Histoire de la Vendée


Pendant la période gauloise, le pays qui forme aujourd'hui le département de la Vendée était habité par les Pictones, puissante confédération à laquelle appartenaient trois tribus alliées dont les noms sont parvenus jusqu'à nous : les Ambiliates, dont les possessions réunies plus tard à l'Anjou, notamment le pays de Mauge, se prolongeaient jusque vers les rives de la Sèvre Nantaise; les Anagnutes ou Agnotes, qui occupaient la partie de la province désignée dans la suite sous le nom de pays de Rais, près du duché de Retz, et la contrée de Pareds, jusqu'aux Alpes vendéennes ; enfin, les Cambolectri Agesinates, qui tenaient les bords de la mer et s'avançaient jusqu'à une certaine distance dans l'intérieur des terres. Ces derniers fournirent leurs marins à César pour l'aider à réduire les Vénètes, et valurent à la province entière l’amitié des vainqueurs et l'exemption de certains impôts dont furent grevés les autres peuples ; ce qui fait dire à Lucain Pictones imnunes. La conquête compliqua ces divers éléments de population. Des Sarmates et des Teiffaliens furent envoyés en garnison dans le Poitou ; c'est une colonie de ces derniers qui a laissé dans Tiffauges un souvenir de son séjour et de son nom. La maison de Lusignan passe pour être issue de cette race.

L'invasion des barbares, l'établissement
du Christianisme, l'envahissement et la défaite des Wisigoths
ne se signalent dans la Vendée par aucune particularité notable
; il en est de même pour toute l'époque mérovingienne. Cette
contrée, comme le reste du Poitou, reste attachée au sort du
duché d'Aquitaine, et, comme elle en formait l'extrême frontière
au nord-ouest, une marche fut créé commune au Poitou et à la
Bretagne, territoire neutre de deux à quatre kilomètres de largeur
sur 60 kilomètres de longueur. Ce canton, exempt de tailles,
gabelles et tous droits fiscaux, était arrivé à un haut degré
de prospérité ; nulle autre part l'agriculture n'avait fait
plus de progrès. Une autre marche séparait le Poitou de l'Anjou
et était commune à ces deux provinces. C'est la région qui,
parallèle au cours de la Loire, répond dans la division populaire
de la Vendée au mot de Plaine, en opposition au bocage et au
Marais. Nous aurons à revenir, dans l’appréciation des évènements
contemporains, sur cette division et sur l'influence que la
diversité du sol a exercée sur les mœurs et le caractère des
populations. Nous traversons encore toute la période carolingienne,
l'époque des Maures et des Normands, sans rencontrer ·un seul
fait important qui ne se rattache ou à l'histoire générale de
la province, ou aux annales particulières des villes ou des
bourgs ; nous voyons seulement, en 1317, le pape Jean XXII diviser
en trois évêchés le Poitou, qui n'avait eu jusqu'alors que celui
de Poitiers, et les deux nouveaux sièges sont placés dans la
Vendée, à Maillezaie et Luçon.
Les empiètements de la féodalité,
les péripéties de la lutte contre l'Angleterre, la reconstitution
du pouvoir central, les guerres de religion, les agitations
de la Ligue el de la Fronde passèrent sur le bas Poitou sans
que les calamités que ces évènements y attirèrent se recommandent
à l'attention de l'historien par aucun retentissement exceptionnel
; le pays, dans ce diverses phases, n’affecte pas encore de
physionomie particulière ; il n'y joue qu'un rôle passif et
ne figure que comme partie intégrante de la province.

D'où lui vient donc, à la fin du dernier
siècle, cette notoriété subite, qui lui fait désormais une place
à part dans les annales contemporaines ? Nous croyons que l’histoire
de la Vendée moderne est encore à faire ; nous croyons qu’il
est bien difficile à tout homme de notre temps de se dépouiller
assez complètement des passions présentes, pour porter un jugement
vrai sur ce drame formidable que chacun envisage encore aujourd'hui
au point de vue de ses espérances ou de ses regrets. Le caractère
de loyale impartialité que nous cherchons à donner à nos notices
nous interdit donc toute appréciation, et nous nous bornerons
à exposer les faits en recherchant les causes les plus probables.
