La Loire
Le Château de Chenonceau - Vincent de Roses
La loire est une des beautés de la
France ; mais tous ceux qui vont la visiter ne la comprennent
pas.
Quelle pente elle a suivie pour descendre à la
mer. Aucun autre fleuve ne touche aussi longtemps la terre
que nous avons gardée difficilement, contre tant d’envieux.
Quand elle a fait sa courbe, et qu’elle prend, à Orléans,
sa route océanique, on commence à la célébrer dans les livres.
Elle coule entre des coteaux modérés, parmi des prés qui
deviendront des plaines un peu plus loin. Elle roule des
feuilles de chênes, de peupliers, de ces saules argentés
que les gens de la rive appelle luisette ; personne n’a
fait le compte de ses iles, elle reflète des vignobles inclinés
vers elle, raisins blancs, raisins rouges, qui mijotent
sur l’espalier crayeux, et toujours des petites maisons
blanches, à toit d’ardoise, qui ont leur cave à flan de
coteau ; elle est déjà salée, et soumise au régime des marées,
qu’elle porte et fait mouvoir l’images des pampres, car
la vigne l’accompagne jusqu’aux falaises de la côte de Nantes,
où mûrit le Gros Plan au goût de poivre. Tout cet agrément
de la Loire, et cette verdure des bords trompent les voyageurs
qui ne sont pas dans son intimité ; Il disent, des deux
provinces traversé par le fleuve, Touraine et Anjou : «
c’est le jardin de la France ». Ils n’ont pas tort entièrement
quand ils font cette louange. Les fleurs poussent bien,
même dans les terres pauvres des deux provinces : nulle
part, les pêches, les poires, les brugnons, les groseilles,
les fraises, les fruits tendres, en un mot, n’ont un parfum
plus égal, mieux répandu jusqu’au fond de la pulpe…