Histoire du Cher
Le département du Cher a été formé
de la plus grande partie de l'ancienne province du
Berry; son histoire
est donc celle de cette province, et naturellement elle
remonte à celle des Bituriges, qui lui ont donné son nom.
Les Bituriges étaient l'une des plus anciennes et des plus
puissantes tribus gauloises; ils habitaient sur les bords
du Cher (Carus) et obéissaient à un roi qui résidait à Avaricum
(Bourges). Au Vème siècle avant J.-C., à l'époque
où Tarquin l'Ancien régnait à Rome, ils avaient la souveraine
puissance sur le pays des Celtes. Leur roi Ambigat, vieillard
que recommandaient ses vertus et ses richesses, voyant que
son peuple était devenu trop considérable, et que le sol,
malgré sa fertilité proverbiale, menaçait de devenir insuffisant,
engagea Sigovèse et Bellovèse, ses neveux, jeunes guerriers
ennemis du repos, à aller chercher un autre séjour dans
les contrées que les dieux leur indiqueraient par les augures,
leur permettant d'emmener avec eux autant d'hommes qu'ils
voudraient, afin que nulle nation ne pût repousser les nouveaux
venus. Bellovèse s'établit dans cette partie de l'Italie
que les Romains appelèrent dans la suite la Gaule cisalpine,
et Sigovèse dans la Norique, pays qui forme aujourd'hui
la Bohême et la Bavière.
Les Bituriges envoyèrent dans la
suite de nouvelles colonies en Italie, et il est probable
que leur chant de guerre se fit entendre jusque sur les
bords du Tibre, lorsque les Gaulois, conduits par Brennus,
vinrent, en 390, brûler Rome naissante.
Quelques siècles
plus tard, lorsque César voulut passer dans les Gaules,
il prit avec lui des Gaulois cisalpins et les ramena dans
leur ancienne patrie. Ces braves soldats l'aidèrent à vaincre
Vercingétorix, que le général romain poursuivit à travers
le pays des Arvernes, et jusque dans celui des Bituriges,
où il forma le siège d'Avaricum. César lui-même, dans le
septième livre de ses Commentaires, fait voir par la manière
dont il décrit ce siège combien il fut meurtrier. La ville
fut enfin prise et ruinée par les Romains. La plupart des
Bituriges quittèrent le pays, qui était dévasté, et allèrent
s'établir dans d'autres contrées.
Les traces de la civilisation naissante
de ces temps reculés sont très rares aujourd'hui dans le
département quelques tombelles ou tumuli, aux environs de
Bourges, aux lieux dits la Butte-Barral, la Butte-des-Prés-Fichaux
et celle des Vignes-du-Château les menhirs ou pierres levées
de Graçay, que l'on nomme dans le pays les Pierres folles;
queiques tumuli à Pierrefitte dont le nom lui-même est l'indice
de monuments mégalithiques, tels sont les seuls témoins
muets de ces temps éloignés.
Les Bituriges avaient vaillamment
résisté à l'invasion romaine ils succombèrent et restèrent
fidèlement soumis à leurs vainqueurs. Sous la domination
romaine, leur pays fit partie de l'Aquitaine, et, sous Auguste,
leur ville, qui avait été rebâtie et s'était considérablement
agrandie, fut la métropole de cette province et servit constamment
de résidence au préfet romain c'est alors que cette capitale
perdit son nom d'Avaricum ;elle obtint le droit de cité,
accordé aux villes privilégiées, et fut désignée sous le
nom civitas Biturigensium, puis simplement de Bituriges.
Lors de la division de l'Aquitaine en trois parties, sous
Honorius, le Berry forma la première Aquitaine, et Bourges
en fut toujours la capitale. C'est à peu près vers le milieu
du IIIème siècle que le christianisme fut prêché
dans le pays qui nous occupe, son premier apôtre fut, dit-on,
saint Ursin; il fut favorablement accueilli par la population,
et le sénateur Léocadius lui donna une des salles de son
palais pour établir une église.
La période gallo-romaine
a laissé quelques traces dans le département du Cher, la
vieille enceinte de Bourges est encore visible, et cette
ville dut, ainsi que les grandes cités de l'empire posséder
un cirque, des naumachies, des palais et des portes triomphales.
Le cirque occupait l'emplacement de l'ancien couvent des
Ursulines, et l'on voit encore dans les caves de cet établissement
les restes des loges qui renfermaient les animaux féroces.
On trouve aux environs de Bourges les ruines d'un aqueduc
souterrain qui, probablement, conduisait les eaux de quelque
source éloignée à la ville.
A Alichamps, lieu autrefois
considérable, où venaient se croiser trois voies romaines,
des fouilles ont fait découvrir des inscriptions, des colonnes
milliaires, des vases, etc. À Drevant, sur le Cher, on montre
l'emplacement d'un théâtre on y a trouvé, en outre, des
fragments de statues, des tombeaux, des pierres sculptées,
des chambres pavées ou revêtues de marbre. A Alléan, près
de Baugy, on voit encore les vestiges d'un camp à Maubranches,
à Soye, à Celle-sur-Cher, on a trouvé des inscriptions,
des poteries.
Lors de la chute de l’empire romain et
de l'invasion des barbares, les plaines de la fertile et
plantureuse Aquitaine tombèrent au pouvoir des Wisigoths;.
Euric, leur roi, en fit la conquête vers l'an 475 ce ne
fut pas sans résistance de la part des Bituriges, car il
n'entra dans leur capitale qu'après avoir échoué dans un
premier siège. Mais les Wisigoths se rendirent bientôt odieux
aux populations chrétiennes de la première Aquitaine par
les persécutions de toute nature qu'ils leur firent endurer
ils étaient ariens, c'est-à-dire qu'ils niaient la divinité
de Jésus-Christ ; ils dévastèrent donc les églises et les
monastères, en haine des chrétiens.
Aussi, lorsque Clovis eut, en 511,
battu et tué Alaric II, fils d'Euric, à la bataille de Vouillé,
les évêques des villes d'Aquitaine ouvrirent-ils avec empressement
les portes de leurs cités à ce prince, qui venait de reconnaître
le Dieu de Clotilde et d'être baptisé par J'archevêque de
Reims saint Remi.