C'est ici l'occasion de revenir sur cette division topographique
de la Vendée dont nous avons déjà dit quelques mots. En descendant
la Loire, sur la rive gauche du fleuve, après l'étroite et longue
plaine qui formait autrefois les marches d'Anjou et de Bretagne,
on rencontre un pays accidenté, couvert de bois, adossé, à l'est,
à une chaine de montagnes, d'une médiocre élévation, mais d'un
accès peu pratique, et s'abaissant à l'ouest jusqu'à la région
appelée Le Marais ; cet espace intermédiaire est le Bocage.
Plus isolé ; plus impénétrable encore, le Marais est une espace
de triangle resserré entre la mer, la Loire et le Bocage ; le
sol humide et bas se compose de prairies coupé par une infinité
de petites rivières, pat leurs affluents et par des canaux de
jonction que leurs eaux se sont creusés; chaque champ est entouré
de haies formées d'arbres touffus et élevés qui donnent au pays
l'aspect d'une forêt immense ; les rares chemins étroits, fangeux,
profondément encaissés, serpentent sous ces voutes épaisses
où arrive à peine la clarté du jour. Qu'on ajoute à ces obstacles
naturels les barrières que l'ancienne organisation administrative
et politique élevait entre les provinces du même État, entre
les seigneuries de la même province ; qu'on se rappelle la longue
indépendance de la Bretagne, l'isolement d'une côte sans commerce,
entre les deux grands ports de Nantes et de La Rochelle, et
on comprendra dans quel oubli de tous, dans quelle ignorance
des faits nouveaux et des idées qui en surgissent, devait vivre,
ayant la Révolution, ce pays perdu, ce bout du monde français,
ce bas Poitou, la Vendée.
En 1789, on en était encore aux
vieux souvenirs des guerres contre les Anglais : les exploits
du roi et des seigneurs qui, avaient défendu la France, la tradition
des miracles qui l'avaient sauvée alimentaient encore les récits
de la veillée ; les agitations du XVIème et du XVIIème
siècle y avaient à peine troublé quelques viles; mais les ardeurs
réformistes, les intrigues de la Fronde, la propagande philosophique,
l'indiscipline des parlements n'avaient trouvé aucun écho dans
ces naïves populations. La difficulté des communications enchainant
le clergé et le noble près du paysan avait établi entre les
trois classes des rapports d'intimité, presque de famille, inconnus
dans le reste de la France, et qui plaçaient le vassal reconnaissant
et soumis sous l'influence exclusive de son curé et de son seigneur.
D'ailleurs n'avaient-elles pas aussi leur poésie, ces traditions
intimes du village ! Dieu et le Roi, cette double manifestation
de la puissance divine et humaine, cette protection sur la terre,
cette récompense dans le ciel, ce symbole de justice et de bonté
autour duquel on ne laissait planer aucune ombre, aucun soupçon,
ne devait-il pas suffire à remplir ces cœurs simples,· confiants
et fidèles ?
Les premiers actes de la Révolution passèrent,
inaperçus ; la portée n'en fut pas comprise. Comment préjuger
les conséquences de principes qui n'avaient pénétré dans aucune
intelligence ? La captivité du roi, la persécution des nobles,
le schisme dans l'Église à l'occasion du serment constitutionnel,
voilà les faits par lesquels se révéla le grand drame ; et pour
seul interprètes à ces faits, le prêtre qui se cache et le seigneur
dépossédé. Ce n'est pas tout: à ces motifs de mécontentement
et d'aversion vient s'ajouter pour chacun une atteinte plus
personnelle, qui comble la mesure et détermine l'explosion c'était
la conscription et les levées extraordinaires. Le Vendéen est
brave, il devait bientôt le prouver : ce n'est pas la mort qu'il
redoute, mais l'absence des siens ; l'éloignement du foyer.
