La Champagne
Le Bassin d'Arcachon - Vincent de Roses
Le soleil se couchait. Les arbres
faisaient de grandes ombres. Les sillons, déjà retracés
ça et là, avaient une couleur blonde. Une brume bleue montait
du fond des ravins. La campagne était déserte. A deux lieux
de Châlons, sur la route de Sainte-Menehould, dans un endroit
où il n'y a que des plaines, des chaumes à perte de vue
et les arbres poudreux de la route, un chose magnifique
vous apparaît tout à coup. C'est l'abbaye de Notre Dame
de l'Epine. C'est une surprise étrange de voir s'épanouir
superbement dans ces champs, qui nourrissent à peine quelques
coquelicots, cette splendide fleur de l'architecture gothique.
Avant d'arriver au gros bourg de Clermont, on parcourt une
admirable vallée où se rencontre les frontières de la Marne
et de la Meuse. La descente dans cette vallée est magique.
La route plonge entre deux collines, et l'on ne voit d'abord
au-dessous de soi qu'un gouffre de feuillages. Puis le chemin
tourne, et toute la vallée apparaît. Un vaste cirque de
collines, au beau milieu un beau village presque italien,
tant les toits sont plats, à droite et à gauche plusieurs
villages sur des croupes boisées, des clochers dans la brume
qui révèlent d'autres hameaux cachés dans les plis de la
vallée comme une robe de velours vert, d'immense prairies
où paissent de grands troupeaux de bœufs.
Victor
Hugo
Extrait d'une lettre écrite en 1838