Dans les partages que firent entre
eux les descendants de Clovis, le pays qui nous occupe fit
toujours partie du royaume d'Orléans, et il fut gouverné
par un comte qui résidait à Bourges. Les ducs d'Aquitaine
s'en emparèrent vers la fin de la première race mais ils
en furent chassés par Charles-Martel. Bourges s'étant de
nouveau déclarée pour les Aquitains et leur duc Waïfre,
qui lui avait donné Cunibert pour comte, Pépin accourut
et, après un siège de peu de durée, s'empara de la ville,
la ruina et jeta Cunibert dans un cloître. Charlemagne établit
dans le Berry des gouverneurs ou comtes, qui, dans la suite,
rendirent leur gouvernement héréditaire, comme la plupart
de ceux des autres grandes villes. Le premier de ces comtes
de Berry ou de Bourges fut Humbert, nommé en 778. Depuis
cette époque jusqu'en 926, on en compte dix-huit, parmi
lesquels on cite Gérard, qui régnait dans l'an 838. Dépouillé
de son comté par Charles le Chauve en 867, il fut momentanément
remplacé par Egfried; mais ses hommes mirent le feu à la
maison où était le nouveau comte, lui coupèrent la tête
et jetèrent son corps dans les flammes. Gérard rentra ainsi
en possession de son comté, malgré la volonté royale, frappée
alors d'impuissance par la turbulence des comtes et les
invasions incessantes des Normands. Il était encore comte
de Bourges en 872, époque à laquelle il fut remplacé dans
sa dignité par le duc Boson, beau-frère de Charles le Chauve
et grand chambellan de Louis le Bègue, roi d'Aquitaine.
Louis le Bègue ayant succédé à son père, Charles le Chauve,
au trône de France, Boson crut le moment favorable pour
se déclarer indépendant ; mais il fut renversé, en 878,
par Bernard Ier, marquis de Septimanie. Celui-ci,
parent de cet Egfeied tué par Gérard en 867, réclama son
héritage ; il fut appuyé par le comte du Maine et Gozlin,
évêque de Paris, son oncle, et parvint à s'emparer du comté
de Bourges. Mais bientôt il en chassa l'évêque Frotaire,
s'empara des biens de l'Église et exigea des habitants un
serment de fidélité contraire à celui qu'il devait lui-même
au roi ; aussi fut-il excommunié par le concile de Troyes
et attaqué, en 879, par une armée que Louis le Bègue avait
donnée à Boson, son oncle, rentré en grâce auprès de lui.
Boson, maitre de Bourges, le fut bientôt de tout le pays.
Dans la suite, il fit la paix avec Bernard et lui donna
un fief. À sa mort, arrivée en 886, il eut pour successeur
Guillaume II le Pieux, qui était déjà comte d'Auvergne.
Guillaume II, qui succéda à ce dernier,
fut souvent en guerre avec le roi Raoul; ce dernier lui
enleva même son comté et le lui rendit en 927, après l'avoir
forcé à lui rendre hommage. Après la mort de Guillaume Il,
arrivée en 926, le roi Raoul supprima le titre de comte
de Berry, donna la propriété de Bourges au vicomte de cette
ville et décida qu'à l’avenir ce vicomte, le seigneur de
Bourbon, le prince de Déols et les autres barons du Berry
relèveraient immédiatement de la couronne.
Geoffroy,
dit Papabas, que quelques historiens font fils de Guillaume
II, fut le premier vicomte de Bourges. C'est pendant son
gouvernement que la France fut envahie et dévastée par les
Hongrois, dont les contemporains nous ont fait un portrait
si effroyable que le souvenir s'en est conservé dans la
tradition de l'Ogre, terreur de notre enfance. Geoffroy
eut trois successeurs du même nom que lui Geoffroy II, dit
Bosebebas ; Geoffroy III, le Noble Geoffroy IV, le Neschin
tous prirent part aux grands événements qui signalèrent
l'enfantement de la monarchie capétienne. Étienne, fils
de Geoffroy IV, était vicomte de Bourges en 1061 et mourut
sans postérité. Eudes Herpin ou Arpin lui succéda dans la
vicomté de Bourges ; il avait épousé Mahaud de Sully, fille
et héritière d'Étienne ; d'ailleurs, il prétendait lui-même
descendre de Guillaume Ier, le Pieux.
Ce
sixième et dernier vicomte de Bourges vivait en 1090, lors
de la ferveur des premières croisades. En 1101, se disposant
à partir pour la terre sainte avec le duc d'Aquitaine, il
vendit au roi Philippe Ier sa vicomté pour soixante
mille sous d'or. Il se distingua pendant la croisade, fut
pris à la bataille de Rama, le 27 mai 1102, et eut beaucoup
de peine à se racheter. Enfin il revint en France et se
fit moine dans la célèbre abbaye de Cluny, fondée par Guillaume
Ier, environ 180 ans auparavant ; il n'y mourut
qu'en 1109 et y fut enterré.
Le Berry fut la première
province réunie au domaine de la couronne. À l'époque où
la vicomté de Bourges rentrait ainsi au domaine royal, sa
juridiction ne s'étendait pas sur tout le Berry les possesseurs
des grands fiefs du pays s'étaient rendus indépendants,
et l'on avait vu s'élever les seigneurs de Sancerre, de
Montfaucon, de Charenton, de Germigny, de Vierzon, de Mehun,
etc. Les maîtres de ces fiefs, suzerains eux-mêmes d'un
grand nombre de vassaux, couvrirent le pays d'un réseau
de forteresses, destinées à la fois à protéger les campagnes
et à les maintenir. Les comtes de Bourges faisaient alors
frapper des monnaies portant leur nom, ainsi qu'il résulte
d'une monnaie découverte par un de nos plus savants numismates,
M. Adrien de Longpérier; elle est à l'effigie de Guillaume
Il et porte en légende ces mots V VLELMO COMS et BIRTUIGES.
Cette pièce est peut-être le plus ancien denier baronnial
que l'on connaisse dans l'obéissance.