Et dans quels rangs fallait-il aller combattre ? Parmi eux qui
avaient chassé le roi de son château et Dieu de ses églises
!
Au milieu des luttes civiles et étrangères que la Révolution
soutenait pour le triomphe des principes qu'elle avait proclamés,
ils relevèrent le drapeau de la royauté en face de la république
incomprise ; les deux forces se heurtèrent et une guerre de
géants commença.
Quelques émeutes partielles et une fermentation
sourde annonçaient que la levée de 1793 éprouverait de grandes
difficultés ; cependant il y avait encore hésitation, lorsque,
le 10 mars, un coup de canon tiré imprudemment, dans la ville
de SaintFlorent-le-Vieil, sur des conscrits réfractaires, porta
la rage dans tous les cœurs et hâta la crise. Le soir même,
six jeunes gens, qui rentraient dans leur famille, traversant
le bourg de Pin-en-Mauge, y furent accostés par un homme qui,
les bras nus, pétrissait le pain du ménage et, venant d'apprendre
l'épisode de Saint-Florent, leur en demanda les détails ; c'était
un colporteur marchand de laine, père de cinq enfants; il se
nommait Cathelineau et avait dans tous les environs la réputation
d'un homme d'intelligence et d'énergie. Il était rempli d'une
indignation qu'il sut communiquer à ses auditeurs ; ils sont
vingt-sept et n'ont à la main que des bâtons; dans trois mois,
ils seront vingt mille et assiègeront Nantes sous les ordres
du généralissime Cathelineau. La petite troupe, en effet, recrute
des forces de métairie en métairie ; elle arrive, le 14, à La
Poitevinière. Le tocsin sonne de clocher en clocher. A ce signal,
tout paysan valide fait sa prière, prend son chapelet et son
fusil, ou, s'il n'a pas de fusil, sa faux retournée, embrasse
sa mère ou sa femme, et court rejoindre ses frères à travers
les haies. Le château de Jallais, défendu par un détachement
du 84° régiment de ligne et par la garde nationale de Chalonnes,
est attaqué. Le médecin Rousseau, qui la commande, fait braquer
sur les assiégeants une pièce de six ; mais les jeunes gars
improvisent la tactique qui leur vaudra tant de victoires :
ils se jettent tous à la fois ventre à terre, laissent passer
la mitraille sur leurs têtes, se relèvent, s'élancent et enlèvent
la pièce avec ses artilleurs. Ces premiers progrès donnent à
la révolte d'énormes et rapides développements ; mais elle eut
à lutter contre le plus énergique pouvoir qui ail jamais gouverné
la France. Le 13 mars, la Convention, faisant la part de l'égarement
fanatique des uns et de l'hostilité intéressée des autres, rend
un décret dont l'article 6 condamne à mort les prêtres, les
ci-devant nobles, les ci-devant seigneurs, leurs agents ou domestiques,
ceux qui ont eu des emplois ou exercé des fonctions publiques
sous l'ancien gouvernement ou depuis la Révolution, pour le
fait seul de leur présence en pays insurgé. Cette sommation,
si elle ne parvenait pas à étouffer la guerre, devait lui donner
un caractère ouvertement politique. C'est ce qui arriva. Les
paysans, trop enivrés de leurs premiers triomphes pour renoncer
à la lutte, trop clairvoyants cependant pour ne pas sentir l'insuffisance
de leurs ressources dans la direction d'une guerre sérieuse,
s'adressèrent à ceux dont le décret faisait les principaux intéressés
; c'est ainsi que MM. de Charette, de La Rochejaquelein, de.
Lescure, d'Elbée, de Bonchamp, Dommaigné, durent accepter des
commandements et passèrent à l'improviste de la retraite au
champ de bataille. Les ordres de rassemblement portaient :
« Au saint nom de Dieu, de par le Roi, la paroisse de...
se rendra tel jour à tel endroit, avec ses armes et du pain.
