par les mœurs, les alliances, les relations des habitants.
Une charte, concédée par Centulle, déclara exempts de cens,
de lods de ventes, de tout impôt et de péage dans la seigneurie
de Béarn, tous les individus résidant à Oloron. Cette charte
est écrite en béarnais ; ce qui est d'autant plus digne de remarque,
qu'à cette époque les souverains de l'Europe n'osaient encore
employer dans les actes publics la langue de leur pays. En voici
les principaux articles :
« Si quelque habitant veut vendre
ses terres ou sa maison à quelqu'un de la cité, il le pourra
librement, sans le consentement tant des seigneurs particuliers
que du seigneur majeur : et, s'il veut changer de seigneurie,
le vicomte sera tenu de le faire conduire sain et sauf hors
des limites de la seigneurie.
Si un homme, de quelque lieu
qu'il soit, vient s'établir dans la ville, et y réside pendant
un an et un jour, le vicomte le défendra contre tout seigneur
qui voudrait le réclamer.
Aucun des habitants ne sera tenu
de suivre le seigneur majeur à l'armée ou à la chevauchée, hors
le cas d'invasion.
Si le vicomte veut faire arrêter un habitant
accusé d'un délit, si quelque habitant le cautionne, l'accusé
sera libre.
La peine de l'adultère sera, pour les deux coupables,
de courir nus dans les rues de la ville.
Le voleur manifeste
sera livré au seigneur. Si un voisin est tué par un voisin,
le meurtrier payera soixante six sols d'amende, et fera droit
au plaignant entre les mains du vicomte. Nul étranger n'attaquera
à force ouverte un habitant de l'enceinte de la vile ; et si
quelqu'un ose violer cette défense,, il payera au seigneur neuf
cents sols et une médaille d'or.
Le vicomte se réserve le
droit de vendre les vins et cidre de son crû pendant le mois
de mai au plus haut prix courant.
Le vicomte s'engage à
ne jamais mener à sa suite, dans la ville, le débiteur d'un
habitant, ou tout autre qui pourrait avoir offensé quelqu'un
des citoyens , etc. etc. »
La ville d'Oloron est située
au sommet et sur le penchant d'une colline, au confluent des
gaves d'Ossau et d'Aspe , qui s'y réunissent et forment le gave
d'Oloron que l'on passe sur un pont très élevé, avec lequel
on communique à la petite ville de Ste-Marie. On trouve sur
son territoire deux sources d'eau minérale : l'une porte le
nom de Féas, l'autre celui d'Armendiou.
Orthez


Orthez était connu dès le IXème siècle sous le nom à'Orthésium. Vers l'an 1104, Gaston IV, vicomte de Béarn, l'enleva à Navarus, vicomte d'Acqs. Gaston VII y fit bâtir, sur le plan et sous le nom de château de Moncade eu Espagne, un château fort dont la magnificence fut longtemps un objet d'admiration ; c'est dans ce château que fut enfermée par Gaston XV, comte de Foix, la princesse Blanche, fille et héritière des États de Jean, roi de Navarre et d'Aragon; elle y mourut empoisonnée par sa sœur cadette, après deux ans de captivité. Il ne reste plus aujourd'hui que des ruines du château de Moncade, mais ces ruines sont imposantes , et l'on y jouit d'un horizon très-étendu : le peuple le nomme le château de la reine Jeanne, mère dé Henri IV, qui y fit longtemps son séjour.

Cette princesse établit à Orthez la religion réformée , qu'elle rendit dominante, y fonda une université pour cette secte, et appliqua à son entretien les biens du clergé catholique. Le territoire, ou plutôt la ville d'Orthez, a été, en l814,le théâtre d'une bataille sanglante, où 20,000 Français, commandés par le maréchal Soult, soutinrent-le choc de 70,000 Anglais, Espagnols et Portugais, commandés par le général Wellington, qui n'acheta la victoire qu'en laissant 15,000 morts sur le champ de bataille. Cette ville est fort agréablement située, sur le penchant d'une colline dont le pied est baigné par le gave de Pau, qui coule en cette endroit dans un lit très-escarpé et sur lequel est jeté un pont gothique très-étroit et d'un aspect pittoresque. Elle est bien bâtie, bien percée, et s’est embellie depuis quelques années de plusieurs .. édifices remarquables , tels que l'hôtel de ville, la halle, dont l'étage supérieur doit servir de salle de spectacle, les fontaines publiques, etc., etc. On y remarque les restes du château de Moncade, ancienne résidence des princes de Béarn, où vécut et mourut Gaston de Foix, surnommé Phébus. De ces ruines, autour desquelles on dispose une promenade, on jouit d'un des points de vue les plus étendus du Béarn. Le pont gothique jeté sur le gave, et surmonté d'une tour en partie ruinée.
Espelette

En 1059, Aznar, seigneur de Ezpeleta,
était l'un des douze ricombres de Navarre. Plus tard les seigneurs
suivants balancent entre le roi de Navarre et le roi d'Angleterre,
seigneur de Labourd depuis 1193. En 1408, Bertrand de Ezpeleta
reçoit du roi de Navarre Charles III la vicomté d'Erro. Une
fois les Anglais chassés du Labourd, le roi de France Louis
XI érige la seigneurie d'Espelette en baronnie en 1462. La dernière
baronne, Juliana, lègue tous ses biens à la paroisse en mourant
en 1694. En 1790, le canton d'Espelette comprenait les communes
d'Espelette, Larressore et Souraïde et dépendait du district
d'Ustaritz.
En 1794, au plus fort de la Terreur, et à la
suite de la désertion de quarante sept jeunes gens d'Itxassou,
le Comité de salut public (arrêté du 13 ventôse an II - 3 mars
1794) fit arrêter et déporter une partie des habitants, plus
de 4 000 hommes, femmes et enfants d'Ainhoa, Ascain, Espelette,
Itxassou, Sare et Souraïde, décrétées, comme les autres communes
proches de la frontière avec la Navarre (Espagne), « communes
infâmes ». Cette mesure fut étendue à Biriatou, Cambo, Larressore,
Louhossoa, Mendionde et Macaye.
Les habitants furent « réunis
dans diverses maisons nationales, soit dans le district d'Ustaritz,
soit dans celles de la Grande Redoute, comme de Jean-Jacques
Rousseau ». En réalité, ils furent regroupés dans les églises,
puis déportés dans des conditions très précaires à Bayonne,
Capbreton, Saint-Vincent-de-Tyrosse et à Ondres. Les départements
où furent internés les habitants des communes citées furent
le Lot, le Lot-et-Garonne, le Gers, les Landes, les Basses-Pyrénées
(partie béarnaise) et les Hautes-Pyrénées.
Chaque année,
le dernier week-end du mois d'octobre donne lieu à la traditionnelle
fête du piment d'Espelette. Ce rassemblement autour de ce produit
local représente plusieurs milliers de visiteurs locaux comme
touristes venant dans ce village pour sa renommée gastronomique.

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