Les rois, devenus
maîtres du Berry, durent forcer ces fiers barons à rentrer
dans le devoir et à leur prêter hommage. En 1140, le diocèse
de Bourges fut violemment troublé à la mort de l'archevêque
Albéric. Dès le temps de Charlemagne, les évêques de Bourges
avaient pris le titre d'archevêques et de primats d'Aquitaine,
ce qui leur donnait des droits sur les quatre archevêchés
de Bordeaux, d'Auch, de Narbonne et de Toulouse. Les chanoines
du grand chapitre, dont l'institution remontait à Charlemagne,
ayant demandé au roi la permission d'élire un nouvel archevêque,
celui-ci les y autorisa, à condition qu'ils ne nommeraient
pas Pierre de La Châtre, neveu du chancelier de l'Église
romaine ; mais le pape Innocent II investit lui-même ce
prélat du pallium, prétendant qu'il fallait « accoutumer
ce jeune homme (le roi de France) à ne pas prendre la licence
de se mêler ainsi des choses de l'Église.» » Louis VII,
furieux, jura que, tant qu'il porterait la couronne, Pierre
ne posséderait l'église de Bourges ni autre en son royaume.
Il ordonna la confiscation du temporel de l'archevêché et
mit garnison dans le château de Saint-Palais et dans plusieurs
autres places. Pierre de La Châtre, à son retour de Rome,
se vit donc refuser l'entrée de Bourges par les gens du
roi et fut obligé de se retirer sur les terres que possédait
en Berry le vieux comte de Champagne Thibaut, grand ami
du clergé et brouillé alors avec le roi. Le pape, de son
côté, fulmina une bulle contre Louis le Jeune et mit en
interdit tous les lieux habités par ce prince, qui, de même
que son aïeul Philippe 1er, ne put, trois ans
durant, mettre le pied dans une ville ou dans une bourgade
sans que le service divin y fût à l'instant suspendu. Louis
VII, pour se venger, dévasta la Champagne, prit d'assaut
la forte place de Vitry et l'incendia ; plus de treize cents
personnes qui s'étaient retirées dans la principale église
périrent alors dans les flammes. Cependant, après trois
ans de résistance, le roi se soumit et rétablit lui-même
Pierre de La Châtre dans son siège. Depuis ce temps, ils
vécurent en bonne intelligence, et le roi abolit même en
sa faveur une coutume des temps barbares, qui permettait
de piller la maison de l'archevêque après sa mort et d'en
emporter les meubles.
Les guerres suscitées entre Louis
VII et Henri II d'Angleterre, à la suite de la répudiation
d'Éléonore de Guyenne, eurent des suites sanglantes pour
les pays du Cher, qui alors limitaient les possessions françaises
et anglaises. Les citadelles furent souvent prises et reprises,
les villes et les villages livrés aux flammes, les campagnes
ravagées. Des bandes de pillards connues sous les noms de
cottereaux, routiers, brabançons, parcouraient le pays,
dévastant et tuant sans pitié. Les seigneurs du Berry, effrayés,
prirent les armes pour les repousser et les mirent complètement
en déroute près de Dun-le-Roi, en juillet 1183.
Au XIVème
siècle, les combats recommencèrent avec les Anglais. Le
Prince Noir, fils d'Édouard III, traversa le Berry, brûla
les faubourgs de Bourges. Mais le duc Jean, aidé par le
comte de Sancerre et Du Guesclin, les chassa du pays.
Le Berry, rentré sous le gouvernement royal, demeura pour
toujours partie intégrante de la France; les rois le firent
administrer par des baillis, des prévôts et des gouverneurs
Bourges conserva cependant quelques privilèges de son ancienne
juridiction municipale jusqu'en 1474, époque à laquelle
le Berry fut assigné comme apanage par le roi Jean à son
troisième fils, Jean, après avoir été érigé en duché-pairie.
Il y eut alors à Bourges deux juridictions celle du duc,
qui était exercée par son sénéchal et ses autres officiers,
et celle du roi, qui était représentée par le bailli de
Saint-Pierre le Moutiers, qualifié juge des exemptions du
Berry, et qui siégeait pour cela à Sancoins. Les causes
d'exemption concernaient les cas royaux et les procès des
principales églises et monastères du diocèse de Bourges.
Jean Ier, duc de Berry, était né en 1340. Ce
jeune prince s'était trouvé à la désastreuse bataille de
Poitiers n'y avait pas été fait prisonnier, mais avait été
donné en otage pour son père. Il resta neuf ans en Angleterre
et n'en revint qu'en 1365, après la mort du roi Jean. Pendant
tout le cours du règne de Charles V, son frère, il combattit
les Anglais en Guyenne comme lieutenant du brave Du Guesclin.
Sous Charles VI, il fut gouverneur du Languedoc, et il exerça
de grandes vexations dans cette province et dans quelques
autres qui n'étaient pas de son apanage mais il ménagea
toujours le Berry comme son patrimoine et y fit même beaucoup
de bien en le dotant de grands établissements et de bâtiments
considérables. C'est à lui que la ville de Bourges fut redevable
d'une Sainte-Chapelle, bâtie, dit-on, sur le modèle de celle
de Paris, et d'un palais magnifique dont il ne reste plus
de traces. Pendant les premiers accès de la terrible maladie
de Charles VI, son neveu, il gouverna absolument le royaume.