». Là, on s'organisait par compagnie et par clocher ; chaque
compagnie choisissait son capitaine par acclamation; c'était,
d'ordinaire, le plus fort et le plus brave. Tous lui juraient
obéissance à la vie et à la mort. Ceux, qui avaient des chevaux
formaient la cavalerie. L'aspect de ces troupes était des plus
étranges : c'étaient des hommes et des chevaux de toutes tailles
et de toutes couleurs; des selles entremêlées de bâts; des chapeaux,
des bonnets et des mouchoirs de tète; des reliques attachées
à des cocardes blanches; des cordes et des ficelles pour baudriers
et pour étriers; une précaution que personne n'oubliait, c'était
d'attacher à sa boutonnière, à côté du chapelet et du Sacré-Cœur,
sa cuiller de bois ou d'étain. Les chefs n'avaient guère plus
de coquetterie. Les capitaines de paroisse n'ajoutaient à leur
costume villageois qu'une longue plume blanche, fixée à la Henri
IV, sur le bord relevé de leur chapeau.
La masse des combattants
vendéens se divisait en trois classes : la première se composait
de gardeschasse, de braconniers, de contrebandiers, excellents
tireurs, la plupart armés de fusils à deux coups et de pistolets.
Ils formaient le corps des éclaireurs ; ils n'avaient pas besoin
des officiers pour les commander ; ils se portaient rapidement
le long des haies et des ravins, sur les ailes de l'ennemi qu'ils
cherchaient toujours à dépasser. Ils ne tiraient qu'à portée,
et il était rare qu'ils manquassent leur coup. La seconde classe
était celle des paysans les plus déterminés et les plus exercés
au maniement du fusil. C'était la troupe des braves ; ils avaient
appris à se connaitre dans les combats. Les plus entreprenants
soutenaient les tirailleurs que l'on regardait comme les premiers
soldats de l'armée ; les autres attaquaient sur la ligne de
l'ennemi, mais ils ne marchaient sur lui que lorsque les ailes
commençait aient à plier. La troisième classe, composée du reste
des paysans, la plupart mal armés, formait une masse confuse
autour des canons et des caissons, que l'on tenait toujours
à une grande distance ; la cavalerie, composée des hommes les
plus intelligents, servait à la découverte de l'ennemi, à l'ouverture
de la bataille, à la poursuite des fuyards, et surtout à la
garde du pays après la dispersion des soldats.
Quand les
combattants se trouvaient réunis, pour une expédition, au lieu
qui leur avait été désigné, avant d'attaquer les bleus ou d'essuyer
leur charge, la troupe entière tombait à genoux, chantait un
cantique et recevait l'absolution du prêtre, qui, après avoir
béni les armes, se mêlait souvent dans les rangs pour assister
les blessés ou ramener les fuyards en leur montrant le crucifix.