Lorsque la funeste rivalité des Armagnacs et des Bourguignons
eut éclaté au commencement du XVème siècle, le
haut Berry, qui compose le département du Cher, fut le théâtre
de grands événements. Jean, duc de Berry, alors fort âgé,
ayant pris parti pour le duc d'Orléans, concentra à Bourges
toutes ses forces militaires, et tint garnison dans toutes
les places fortes du pays. Alors Jean sans Peur, duc de
Bourgogne, sous prétexte de faire respecter l'autorité royale,
amena l'infortuné Charles VI à la tête d'une armée considérable
pour soumettre le duché. Après avoir pris les villes de
Montfaucon et de Dun-le-Roi, les châteaux de Beaugy, de
Fontenay et plusieurs autres, il arriva devant Bourges en
juin 1412 et en fit le siège, qui dura jusqu'au mois d'octobre
suivant. Alors les deux partis s'accordèrent, au grand déplaisir
des Anglais, qui comptaient profiter de cette triste rivalité
pour s'emparer de la province. Le duc Jean étant mort sans
enfants mâles en 1416, le Berry retourna à la couronne,
mais non pour longtemps ; Charles VI le donna d'abord au
troisième de ses fils et ensuite au quatrième, qui fut depuis
le roi Charles VII. Ce prince fit de Bourges son séjour
ordinaire et conserva même, étant dauphin, le Berry, qui
fut son asile et le centre de ses possessions. A la mort
de son père, en 1422, le roi de Bourges, comme l'appelaient
par dérision les Anglais, se mit en devoir de recouvrer
l'héritage de ses aïeux. Les barons du Berry demeurèrent,
en cette occasion, loyalement dans son parti et contribuèrent
puissamment au rétablissement de son autorité. Charles VII
affectionna toujours le Berry et y mourut en 1461, au château
de Mehun-sur-Yèvre, sa résidence favorite, des soucis que
lui causait la mauvaise conduite de son fils, le dauphin
Louis. L'année même de sa mort, il avait donné le Berry
en apanage à son second fils Charles. Ce prince, qui, à
l'avènement de Louis XI, avait à peine seize ans, était
d'une grande faiblesse de caractère ; il s'ennuyait à la
cour de son frère, sérieuse et économe, de laquelle avaient
disparu les somptueux banquets, les bals et les tournois
qui, au temps du roi Charles VII, l'épandaient la richesse
et la joie dans les campagnes du Berry; il se laissa entraîner
dans la révolte que les princes et seigneurs ourdirent contre
Louis XI, sous prétexte du bien public. Louis déploya beaucoup
d'activité dans ce moment critique et vint lui-même en Berry
à la tête d'une vingtaine de mille hommes; il soumit successivement
les villes et les châteaux du pays, mais il échoua devant
Bourges et ne put s'emparer de la Grosse- Tour. On sait
comment se termina cette ligue du Bien public les traités
de Saint-Maur et Conflans, qui, en 1465, suivirent la bataille
de Montlhéry, satisfirent momentanément l'ambition et la
rapacité des seigneurs. Charles reçut un autre apanage,
et le Berry rentra encore une fois aux mains de la royauté,
à laquelle il fut fidèle.
Louis XI constitua cependant
cette province tour à tour en apanage pour François son
troisième fils, qui mourut jeune, et pour sa seconde fille,
Jeanne, qu'il avait mariée -à Louis d'Orléans. Lorsque ce
dernier parvint à la couronne sous le nom de Louis XII,
en 1498, il répudia Jeanne et dut lui restituer son domaine
du Berry, où elle se retira, pratiquant les bonnes œuvres
et répandant autour d'elle les bienfaits de la charité la
plus sincère elle mourut en 1504, après avoir fondé l'ordre
des religieuses Annonciades. Elle fut dans la suite béatifiée
sous le nom de sainte Jeanne de Valois. Elle était petite,
contrefaite, mais d'une grande douceur de caractère et d'une
éducation aussi solide que variée. Après la mort de cette
princesse, le duché de Berry étant encore retourné à la
couronne, le roi François Ier en donna l'usufruit,
l'an 1527, à sa sœur Marguerite de Valois, épouse de Philibert-
Emmanuel de Savoie, et qui mourut en 1574.
Cette femme
célèbre, l’un des plus beaux esprits de son siècle, et que
son frère chérissait et qualifiait de Marguerite des Marguerites,
fut la protectrice de Calvin, qui étudiait alors dans la
célèbre université que le saint roi Louis IX avait créée
à Bourges. À l'aide de la faveur dont il jouissait, il essaya,
avec succès, de répandre ses idées réformatrices dans le
village d'Asnières et dans la petite ville de Lignières
enhardi bientôt par le succès, il s'avança jusqu'à Sancerre
et essaya de gagner à la cause dont il se faisait l'apôtre
les habitants de cette importante cité; cette fois, le clergé
s'émut, de vives remontrances furent faites aux magistrats,
et bientôt il fallut que Calvin quittât la province; il
laissait derrière lui des germes nombreux de sa doctrine.
Ce ne fut qu'en 1561 que, pour la première fois, un prêche
fut ouvert à Bourges ; les protestants n'y étaient pas encore
les plus forts; en mai 1561, lorsque le massacre de Vassy
eut donné le funèbre signal de ces guerres civiles, dites
de religion, les calvinistes, réunis en nombre dans les
villes voisines, marchèrent sur Bourges, sous la conduite
du comte de Montgomery, s'emparèrent de la ville et la saccagèrent.
Alors furent commises bien des profanations sacrilèges ;
les églises et les monastères furent pillés, on dispersa
les prêtres et les moines, et, lorsque les victimes humaines
vinrent à manquer, les fanatiques s'en prirent aux tombeaux
les cendres de saint Ursin, l'apôtre du Berry, furent jetées
au vent, ainsi que celles de sainte Jeanne de France. Maîtres
de Bourges, les calvinistes se répandirent dans les campagnes,
ravageant les prieurés et les monastères, pillant les églises
et incendiant les châteaux de la noblesse catholique. Il
fallut que le duc de Guise en personne et le maréchal de
Saint- André accourussent protéger le haut Berry. Bourges
fut assiégée, tint quinze jours et se rendit. Rappelé sur
les bords de la Loire, le duc de Guise abandonna le pays,
et bientôt la guerre civile recommença avec toutes ses misères
et ses excès. Le Berry et plus particulièrement les pays
qui composent le département du Cher se partagèrent en deux
camps Bourges fut le centre des catholiques, Sancerre devint
la principale place d'armes des protestants. Cette guerre
impie dura pendant les règnes de Charles IX et de Henri
III (de 1560 à 1589). La Saint-Barthélemy eut, en août 1572,
un funeste retentissement à Bourges malgré les efforts des
catholiques les plus modérés, de grands massacres eurent
lieu mais, toute proportion gardée, ils ne furent pas aussi
multipliés que ceux qui avaient ensanglanté Paris. Quelques
victimes purent s'échapper entre autres les jurisconsultes
Hugues Doneau et François Hotman, qui parvinrent à gagner
Genève.