La tactique des Vendéens était presque toujours la même. Pendant
que leur avant-garde attaquait l'ennemi de front, tout le corps
d'armée l'enveloppait, en se dispersant à droite et à gauche
au commandement : Égaillez-vous ! les gars ! Ce cercle
invisible se resserrait en tiraillant à travers les haies, et
si les bleus ne parvenaient point à se dégager, ils périssaient
tous dans quelque carrefour ou dans quelque chemin creux. Arrivés
en face des canons dirigés contre eux, les plus intrépides Vendéens
s'élançaient en faisant le plongeon à chaque décharge (Ventre
à terre, les gars!) et s'emparaient des pièces en exterminant
les canonniers. Au premier pas des républicains en arrière,
un cri sauvage des paysans annonçait leur déroute ; ce cri trouvait
à l'instant et de proche en proche mille échos effroyables,
et tous, sortant comme une fourmilière des broussailles, des
genêts, des coteaux et des ravins, se ruaient corps à corps
à la poursuite et au carnage·. Chacun démontait un bleu, l'égorgeait
ou lui brulait la cervelle, et lui prenait son cheval, son agent
et ses armés. On conçoit quel était l'avantage des indigènes
dans ce labyrinthe fourré du Bocage, dont eux seuls connaissaient
les détours. S'ils étaient vaincus, ils trouvaient le même
avantage pour fuir ; aussi leurs chefs avaient-ils toutes les
peines du monde à les rallier. Au reste, il ne fallait pas que
la durée des expéditions dépassât plus d'une semaine. Ce terme
arrivé, quel que fût le dénouement, le paysan retournait faite
sa moisson, embrasser sa femme et prendre une chemise blanche
; quitte à revenir avec une religieuse exactitude au premier
appel de ses chefs. Le respect de ces habitudes était une des
conditions du succès ; on en eut la preuve lorsque, le cercle
des opérations s'élargissant, on voulut assujettir ces vainqueurs
indisciplinés à des excursions plus éloignées et à une plus
longue présence sous les armes. Tout Vendéen fit d'abord la
guerre à ses frais, payant ses dépenses de sa bourse et vivant
de l'humble pain de son ménage. Plus tard, quand les châteaux
el les chaumières furent brulés, on émit des bons au nom du
roi ; les paroisses se cotisèrent pour les fournitures de grains,
de bœufs et de moutons. Les femmes apprêtaient le pain, et,
à genoux sur les routes où les paysans devaient passer, elles
récitaient le chapelet en attendant les soldats auxquels elles
offraient l'aumône de la foi.

Les paroisses armées communiquaient entre
elles au moyen de courriers établis dans toutes les communes
et toujours prêts à partir. Ces courriers, connaissant les moindres
détours du pays, se glissaient invisibles à travers les lignes
des bleus. C'étaient souvent des enfants et des femmes qui portaient
dans leurs sabots les dépêches de la plus terrible gravité.
Les Vendéens avaient organisé une correspondance télégraphique
au sommet de toutes les hauteurs, de tous les moulins et de
tous les grands arbres de leur pays. Ils appliquaient à ces
arbres des échelles portatives, observaient des plus hautes
branches la marche des bleus, et tiraient un son convenu de
leurs cornes de pasteur. Ce son, répété de distance en distance,
portait la bonne ou la mauvaise nouvelle à tous ceux qu'elle
intéressait. La disposition des ailes de moulin avait aussi
son langage. Ceux de la montagne des Alouettes, près des Herbiers,
étaient consultés à toute heure par les divisions du centre.
Pour tous, la Vendée représente le culte du passé ; que
ce soit sa gloire ou son erreur, elle a payé l'une ou expié
l'autre chèrement; désormais, c'est son caractère dans l'histoire.
Près d'un siècle s'est écoulé depuis depuis la fin de l'épopée
vendéenne ; ce temps a sans doute dû suffire à la complète pacification
des cœurs, à l'effacement d toutes les haines ; il a certainement
cicatrisé bien des plaies. L’antagonisme des villes et des campagnes,
ce trait si caractéristique des anciennes discordes, va chaque
jour s'amoindrissant, grâce aux nouvelles relations qu'ont créées
la division du sol, l'extension du commerce, le perfectionnement
des voies de communication et l'établissement des chemins de
fer. Quoiqu'il ait conservé une frappante originalité, l'aspect
du pays a changé considérablement. On y a multiplié les routes
départementales, les chemins de grande vicinalité ; enfin, les
parties autrefois les moins accessibles ont été sillonnées,
après 1830, par des voies dites stratégiques. Les constructions
ravagées pendant la guerre ont été rebâties sur des plans plus
modernes. Le fanatisme disparait avec l'ignorance, la population
reprend possession d'elle-même: elle a aujourd'hui sa place
et sa part dans la vie commune de la France, et rien ne serait
assez fort pour briser la sincère et intime alliance qu'elle
a contractée.