Dès l'an 1568, et à l'imitation de la ville
de Péronne et des autres villes du nord de la France, une
ligue catholique s'était formée à Bourges pour défendre
la religion catholique; l'archevêque en fut le chef. Dès
que le but de cette association fut connu, de toutes parts
les communes et les bourgs du Berry voulurent s'y associer
; cependant quelques- uns restèrent fidèles aux prêches
calvinistes ; d'autres furent tenus dans l'indécision par
la conduite irrésolue et cauteleuse de Henri III. Mais lorsque
ce malheureux prince fut tombé, en 1589, sous le couteau
de Jacques Clément, le Berry se partagea en deux camps bien
distincts ; le sire de La Châtre, gouverneur de la province,
tint pour la Ligue, ainsi que les villes de Bourges, de
Dun-le-Roi, de Mehun-sur-Yèvre et de Vierzon; tandis que
le comte de La Grange-Montigny, les seigneurs de Gamaches,
d'Arquian, de Marcilly et autres prirent le parti de Henri
IV, ainsi que les villes de Sancerre et d'Issoudun, où ils
se fortifièrent. Pendant cinq années, le pays fut complètement
ravagé les barons assouvirent les uns contre les autres
leurs haines réciproques, détruisant les récoltes des fiefs
de leurs rivaux, brûlant les villages et ruinant les châteaux,
C'est surtout de cette époque que date la destruction des
forteresses féodales dont les ruines couronnent d'une manière
si pittoresque les collines, ou qui se cachent au fond des
plaines, mirant leurs débris moussus et couverts de lierre
dans les eaux qui jadis en défendaient les approches. Le
jeune duc de Guise, fils du Balafré, vint en 1591 chercher
un asile dans le Berry, après s'être échappé de prison ;
le baron de La Châtre le reçut magnifiquement, et sa présence,
qui dura plus d'un mois, servit à fortifier son parti. Cependant
l'archevêque Regnault, que l'on avait forcé de jurer fidélité
à la Ligue, était parvenu à s'évader ; il rejoignit Henri
IV, lui fit sa soumission, et ses sages conseils contribuèrent
puissamment à faire rentrer le roi dans le giron de l'Église
catholique. Ce fut entre ses mains qu'en 1594 Henri IV fit
son abjuration à Saint-Denis. Cet événement dut nécessairement
modifier la position des partis dans les pays qui composent
le département du Cher, et la plupart des barons se soumirent
individuellement à Henri IV. Le sire de La Châtre, qui était
à la fois gouverneur de Bourges et d'Orléans pour la Ligue,
traita avec le roi et lui remit les clefs de ces villes,
moyennant huit cent quatre-vingt-dix-huit mille neuf cents
livres. Sous la sage administration de ce prince, le Berry
jouit d'un repos dont il avait bien besoin. Henri IV affecta
les revenus de cette province à l'entretien de Louise de
Lorraine, veuve de Henri III. A la mort de cette princesse,
eu 1601, le Berry fit de nouveau retour à la couronne, et
le roi en donna le gouvernement à Henri de Bourbon, prince
de Condé.
Le sage et intègre Sully contribua, à cette
époque, à cicatriser les plaies de la guerre civile dans
ce beau pays; il y possédait les terres de Mont-Rond, de
Montfaucon et d'Heurichemont; il fit accorder quelques indemnités
à ceux des habitants des campagnes qui avaient le plus souffert.
Les troubles de la minorité de Louis XIII devaient replonger
le Berry dans l'anarchie. La reine mère, Marie de Médicis,
ayant fait arrêter Condé au Louvre, une certaine agitation
se manifesta dans la province où ce prince était fort aimé.
Le sire de La Grange-Montigny, le vieux capitaine ligueur,
que l'on venait de récompenser en lui donnant le bâton de
maréchal, fut chargé de reprendre successivement, à la tête
d'une armée royale, les places qui tenaient pour le prince
; il en vint à bout presque sans coup férir; cependant la
Grosse-Tour de Bourges, qui avait bonne garnison dévouée
au prince de Condé, résista d'abord mais ce fut en vain;
le Berry resta définitivement dans l'obéissance royale.
Après quelques années d'une prospérité que rien ne vint
troubler, sous la sévère administration de Richelieu, ce
pays vit, sous la Fronde, se renouveler ces cruelles alternatives
de misère et de désolation que la guerre civile faisait
peser sur lui. Le grand Condé, ancien élève du collège de
Bourges, avait succédé à son père dans le gouvernement du
Berry ; il devint suspect à la reine mère, Anne d'Autriche,
et à Mazarin, qui, au nom de Louis XIV, enfant, régnait
sur la France; il fallut l'arrêter. Les troupes royales
entrèrent à cette occasion dans la province, pour y tenir
en respect la noblesse, à cause de son attachement à la
maison de Bourbon. Il se forma alors deux partis qui se
tinrent en échec dans le pays. Le prince de Condé, à sa
sortie de prison, chercha à ressaisir son gouvernement ;
il leva des troupes dans quelques cantons du Berry; n'ayant
pu détacher Bourges du parti du roi, il établit ses lignes
depuis le château de Mont-Rond, dont il avait fait sa place
d'armes, jusqu'à Sancerre. La guerre, qui du reste ne se
fit que par surprises et escarmouches, ne dura que quelques
mois ; force resta à l'autorité royale. C'est alors que
furent détruites les forteresses féodales qui étaient restées
debout après les guerres de religion les châteaux de Mont-Rond,
de Beaugy furent démantelés; la Grosse-Tour de Bourges,
l'orgueil de cette vieille cité, fut rasée et ses matériaux
employés à la construction d'un hôpital.