La Vendée offre encore trois types bien distincts:
les habitants des villes, qui ont accepté des premiers l'uniformité
des mœurs et des habitudes modernes; les paysans de la Plaine
et du Bocage, semblables entre eux, race saine, robuste, sobre,
hospitalière, fidèle à la parole donnée, impressionnable, poétique
dans sa naïveté, passionnée pour le merveilleux; mais encore
trop entachée d'ignorance et trop tournée vers la superstition;
enfin, le maraichin, l'hôte du Marais, qui, seul aujourd'hui,
peut faire comprendre le Vendéen d'autrefois. Voici quelques
traits empruntés à un des écrivains contemporains qui ont le
mieux étudié ce pays. Sa paroisse et les villages voisins, voilà
tout ce qu'il connait de la France. Content de son état, il
ne cherche pas à en sortir. Il n'a nul besoin des autorités,
nulle envie d'obtenir la bienveillance du riche. Il est roi
dans sa cabane. Tel vieillard des rives de la Sèvre meurt dans
ces retraites inaccessibles sans jamais avoir vu de montagne,
de plaine, de grande ville ; sans avoir connu aucun de ces spectacles
que l'industrie humaine et la nature offrent ailleurs à l'admiration.
Le Marais, les digues, les canaux et les fossés, les barques
qui s'y croisent sous des berceaux de verdure, les déserts marécageux
où l'on n'entend que le seul gazouillement des oiseaux, et,
de loin en loin, le chant cadencé d'un yoleur, ont été son univers.
La Roche-sur-Yon

Cette ville occupe l'emplacement de l'antique
Roche-sur-Yon, château immense dont la fondation a dû être antérieure
aux croisades et remonter aux premiers siècles de la monarchie;
il s'élevait sur une roche coupée à pic vers la rivière, et
dont le sommet forme un grand plateau que deux ravins isolent
latéralement. Vers le milieu du XIVème siècle, ce
château appartenait à Louis II, comte d'Anjou ; par la trahison
de Jean Blondean, son gouverneur, il tomba au pouvoir du prince
Noir. Quatre ans après, en 1373, il fut repris par Olivier Clisson.
La Roche-sur-Yon devint ensuite une des nombreuses possessions
de la maison de la Trémouille, puis passa à la maison de Bourbon,
et fut érigée en principauté. Pendant les guerres de religion,
le château fut souvent pris, et souffrit diverses dégradations
; il fut enfin totalement démantelé sous le règne de Charles
IX ou sous celui de Louis XIII. En 1793, les républicains se
cantonnèrent dans ses débris, et achevèrent de les renverser
ce qui en restait, vaste amas de ruines informes, a été employé
en grande partie aux édifices de la ville nouvelle. les derniers
vestiges viennent de disparaitre par la construction de la grande
caserne qui, non encore terminée, occupe avantageusement l'emplacement
de l'ancienne forteresse. Le vieux bourg remplit le ravin entre
la caserne et la ville, et forme un petit quartier assez triste.
En 1805,le site de la Roche-sur-Yon fut choisi pour chef-lieu
du département de la Vendée par Napoléon, qui consacra trois
millions pour l'édification des grandes constructions d'édifices
indispensables à un chef-lieu de préfecture. Napoléon appela
sur les lieux des ingénieurs militaires et civils pour surveiller
les travaux : préfecture, municipalité, tribunaux, casernes,
lycée, cathédrale, hospice, promenades publiques; tout fut entrepris
et commencé à la fois.
Pour favoriser l'accroissement de
la ville, les terrains non bâtis furent livrés gratuitement
à la spéculation des entreprises particulières. Dans le même
but intervint la loi du 20 pluviôse an XVI, qui exemptait de
la contribution foncière pendant quinze ans tous les édifices
maisons et dépendances qui seraient construits dans l'enceinte
de la ville. La Roche-sur-Yon prit alors le nom de Napoléon-Ville,
qu'elle conserva jusqu'en 1814, où un décret du comte d'Artois,
rendu le 25 avril, lui infligea le nom de Bourbon-Vendée qu'elle
porte encore, malgré trois réclamations successives du département.