Sous l'administration
éclairée de Colbert, les campagnes du Cher redevinrent calmes
et prospères mais les habitants eurent plus d'une fois à
gémir des taxes et des impôts extraordinaires que nécessitaient
les grandes guerres de Louis XIV. Colbert avait acquis dans
le pays les terres de Lignières, de Bois-sire-Aimé et de
Châteauneuf. Louis XIV et les rois qui lui succédèrent donnèrent
plusieurs fois le Berry en apanage à des princes de la famille
royale; mais cette province n'eut aucun rapport avec ces
différents princes apanagistes, qui n'en portèrent que le
nom elle fut administrée jusqu'en 1789 par des gouverneurs
royaux. Bien qu'ils changeassent trop souvent pour le bonheur
et la tranquillité des campagnes cependant rien d'important
ne signala leur administration. Louis XVI, qui méditait
d'utiles réformes, choisit, en 1778, cette paisible province
pour y faire l'essai d'une administration provinciale, qui
fut appliquée en grand à toutes les provinces de la France
en 1787. La direction des affaires de la contrée fut confiée
à une assemblée provinciale, composée de quarante-huit membres,
douze de la noblesse, douze du clergé et vingt-quatre du
tiers état. Sous cette administration d'essai, d'utiles
réformes, que la marche des idées avait rendues nécessaires,
furent entreprises. En 1790, un nouveau changement eut lieu,
et les administrations provinciales furent remplacées par
les administrations départementales. Le département du Cher
fut alors formé du haut Berry (690,410 hectares) et de quelques
portions du Bourbonnais (29,333 hectares).
Pendant la
Révolution, il fut entraîné dans le mouvement général; cependant
les anciennes populations du Berry, fidèles et religieuses,
ne se laissèrent pas gagner aux excès qui signalèrent cette
époque de notre histoire. il y eut bien en 1796 une tentative
de chouannerie Phélippeaux et quelques royalistes cherchèrent
à soulever les départements du Centre, le Loiret, l'Indre,
la Nièvre et le Cher; mais le Directoire envoya sur les
lieux les généraux Desanfants et Chezin, qui eurent bientôt
rétabli la tranquillité. Avec elle, le département du Cher
vit, pendant le Consulat et l'Empire, son antique prospérité
renaître ; quelques grands travaux d'utilité publique furent
entrepris, et pour la première fois des voies de communication
s'ouvrirent au centre de ces contrées, que quelque temps
auparavant Mirabeau avait qualifiées de Sibérie de la France.
A la suite des désastres de 1814 et de 1815, les armées
étrangères pénètrent en France; le département du Cher fut
préservé des maux de l'invasion par sa position centrale.
C'est sur son territoire que furent licenciés en partie
les débris de cette armée héroïque qui avait parcouru l'Europe
avec ses aigles victorieuses. Le département du Cher n'eut
heureusement pas à souffrir de la guerre de 1870-1871 ses
forges, ses fonderies contribuèrent pour une large part
à la défense nationale, et les mobiles du Cher se signalèrent
par leur bravoure au combat de Toury et à la défense de
Paris.
Depuis cette époque, le département du Cher a
vécu de la vie commune des départements français, et nous
n'avons plus à constater ici que la voie de prospérité croissante
dans laquelle il est mitré; ses canaux et ses chemins de
fer, qui relient son chef-lieu aux autres grandes villes
de la France, y ont puissamment contribué, le commerce et
l'industrie ont fait des progrès notables, et il y a lieu
d'espérer que d'ici avant peu ce qui reste de terres incultes
et arides dans la Sologne berrichonne seront elles-mêmes
conquises à l'agriculture.
Bourges
Dans l’Antiquité, la ville se nommait
Avaricum « le port sur l’Yèvre » (Au Vème siècle
av. J.-C., Bourges voit le développement d’une vaste agglomération
proto-urbaine étendue sur plusieurs dizaines d’hectares.
Durant la guerre des Gaules, César en fit le siège, qui
dura de longs mois. Partout ailleurs en Gaule, Vercingétorix
avait mis en place une politique de la terre brulée : aucune
ville, aucune ferme ne devait servir à l’approvisionnement
des légions romaines. Cependant, les habitants d’Avaricum
le supplièrent d’épargner leur cité, mettant en avant la
sureté de leur ville protégée par des défenses naturelles
et par une puissante muraille au sud. De cette muraille,
lui revenait la nomination de Ville rouge, au même titre
que Le Mans. César réussit à prendre la cité en affamant
ses combattants et en repoussant l’armée de secours de Vercingétorix.
Des 40 000 hommes, femmes et enfants enfermés dans ses murs,
seuls 800 en réchappèrent.
Une fois la ville conquise,
elle est reconstruite dans le style romain avec un plan
hippodamien et de nombreux complexes monumentaux : porte
monumentale, aqueducs, thermes et amphithéâtre. De nombreuses
villas sont bâties et la ville atteint une taille supérieure
à celle du Moyen Âge. Par la suite, pendant les invasions
barbares, la ville se replie sur elle-même et une enceinte
gallo-romaine est construite en remployant les pierres des
bâtiments officiels pour l’occasion ; la surface enclose
d'environ 40 ha, bien qu’en retrait par rapport à la période
précédente, est une des plus importantes des Gaules. Bourges
devient également le siège d’un archevêché, dont relèvent
les diocèses d’Albi, de Cahors, de Clermont, de Mende, du
Puy-en-Velay, de Rodez, de Saint-Flour et de Tulle. Le diocèse
est l’un des tout premiers à être fondé par saint Ursin
lors des premières campagnes d’évangélisation de la Gaule
vers le IVe siècle.
La période mérovingienne ne laisse que peu de traces. La ville, qui relevait du royaume d'Aquitaine, est prise par Charles Martel en 7316, puis immédiatement reprise par Eudes d'Aquitaine. Pépin 1er la prit d'assaut en 762, détruisit ses remparts et l'intégra au domaine royal sous la garde de ses comtes. C'est sous la dynastie des caroligines que date la construction d’un hôtel-Dieu et de la première cathédrale de Bourges, à l’emplacement de l’actuelle, par Raoul de Turenne. De cet édifice, subsiste une crypte mérovingienne sous le chœur de l’édifice actuel. On assiste aussi à la construction d’un palais sous l’actuelle préfecture. De nombreuses abbayes vont être fondées avec l’appui du pouvoir royal comme celle de Saint-Ambroix. Une première vague d’églises va être construite telle que l’église Saint-Paul. Puis au XIIème siècle, Bourges était le chef-lieu d’une vicomté, jusqu’à ce que le dernier vicomte de Bourges, Eudes d'Arpin en 1101 vende ses fiefs pour 60 000 sous-or au roi de France afin de financer sa croisade. Bourges entre de ce fait dans le domaine royal, propriété propre de la Couronne.
L’archevêque Aimoin constitue en 1038 une association diocésaine regroupant tous les hommes de plus de quinze ans, qui prêtent serment de défendre la Paix de Dieu. Bien que peu efficace, elle est relayée au XIIème siècle par une commune diocésaine (dès avant 1108), qui elle a une certaine efficacité : sa milice contraint en 1149 Renaud de Graçay à abandonner le château de Saint-Palais. Durant ce siècle, la ville connait un nouvel âge d’or, autour du chantier de la cathédrale, et la construction d’une nouvelle enceinte sous l’impulsion du roi Philippe Auguste. En effet, la ville est un centre religieux important, même si elle ne possède pas de centre de pèlerinage. De nombreux prélats se succèdent, dont certains vont connaitre de brillantes carrières qui les mèneront même jusqu’au siège de Saint-Pierre. L’influence des familles locales qui sont devenues très proches du roi, tels les La Châtre et les Sully pour ne citer qu’eux, va concourir à la volonté de réaliser un édifice exceptionnel grâce à la puissance tant économique que politique des archevêques de Bourges. Le déclic vient par une nuit de tempête : la cathédrale foudroyée est en feu. Elle venait d’être reconstruite et n’était même pas encore achevée. Les décideurs hésitent, mais peut-être par rivalité avec l’archevêque de Bourges, Henri de Sully, frère du constructeur de Notre-Dame de Paris, décident en 1192 l’édification d’une nouvelle cathédrale sur un plan unique et original. Cette cathédrale constituera un manifeste visible de la puissance de l’église berruyère, mais aussi de la monarchie capétienne en effet les Anglais sont tout proches. De 1192 jusqu’au milieu du XVème siècle ce chantier démesuré va monopoliser toute la ville.
Au XIVème siècle la ville
devient la capitale du duché de Berry, qui est donné en
apanage à Jean de Berry, troisième fils du roi de France
Jean le Bon, et frère du roi Charles V. Ce grand seigneur,
fils, frère, et oncle de roi, pair de France, va développer
dans sa capitale une cour fastueuse. Il va attirer dans
la ville de nombreux artistes parmi les plus brillants de
son temps. Ces grands chantiers vont profondément marquer
la ville. Son plus grand ouvrage sera la construction d’un
palais ducal (grand palais) bâti sur les restes de la muraille
gallo-romaine, et en continuité des restes d’un palais plus
ancien appelé le petit palais (ancien palais des vicomtes
de Bourges dont la construction primitive remonterait à
Pépin le Bref). Ce palais sera rattaché par une galerie
(galerie du cerf) à la Sainte-Chapelle ou appelée aussi
chapelle palatine. De ces édifices ne subsistent que deux
des salles d’apparat du grand palais siège du actuel du
conseil général, le petit palais méconnaissable sous une
façade replaquée au XIXème siècle (actuelle préfecture).
La sainte chapelle a été complètement détruite ; certaines
de ces verrières furent néanmoins placées dans les vitraux
de l’église basse de la cathédrale. D’autres éléments montrent
l’importance que joua ce prince mécène pour Bourges, ainsi
l’on peut citer comme autres réalisations : le vitrail central
de la façade principale de la cathédrale (grand housteau),
le célèbre manuscrit des très riches heures du duc de Berry,
l’horloge astronomique située à l’origine sur le jubé de
la cathédrale (la première de France).
Le dauphin, futur Charles VII de France, ayant trouvé refuge à Bourges, va utiliser l’administration mise en place par son grand-oncle, le duc de Berry, pour pouvoir reprendre le contrôle de son royaume.Son fils futur Louis XI naitra d’ailleurs dans le palais des archevêques en 1423. Charles VII y promulgua la Pragmatique Sanction en 1438. Jacques Cœur, fils d’un marchand drapier, sera l’un des habitants les plus illustres de cette époque. D’abord travaillant avec son père comme fournisseur de la cour ducale, il va connaitre une ascension fulgurante. Il épouse la fille du prévôt de Bourges, Macée de Léodepart, puis va participer à la fabrication des monnaies, ce qui lui vaudra quelques déboires, puis il devient grand argentier c’est-à-dire fournisseur de la cour royale, il va ainsi développer un réseau commercial international grâce à l’établissement d’un réseau de comptoirs et d’une flotte commerciale. Mais sa fortune devient trop grande; elle va éveiller les jalousies, et le conduire à sa perte. Traduit et condamné par la justice royale, il devient un homme traqué. Homme ruiné, il va trouver refuge auprès du pape Nicolas V. Tous ses biens sont confisqués et vendus au profit du roi, et il meurt en exil en 1456. La trace la plus marquante qu’il a laissée dans la ville est la construction d’un hôtel particulier encore existant aujourd’hui, le palais Jacques-Cœur. En 1463, le roi Louis XI ordonna la création de l’université de Bourges qui, après des débuts difficiles, attire des enseignants renommés et de nombreux étudiants au XVIème siècle. Les quatre « prud'hommes » administrent la ville, puis sont remplacés en juin 1474 par un maire et 12 échevins. Le 22 juillet 1487, le Grand incendie de Bourges, encore appelé Grand incendie de la Madeleine, détruisit le tiers de la ville et marqua le début du déclin de la capitale du Berry.
Dès le début du XVIème
siècle, la ville de Bourges resplendit par son Université.