Bourbon-Vendée est située agréablement sur une colline, dont
la petite rivière d'Yon baigne le pied. Au centre et sur le
haut du plateau se trouve la place Royale, carré long, spacieux,
bordé de plusieurs rangées d'arbres, entouré de monuments publics
et de beaux hôtels où aboutissent la plupart des rues de la
ville, ainsi que trois grandes routes qui se croisent au centre.
Les rues de la ville sont larges et alignées, propres et formées
de jolies maisons ; cependant plusieurs rues ne sont guère que
tracées elles abondent en cafés et en auberges, mais les établissements
industriels y sont rares.
Les Sables-d'Olonne

Cette ville, dont on attribue la fondation
à une colonie de Basques ou d'Espagnols, n'est pas fort ancienne
; elle fut assiégée et prise par les calvinistes, commandés
par Lauoue, en 1570. La ville forme une presqu'île, qui ne tient
au continent que du côté de l'est ; elle consiste en trois ou
quatre rues presque parallèles entre elles et à la direction
de la côte ; les rues sont fort longues, assez bien pavées et
toujours propres , parce que le pavé est établi sur le sable
de mer. On n'y compte qu'un ou deux édifices publics, et fort
peu de maisons particulières dignes d'être remarquées; mais
la ville est très intéressante par son port et par les travaux
maritimes qu'on y a exécutés.
La partie méridionale est située
en amphithéâtre sur un coteau peu élevé, tandis que la partie
septentrionale est presque au niveau de la mer. Le quartier
de la Chaume, établi sur un rocher dont le plan est assez uni,
forme un faubourg séparé de la ville par le canal du port.
Le port des Sables, dans son état actuel, peut recevoir des
navires de cent cinquante à deux cents tonneaux. Placé à la
pointe la plus saillante de la côte, entre l'ile d'Yeu et l'île
de Ré, ce port, par sa position topographique, par la direction
de son chenal, par la facilité de ses atterrages, par sa sureté
intérieure, forme le principal point de relâche de ces dangereux
parages, où un abri est si nécessaire aux nombreux caboteurs
qui naviguent entre Bordeaux, la Rochelle et Nantes.
De 1793
à 1814 , il a rendu d'immenses services à la marine ; il n'était
pas rare alors d'y voir réunis deux ou trois cents bâtiments
de commerce ou de transport; deux frégates de l'État y ont même
trouvé un refuge.
Des travaux ont été entrepris récemment
pour l'amélioration de ce port. Ils consistent dans la construction
d'un vaste bassin à flot établi sur la plage de la Cabaude,
avec écluses de chasse pour le nettoiement du chenal, qui devra
être approfondi, et dans le creusement et l'élargissement du
port d'échouage qui s'étend à l'est de la ville.
L'entrée
du port est défendue par des batteries, et la ville par quelques
ouvrages qui peuvent la mettre à l’abri d’un coup de main.
Fontenay-le-Comte

Cette ville, agréablement située sur
la Vendée, qui commence en cet endroit à être navigable, n'était
autrefois qu'un hameau habité par des pêcheurs, lorsque la mer
couvrait une partie de la plaine. Elle était anciennement fermée
de murailles flanquées de tours , et protégée par un château
fondé par les comtes de Portiers, qui y faisaient leur résidence,
et dont il ne reste plus que quelques vestiges. Dans le cours
des troublés civils qui désolèrent la France pendant la moitié
du XVI siècle, cette ville fut le théâtre de plusieurs évènements
militaires : Pluviant, chef d'un parti de protestants, la prit
en 1568 par capitulation, ce qui ne l'empêcha pas d'en massacrer
la garnison et une partie des habitants. La Noue l'assiégea
en 1570, et elle se rendit à |Soubise. En 1574 , le duc de Montpensier
la prit par trahison et renchérit encore sur les cruautés des
protestants. Le dernier siège qu'elle eut à soutenir fut celui
de 1587 , commandé par Henri IV en personne.
Le cardinal
de Bourbon, dont la Ligue avait voulu faire un fantôme de roi
sous le nom de Charles X, est mort à Fontenay en 1590; on voit
encore ses armoiries sur les murs du sanctuaire de l'église
St-Nicolas, où il fut enterré.
Le 24 mai 1793, une colonne
de l'armée républicaine fut défaite sous les murs de Fontenay,
accablée par toutes les forces de l'armée vendéenne, commandée
par Bouchamps ; Lescure et la Rochejaquelin.
Pendant la
révolution, cette ville a porté le nom de Fontenay-le-Peuple.
On présume que Fontenay doit son nom à une fontaine abondante
d'eau minérale ferrugineuse, Ornée d'une inscription latine
qui l'annonce comme la source des beaux esprits :
Pulchrorum
Ingeniorum Fons et Scaturigo.
Cette ville est située
sur le penchant d'un coteau, au milieu d'une plaine étroite
qui sépare le Marais du Bocage ; on y arrive par quatre routes
correspondant aux quatre points cardinaux : au nord, celle de
Saumur traverse le Bocage à travers les sites les plus pittoresques
; au couchant, celle de Nantes parcourt une immense plaine ;
celle de la Rochelle, au midi, communique avec les fertiles
campagnes du Marais ; la quatrième, au levant, découvre au voyageur
arrivant de Niort la ville de Fontenay s'élevant en amphithéâtre,
avec ses toits presque plats et ses deux clochers gothiques.
Peu de villes offrent un aspect plus gracieux : à droite et
à gauche, des maisons propres et riantes couronnent les hauteurs;
au midi se trouve une place élevée, entourée de beaux arbres,
qui s'élève comme une île de verdure, et d'où l'on jouit d'un
agréable point de vue.
Montaigu-Vendée

Montaigu-Vendée (Mons Acutus), Elle fut plusieurs fois assiégée pendant les guerres du XVIème siècle; mais ses plus grands malheurs datent des guerres de Vendée. En 1793, les Vendéens s'y étaient réfugiés après la défaite qu'ils avaient essuyée à Segré. Charette y fut attaqué par le gé¬néral Beysser qui le chassa de la ville et mit ses troupes en déroute. Cependant les Vendéens, qui attachaient beaucoup de prix à la posses¬sion de Montaigu, revinrent à la charge, et, secondés par Bonchamp, s'en emparèrent après des prodiges de valeur. La ville devint alors le théâtre du plus affreux carnage ; elle perdit les deux tiers de ses habitants et fut en partie brûlée. Montaigu est la patrie de Larévellière-Lépeaux, l’un des cinq membres du Directoire.
Saint André d'Ornay

Un peu plus à l'ouest et toujours sur le territoire de la même commune, on voit les ruines de l'ancienne abbaye des Fontenelles, du milieu du cloître de laquelle jaillit une autre source ferrugi¬neuse qui est, dit-on, très efficace pour les maladies des organes digestifs, les engorgements lymphatiques el les maladies cutanées. L'abbaye des Fontenelles avait été fondée en 1210 par Guillaume de Mauléon, seigneur de Talmont, et Béatrix, son épouse, dame de Machecoul, Luçon et La Roche-sur-Yon, qui y avaient établi des reli¬gieux de l'ordre de Chancalade. « Béatrix, dit une légende locale, était une anthropophage qui, chaque jour, faisait servir sur sa table un petit enfant que ses gens enlevaient dans les environs de La Roche-sur-Yon. Son cuisinier, las d'apprêter ces horribles repas, s'avisa.de substituer aux enfants de petits chiens que Béatrix trouva délicieux. Instruite de cette heureuse fraude, au lieu de punir l'imprudent cuisinier, elle fit des réflexions amères sur sa barbarie, et le remords la conduisit dans la forêt de La Roche-sur-Yon, où elle passa le reste de sa vie, seule et enfermée dans une cellule étroite. Ce fut en expiation de sa cruauté envers les petits enfants qu'elle fonda et dota richement un couvent de moines. Le monastère des Fonte-nelles subsista jusqu'à la Révolution ; l'église appartient à l'époque de transition.

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