Elle accueille les plus grands humanistes du temps et notamment
des grands professeurs de droit comme Alciat, Le Douaren
ou Cujas. C’est sous Alciat que le futur réformateur Jean
Calvin a fait ses études de droit (pendant 18 mois) et c’est
à Bourges, alors un des endroits où soufflait le plus fort
le vent de la Réforme, qu’il est tombé sous l’influence
de son professeur allemand de langue grecque Melchior Wolmar
qui l’a converti à la foi luthérienne. Montgomery prend
la ville en mai 1562, puis ses hommes la saccagent. Le 21
décembre 1569, des troupes protestantes venues de la ville
de Sancerre échouent, dans l’attaque de la Grosse Tour,
face aux catholiques dirigés par le Gouverneur du Berry
: Claude de la Châtre. La nouvelle du massacre de la Saint-Barthélemy
atteint Bourges le 26 aout 1572, et le massacre des protestants
y dure jusqu’au 11 septembre. En 1585, son gouverneur La
Chatre se rallie à la Ligue dès son lancement.
Au XVIIème siècle, la ville connait un nouveau sursaut lié à deux évènements majeurs, la Contre-Réforme d’abord, dont les jésuites vont être les principaux réalisateurs et qui va se matérialiser à Bourges par la construction d’un de leurs lycées. Et deuxièmement la présence puis son rôle en tant que gouverneur du Berry du futur prince de Condé. Nouvelles idées et influence politique transforment la ville. La cité encore médiévale s’ouvre, les murailles sont détruites, de nombreux édifices publics sont bâtis comme l'hôpital général, le carmel ou réaménagés tel que Hôtel-Dieu, et l'hôtel des échevins. Deux hommes jouent un rôle fondamental : un architecte, Le Juge, qui réalise la plupart de ces chantiers et l’archevêque Michel Phélyppeaux de la Vrillère, grand courtisan, dont la famille est l’une des plus riches de France qui fait construire un palais archiépiscopal, des jardins à la française signés Le Notre et un grand séminaire. En prévision des États généraux de 1789, Me de Villebanois, curé de St Jean-le-Vieil, est élu député du clergé. La vocation militaire de Bourges commença lorsqu’un régiment de dragons y fut cantonné sous le règne de Louis XIV.
Saint-Amand-Montrond
VIIème siècle Saint Théodulphe,
un ermite de Bourges, vient s'installer et construire un
couvent, et après avoir défriché et assainie les terres
humides. les moines édifient une église dédié à Saint Amand,
un évêque de Nantes. Un premier chateau est construit au
XIème siècle et est la demeure de Guillaume de
Saint-Amand, qui appartient à la puissante famille de Charenton.
La cite reçoit une charte de franchise que lui accode Ebbes
VI de Charenton. La franchise établit la libre circulation
des bourgeois de la ville. Ils sont dispensés des péages
sur l'étendue de la seigneurie : « Monseigneur Ebbes de
Charenton a fondé la ville libre de Saint-Amand ; quiconque
voudra venir s'y établir avec son argent, y vienne librement,
et s'en retourne quand bon lui semblera ».
Pris et détruit
au début de la guerre de Cent Ans, Montrond est reconstruit
plus solide et plus puissant. Les travaux sont terminés
lorsque les Anglais viennent piller et brûler Orval. Chassé
de leur village, les habitants d'Orval viennent s'installér
et créer la ville neuve de Saint Amand, qui prendra le nom
de Saint-Amand-sous-Montrond.
Vierzon
Ancienne station préhistorique à
Bellon (quartier situé au Sud du Cher), avec atelier de
taille du silex, Vierzon est probablement une des vingt
villes détruites par Vercingétorix lors du siège d'Avaricum
par César. Après la conquête, elle est un oppidum gallo-romain,
point de défense à l'entrée ouest du Berry, établi sur une
butte située cette fois sur l'autre rive du Cher et exposé
au midi, surveillant le confluent de l'Yèvre et du Cher
et protégé par la forêt et la Sologne au nord.
Un château
y est bâti à l'époque mérovingienne. Selon la tradition
berrichonne, en 926 une abbaye y est bâtie par les moines
bénédictins, sur le lieu de l'actuel Hôtel-de-Ville. Ces
moines venaient de l'abbaye de Dèvres (ou Deuvre), à Saint-Georges-sur-la-Prée,
saccagée par les Vikings en 903. Ils transfèrent dans l'église
de l'abbaye de Vierzon les reliques de sainte Perpétue,
auparavant gardées à Dèvres. Ces reliques sont, à nouveau,
transférées dans l'église Notre-Dame de Vierzon en 1807,
où elles sont toujours conservées.
Au Xème
siècle, les Vikings s'y fortifient sur une motte féodale.
Ils deviennent seigneurs de Vierzon et la ville se développe
à l'intérieur de remparts, à l'ouest du château.
En 1196,
les troupes de Richard Cœur de Lion s'emparent de Vierzon
et la pille. En aout 1356, lors de la Chevauchée du Prince
noir, la ville est prise par les troupes du captal de Buch,
Jean de Grailly qui est incendiée ainsi que le château et
l'abbaye.
En 1370 Du Guesclin en chasse les Anglais et
redonne Vierzon à la couronne de France. La ville devient
alors un des centres de ravitaillement des armées de Jeanne
d'Arc.
Vierzon subit les guerres de religion, mais reste
catholique. En 1632 Vierzon est extrêmement affligée de
la peste. Les habitants ont recours à sainte Perpétue, leur
singulière protectrice, et portent sa châsse en une procession
générale, avec vœu que si Dieu les délivrait de ce fléau,
ils feraient enchâsser le chef de la sainte dans un reliquaire
d'argent. La peste cessa immédiatement. Perpétue est la
sainte patronne de Vierzon.
La Révolution de 1789 n'apporte
pas de grandes secousses. La paroisse est découpée en deux
communes : Vierzon-Ville et Vierzon-Villages, à la demande
des habitants ruraux de la paroisse. En 1887, la rive Sud
du Cher de la commune de Vierzon-Villages fait scission
sous le nom de Vierzon-Bourgneuf.
Enfin, en 1908, c'est
la partie Est de Vierzon-Villages qui prend son indépendance
sous le nom de Vierzon-Forges. En 1937, les quatre communes
sont réunies en une seule : Vierzon.
Vierzon paye largement
son tribut aux guerres modernes. En 1870-1871, l'avant-garde
des uhlans traverse la ville mais se replie rapidement.